lundi 25 janvier 2021

Johnny Boivin dévoile Églantin Délisle-Duthym

Un reportage de votre ami
Johnny Boivin

Tout écrivain qui se respecte doit préserver un fonds d'histoires vécues et à peu près vraisemblables, sans quoi personne ne s'y reconnaîtrait. 

En ces temps de pandémie et de peste brune il était pour le moins difficile de vivre des histoires tout court.

Il devenait donc essentiel de puiser dans le vieux fonds de commerce pour ramener à la surface quelque chose qui vaille la peine d'être lu par ces temps ravagés par tant de haine et tant de préjugés ridicules.

Il voyait la lumière au bout du tunnel, bien entendu, mais bon, il est possible que nous sautions une étape.

Il ne vous a même pas encore été présenté.

Il s'appelle Églantin Délisle-Duthym. Écrivain de son métier. Mais pas nécessairement reconnu par le milieu. Vous devriez voir à quoi ressemble ce milieu pour vous donner le goût de ne jamais en faire partie... Enfin! Églantin comme tant d'autres fait sa petite affaire tout seul dans son coin. Il rédige de jour la correspondance pour une compagnie de ferblanterie. La Ferblanterie Blanchette que ça s'appelle. Il y est écrivain à tout faire. En fait le seul de la boîte qui sache à peu près lire et compter, à son plus grand malheur, lui qui souhaite n'être utile en rien pour mieux se consacrer à ses rêveries littéraires.

Mais parlons-en de ses rêveries! 

Et pourquoi ne pas parler du physique d'Églantin? C'est vrai. Il faut faire ça quand on écrit un truc sur quelque chose. Ne devient pas Églantin Délisle-Duthym qui le veut bien, intensément, à la folie. Ça ne suffit pas.

Églantin a deux mentons, deux oreilles et deux yeux. Ses narines sont plutôt parallèles même quand il respire très fort. Il perd un peu de ses cheveux. Ils sont plutôt propres et jaunement frisés. Églantin ne porte pas de collier cervical. Il est célibataire et hydrosexuel. Etc.

Cela dit, revenons à ses rêveries puisque sa vie n'est pas vraiment digne d'intérêt, tant et si bien que lui-même le proclamerait s'il était moins humble et moins dépourvu de gloriole.

Églantin préfère ne rien dire sur lui-même.

Ce qui lui permet d'écrire ce petit bijou que nous avons trouvé à la Ferblanterie Blanchette, dans la salle des employés où tout le monde respecte bien sûr le port du masque, le lavage des mains et les mesures de distanciation sanitaire. Ça se trouvait dans un petit cahier Canada à lignes quadrillées. On s'est permis, moi et les gars de la shop, de reproduire ici l'un de ses récits. Il s'intitule Les nuages de mon enfance.

***


Les nuages de mon enfance

Églantin Délisle-Duthym

Il y avait beaucoup plus de nuages lorsqu'enfant j'étais.

Lors même que jeunesse je faisais, je contemplais sournoisement les nuages passés sous l'azur bleuté de mon pays ravagé par un sidéral ennui.

Les nuages d'enfance à moi où j'étais étaient des nuages de France ou d'Arizona, du Suroît ou bien de je ne sais quoi. Ils étaient parfois ronds, obliques ou bien octogonaux. Cela dépendait de vent qui ventoit et de bise qui baisoit. Nuages. Ô nuages! Ô oiseaux!

Et années passèrent comme passent les jours, les lois et les oies.

La marmotte sort son museau fureteur et le furet lui dit qu'il y a des limites à ne rien voir.

Nuages passent et gens ne changent pas, jamais, comme toujours et pourquoi pas.

Là y'a Johnny, de la Ferblanterie Blanchette qui essaie de lire par-dessus mon épaule.

Maudit Johnny Boivin l'écornifleux. Il rapporte tout au boss. Chu obligé de continuer à écrire n'importe quoi sans réfléchir parce Johnny est là à me watcher.

Bon. Il est parti.

Les nuages de mon enfance étaient ronds et multiformes. 

On n'en voit plus de pareil de nos jours.

Surtout dans mon bureau de la Ferblanterie Blanchette où moults hivers passé-je.

Bureau sans fenêtres et sans vie où même Johnny pourrait finir par ressembler à un nuage...



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