vendredi 12 avril 2013

Feu mon père a déchiré sa carte de membre du PQ en 1978

Feu mon père a déchiré sa carte de membre du Parti Québécois (PQ) en 1978. Je vous dirai bien pourquoi si vous voulez bien me permettre une longue parenthèse.

Mon père était d'abord et avant tout fortement contre l'Union Nationale. Il s'était fait courir par la Police Provinciale de Duplessis, à Louiseville, autour de 1958. Il nous racontait leur fuite devant les policiers qui matraquaient les travailleurs en grève qu'il était allé soutenir avec les camarades de son syndicat.

Il détestait Duplessis pour plusieurs raisons, qui m'ont toujours semblé excellentes. Pour mon père, Duplessis était un hostie de crosseur qui pitchait des dix cents aux pauvres dans la cour du Séminaire Saint-Joseph, à Trois-Rivières, lors de ses rassemblements partisans.

Duplessis leur pitchait les dix cents que lui et ses larrons volaient à la province pour jouer à la politique.

-Pendant que les Anglais apprenaient à lire, écrire pis à compter, disait souvent mon père, nous autres les caves on apprenait l'histoire pis le p'tit catéchisme...

En 1960, mon père s'est rallié aux libéraux de Jean Lesage, ces libéraux qui promettaient l'éducation gratuite du primaire jusqu'à l'université, la nationalisation de l'électricité et tout un train de mesures sociales.

-Il faut que ça change! Ça va changer! scandait mon père pour rappeler cette époque.

Il a suivi le libéral René Lévesque quand il a quitté le PLQ pour fonder le Parti Québécois.

Puis il s'est mis à douter.

Le PQ raccolait de plus en plus les électeurs traditionnels de l'Union Nationale.

On s'est même fait à l'idée de confondre le PQ avec les Bleus.

Mon père était un Rouge... D'un rouge un peu naïf, mais d'un rouge plus vif que celui de Jean Lesage et René Lévesque. Il était par ailleurs d'ascendance peau-rouge, sa mère étant une Anishnabée (Algonquine) née sur la réserve d'Akwesasne.

Impossible d'être un Bleu. Nous étions Rouges mur à mur.

En 1978, le PQ fit sortir des oubliettes deux statues en l'honneur de Duplessis, dont l'une fût placée sur la rue Bonaventure, à Trois-Rivières, et l'autre devant l'Assemblée Nationale. C'est ce jour-là que mon père déchira sa carte de membre du PQ.

-Je le savais qu'i' z'étaient des hosties de Bleus! Duplessis tabarnak! Pouah! Jamais!

Mon père est retourné chez les libéraux, à défaut d'autre choix. Il était tout de même un libéral pour le moins original puisqu'il vota Oui au référendum de 1980.

Mon père n'appelait plus René Lévesque que par son surnom pour mieux signifier son mépris.

-Ti-Poil a perdu son référendum pis là i' veut nous mettre à genoux devant les Bleus le tabarnak!

C'était autour de 1984. Le Beau Risque. Ti-Poil appelant à voter conservateur pour défaire Trudeau. Mulroney est élu. Lucien Bouchard entre dans le gouvernement fédéral.

-Lulu! Un autre hostie de Bleu! I' va nous fourrer comme tous 'es autres hosties de Bleus! Encore l'histoire pis le cathéchisme!

Bref, mon père n'aimait pas le PQ et les péquistes parce qu'il les trouvait trop conservateurs.

Comme mon père, je suis pas mal Rouge. Plus libertaire que libéral. Plus socialiste que social-démocrate.

Je ne suis membre d'aucun parti. Je me contente de descendre dans la rue de temps à autres avec une pancarte.

Et je me remémore toujours avec une certaine tendresse tout ce que mon père pouvait déblatérer sur Duplessis, Ti-Poil et Lulu.

Son meilleur, ça restait Michel Chartrand.

Michel Chartrand parce qu'il sacrait. Parce qu'il parlait sa langue, la langue du peuple.

La pensée politique de mon père était sans doute pas mal fuckée.

Je vous avouerai que je n'ai jamais compris toutes ses subtilités.

Peut-être que mon père ne savait pas dire non à ces maudits travailleurs d'élection libéraux qui avaient besoin de la caution morale d'un bon père de famille pauvre pour se donner un air populo.

Ils peuvent bien baiser mon cul maintenant.

Je suis un Rouge comme Géronimo, Crazy Horse, Sitting Bull et Louis Riel l'étaient.

C'est ça qui est ça.

3 commentaires:

  1. "Le ciel BLEU sur nous peut s'effondrer
    Et la terre peut bien s'écrouler
    Peu m'importe si tu m'aimes."
    hé,hé!

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  2. J'sais p'us qu'est-cé faire ma patrie est à terre...

    Pierre Harel
    OFFENBACH

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