jeudi 27 octobre 2011

Un cadavre sur une civière dans le corridor menant à la morgue de l'hôpital

La mort fait partie d'un hôpital. C'est l'ultime arrêt avant le cimetière. Et elle advient de jour comme de nuit, la Chamarde, la Grande Faucheuse, la Maudite...

Sauf que cette fois-là, ça se passait de nuit, dans cet hôpital.

Il faisait noir, comme de raison, mais pas tant que ça tout compte fait puisque les étages du sous-sol sont toujours bien éclairés à l'hôpital. Surtout l'étage SS2 qui mène à la morgue. C'est plein de fluorescents, comme dans un salon de coiffure.

Il était deux heures du matin. Bertrand alias Ti-Bert lisait L'histoire de la révolution russe de Léon Trotsky lorsque l'infirmier de service, Napoléon, un Haïtien, vint le voir pour lui demander de descendre à la morgue un cadavre déjà monté sur sa civière et recouvert d'un drap.

Ti-Bert s'en alla d'un pas assez énergique vers la chambre 456.

Il s'empara de la civière et conduisit le corps du trépassé à travers les dédales du centre hospitalier. On aurait pu s'y perdre toute une journée. Pourtant Ti-Bert retrouvait facilement son chemin. Chaque porte, chaque tuile et chaque recoin lui étaient familiers.

Ça roule dans les corridors. Puis hop! L'ascenseur. Ti-Bert y pousse la civière puis compose l'étage SS2.

Dans l'ascenseur, tout est un peu lugubre. Ti-Bert médite un tant soit peu sur le sens de la vie. Et il parle au défunt, comme il parle d'ailleurs à ses plantes.

-Pauvre toé! Réal Robichaud... Soixante-dix ans... C'est pas drôle de mourir de même... En tous 'es cas... J'espère que t'es ben où c'que t'es Réal... Cibouère... Turlututu chapeau pointu... T'as connu cette chanson-là de Léo Ferré, Réééééal, hein? Est bonne... Est drôle... Ouep...

Il arrive à l'étage SS2. Il tourne sa civière vers la gauche. Puis... Eh bien il entend comme un souffle...

-Ho.... Ho-o...

Éberlué, Ti-Bert se demande d'abord s'il ne fait pas une hallucination auditive.

Puis ça continue.

-Ho... Ho-o...

Ti-Bert stoppe la civière, s'éponge le front, puis il lève le drap. Ti-Bert est saisi de frayeur.

-Hostie d'niaiseux à Ti-Bert! Ha! Ha! fait le défunt avec une lampe de poche sous le menton et agitant une langue qui tient plus de serpent que de l'appendice buccal. Happy Halloween christ de cave! Oua!

C'était ce satané Mercier, toujours en train de faire des coups pendables. Il avait dû s'arranger avec Napoléon. Il s'était glissé sur la civière et avait pris une lampe de poche avant que de se dissimuler sous le drap.

Si ça se savait, ces hosties-là auraient un grief... Un grief de l'Halloween...

Mais Ti-Bert n'est pas un mouchard.

Ce qui fait qu'on s'amuse bien avec lui. Il est toujours disponible pour une bonne farce. On a beau travaillé à l'hôpital, dans l'antichambre de la mort, qu'on peut se détendre un peu. Les gens trop sérieux ne travaillent pas souvent dans les hôpitaux par ailleurs. On envoie pas toujours les soldats au front comme on veut. On prend ce qui reste, Ti-Bert, Mercier, Napoléon... La crème de la nation pour conduire des cadavres à la morgue de l'hôpital. Oui monsieur. Oui madame.

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