Tom est parti à l'aube, avant que le vent ne se lève, sur son vieux vélo. Le vent se lève vers neuf heures le matin par temps ordinaire. Et c'était un temps plutôt extraordinaire, beau soleil, pas de nuages et ce qu'il fallait de fraîcheur pour donner du tonus aux muscles.
Tom croise sur son passage un livreur de journal, deux brosseux qui rentrent chez-eux et bien sûr la machine qui brosse les rues.
Roule, roule, roule. Et le voilà qui arrive au Parc National de la Mauricie vers les onze heures.
Arrivé au lac Wapizagonke , Tom loue un canot pour deux jours. Puis il pagaie, portage et se retrouve enfin vers quatre heures de l'après-midi à son spot préféré, la baie des onze îles, au bout du lac Caribou.
Tom trouve là onze îles de sable fin, le soleil, la chaleur et hop la piscine dans une eau que l'on peut boire sans s'empoisonner.
C'est la récompense d'une journée d'efforts intenses.
Tom ramène son canot sur la plage, dresse sa tente, se prépare un repas sur le feu.
Partout le calme.
Pas un bruit. En tout cas, pas ces bruits que l'on entend en ville.
Une vie mystérieuse, tout autour. Et au centre de lui-même, l'état de grâce.
Tom contemple la Voie lactée, qu'il n'avait jamais vue en ville.
Il y a des trillions de fois plus d'étoiles au lac Caribou, près de la baie des Onzes Îles, qu'il n'y en a dans son ghetto, à Trois-Rivières, où jamais les lumières ne s'éteignent. Des trillions de fois.
Il entend huler le hibou.
Il fume le calumet de la paix.
Puis il rentre dans sa tente et dort.
Le lendemain matin, à l'aube, Tom va nager pour se ramener un peu. Puis comme il fait ses premières brassées, lentement, il aperçoit un caribou, à trente pieds devant lui.
Le caribou le regarde d'un air nonchalent tout en continuant sa traversée des eaux. Son panache est flamboyant. C'est un gros mâle adulte. Sûrement pas la risée de ses congénères.
L'eau lui monte jusqu'à l'encolure. Il passe à l'embouchure de la baie, là où les eaux sont peu profondes.
Le caribou s'enfonce dans la forêt. Il fracasse les branches sur son passage.
Tom n'a pas pris de photo.
Il n'en a pas besoin.
Il sait qu'il vient de vivre un moment privilégié avec la nature.
Un moment que très peu de gens auront goûté au bout de leur vie, parce qu'ils sont trop esclaves de la télévision, de l'ordinateur, voire de leurs peurs.
Évidemment, on ne trouve pas l'argent dans les arbres.
Donc, Tom démonte sa tente, la remet dans le fond du canot, pagaie jusqu'au portage qui le ramènera vers le lac Wapizagonke, puis au stand de location des canots, à son vélo et enfin à sa petite ville de merde, à son boulot.
Tom est pompiste dans une station-service. Il déteste les automobiles. Et croit aux vertus du vélo en tant que moyen de locomotion. C'est moins rapide mais plus silencieux. Cela tient en forme et ça permet de franchir d'assez longues distances quand on se met du chamois sous la raie.
Heureux homme.
RépondreEffacerSimplement.
Un jour, je cherchais mes chèvres, barrées dans la cambrousse. J'aperçois du marron devant moi dans la haie ; je me dis, les v'là ! et je suis les bêtes marron, elles dans la haie, moi dans le chemin. Pendant un bon quart d'heure, je les suis, en appelant. Mais devant, ça marche, sans réduire l'allure ni accélérer, et sans que je ne puisse réduire la distance entre nous. Je me dis qu'elles sont chiantes, aujourd'hui, et qu'elles ont du con.
RépondreEffacerC'est à la fin de la haie, quand les bêtes brunes sont sorties à découvert dans l'orge du Gérard, que j'ai pigé que je suivais un groupe de chevreuils depuis un quart d'heure ! sans les avoir plus impressionnés que ça....mes biques, elles, en me retournant je les ai aperçues, de loin. Tout à l'autre bout de mes terres, qui rentraient vers la ferme.
J'avais bonne mine....les chevreuils, sortis de la haie ils me regardaient, prêts à fuir mais pas plus que ça. Alors je n'ai pas bougé, et je les ai regardé aussi. Un sacré moment - ou un moment sacré, comme tu voudras.
Un bout de bonheur, en tout cas.
Rien de mieux que de passer un bon moment sans ses congénères.
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