mercredi 22 avril 2015

Le temps des fleurs

En 1950, on s'achetait des frites, des hot-dogs et des boissons gazeuses. Puis on n'avait pas besoin de se chercher une poubelle. On balançait tous les emballages au gré de notre route. Rues, trottoirs et autres lieux publics étaient jonchés de détritus, signe manifeste d'une économie qui roulait à toutes vapeurs. 

L'été, les gens pouvaient se baigner dans des eaux polluées par de bienveillantes industries qui permettaient aux gens de s'acheter toutes sortes de cochonneries qu'ils pouvaient ensuite balancer dans la rivière ou le fleuve pour aller rejoindre le flot de sécrétions du capitalisme sans âme.

Le monde riait, il riait tellement que ce ne pouvait être que le bon vieux temps. Le monde riait de blagues qu'on ne comprend plus de nos jours, parce que nous sommes devenus trop propres, incapables de saisir la bonhomie d'un "ouin, ouin, tiguidi-ha-ha ha-rique-ah-potinque-aweille-catin-pis-passe-dans-l'coin-sping-spong-oups-wiii!". Maintenant, on veut du contenu, des mots, des discours... Les gens riaient d'une onomatopée du temps où ils cessaient d'aller à l'école à douze ans pour aller travailler dans les shops. Ils étaient simples et faciles à manipuler. Ils laissaient les gouvernements gouverner et les travailleurs travailler. Le travail, la famille et la patrie étaient bien servis. Aweille Mathilda dans 'a boête à bois... 

Comme il y avait peu de règlements, dans le bon vieux temps, il y avait des casse-croûtes à tous les coins de rue dans les quartiers ouvriers. Des casse-croûtes qui prenaient en feu de temps à autres pour faire disparaître trois ou quatre pâtés de maison, ce qui redonnait de l'ouvrage au pauvre monde.

Les politiciens étaient bien sûr tout aussi corrompus, voire moins que ceux d'aujourd'hui. Le clergé bénissait les déchets et chérissait la pourriture au pouvoir.

On fumait partout, dans les restaurants, dans les autobus, dans les hôpitaux.

On conduisait son véhicule avec une petite bière frette entre les jambes, sans attacher sa ceinture de sécurité.

Quand un syndicaliste montait le ton, on le foutait en prison.

Quand un intellectuel écrivait un livre, on l'obligeait à prendre le chemin de l'exil.

Quand une femme voulait l'égalité avec les hommes, on la traitait de petit gars manqué ou bien de gouine communiste.

Si elle voulait divorcer, son mari pouvait lui foutre une taloche.

On sortait sa ceinture ou bien son bâton de baseball pour éduquer les enfants.

C'était vraiment le bon vieux temps.

L'essence coûtait trois fois rien,

On s'achetait des gros chars et on roulait sur des routes bien asphaltées en jetant de la marde par la fenêtre tout le long du chemin qu'on empruntait.

J'en passe et j'en oublie.

Je ne suis pas né en 1950, voyez-vous,

Je suis né en 1968, l'année où plein de gens un peu partout dans le monde en ont plein le pompon de ce modèle de gouvernance conservatrice et rétrograde.

Je suis né avec le progrès, la propreté et la promesse de l'éducation gratuite pour tous, du primaire à l'université.

Je suis né au temps des fleurs.




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