mardi 19 juin 2012

Migwetch Kitché Manitou

Bien que je profite des technologies et du confort relatif de l'homme moderne je me sens profondément Sauvage.

Tout ce que j'ai retenu de la civilisation c'est la guerre civile incessante entre les possédants et les dépossédés. 

J'ai le bonheur d'avoir des racines autochtones qui me délivrent en quelque sorte du poids de tous ces mensonges que nous nous racontons entre civilisés pour nous faire oublier nos handicaps quant à la compréhension de l'univers visible et invisible. Mon âme est sauvage et anishnabée.

Alors que le civilisé parle toujours à n'en plus finir, le Sauvage cherche le silence et la communion avec les arbres, les pierres, les étoiles et même les humains. Sa joie, c'est de marcher pieds nus sur la Terre sacrée. Il n'y a rien de mieux pour lui que de ressentir sur sa peau les caresses du vent et la fraîcheur de la rosée matinale. Le chant des oiseaux est sa prière et elle ne demande aucune explication.

Le civilisé rase des forêts entières pour écrire que c'est beau une forêt...

Le civilisé étouffe dans sa maison carrée qui ne laisse passer ni le vent ni les gens. Il s'enferme à double tour dans sa prison et vit son existence à l'écart d'une communauté qu'il redoute. L'eau qu'il boit est remplie de produits chimiques. L'air qu'il respire est vicié. La vie qu'il mène est artificielle et vide de sens.

Le civilisé prétend tout savoir sans jamais n'avoir rien vu. Sa connaissance est confinée dans des concepts creux et rien ne le fascine autant que l'argent, ce sacro-saint argent qui est toute sa religion, toute sa science, toute sa vie.

Les Autochtones qui vivent encore dans les forêts ont coutume de dire que l'argent ça ne se mange pas. Le Plan Nord représente pour eux le saccage du garde-manger que Kitché Manitou a mis à leur disposition. Ils se perçoivent comme les protecteurs des animaux, des arbres, de l'eau et des pierres de leur territoire.

Au début de la colonie, ils considéraient les Européens comme les plus pauvres et les plus malheureux des hommes. Ils les voyaient travailler jour et nuit pour remplir leurs bateaux de morue et de peaux d'animaux. S'ils sont si riches, se disaient-ils, pourquoi doivent-ils venir ici pour ramener là-bas de la nourriture et des vêtements? Il n'y a plus rien en Europe? Les eaux européennes sont abandonnées par les poissons? Les animaux à fourrures y ont été exterminés? 

Leurs doutes se sont confirmés avec la colonisation du territoire. Les Indiens ont été exterminés. Puis les tourtes, les bisons, etc.

L'Île de la Tortue a bientôt connu le même sort que l'Europe civilisée. 

Les arbres ont été arrachés.

Les marécages ont été asséchés.

Les pierres ont été fracassées.

La Terre a été éventrée et blessée.

L'homme y a cessé de vivre en symbiose avec la nature. Et l'Autochtone s'est retiré dans la forêt, comme un orignal blessé, pour y mourir en paix.

Néanmoins, tout n'est pas terminé.

La philosophie autochtone résonne encore. On entend toujours le rythme cardiaque des tambours et le chant des aborigènes, partout sur l'Île de la Tortue. 

Les écologistes reprennent à leur compte cette sagesse oubliée.

Ils confirment la vieille prophétie des guerriers de l'arc-en-ciel, ces Blancs aux cheveux longs qui parleront aux fleurs et aux abeilles. Ces Blancs qui adopteront la philosophie de l'Homme Rouge pour ne former avec eux qu'un seul peuple, une seule nation.

L'orignal blessé a guéri dans sa forêt. L'Indien a préservé ce qui comptait le plus, sa sagesse, son art de vivre.



3 commentaires:

  1. Excellent, ce texte!
    "Le civilisé rase des forêts entières pour écrire que c'est beau une forêt..." Trop bonne cette citation, je l'ai notée.

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  2. Kwey Misko.

    Si un Omàmiwinini comme toi ferme son blogue, il va bien savoir qu'un autre Omàmiwinini prenne la relève pour répandre une forme de Midewiwin pour tous ces manitoks qui nous entourent...

    Nous vaincrons.

    Makwa

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  3. il va bien savoir... hum... il va bien falloir... Coquille pour Misko.

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