lundi 28 janvier 2013

De Paquet Lefebvre à CCR

Par les longs soirs d'hiver, quand le frimas fait péter les clous au grenier, il est toujours bienvenue de se promener jusqu'au bout du cinquième rang pour y retrouver Ti-Polo Marcouiller dans son nuage de fumée et d'alcool distillé.

-Entrez! Entrez! qu'il crie lorsque l'on arrive à la porte. Dégréez-vous! Enlevez vos bottes, vos capines, vos capots pis vos mitaines! Prenez-vous un verre de cardio... La bouteille est sur la table... Pis à côté d'la bouteille, c'est du fromage de lait cru vieilli cinq ans pis baigné dans du Porto...

Ti-Polo Marcouiller est l'une des rares personnes qui pratique avec autant de zèle les lois de l'hospitalité. De nos jours, il est des endroits où l'on hésite encore à t'offrir un simple verre d'eau. Ce n'est pas la manière qu'a adoptée Ti-Polo.

Ce petit bonhomme de cinq pieds six pouces se démène pour vous offrir toutes sortes de merveilles qui lui tombent sous la main, pour le plaisir de partager le plaisir.

Pour rajouter un peu de crédit à cette particularité, il lui arrive aussi de parler beaucoup.

C'est une source intarissable d'anecdotes, toutes entremêlés et souvent inextricables.

J'en tiens pour témoin sa sempiternelle histoire à propos de son beau-frère, Joseph Lefebvre, affectueusement surnommé Paquet Lefebvre. Pourquoi Paquet?

-Faudrait le d'mander à ma soeur! que nous répond invariablement Ti-Polo.

Évidemment, il en est arrivé une et encore une autre à ce Paquet Lefebvre et ce serait trop long que de tout vous raconter, d'autant plus que Ti-Polo ne prend jamais de notes. Il te sort ça comme des ectoplasmes. Et c'est à l'interlocuteur de faire le tri dans tout ce flot d'aventures plus ou moins augmentées pour soutenir un certain fil narratif.

-Mon beau-frère Paquet Lefebvre c'est un hostie d'malade! Un jour il s'en va aux toilettes dans un resto pis y'a un vieux monsieur qui s'approche de lui pendant qu'i' pisse dans l'urinoir... Comme le chemin est étroit, le vieux dit à Paquet Lefebvre que c'est pas large pour passer pis i' s'installe à côté de Paquet pour pisser. Paquet pense que le vieux a dit que'que chose comme est-ce que tu vends du stock? Ça fait que Paquet lui répond.

-Moé j'vends pas mais mon chum qui m'attend dans l'char en vend...

Arrivé dehors, Paquet se rappelle que le vieux a plutôt dit que c'était pas large pour passer... Charland, le gars qui attendait Paquet dans son char, le voit r'venir tout souriant. I' riait, pis maudit qu'i' riait encore.

-Qu'osse que t'as à rire de même Paquet? lui demande Charland.

-Y'a un vieux qui est venu pisser à côté d'moé pis j'lui ai dit que t'avais du stock à vendre, ha! ha!

Le vieux en question était un agent de la SQ. Sa voiture de patrouille était stationnée devant le resto, à trente pieds du char de Charland.

Charland et Paquet comprirent intuitivement qu'ils étaient dans le pétrin lorsqu'ils virent le vieux sortir du resto pour regagner son auto-patrouille.

Ça fait que Paquet Lefebvre dit à Charland de jeter tout son stock, juste de la feuille en plus, pis i' s'en va voir le vieux monsieur de la SQ qui baisse la vitre de son char.

-Excusez m'sieur! lui dit Paquet. Tantôt, j'ai pas dit que mon chum vendait du stock dans son char, j'ai dit qu'à Woodstock la musique jouait trop fort!

Le vieux monsieur n'a rien dit. Il est parti tout simplement sans se retourner. Il n'avait pas que ça à faire, entendre les conneries d'un niaiseux.

Paquet et Charland ont récupéré leur stock. L'histoire ne dit pas ce qui s'est passé ensuite. Ti-Polo Marcouiller est parti sur une autre envolée lyrique à propos des violons du temps de Stradivarius. Bon, on l'a écouté une autre demie heure comme il faut avant que de poursuivre la visite paroissiale du vendredi soir jusqu'au village où un orchestre allait jouer un hommage au groupe CCR.

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