lundi 12 novembre 2012

Souvenirs, souvenirs

Je fais souvent appel à ma mémoire comme je me mettrais à bouquiner. Je prends un souvenir, le premier qui vient au passage, et voilà que je pars à la recherche du temps que j'ai perdu. 

Des souvenirs pour le moins étranges sont demeurés dans ma tête. Comme ce souvenir récurrent où je me vois en novembre, à treize ans. Je suis en route vers le travail. Dans le court chemin qui sépare ma maison du dépanneur où je suis commis et livreur, je me vois à un point fixe dans la ruelle située entre les rues Richard et Cloutier, toujours au même endroit, pas loin de l'endroit où a vécu feue ma grand-mère Valéda. Pourquoi cet endroit?

Je sens dans mon souvenir mes mains gercées par le froid. Je me dis que je devrais porter des gants et une tuque alors que je me dis aussi que je dois braver le froid comme un homme préhistorique, la tête et les mains nues. Du coup, je grelotte. 

Pourquoi ce souvenir me revient-il toujours ces temps-ci? Nous sommes en novembre et il fait froid. Je porte des gants et même une tuque pour me rendre au travail à vélo. Je brave encore le froid comme un ours polaire.  J'ai plus de protection qu'auparavant. Je me rappelle ce souvenir de ma folle jeunesse et je grelotte. Et pas moyen de savoir ce que grand-m'man Valéda vient faire là-dedans...

***

J'ai passé près de me noyer sur la rivière Yukon. Je me baignais près de la rive mais j'ai été trop téméraire. J'ai voulu agripper la corde sous un pont de bois à Whiterhorse. Le courant m'a emporté et j'ai comme perdu la carte après que mon corps ait percuté des roches ça et là. J'ai dû avaler huit gallons d'eau. Je sentais que je m'en allais. La fois où j'ai frôlé la mort le plus près, ma mémoire s'est activée pour faire dérouler des éléments de ma vie qui n'avaient aucun lien avec la tragédie à laquelle je faisais face. Je me souviens que je me voyais jouer dehors au hockey. Puis que je mangeais des céréales Capitaine Crounche, à quatre ou cinq ans, sur le bord de la table. 

C'est là que je me suis débattu comme un saumon dans l'eau douce pour m'extirper du courant et rejoindre la rive. J'avais la peau tailladée par les roches mais j'étais vivant. Et puis l'eau de la rivière Whitehorse n'est pas si sale. Je m'en suis tiré à bon compte.

Néanmoins, je me questionne encore sur ce souvenir. Y'a-t-il une régression quand on approche de la mort? Se met-on à vivre tout à l'envers dans l'inconscient, jusqu'à revenir dans l'ovaire et le spermatozoïde et se dissoudre dans l'innommable clarté? 

Tout ce que je sais c'est que je ne sais rien.

Et je ne me prends pas pour Socrate pour autant.

Je ne sais même pas pourquoi je vous parle de ça.

Au fond, ça ne devrait intéresser personne.

Je ne fais qu'apprendre à me connaître moi-même.

Je ne devrais même pas vous en parler.

Il y a tant de choses qui vaillent mieux.





1 commentaire:

  1. Je ne saurais dire pourquoi, mais je n'aime rien tant que ces petites choses qui ne devraient pas m'intéresser...

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