mercredi 6 décembre 2017

Les portes du pénitencier ou RIP Johnny



Johnny Hallyday est mort. Il était connu, entre autres, pour sa reprise en français de la chanson The House of the Rising Sun qui est devenue, pour lui, Les portes du pénitencier.

Cette chanson provient de nulle-part. Comme La p'tite jument et C'est à boire, à boire, mesdames. On ne sait pas qui en sont les auteurs.

Leadbelly aurait été le premier à l'endisquer. Suivi de plusieurs autres, dont Bob Dylan et le groupe The Animals.

Je vis avec The House of the Rising Sun depuis plusieurs années. C'est une chanson-phare de ma vie. Pour plusieurs raisons. Bonnes ou mauvaises. La meilleure étant que je suis capable de la chanter tout en m'accompagnant à la guitare. Parce qu'elle est relativement simple. Comme la plupart des blues. Amateur de simplicité comme je le suis, je ne pouvais qu'aimer le blues.

Beaucoup d'événements de ma vie sont associés à des chansons. Je ne vous raconterai pas, par décence, les souvenirs qui me rattachent à Hotel California...

Mais je pourrai bien vous raconter ceux qui me lient aux Portes du pénitencier.

Du moins quelques-uns. On n'y passera pas toute la journée.

Je me souviendrai toute ma vie de la fille d'un pauvre monsieur qui passait le plus clair de son temps en prison.

Elle sortait aussi avec un pauvre gars qui était toujours en prison.

Elle fréquentait aussi la prison en tant qu'usagère.

Prison pour des petits riens: bagarre, ivresse, troubles sur la voix publique, vols de bouteilles de shampoings à la pharmacie...

N'empêche que la prison faisait encore plus partie de sa vie que la chanson The House of the Rising Sun ne faisait partie de la mienne.

Donc, le mot prison prenait une toute autre signification dans sa bouche.

Cela s'est passé la première fois que j'ai joué de la guitare électrique devant public. C'était au Pub 127, sur la rue Radisson, à Trois-Rivières.

Ce soir-là me réservait encore plein d'autres surprises.

Après mon set, ce fût au tour d'Alex Poirier de prendre la scène, jouant jusqu'à des demandes spéciales en parfait guitariste maîtrisant son art. La demande spéciale lui vint de cette fille-là.

Elle a pris le micro et a chanté Les portes du pénitencier pendant qu'Alex l'accompagnait à la guitare électrique.

Cette version-là, jamais enregistrée, va me hanter toute ma vie...

Jamais Leadbelly, The Animals ou Johnny ne vont me la faire oublier. C'était comme si la prison avait écrasé cette fille depuis sa naissance. Elle ne chantait pas tout à fait bien et ni tout à fait faux. Mais elle y avait mis tout son coeur et plusieurs se sont mis spontanément à pleurer. Dont moi, le gros con qui ne suis pourtant pas si sensible qu'il n'y semble.

Autre anecdote: j'ai chanté The House of the Rising Sun dans un bar de Whitehorse, au Yukon. Les Yukoners trouvaient que j'avais un drôle d'accent. Jusqu'à ce que je la chante en français. «What the fuck is he singing this big guy?», qu'ils se disaient. Je l'ai chantée jusqu'à la fin dans l'incompréhension générale, sauvant le tout avec un solo d'harmonica de mon cru. L'ami qui était à la batterie était fin saoul et tomba avec tambours mais sans trompettes. Le propriétaire de l'équipement voulait lui arracher la tête. Un peu plus et nous terminions tous en prison, escortés par des agents de la Police Montée Royale du Canada...

Je joue Les portes du pénitencier au moins une fois par jour ces temps-ci, pour aucune raison.

J'aime les accords de cette chanson. Comme si cela me réchauffait avant que d'en explorer de nouveaux.

Johnny est mort au fait.

Et je ne sais pas comment lui rendre hommage.

J'imagine que cela ne doit pas le déranger trop d'où il est en ce moment.