jeudi 19 mars 2009

Le trousseau de clés inutiles de m'sieur Vaudrin


M'sieur Vaudrin traînait dans sa poche un trousseau de clés dont pas une seule ne lui servait.

Les clés finissaient toujours par défoncer ses poches parce qu'il devait bien y en avoir une bonne douzaine, toutes accrochées après l'anneau de son trousseau de clés ridicule, Sam's Burger Miami, Florida. Un gros hamburger de plastique avec une boulette qui brille comme le soleil.

M'sieur Vaudrin ça ne lui faisait pas un pli sur la poche que son trousseau provienne de Floride ou du Kamchatka. Il ne savait pas plus où c'était situé, dans un cas comme dans l'autre. Faut dire que m'sieur Vaudrin n'était pas très fûté, et je ne dis pas ça qu'en relation avec ses connaissances géographiques. Non. m'sieur Vaudrin était juste pas vite. Ce qui fait qu'il traînait avec lui un trousseau de clés inutiles, aux couleurs de Sam's Burger Miami, Florida. Et ce trousseau de clés défonçait toutes les poches de ses trois paires de pantalons: un pantalon bleu, un pantalon brun et un pantalon propre qu'il ne mettait jamais, mais qui avait tout de même les poches défoncées.

Ce qui fait que m'sieur Vaudrin passait toutes ses soirées à recoudre ses poches.

Et toutes ses journées à jouer avec son ciboire de trousseau de clés.

Vous vous demandez c'est qui, hein, m'sieur Vaudrin?

C'est le monsieur qui boit son café au terminus. Il est facile à reconnaître. Il est vieux, court sur pattes, ressemble vaguement à monsieur Verdoux interprété par Chaplin, et il fume toujours des puissants barreaux de chaise. Des hosties de cigare longs comme c'est pas possible. Vous ne pouvez pas le manquer, m'sieur Vaudrin, puisque vous savez déjà qu'il passe ses journées à brasser son trousseau de clés qui ne lui servent plus.

M'sieur Vaudrin n'a pas besoin de clés là où il demeure. Il n'a qu'à sonner à la réception et la préposée de garde vient lui ouvrir la porte. Trois repas par jour à heures fixes. Et beaucoup de temps libre pour brasser ses clés, en fumant des cigares longs comme des barreaux de chaise au terminus d'autobus, s'amusant à voir partir et revenir les voyageurs, comme s'il vivait de l'aventure par procuration.

Pour le reste, je sens que j'y mettrais plus de mes petits préjugés que de mes fines observations. Ce qui fait que je vais m'arrêter ici. Après tout, je ne connais pas vraiment m'sieur Vaudrin. Je sais seulement qu'il n'a plus besoin de ses clés, c'est évident.

Et je sais qu'il n'est pas fûté parce qu'il zigzague avec les mots et dit n'importe quoi comme «j'mangera's pas cha' moé du manger d'chat!» Ce qui ne veut pas dire qu'il pas fûté, mais je n'ai pas d'autre exemple.

La clé de l'histoire? Je l'sais-tu moé christ!

2 commentaires:

  1. C'est drôle, ça me fait penser à ma mère... Elle garde presque tout et l'autre jour mon père me montrait en se bidonnant un sac ziploc rempli de clés avec cette inscription dessus:
    «Clés ne servant à ouvrir aucune porte»

    P.S.: J'avoue aussi avoir un petit sac comme ça chez moi mais je n'ai rien inscrit dessus... Je le garde précieusement au cas ou je trouverait une porte sans clé..

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  2. ça me rapelle ce petit cadena dont j'avais perdue la clef. je le laissais dans un boite, ou sur un meuble, à prendre la poussière. on pouvait passer son petit doigt dedans, mais jusqu'au niveau de la première articulation seulement, vu que c'était un cadena d'assez petit format. puis une fois, j'avais commencé à faire une collection d'ongles après avoir eu des engelures qui avaient fait tomber les 2 gros ongles de mes pouces de pieds (on pouvait s'en servir de médiator pour la guitare). j'avais collectionné mes ongles, comme ça, pendant quelques années, et je les entreposais dans un verre de bière "Muutzig" d'une contenance d'un litre. j'y avais aussi entreposé des bouts de verrues que j'avais attrapées après avoir travaillé dans cette usine ou je triais les melons qui passaient devant moi sur un tapis roulant, et ou je soulevais énormément de cageots assez lourds pendant parfois 10 heures d'affilée. un jour, j'avais fini par en avoir marre, et j'avais jeté ma collection d'ongles. j'y avais repensé plus tard, avec quelques regrets. notamment durant les périodes ou je me coupais les ongles dans le lit, ou ailleurs, et ou je me demandais ou les mettre. sinon, depuis l'été dernier, je sais que j'ai une petite boîte en plastique marron traslucide qui avait contenu des gélules de valériane, et dans laquelle j'ai mis quelques insectes morts touts secs, dont un papillon en parfait état de conservation. elle est sur l'étagère là-bas, en haut.
    ça fait partie de ces manies absurdes. il y a des gens qui collectionnent des scalps, ou des trophés de guerre, et d'autres qui font ça avec n'importe quoi. le truc, c'est qu'on a du mal à se débarrasser de choses complètement inutiles, sans aucune valeur, même pas affective. on s'attache. ça fait partie de soi, comme les cheveux. c'est juste le fait de sentir que ça pourrait nous manquer si c'était pas là,sans aucune justification, alors que la plupart du temps, on ne pense même pas à cet objet. c'est du "fétichisme" ? une "manie" ?
    "t'accaparer, seulement, t'accaparer", disait bashung...
    (R.I.P.)

    (j'aime beaucoup s.gordon, tu sais, mais elle m'a dit de ne plus l'emmerder. envoie lui le bonjour de ma part. puis toi aussi, je t'aime bien. tu me fais penser au gros indien de "dead man", le film de jarmusch, juste en plus "moderne", ce qui n'est pas forcément un compliment, mais bon, "god is a concept", hein.)

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