mardi 31 mars 2009

Une autre stupéfiante histoire de râteliers


Mademoiselle Malvina Laflamme vivait aux côtés de mademoiselle Dorothée Gingras depuis au moins un an et demi. Toutes deux vieilles filles, oubliées par leur famille et atteintes de sénilité, elles passaient le plus clair de leurs journées à se bercer devant la télévision de la salle de séjour.

Il faut dire qu'elles ne pouvaient pas aller ailleurs. Elles étaient retenues à leur chaise berçante par des contentions, tant physiques que chimiques, compte tenu qu'il n'y avait qu'un préposé par vingt personnes séniles.

Elles n'avaient pas de télé dans leur chambre. Ce qui fait qu'elles n'y allaient que pour dormir, le soir, vers vingt heures. Les préposés chargés de les contentionner au lit pour la nuit devaient les déshabiller, leur nettoyer le bas du corps et leur passer une couche pour la nuit. Les préposés de jour travaillaient en sens inverse: descendre du lit, nettoyer le bas du corps, couche, habillement, chaise berçante.

Un beau matin d'avril, je m'emmène avec ma bonne humeur à l'hôpital où je travaille à titre de préposé aux bénéficiaires. Je dois me charger de nettoyer et sortir de leur lit une vingtaine de patients en moins de deux heures. Ça ne laisse pas le temps de faire des longues jasettes. Le défi c'est de rester humain.

Quoi qu'il en soit, je commence mon petit traintrain et me permets de rire à tout moment pour désalourdir l'ambiance. La journée passe plus vite et le travail t'assomme moins.

Un préposé de nuit s'était déjà occupé d'installer les deux demoiselles dans leur chaise berçante, juste devant Salut bonjour!. Cependant, il a oublié de leur mettre leur dentier. Je m'en vais donc les nettoyer et les ramène, tout frais, pour les leur rentrer dans la bouche.

Mademoiselle Laflamme est toute menue et a une très petite bouche.

Mademoiselle Gingras est une grosse trapue à grande bouche.

Je commence par mademoiselle Gingras. Le dentier rentre d'un coup, sans forcer, et mademoiselle Gingras joue avec, comme d'habitude. Elle le retire de sa bouche puis le rentre plusieurs fois dedans, comme d'habitude.

Je rentre ensuite les râteliers dans la fine bouche de mademoiselle Laflamme. On dirait que quelque chose cloche. Mademoiselle Laflamme n'a jamais eu cet aussi large sourire... On croirait qu'elle a une tranche de pastèque de coincé de travers.

Je regarde mademoiselle Gingras se rouler le râtelier plusieurs fois dans la bouche et je regarde l'énorme sourire de mademoiselle Laflamme puis je fais le lien.

Les préposés qui travaillaient la veille ont malencontreusement invertis les pots à dentier des deux demoiselles. Ils se sont trompés de pot hostifie! Mademoiselle Laflamme porte le sourire de mademoiselle Gingras... Et mademoiselle Gingras se demande pourquoi son dentier a tant rétréci...

J'ai donc enlevé les dentiers de l'une et de l'autre puis je les ai nettoyés, rincés et insérés dans les bouches appropriées.

Mademoiselle Laflamme est redevenue mademoiselle Laflamme.

Et mademoiselle Gingras a tout bonnement lancé son dentier par terre, pour me signifier qu'elle n'en voulait pas.

2 commentaires:

  1. Salut ami et merci du partage. C’est tout à fait par hasard, au gré de mes explorations des blogs, que j’ai atterri ici.

    Bravo pour ton blog aux textes variés et intéressants! (Môa être plutôt philosophique).

    NOTE. Mon blog parle de la connaissance de soi. Si le coeur t'en dit, tu es bienvenu.

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  2. Popeye ! Il aurait dû ramasser les dentiers de la mamoiselle, en aurait grandement besoin!

    Et moi j'ai rien à vendre....

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