mardi 28 juillet 2020

À tous ceux qui brandissent des amulettes pour conjurer la COVID-19

La science est probablement la dernière des priorités des Canadiens autant que des Québécois de tous genres. L'économie est au premier rang. Suivi de l'économie. Et encore de l'économie. À force de s'économiser, on a fini par oublier la science.

Qu'est-ce que la science? À quoi bon en parler, puisque personne ne s'y intéresse...

C'est long, complexe et difficile la science. Cela demande des années d'efforts intellectuels. L'homme moyen ne s'y sent pas prêt ni intéressé, pandémie ou pas. Il cherchera, comme les politiciens qu'il mettra au pouvoir, à trouver la solution facile pour exorciser le mal: une amulette, un grigri, une patte de lapin, une idole divine, une vidéo sur YouTube.

Le penseur pansu peut ensuite passer à l'étape de l'élimination des faits en brandissant son amulette. Cela n'éloigne pas vraiment le mal mais cela confère au paresseux intellectuel un sentiment de sécurité qui doit bien produire son lot d'endorphine...

Tout un chacun peut, avec raison, se chercher un moyen de se protéger d'un fléau que même les scientifiques tardent à comprendre dans toute sa complexité. Les plus furieux des imbéciles iront jusqu'à prétendre que ce mal n'existe pas. Que pouvons-nous y faire, sinon ne pas nous coller sur les imbéciles et ne pas nous faire le relais de leurs bêtises d'hommes des tavernes apeurés...

J'évite vraiment de discuter avec les gens qui mettent en doute l'existence de la COVID-19 parce que je n'ai plus vraiment le temps ni l'envie de reprendre cette conversation ad nauseam avec des personnes qui brandissent toutes sortes de grigis au mépris des faits.

On vient parfois me dire que j'étais trop collé sur la COVID-19 pour la comprendre. Ceux qui me disent ça sont évidemment ceux qui ne l'ont pas vu en action et se font un devoir de minimiser la valeur de nos témoignages et de nos expériences de «survivants» de la première vague. Ils n'ont rien vu ni rien vécu mais ils la comprennent mieux que nous... Pour ceux-là, nous sommes comme un caillou dans le soulier de leurs théories complotistes qui ne sont que de vulgaires amulettes de pervers narcissiques dénués d'empathie, de patience et, disons-le tout net, de sens humanitaire.

La science, à mon avis, n'est pas froide, déconnectée, abstraite. Surtout quand nous mourrons d'un virus plus ou moins connu. Elle est au coeur de nos réactions en tant qu'espèce animale. Elle est la base même de notre humanité lorsqu'on souhaite qu'elle avance vers quelque chose.

J'ai le diabète. Je vais voir mon endocrinologue deux fois par année, en moyenne, pour vérifier où j'en suis avec ma maladie. Le traitement qu'elle me propose fonctionne bien. Mieux que je ne fonctionnais avant d'être diagnostiqué et suivi pour améliorer mon état de santé. J'ai lu plein de trucs sur le diabète sur YouTube et même sur des sites faisant appel aux médecines douces dites naturelles. Plus j'ai lu et plus j'ai fini par donner raison à mon endocrinologue.

Je me souviens d'avoir attendu à l'hôpital aux côtés d'un monsieur qui me disait qu'il fallait se foutre du diabète et des docteurs. Il devait avoir 70 ans. On lui avait amputé les orteils. Il crânait dans la salle d'attente en me disant qu'il mangeait autant de galettes à la mélasse qu'il voulait depuis des années et que ce n'est pas une maudite folle avec un sarrau blanc qui pouvait le faire arrêter...

Sans le savoir, ce vieux monsieur sans orteils m'a donné une bonne leçon scientifique ce jour-là.
J'ai su que si je faisais comme lui, à manger du sucre sans contrôle, je finirais par me faire botter les orteils.

Les «anti-masques» me font le même effet. Si je les écoute, je finirai par me faire intuber...

Faites ce que vous voulez, pauvres gens...

Vous mettez nos vies en danger, en pleine pandémie, parce que vous n'écoutez pas les maudits fous en sarrau blanc. Vous êtes prêts à écouter les imbéciles qui portent des habits de camouflage cependant. Comme si les «sections d'assaut» de la Meute ou de quelque organisation débile auraient plus de poids pour nous éloigner de la peste bubonique que les traitements médicaux éprouvés...

J'ai bon espoir que l'on sorte de cette crise.

En attendant, j'adopte plus ou moins l'attitude du médecin humaniste Zénon Ligre dans le magnifique roman L'oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar. Les superstitions et les ambitions politiques sont partout autour de moi. On se croirait en Espagne sous l'Inquisition. Juifs et musulmans doivent cacher leur foi. Il n'y a que la loi de la monarchie catholique. Cette loi qui bientôt finira par piller l'Île de la Tortue, le continent d'en face. L'or avant la science. L'or plutôt que l'oeuvre au noir...

Nous nous sortirons de cette sale époque. Vous allez même m'aider à m'en sortir.

Je sais que je ne suis pas seul. Je sais qu'il y a des personnes qui font preuve d'une humanité et d'une philosophie exemplaires en ce moment. Je ne les trouve pas vraiment sur LCN Nouvelles ces gens-là. Ils et elles mènent simplement leur vie sans faire du tort aux autres. Ils et elles sont toujours disponibles pour réenchanter ce monde.

Plus que jamais, je souscris à la formule de Dostoïevski: la Beauté sauvera le monde.

Cette Beauté-là, je la vis et la ressens intensément dans mon milieu de travail, avec ma conjointe, avec mes collègues, avec les malades. Bien que je sois dans le milieu le plus risqué qui soit pour mourir de la COVID-19 je ne changerais pas de poste pour rien au monde. Surtout pas pour retrouver ce monde sans altruisme, sans douceur, sans tendresse. J'ai la chance de travailler avec des êtres humains exceptionnels. Je suis, au fond, chanceux de vivre ça. Même si cela semble un peu alambiqué comme finale à ce billet qui va, comme d'habitude, d'une digression à l'autre.

Ce soir, je vais porter le masque, la jaquette et la visière, une fois de plus, et par une chaleur à faire fondre son nez. Je crains la deuxième vague d'autant plus que j'ai survécu à la première. Je ne sais pas si mes collègues vont rester ou déserter en masse s'il faut qu'ils vivent une deuxième fois la même tragédie épouvantable qui a fait cinq morts et plusieurs blessés dans mon milieu de travail. Encore aujourd'hui, je me demande si moi et ma conjointe n'avons pas développé des séquelles permanentes de la COVID-19. En attendant, nous sommes au front, moi et mes camarades infectés en avril. Nous nous sentons souvent épuisés. Notre digestion est mauvaise. Et pourtant nous continuons, en portant en nous quelque chose d'inquiétant que l'on tarde encore à comprendre.

Je ne laisserai personne venir mépriser la valeur de nos témoignages et de nos expériences avec la COVID-19. Nous avons vu et touché le feu.

Je fais confiance à la science. C'est une méthode pour collecter des faits et les interpréter. Ce n'est pas une doctrine. Ce n'est pas une opinion. C'est la science.

Vous n'y comprenez rien? Taisez-vous. Écoutez.






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