Le règne animal ne nous donne pas toutes les réponses. Néanmoins nous pouvons constater que le type nerveux est le propre des proies. Les écureuils sont extrêmement nerveux. Ils regardent de tous côtés et grimpent dans un arbre au moindre signe de confrontation avec une autre espèce. Idem pour les chevreuils, les souris et les oiseaux-mouches.
Par contre, les félins sont calmes. Et ce sont de farouches prédateurs. Ils ne s'en font pas avec la vie parce que la vie leur en donne plus qu'ils n'en ont besoin. Ils prennent même du temps pour s'amuser. Regardez les chats comme ils sont enjoués et calmes, la bouche toujours pleine d'oiseaux ou de souris.
Yolande Bournival était du type souris. Un rien la faisait sursauter. Elle avait peur du matin au soir, et même la nuit. Ce qui fait qu'elle s'était trouvé un matou, Ralph Bukarski, un Mexicain d'origine soviétique dont le grand-père avait été garde du corps de Léon Trotski en 1942, l'année même où il s'était fait enfoncer un piolet dans le front par un agent de Staline.
Bukarski se foutait pas mal de la politique, cela dit. Il était éboueur pour la compagnie Waste Moving. Et comme il travaillait de nuit, Yolande avait encore plus peur la nuit puisque Ralph n'était pas là pour la défendre. Pourtant, on sait tous que la nuit tous les chats sont gris. Et d'autant plus grisés s'ils sortent des bars, à trois heures du matin.
Yolande ne dormait jamais la nuit parce qu'elle avait peur. Elle demeurait juste en face d'un bar renommé pour ses meurtres à la mitrailleuse. Trois en dix ans. Le bar Bar était un bar barbare où les barbares se réunissaient pour se partager entre eux la paie du crime. Et de temps à autres, takatakatak, quelques-uns se faisaient trouer et vider de tout leur sang.
Ce qui fait que Yolande avait toujours un bâton de baseball et un couteau de boucherie sous son lit. S'il advenait qu'un gus vienne pour la voler ou la violer, eh bien elle le réduirait en charpies, même si c'était une petite femme nerveuse, maigre comme une échalote, qui fumait trois paquets par jour pour se calmer un peu et prenait des tas de petites pilules pour l'insomnie qui ne fonctionnaient pas.
Son gros Ralph était loin, la nuit, se promenant d'un bout à l'autre de la ville pour ramasser les ordures. Quand il ne faisait pas face à des tas de rats, Ralph devait combattre les ours noirs au dépotoir. Il fumait comme un crématorium lui aussi. Ralph s'allumait toujours une nouvelle cigarette avec son botche. Il fumait huit paquets par jour. Huit paquets, sérieusement. Il devait lui rester trois semaines à vivre. On se disait ça entre camarades de travail. Mais non. Ralph toffait la run. Il fumait ses huit paquets tout en faisant une job physique comme le Yab.
Une nuit d'Halloween où tout le monde s'était déguisé au bar Bar, Yolande reçut la visite d'un gars déguisé en serpent à sonnettes qui s'introduisit par l'une des fenêtres du sous-sol. Alertée par le bruit, elle surprit le type en train de vomir dans ses toilettes.
Yolande, nerveuse comme une portée de souris, s'empara du bâton de baseball et le frappa plusieurs centaines de fois en criant sur une même note inaudible.
Le sang revola sur tous les murs. Les os du crâne fendirent. Le cerveau se transforma en gibelote. Les yeux quittèrent leurs orbites. Puis la vie s'en alla, dans un dernier rêve éthylique.
Yolande cessa de frapper au bout d'une heure vingt-deux minutes. Elle était transie par l'adrénaline.
-Qu'est-ce que j'ai fait mon Dieu! Qu'est-cé qu'j'ai faitte my God! Ah non! hurla-t-elle faiblement.
Elle sortit son galon d'eau de javel et son nettoyant tout usage préféré. Elle reviendrait laver plus tard les déjections qui maculaient la salle de bain.
Elle fit glisser le cadavre sur un vieux drap puis traîna péniblement le corps jusqu'au sous-sol où elle fit boucherie pour faire disparaître les traces de l'assassinat. Elle se mit une valse de Strauss, Le Danube bleu, pour se calmer un peu tandis qu'elle découpait en tranches le serpent à sonnettes.
-Les réponses aux grandes questions métaphysiques se trouvent toujours au hasard. Que l'on s'agenouille ou bien que l'on se fende le cul en quatre, rien ne viendra si l'on ne laisse pas le hasard entrer dans nos vies.
C'est ce que se disait Yolande en son for intérieur tandis qu'elle affûtait sa hache.
ouéééé ! bien gore, hé ? comme quoi, on ne se méfie jamais assez des mauviettes !!!
RépondreEffacerVotons Al Gore?
RépondreEffacerArk, ça c't'épeurant !
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