Tout était surréaliste dans ce pays. Les colons faisaient semblant de vivre encore dans les années '50. Ils caressaient encore des symboles monarchiques, des lions, des licornes, des fleurs stylisées ou bien d'autres totems préhistoriques. Ils frémissaient comme des oies à penser que notre monde n'avait pas changé depuis le temps de Papa a raison. Et ils étaient bien seuls, oui bien seuls. C'est l'apathie et l'habitude qui les maintenaient au pouvoir, un ciment fragile qui craquelait autant que les routes de ce drôle de pays.
Pendant ce temps, le pays avait beaucoup changé de sorte qu'il ne restait plus aux colons des Anciens Régimes que deux ou trois gros villages retranchés. On y vivait sur l'illusion que tout cela serait éternel et infrangible. La nation A plus la nation B plus Papa a raison.
Et ça changeait. C'est fou ce que ça changeait. Des villes entières changeaient de rythmes, de rites et de rires. Et pas nécessairement les plus petites.
Le monde était entré dans ce petit monde qui croyait régner pour mille ans alors qu'il tirait vraiment à sa fin.
Une conscience planétaire parcourait le globe. Quelque chose de plus fort que la police. De plus fort que la pensée drabe des fins finauds coloniaux des Anciens Régimes.
Et on allait vivre ça, le voir de notre vivant, l'écroulement de l'Empire, c'est-à-dire la renaissance de ce petit pays surréaliste.
C'était dans l'air. Dans le temps.
Il fallait prévoir l'imprévisible. Et ce n'était pas facile. Non, pas du tout.
Le monde avait changé. Mais pas ce monde-là, enfin pas tout à fait. La politique était en décalage total avec la société civile. C'est ce qui faisait de ce pays-là une caricature de petit pays colonial, en un temps où plus personne n'écoutait Papa a raison. Où tout le monde s'en calissait d'aplomb.
Un jour ou l'autre on allait se rendre compte que tout ce monde-là n'était plus qu'un mythe.
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