mardi 26 janvier 2021

Aimons-nous les uns les autres ciboire!


De longues et interminables nuits et journées de travail se sont succédées depuis l'annonce de la pandémie de la COVID-19 l'an dernier. Je suis préposé aux bénéficiaires. J'ai sué sang et eau, avec jamais plus de deux journées de congé, dans un stress constant dont j'ai su jusqu'à maintenant me prémunir en sifflant comme un cheval au bout de tous ses efforts. À la différence que le cheval n'avancerait plus... Il refuserait de continuer. Mais pas l'humain... Même s'il lui en coûte de continuer, même s'il faut courir 100 kilomètres, l'humain ne lâche jamais son but, aussi aléatoire soit-il.

La pandémie se poursuit. Et parallèlement à ce drame se joue toute une multitude d'autres tragédies tant individuelles que collectives, pour ne pas dire planétaires. Il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup de pressentiments pour se convaincre que le monde tel que nous l'avons connu ne reviendra plus jamais. Une page s'est tournée pour le meilleur et pour le pire. Et je ne serai jamais de ceux qui veulent détruire la Beauté pour quelque raison que ce soit.

Je ne saurais dire, en âme et conscience, quelle voie prendra l'humanité. Je me fais vieux moi aussi... J'approche de la moitié de ma cinquantaine. Mes repères culturels commencent à sentir le moisi. Les nouveaux qui les remplacent me sont tout à fait inconnus. J'apprends alors que je ne cherche plus qu'à sauver ma peau et peut-être un peu celle des autres au passage.

Attendre que tout ça passe n'est pas de la résignation mais de la philosophie.

Il faut que je demeure droit et stoïque pendant la tempête, même si mes muscles et mes os sont fatigués, même si les arts et les lettres ne valent plus un air de guitare que je gratte pour m'endormir de tout ça.

Mettre un masque. Porter des gants. Voir des gens pleurer. Et ne pas pleurer. Du moins pas tout de suite devant eux. Être une présence rassurante tout en étant au quatre-vingt-dix-neuvième kilomètre d'un marathon dont la limite est sans cesse repoussée. Fermer sa gueule. Ne rien dire. Étouffer toute cette humanité qui crie et qui souffre en soi-même...

Par-delà la philosophie, si fade quand on y réfléchit bien, il y a toujours ce havre qu'est l'amour, lequel se nourrit mieux dans le culte de la Beauté.

Ma plus grande chance, pour tout dire, ce n'est pas d'avoir Épictète ou bien les mânes de mes chers défunts à mes côtés quand ça va mal. C'est d'avoir de l'amour. Et de le partager intensément tous les jours avec Carole, la femme de ma vie. Puis avec la famille comme avec les amis, mes collègues de travail, etc. Tout est plus facile si mon environnement est constitué de personnes aimantes et aimables qui ont le coeur à la bonne place et n'hésitent pas à se porter au secours d'autrui. Je suis gâté de ce côté-là. Même trop gâté...

Tout le reste n'est que chimères et fariboles tout compte fait.

La pandémie se poursuit. Comme si la guerre se poursuivait.

Nous sommes rationnés de contacts humains, pour la plupart d'entre nous, et j'exerce le métier qui est le plus en contact avec l'humain. Il nous est interdit de nous toucher. J'ai plutôt le devoir de toucher. Le devoir de supporter. Le devoir de remettre sur pieds ceux et celles qui tombent de fatigue, de maladie ou de vieillesse, malgré la tempête.

-Tous et toutes sur le pont! N'ayez pas peur! Ce n'est qu'une petite ondée!

Et la tempête fait rage toujours plus. Il tonne. Il pleut des cordes. On perd des membres de l'équipage aussi bien que des passagers. On ne sait plus qui est au gouvernail. On se rassure les uns et les autres en souhaitant que le navire survive et retrouve un havre de paix au bout de tant d'effrois.

La Beauté sauvera le monde. Je le sais Dostoïevski.

Et elle n'est pas toujours facile à trouver cette Beauté.

Je vous souhaite à tout le moins de l'amour.

Je suis gâté de ce côté-là. Je vous l'ai déjà dit et je me répète.

Je ne vous ferai pas chier plus longtemps avec ça.

Aimons-nous les uns les autres ciboire!




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