mardi 31 octobre 2017

Je ne suis pas si courageux que ça voyons!

On me dit courageux. Courageux parce que je fais du vélo tôt le matin quand le mercure frôle le point de congélation.

-Il doit faire froid! Brrr... J'en gèle pour toi!

-Il n'y a aucun courage là-dedans... Cela fait partie de mon hygiène de vie et j'en tire un certain plaisir. C'est parfois la plus belle aventure de ma journée. Ce n'est pas un sacrifice. C'est une libération. Donc, aucun courage là-dedans.

On doit me trouver pisse-vinaigre et sans doute le suis-je un peu.

Vous comprendrez que ça me chicote de passer pour un aventurier seulement parce que je fais du vélo ou vais à pied acheter des trucs au dépanneur. Cela me désole pour eux.

Si moi, le gros lard, je peux faire ça, eh bien pourquoi n'en faites vous pas autant, sinon plus que le gros lard? Je n'y comprends rien.

Et tant qu'à n'y rien comprendre, aussi bien pédaler tout autour de la ville en se laissant pratiquement mener tout seul par son vélo. Ne serait-ce que pour démontrer à toute la ville que les gros lards ne sont pas tous empotés et qu'ils ont parfois des mollets gros comme des troncs d'arbre.

***

Il y avait de fortes pluies assaisonnées de forts vents hier. C'est de saison.

Les vents atteignaient autour de 100 km/h.

Heureusement j'eus le vent dans le dos tant le matin que le soir, pour mon retour.

Et même que mon retour a été spectaculaire.

Je n'aurai jamais roulé aussi vite en vélo. J'étais sur ma plus haute vitesse sur mon Peugeot et c'était comme si je pédalais dans le vide. C'était comme si mon dos servait de voile. J'allais tellement vite que j'avais l'impression que mon vélo était sur le point d'éclater.

Je m'arrête à un stop, au centre-ville, au coin des rues St-Georges et Notre-Dame. Je pose le pied à terre et le vent, croyez-le ou non, m'entraîne dix pieds plus loin. Je ne peux même plus stopper pour faire mes arrêts tellement les vents me poussent. Je monte la côte de la rue Notre-Dame comme si je la descendais. J'ai soudain l'impression que le gros lard ne pèse plus que 75 livres tout trempe. Vers l'infini et plus loin encore... Je suis aspiré par un trou noir... L'espace-temps se dilate... Impressions propres aux intellos qui se farcissent trop de science-fiction.

Je ne me souviens pas d'avoir roulé aussi vite sur un vélo.

Je vous avouerai même que c'était un peu sinistre comme balade en vélo. Les branches des arbres craquaient au-dessus de ma tête. Les toitures laissaient s'envoler des bouts de tuiles goudronnées. Je m'attendais au pire. Comme de recevoir une baleine en pleine figure.

***

Ce matin, les vents sont tout aussi violents.

J'ai roulé à la vitesse d'une tortue, à contre-vents. C'était comme si je n'avançais pas.

Je me suis mis à penser à toutes sortes de niaiseries en pédalant comme si je grimpais l'Everest.

-Il devrait y avoir un système de voiles après les vélos... Ou bien une manière de convertir en énergie un vent de face... Ou bien, pourquoi pas, quelque chose comme une invention de Tesla: capter les ondes gravitationnelles de la Terre dans un oscillateur pour en produire une énergie gratuite et perpétuelle...

Vous voyez bien que je suis un christ de fou.

Ou bien que le vélo ça fait réfléchir...

Ça dépend de qui vous êtes.

Mes amis m'acceptent comme je suis.

Les autres n'ont qu'à ne pas me lire.

On ne gagne jamais rien à se faire tarabuster par des gens méchants.

Ce n'est même pas divertissant.

Aussi bien les flusher tout de suite.

Je crois en leur rédemption mais je ne m'en ferai pas l'initiateur.

J'ai d'autres choses à faire, moi.

Comme faire du vélo par exemple.

Du vélo jusqu'à la première neige.

Dès que je risquerai de me casser la gueule, je rangerai mon vélo.

Et vous savez pourquoi?

Parce que je n'ai pas tant de courage que ça.