Les mots ne sont pas sacrés

Les mots ne sont pas sacrés.

La vie est sacrée. La Terre est sacrée.

Mais les mots?

Pas du tout. C'est par une perversion de l'esprit qu'on leur accorde plus de réalité que la réalité elle-même.

La réalité, c'est que les mots sont insuffisants à la décrire.

La vie se vit.

La Terre se touche.

Mais les mots?

Les mots se lisent, se prononcent, s'écrivent, se chantent, se murmurent, oui, oui, j'en conviens.

Cependant, les mots ne sont pas sacrés.

Ce ne sont que des mots.

Rien de plus.

Tous ceux qui veulent enfermer la vie dans les commentaires des oeuvres de Charles Maurras ou Alfred Jarry ne font que se fermer eux-mêmes à la vie.

Ils ne vivent plus: ils commentent.

N'importe quel analphabète qui me raconte les histoires cochonnes de son arrière-grand-père me semble plus près de la vie et de la littérature que tous ces petits Lénine qui commentent, à gauche ou à droite, les textes d'Untel ou d'Unplouc.

Qu'est-ce qu'un bon blogue?

Ce serait trop facile que de vous répondre: le mien.

Cela dit, je vais tout de même vous dire ce que j'en pense, même si je suis subjectif.

Un bon blogue, c'est d'abord un blogue qui nous apprend quelque chose.

Un mauvais blogue ne nous apprend rien.

Écrire au je n'est pas un défaut dans la mesure où le je représente tout le genre humain. Le je devient ainsi comme une caméra qui nous permet d'entrer en des coins et raccoins insoupçonnés.
Le je ne se raconte pas: le je nous raconte.

Imaginez une caméra qui se raconterait elle-même: je suis une caméra, j'ai plusieurs boutons, ma vue faiblit... On s'en fout. Ce qu'on veut savoir c'est ce que la caméra peut nous montrer. La caméra en elle-même est sans intérêt.

Beaucoup de blogueurs se racontent sans rien avoir à raconter. Cela devient lassant. On ne sait que trop bien où ils veulent en venir et on se demande pourquoi dépenser tant d'efforts pour se confondre en banalités.

C'est comme si l'on était en train de chier, la porte grand ouverte, à crier: «hey! v'nez voir la grosseur de ma crotte!»

On se passerait de ce genre de commentaires très facilement.

Pourtant, c'est ce que l'on voit le plus sur la blogosphère: «hey! v'nez voir la grosseur de ma crotte!»...

Cela dit, un bon blogue est alimenté régulièrement, au moins tous les jours de la semaine, autrement ce n'est pas un blogue mais un passe-temps irrégulier.

Les bons blogues sont rédigés par des blogueurs qui parlent de tout le monde lorsqu'ils parlent d'eux-mêmes.

Le je est un effet littéraire.

Ce n'est pas le but de la littérature.