La beauté est un besoin tout aussi viscéral que le manger et le boire. Évidemment, il n’est pas donné à tout le monde de le comprendre. Ceux qui ont faim et soif finissent généralement par concentrer toutes leurs pensées sur leur estomac. Mais les autres, qui peuvent aussi avoir faim et soif à l’occasion, en viennent tout de même à faire de la beauté un besoin qui touche tout autant aux viscères. « Qui prend aux tripes » comme on dit.
Réjean avait besoin de beauté et le mois de novembre, si triste avec ses arbres dénudés, s’y prêtait tout à fait.
-Ça, j’suis sûr que ça va ramener d’l’espoir dans ‘a maisonnée!
« Ça », c’était une grosse boîte qu’il n’était pas si facile d’embarquer dans la valise du taxi.
-Qu’est-cé « ça »? demanda Francine, la conjointe de Réjean, quand elle le vit sortir du taxi avec sa grosse boîte qu’il peinait à ramener vers le logis.
-Comment ça va mon amour? répondit malicieusement Réjean tout en rentrant la boîte.
-Ça va, ça va… Mais veux-tu bien m’dire qu’est-cé ça c’te grosse boîte-là?
-Ça, bébé, c’est d’la beauté… la magie de Noël!
Et la magie de Noël, c’était une énorme masse de plastique rouge et blanche qu’il suffisait de gonfler pour qu’elle se transforme en superbe décoration de Noël : un bonhomme de neige dans une bulle qui reçoit des morceaux de styromousse en pleine gueule comme s’il neigeait, grâce à un procédé ingénieux qu’il serait fastidieux de vous expliquer ici. Disons seulement qu’on en voit un peu partout de ces grosses boules de Noël et autres bidules gonflables du Temps des Fêtes : Père Noël, Fée des Étoiles, lutins et autres rennes au nez rouge.
-Wow! C’est une grosse boule ça! ajouta Francine quand le bidule fût gonflé et installé sur le perron avant par une belle journée ensoleillée de la mi-novembre.
-Nos voisins vont nous envier! poursuivit Réjean. Regarde comme c’est beau!
En fait, personne ne les envia et presque tout le monde trouva que c’était de mauvais goût. « Ça fait béesse! » prétendirent quelques drôles.
Les jours et les semaines passèrent. Francine et Réjean finirent par se chicaner à propos de la boule géante. Elle avait coûté trop cher pour rien, aux dires de Francine, et tout ce bel argent aurait dû être investi dans la nourriture plutôt que dans la décoration.
-C’est toujours comme ça Réjean! hurla Francine par un jour pluvieux de la mi-décembre. T’achètes toutes sortes de cochonneries pour rien pis après il ne nous reste plus rien à manger! Ça s’mange pas une boule gonflable tabarnak!
-Toé, hurla Réjean, tu penses ben rien qu’à manger! Faut qu’la vie soye belle un peu me semble!
-Tiens! Calice! M’a t’la péter ta bulle! cria de plus belle sa conjointe en plantant une paire de ciseaux dans la toile de plastique, ce qui eut pour effet immédiat de faire fondre le bonhomme de neige artificiel.
-Ah oui? Puisque c’est comme ça, je m’en vais! Je te quitte! cria Réjean, dépité devant tout ça.
Les jours passèrent. Et les camions de déménagement aussi. Tant et si bien que le logement de Francine et Réjean devint complètement vide le 21 décembre, à quelques jours de Noël.
Tout avait été ramassé, sauf la bulle dégonflée, sale et poussiéreuse, qui s’était lamentablement échouée sur le perron parmi d’autres détritus.
La beauté, voyez-vous, est toujours éphémère…
Réjean avait besoin de beauté et le mois de novembre, si triste avec ses arbres dénudés, s’y prêtait tout à fait.
-Ça, j’suis sûr que ça va ramener d’l’espoir dans ‘a maisonnée!
« Ça », c’était une grosse boîte qu’il n’était pas si facile d’embarquer dans la valise du taxi.
-Qu’est-cé « ça »? demanda Francine, la conjointe de Réjean, quand elle le vit sortir du taxi avec sa grosse boîte qu’il peinait à ramener vers le logis.
-Comment ça va mon amour? répondit malicieusement Réjean tout en rentrant la boîte.
-Ça va, ça va… Mais veux-tu bien m’dire qu’est-cé ça c’te grosse boîte-là?
-Ça, bébé, c’est d’la beauté… la magie de Noël!
Et la magie de Noël, c’était une énorme masse de plastique rouge et blanche qu’il suffisait de gonfler pour qu’elle se transforme en superbe décoration de Noël : un bonhomme de neige dans une bulle qui reçoit des morceaux de styromousse en pleine gueule comme s’il neigeait, grâce à un procédé ingénieux qu’il serait fastidieux de vous expliquer ici. Disons seulement qu’on en voit un peu partout de ces grosses boules de Noël et autres bidules gonflables du Temps des Fêtes : Père Noël, Fée des Étoiles, lutins et autres rennes au nez rouge.
-Wow! C’est une grosse boule ça! ajouta Francine quand le bidule fût gonflé et installé sur le perron avant par une belle journée ensoleillée de la mi-novembre.
-Nos voisins vont nous envier! poursuivit Réjean. Regarde comme c’est beau!
En fait, personne ne les envia et presque tout le monde trouva que c’était de mauvais goût. « Ça fait béesse! » prétendirent quelques drôles.
Les jours et les semaines passèrent. Francine et Réjean finirent par se chicaner à propos de la boule géante. Elle avait coûté trop cher pour rien, aux dires de Francine, et tout ce bel argent aurait dû être investi dans la nourriture plutôt que dans la décoration.
-C’est toujours comme ça Réjean! hurla Francine par un jour pluvieux de la mi-décembre. T’achètes toutes sortes de cochonneries pour rien pis après il ne nous reste plus rien à manger! Ça s’mange pas une boule gonflable tabarnak!
-Toé, hurla Réjean, tu penses ben rien qu’à manger! Faut qu’la vie soye belle un peu me semble!
-Tiens! Calice! M’a t’la péter ta bulle! cria de plus belle sa conjointe en plantant une paire de ciseaux dans la toile de plastique, ce qui eut pour effet immédiat de faire fondre le bonhomme de neige artificiel.
-Ah oui? Puisque c’est comme ça, je m’en vais! Je te quitte! cria Réjean, dépité devant tout ça.
Les jours passèrent. Et les camions de déménagement aussi. Tant et si bien que le logement de Francine et Réjean devint complètement vide le 21 décembre, à quelques jours de Noël.
Tout avait été ramassé, sauf la bulle dégonflée, sale et poussiéreuse, qui s’était lamentablement échouée sur le perron parmi d’autres détritus.
La beauté, voyez-vous, est toujours éphémère…
«Autant en profiter quand ça te passe» aurait ajouté ma tendre môman.
RépondreEffacerÇa c'est bien vrai... Et la mère de Napoleone Buanaparte d'ajouter avec son accent corsé: «Pourvou que ça doure!»
RépondreEffacer