mercredi 30 janvier 2013

À propos de la lecture, de Victor Hugo et de Victor Lévy Beaulieu

La lecture est un vice qui vous fait passer loin derrière le devoir d'écriture.

J'ai lu bien plus que je ne pèse en termes de livres. Je sais bien que ce n'est pas un exercice comptable, mais bon, je suis probablement un rat de bibliothèque, virtuelle ou pas. J'ai dû lire au moins dix milles livres, sinon plus, dont un hommage à Rose Ouellette dite La Poune et le récit de Ti-Dré Lachance, ramoneur des pauvres.

Je n'ai jamais lu Le Capital de Karl Marx. Ni le Kama Sutra. Dans les deux cas, je me suis contenté de regarder les images. Je ne les ai pas lus parce que ce sont des livres soporifiques.

J'ai lu bien pire. Tout ce qu'il y avait de plus grotesque en littérature. Sade et Lautréamont. Et je m'en suis tiré indemne. C'est à peine si je vous parle de monstruosités de temps à autres.

J'ai été bien plus marqué par les récits à propos de la vie d'untel ou untel, dont Diogène de Sinope, Spartacus et Jésus.

Jack London a été celui qui m'a ouvert au monde des lettres, plus que tout autre, si je fais exception de mon père et de mon frère aîné.

Feu mon père lisait des livres d'histoire. Il écrivait presque sans fautes même s'il avait quitté l'école en huitième année pour s'en aller travailler. Il cherchait la vérité dans le passé pour mieux s'indigner au temps présent.

Mon frère aîné, il est dix ans plus vieux que moi, était et est encore dévoré par la passion de lire et de bien écrire.

Nous vivions à deux pas de l'usine Wabasso, dans un quartier pauvre de Trois-Rivières.

Et nous lisions pour nous sortir de cette absurdité qui s'appelle l'exploitation de l'homme par l'homme.

Jack London venait me chercher parce qu'il avait été pauvre, vagabond, voyou avant que de devenir l'auteur le plus riche du monde après avoir raconté des tas de récits extraordinaires ayant pour trame de fond la ruée vers l'or au Klondike. Quelques années plus tard, quelque part sous les aurores boréales du Yukon, j'allais relire ce sacré Jack London en anglais, au beau milieu d'où ces textes sont nés. Ce fût une expérience de lecture des plus voluptueuses...

De Jack London je suis passé par toutes sortes d'auteurs, dont quelques-uns résonnent encore très fort dans ma tête puisque je reviens souvent vers eux.

Il y a bien sûr le grand Voltaire. Je le lis et relis souvent. Sa plume est incisive et n'a rien perdu de son mordant avec le temps. Il est encore le plus moderne des grands auteurs. Le moins lourd. Le plus léger.

Tout auteur qui ne sait pas bien écrire ou bien traduire est d'avance condamné à mon indifférence. Le français est simple et très beau quand on suit l'ordre logique du discours. Cela ne sert à rien de se casser la tête. Si cela ne vient pas tout seul, ce n'est pas vrai.

Cela explique pourquoi je suis incapable de lire Kant et toute cette flopée de philosophes englués dans la mélasse gréco-latine. Trop de mots pour dire si peu, cela me semble inutile. J'ai trouvé bien plus de philosophie dans une phrase de Lao-Tseu que dans mille pages de Hegel. Et ce n'est pas parce que je suis paresseux. Loin de là. C'est parce que j'ai du goût. Je n'adhère pas à ce qui me fait perdre du temps. Si ce n'est pas léger, ça ne peut pas être vrai.

***

Parlant de mon frère, il m'a donné l'autre jour un livre de Victor-Lévy Beaulieu intitulé Pour saluer Victor Hugo. C'est publié chez Stanké dans la collection 10-15. C'est ce que j'ai lu de meilleur sur Victor Hugo. Cela m'a donné l'envie de lire VLB, ce qui ne m'était encore jamais advenu pour une raison qui m'échappe. Peut-être que je l'avais inconsciemment ravalé à la catégorie télévision et divertissements pour journée très morne.

J'ai redécouvert l'un de nos grands auteurs, que j'avais méconnu sans m'en rendre compte, parce que l'on ne peut pas lire partout. J'étais bien trop occupé avec Boulgakov et Chalamov pour m'inquiéter de VLB.

Et voilà qu'il me révèle son univers dans Pour saluer Victor Hugo.

VLB y parle autant de lui-même que de son mentor littéraire par-delà la mort, nul autre que le grand et immense et abyssal Victor Hugo.

Cette ode à la grandeur passe aussi par le récit d'une enfance pauvre dans Morial-Mort (Montréal-Nord) où la lecture passe pour un plaisir coupable qui va vous rendre fou. Je me sens très près de cet état d'esprit pour avoir vécu dans un quartier où tout s'est transformé en marchés aux puces dans les années '80.

Cela m'a rappelé les meilleurs passages de Pierre Vallières qui, dans Nègres blancs d'Amérique, exposait sa vie d'enfant pauvre dans Cartierville, où il rencontrait parfois un autre de nos grands artistes et humains québécois, le docteur Jacques Ferron, lequel lui permettait d'emporter des livres tirés de sa bibliothèque personnelle.

Franchement, je me dois de saluer l'excellent travail de VLB pour cet essai qui sort de l'ordinaire et de la routine.

On y trouve de tout. Comme chez Victor Hugo. On part d'un état d'âme à un récit d'enfance pour finalement aboutir à une étude sur la littérature québécoise du XIXe siècle, littérature qui commence vraiment avec Originaux et détraqués de Louis Fréchette, grand admirateur de Victor Hugo et exilé aux États-Unis parce qu'il détestait tout autant les prêtres et les curés.



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