jeudi 3 juin 2021

Respect et vérité / Minadjidawin tebwewin

 


J'ai participé hier à la grande marche pacifique pour Madame Joyce Echaquan, une mère de famille Atikamekw décédée dans un hôpital de Joliette des suites de mauvais traitements conférés par du personnel soignant bourré de préjugés racistes envers les Autochtones, voire les pauvres. 

La veille, tous les Canadiens ont appris la triste nouvelle des 215 restes humains d'enfants découverts sous le terrain d'un ancien pensionnat autochtone de Kamloops en Colombie-Britannique. Plus de 300 sites d'anciens pensionnats autochtones seront bientôt passés au radar pour découvrir, peut-être, d'autres charniers...  Rien que d'y penser, je hurle!

J'ai peine à contenir autant ma colère que ma raison à découvrir tout ça. Il faut pourtant se rassénérer, réfléchir, agir pour le changement... 

Le rassemblement pour le départ de la marche se tenait au Parc des Pins, à Trois-Rivières. C'est le parc autant que le quartier de mon enfance. Je me sentais d'autant plus ému de voir autant de monde, pour ne pas dire autant d'Atikamekws. Tous ces visages, ces yeux, ces chairs, ces costumes qui me rappellent que nous avons voulu démolir tout ce qu'ils et elles représentent, pour extirper le «sauvage» d'eux-mêmes.

Qui étaient les «sauvages» sinon ces brutes qui ont sorti des enfants d'entre les bras de leur mère pour les battre, les affamer, les violer et parfois même les tuer pour ensuite les jeter dans un trou sans sépulture? Qui sont ces êtres vils et infâmes qui ont pu faire ça? Au nom de qui et de quoi? 

Nous ne savons rien de notre histoire tant que cette histoire-là sera submergée sous la pointe blanche de notre iceberg national. 

Combien étions-nous pour cette marche? Je m'attendais à 200 personnes. Il y en avait certainement 10 à 20 fois plus. La rue Laviolette était remplie d'êtres humains du Parc des Pins au Palais de Justice de Trois-Rivières. C'était flamboyant comme si les Autochtones réoccupaient l'embouchure de la rivière Tapiskwan Sipi et du fleuve Magtogoek après 400 ans d'exclusion brutale. Ils étaient pleinement chez-eux. C'est moi qui étais l'invité...

Nous avons scandé «Justice pour Joyce» sans arrêt, au son des tambours traditionnels, jusqu'au port de Trois-Rivières. Les représentant.e.s de plusieurs communautés autochtones ont tenu des discours tous très marquants. Il est clair que les Autochtones ne veulent plus plier et qu'ils avancent vers la pleine reconnaissance de leurs droits civiques et de leur histoire.

Le racisme systémique est reconnu partout en Amérique du Nord sauf au Québec.

Cela met de la pression sur le gouvernement de la CAQ, un gouvernement nationaliste bouffi d'idéologies vicieuses du XIXe siècle qui conduisent à tant de décisions malheureuses et barbares, dans le plus pur mépris d'une forme non-écrite d'humanisme universel. 

Je suis revenu totalement ému et bouleversé de cette marche.

Les enfants atikamekws que j'ai croisés pourraient enfin vivre dans un monde meilleur que celui que nous avons fait subir aux membres de leur lignée familiale. Un monde moins rude, moins haineux, plus solidaire et surtout plus humain.

À la lumière de ce que j'ai pu vivre hier, je crois que ce monde peut changer. Je crois même qu'il est déjà changé quoi que l'on fasse pour revenir vers l'horreur.

Nos manuels d'histoire sont tous devenus obsolètes hier et méritent une réécriture.

Le respect et la vérité doivent triompher dans les relations que les gouvernements coloniaux entretiennent avec les membres des communautés autochtones des Premières Nations. Les électeurs et les électrices ont le devoir de décoloniser l'administration de leurs affaires.

Minadjidawin: respect.

Tebwewin: vérité...

Justice pour Joyce.



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