Il ne demandait jamais d'aide mais on le voyait aider tout le monde.
C'était un sale orgueilleux, disaient les uns.
Plutôt un bonnasse, disaient les autres.
Mais lui, franchement, il ne se reconnaissait dans ni l'un ni l'autre.
-Je suis trop gêné pour demander de l'aide! répondait-il.
Trop timide? Ou dans la gêne? Sans un rond? On ne demande pas d'aide quand on a rien. Et il n'avait rien pour cette simple et bonne raison qu'il ne demandait rien quand il aidait les autres.
-Je suis fait comme ça. Le cash, ça me répugne. Ça vient tout gâcher! disait-il.
Finalement, ce gars-là, pas de doute que c'était un idiot.
Mais je l'aimais bien. Ne serait-ce parce qu'il me ressemblait un peu.
Il déménageait à pied, en taxi ou en autobus, avec sa grosse poche de hockey élimée.
Il lavait son linge à la buanderie du quartier.
Il lisait des gros livres.
Il n'élevait la voix que pour les injustices commises envers les autres.
Celles qu'on commettait à son égard, il s'en foutait comme de l'an quarante.
-Moé chu comme Djo Meilleur. Si ça fait pas icitte ça f''ra ailleurs! chuintait-il parfois.
Ouais. Il était pas mal comme moi. Mais pas tout à fait.
Moi, contrairement à lui, je suis beau. Et ma blonde est belle. Je lave mon linge à la maison dans mes propres machines. Et je cuisine comme le souhaiterait Brillat-Savarin. Et puis je me tais pour tout le reste. Je suis tout de même pudique.
Pal mal d'injustices de moins à mon compte, contrairement à ce pauvre bougre.
Parce que lui, eh bien lui il est seul comme un rat.
Et il traîne sa poche de hockey d'un bord à l'autre de la ville, avec son linge sale ou ses victuailles, voire ses livres empruntés à la bibliothèque: rien que des noms étrangers bourrés de consonnes et dépourvus de syllabes.
Ça passe le temps, lire des livres. Surtout quand on est seul dans la vie avec sa poche de hockey fourre-tout que l'on trimballe dans tous les coins et recoins de la ville.
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