Il est tout naturel de péter les plombs en ville. C'est une conséquence naturelle de cette vie artificielle dans laquelle l'humain se sent lui aussi comme un singe en cage. L'homme comme le singe sont conçus pour la liberté. À moins que l'homme ne soit l'ultime mammifère qui puisse supporter, comme le rat, toutes les conditions. Remarquez qu'on n'a pas à chercher de midi à quatorze heures. Il ne suffit que de trouver un exemple, le premier que nous ayions à portée de main.
Pour cette fois, nous nous servirons de Jimmy Bob Labonté, un gars qui n'a jamais rien vu d'autre que la ville et qui est blême comme une pinte de lait. Son métier? C'est un jobber. Un gars qui fait et ferait n'importe quoi pour remplir son garde-manger, comme à peu près tout le monde. Il survit aux crises économiques et aux périodes de chômage en poussant des barouettes ou bien en pelletant des trous, légal ou bien au noir, comme ça lui adonne.
Jimmy Bob doit bien avoir quarante-neuf ans. Sinon cinquante. Personne ne sait sa date de fête, sinon sa mère qui est d'ailleurs morte et enterrée.
Jimmy Bob ne s'enlève pas vraiment les poils de nez qui dépassent et ses sourcils ont un air plus chaotique que broussailleux, avec de longs poils de quatre pouces qui jaillissent ça et là, comme du chiendent. Il n'est pas marié, a peut-être des enfants et il boit tout l'argent qu'il reçoit avant même que de l'avoir gagné. Il perd ses boulots toujours de la même façon. Un matin Jimmy Bob rentre au travail encore sur les effets de sa cuite de la veille. On le retrouve endormi en quelques lieux insolites, pendant la job, saoul mort. Et on le crisse dehors.
Ce matin-là, justement, Jimmy Bob Labonté s'était fait mettre dehors de sa job parce qu'on l'avait retrouvé tout nu dans les toilettes avec ses shorts sur la tête pour une raison tout à fait mystérieuse. Évidemment, Jimmy Bob était paqueté. Il s'était claqué de la baboche et de la bibine suffisamment pour lui faire perdre la carte. Et pour les shorts sur la tête, pas moyen de savoir pourquoi.
Comme il se retrouva sur le trottoir, une fois de plus, il résolut de dormir un brin sous un sapin, le temps de dessoûler. Puis, au bout de son somme, Jimmy Bob prit le parti de marcher, marcher et marcher encore.
Quelque chose le poussait à marcher.
Donc, il marcha.
Et il marcha encore.
Puis bientôt il n'y eut plus de route..
Ni de voiture.
Ni de maison.
Jimmy Bob s'était rendu pour la première fois de sa vie bien au-delà des limites de son monde connu.
La nuit était claire et sans nuages.
Les étoiles brillaient au firmament, comme jamais Jimmy Bob n'en avait vu briller auparavant.
En ville, il y en avait dix ou trente dans le ciel par beau temps.
Mais ici, aux limites du monde connu, il y en avait des milliards et des milliards.
Jimmy Bob tomba à genoux, au beau milieu de la forêt, éclairé par la Voie Lactée.
-Ouin ben j'commence à avoir mal aux pieds moé-là! qu'il dit en son for intérieur.
Jimmy Bob Labonté retira ses chaussures puis ses chaussettes.
Et il contempla le ciel étoilé en buvant l'eau du ruisseau qui semblait potable et dépourvue de carcasses d'animaux.
La morale de l'histoire? Pourquoi faudrait-il qu'il y en ait une, hein?
C'était la légende bien ordinaire de Jimmy Bob Labonté quelque part dans la Voie Lactée.
Je l'ai suivi jusqu'au bout ton Jimmy Bob ...
RépondreEffacerj'parie qu'il était arrivé à un début.
RépondreEffacerCrocomickey, je ne t'en demandais pas tant... J'espère que l'immoralité de cette histoire n'affectera pas tes rapports sociaux ou bien tes passions astronomiques. :)
RépondreEffacer***
Anne, je dirais que oui. Mais faudrait le demander à Jimmy Bob Labonté qui en est encore à dessoûler quelque part au Nord de La Tuque, dans l'immensité sans nom de nos toujours jeunes forêts boréales.