vendredi 30 mai 2008

LES DÉTENUS ONT AUSSI DES DROITS

Le dernier rapport de la vérificatrice générale du Canada fait état de la détérioration des conditions de détention des prisonniers au cours des deux dernières années. Des situations qui auraient été inacceptables il y a deux ans sont devenues «normales» en 2008. Des détenus sont entassés à trois ou quatre par cellule et se plaignent de manquer de linge de rechange en plus de se voir restreindre l'accès aux douches.

La base de notre justice, c'est Les Misérables de Victor Hugo. C'est bien beau, Les Misérables à l'opéra, au Capitole de Québec, avec la crème de la société qui s'émeut des malheurs de Jean Valjean et de sa petite Cosette. Il faudrait aussi comprendre que Les Misérables est un réquisitoire contre la pauvreté, contre les arrestations arbitraires et les détentions indéfiniment prolongées pour le vol d'un quignon de pain...

Victor Hugo croyait fermement en la rédemption des criminels et c'est sur d'aussi généreuses pensées que le droit a cheminé lentement mais sûrement vers le concept de réhabilitation des criminels, en se fondant sur l'exemple de Jean Valjean, un bagnard devenu un grand homme pour ses pairs et qui se fait tout de même poursuivre par l'inspecteur Javert, ce cancrelat bourré de ressentiment pour qui la loi, même la plus dure, demeure la loi.

On ne voit plus que les récidivistes à la télévision, comme si le taux de réhabilitation n'était pas supérieur au taux de récidive. Beaucoup de prisonniers ne retourneront plus jamais en prison: ils ont eu leur leçon, ont fait leurs gaffes et en ont payé le prix. Ils sont devenus des Jean Valjean seconde manière.

Les prisons surpeuplées nuisent à la réhabilitation des criminels. Elles créent une ambiance de promiscuité propice aux tensions et au désespoir, lesquels nuisent considérablement aux efforts du personnel pour réhabiliter les détenus et les conduire vers une vie meilleure et plus équilibrée à leur sortie de prison.

Bref, on laisse de côté les efforts de réhabilitation, on coupe dans le gras, on réduit les budgets et on bourre les prisons jusqu'à ce qu'elles soient sur le point d'exploser, mettant en péril la sécurité des détenus autant que celle des geôliers.

Les droits de la personne sont applicables partout, même en prison.

C'est une honte que de prôner la dureté envers les prisonniers. Surtout quand l'opéra Les Misérables joue au Capitole de Québec au même moment.

Bourrer les cellules de détenus, ça peut conduire à un meurtre, cela dit, comme celui qui est survenu à la prison de Trois-Rivières récemment.

Le pire, c'est qu'on envoie les toxicomanes se faire traiter juste en face de la prison de Trois-Rivières, dans une filiale de l'église de scientologie, Narconon. Ça ne vous fait pas honte, gens de Trois-Rivières?

Les personnes en «traitement» doivent laver les planchers avec une brosse à dents tout en se faisant sermonner par des intervenants d'occasion, sous-payés, qui gueulent après eux comme des putois selon la méthode éprouvée de Narconon... alias l'église de scientologie. Le centre Emploi-Québec publie des offres d'emploi toutes les semaines pour travailler pour Narconon. Il y a un roulement de personnel du tonnerre à l'église de scientologie. Nos toxicomanes seraient-ils trop coriaces? Ou bien ce système n'a tout simplement pas de calice d'allure?

Ceux qui souhaiteraient des conditions de vie plus dures pour les détenus ou les assistés sociaux sont souvent les mêmes qui souhaitent de ne pas retirer le crucifix à l'Assemblée Nationale.

Ce crucifix n'est pourtant pas qu'un symbole. C'est aussi une promesse d'action, comme l'Évèque de Digne dans Les Misérables qui, au nom de sa Foi, pardonne à Jean Valjean, ne le dénonce pas aux autorités et, surtout, prêche en faveur d'une société libérale, juste et généreuse. La Foi n'est rien sans la Charité, disait St-Paul. Cette maxime est toujours d'actualité parmi les Chrétiens ou les non-Chrétiens.

Soyons charitables, c'est plus important que de croire, voire d'afficher un crucifix ou des amulettes dans un lieu public.

Cessons de parquer les détenus dans des enclos où leur vie est en danger.

Assurons aux détenus un environnement sécuritaire, des cellules individuelles, des installations sanitaires accessibles et sûres, bref des conditions qui correspondent aux traités ratifiés par le Canada en matière de droits humains.

On ne gagne rien à créer de petites écoles du crime surpeuplées où le détenu ne peut assurer sa sécurité personnelle qu'en se rapprochant des professionnels du crime qui sont en mesure de lui offrir la protection nécessaire pour l'aider à «faire son temps» sans se faire poinçonner le ventre par un psychopathe avec lequel on partage une cellule.

Les détenus ont aussi des droits et il faut les respecter.

La société peut créer de la lumière ou de l'obscurité. La noirceur, quand elle est grande, ne sert les intérêts de personne. Une société juste se mesure au sort qu'elle accorde à ses détenus comme à ses pauvres. C'est de même que je voie ça. J'ai sans doute trop lu Victor Hugo. Ou peut-être pas assez. Je vais le relire encore pour me donner de la verve.



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