Je me maintiens dans la joie par mille et un artifices dont l'amour, l'amitié, la musique et les arts.
L'homme que je suis devenu souhaiterait avoir une discussion avec le jeune adulte en perte de repères que j'étais.
Je lui dirais qu'il a raison de s'indigner.
Plutôt que de lui faire la morale, je combattrais avec lui l'optimisme tout aussi béat que toxique qui règne dans ce "meilleur des mondes".
Cela dit, je lui conseillerais de protéger son âme et sa conscience avec de grandes doses de joie. Puisque le combat pourrait durer aussi longtemps que j'y suis encore, à cinquante-sept printemps passés, traînant encore ma carcasse dans le monde séculier en m'armant de joie pour triompher un tant soit peu des farces de la Mort.
J'ai choisi de ne pas devenir une brute.
J'avais le physique pour cela. L'esprit ne s'y retrouvait pas.
Il manque aux brutes de larges pans de l'expérience humaine. C'est triste pour eux d'être autant dépossédés.
Pour les plus avisés, il n'y a pas grand' chose à apprendre des brutes.
Surtout chez les primates. Ça soulève beaucoup de poussière pour rien. Ça se tape fort sur le ventre en montrant ses dents. Puis ça se cache dans un arbre au moindre bruissement dans les feuilles.
Bref, la brutalité est au mieux pathétique. Sinon inutile et nuisible. Elle côtoie souvent la lâcheté. J'ai trouvé plus de courage chez les personnes douces et gentilles, tout au long de ma vie, que chez les forts en gueule et autres malabars qui font des pets sauces dans leurs culottes au moindre questionnement philosophique sur la vraie nature des choses.
Oh! J'oubliais d'ajouter qu'aussi menteur que j'aie pu l'être au cours de ma vie, par souci d'ornementer mes récits d'effets spéciaux, je n'ai de profond respect que pour la Vérité avec un grand V. Nah! Vi môssieur! Vi môdame!
Tout un chacun a sa définition de la vérité. Je ne ferai pas appel à Humpty Dumpty, la grosse tête d'oeuf qui se balance du haut de son mur, pour négocier ma définition avec la sienne. Tout n'est relatif que pour les gens qui jonglent avec la vacuité de leur existence. On ne discute pas avec un drain. Ni avec un trou noir. L'annihilation n'est pas une option viable, bien entendu.
La joie m'indique que la vérité réside dans la bonté et la beauté de ce monde pitoyable, sinon servile, tout fait pour nous désespérer et nous méfier des uns des autres.
Je fais le pari de vivre dans la joie, loin des brutes, sans raisonner avec eux, sans me perdre en leur présence, sans prêter écho à leurs hurlements apocalyptiques.
Je fais le pari du tout plutôt que du rien.
Le nihilisme de tous bords et tous côtés n'est qu'un malaise de notre désorganisation sociale.
Des bananes et un toit pour tout le monde et on cessera de se taper sur la gueule.
Un jour, la poussière retombera.
Les primates seront calmes.
Ils pourront s'épouiller dans la joie, sans coup férir.
Ils auront vaincu la brute en eux-mêmes.
Pour le moment, je n'en sifflerai pas moins.
Ma joie, ce défi que je lance au monde du matin au soir.
Une joie qui nomme un chien un chien, un chat un chat et un fasciste un fasciste.
Alléluia.
Ainsi soit-il.
Que j'aie tort ou raison importe peu si ma vie trouve du sens dans la joie.
