lundi 14 août 2017

Trois orages

De tous les orages qui ont ponctué ma vie, j'en retiens trois.

Allons-y par ordre chronologique.

Je suis jeune. J'ai peut-être dix ans. Moi et mon petit frère accompagnons mon père pour aller cueillir des mûres aux abords de la voie ferrée dans la P'tite Pologne, à Trois-Rivières. Le tonnerre éclate suivi d'une pluie diluvienne. Nous nous réfugions dans un vieux tuyau de béton abandonné. Mon père nous raconte des histoires de gars qui se sont faits électrocutés pour nous faire la leçon. Le ciel est fendu de toutes parts. On dirait que les éclairs tombent à nos pieds. Puis la pluie cesse. Le soleil perce les nuages. Et nous revenons à la maison pour nous gaver de mûres.

L'autre orage qui me scia les jambes est survenu autour de 1995 dans le coin de Brandon au Manitoba. Dans ce coin-là, les plaines sont à perte de vue. Je m'y trouvais au début du mois de septembre. Les moutardiers étaient en fleurs et le blé poussait dru et blond. Je faisais de l'auto-stop et un automobiliste m'avait débarqué en soirée au milieu de nulle part. Je me cherchais une chambre d'hôtel pas cher. Il commençait à pleuvoir. Le ciel était inquiétant, sombre jusqu'au point le plus éloigné de cette prairie sans fin.

Puis ce fut le grand fracas. Les éclairs tombaient dans toutes les directions sur 360 degré. Ça craquait comme mille guerres mondiales. Le ciel était blanc comme la lumière au bout du tunnel. Et moi je marchais dans la rue avec la sensation que j'allais me faire fendre en deux par la foudre... J'ai finalement trouvé une chambre dans un hôtel qui devait s'appeler Windsor. Je me suis peut-être endormi ce soir-là  en écoutant Jim Morrison chanté Riders on the Storm.

Le troisième des orages qui m'a stupéfait s'est produit le soir du 8 mars 2009 à Trois-Rivières. Ce jour-là fut aussi celui de la plus grosse tempête de neige que j'aie vue de ma vie. On nageait dans trois à quatre pieds de neige. Les rues étaient bouchées. Plus rien ne fonctionnait.

On ne peut pas dire que cela soit courant l'hiver, un orage.

Et c'était un orage mémorable. Le vent pénétrait entre les tuiles des toits et faisait souffler une neige épaisse sur la ville électrocutée. Les fenêtres claquaient au vent dans mon appartement. Les rares humains qui s'aventuraient sur les trottoirs priaient le destin d'arriver en vie à la maison.

Et parmi ces rares humains, il y avait mon beau-fils et son meilleur ami, tous les deux partis en espadrilles le matin croyant que l'hiver était fini. Ils étaient revenus le soir avec leur tête nue enfoncée sous leur manteau, marchant stoïquement dans la tempête avant que d'aller s'en prendre à quelques créatures virtuelles évoluant dans leur jeu vidéo préféré, dans lequel apparaissait le personnage de Ron Jeremy, célèbre acteur porno. Ron Jeremy courait sur un campus universitaire, déguisé en ballerine et brandissant un énorme godemiché...  (C'était quoi ce foutu jeu-là???)

Je ne me souviens pas si j'avais fait des carrés de Rice Crispies. J'en faisais à l'époque pour calmer l'insatiable dent sucrée des ados en pleine croissance.

Quoi qu'il en soit, ces trois orages furent suffisamment mémorables pour que je m'en souvienne et que je vous revienne encore à ce sujet comme un vieux radoteur.

Je préférais encore vous agacer l'oeil avec mes orages que de revenir une fois de plus avec des thèmes à connotation sociale qui m'ennuient tout autant qu'ils vous sont insupportables chers amis.

Ne pourrait-on pas vivre simplement, s'aimer, commenter les orages, la pluie ou le beau temps sans devenir de froids anthropophages qui se farcissent de raisons pour nourrir ce climat délétère de guerre civile? 

Cela va tellement de soi, la solidarité, la beauté et l'amour qu'on se demande pourquoi il faille s'expliquer sur ces notions aussi fondamentales. N'importe quel primate devrait pouvoir comprendre ça les deux doigts dans le nez. Ou ailleurs, les doigts, si c'est trop compliqué.

Ce qui m'a d'ailleurs ramené vers les orages pour le présent billet.

La prochaine fois, je devrais vous raconter l'histoire de André «Mognon» Dessaules, un type qui n'est pourtant pas manchot, quoi que laisse entendre son surnom. Mognon a, voyez-vous, un défaut d'élocution marqué. Il est incapable de dire «Voyons donc!» Il dit plutôt «Mognon don'!» D'où son surnom. 

Si j'ai un peu de temps, d'ici la fin de la semaine, je devrais commenter une niaiserie de l'actualité. Il y en a tant que je passerais mon temps à le faire si j'étais vraiment le dernier des cons.