Il était pauvre et il rêvait de devenir riche.
Jusque là, c'est une histoire banale.
On l'entend tous les jours celle-là.
Mais rarement aura-t-on entendu cette autre version de l'histoire.
C'est-à-dire la version de Jamil.
Il était pauvre et il voulait devenir riche, bien entendu.
Il avait vécu de petits boulots, était tombé gravement malade, quelque chose comme une dépression, puis il était retourné vaguement aux études et était tombé encore plus bas un peu plus tard.
Tant et si bien que le pauvre Jamil se retrouva sur l'aide sociale.
Cela faisait plus de six mois qu'il recevait un chèque à tous les premiers du mois.
Il voyait bien qu'il lui fallait vivre maigrement.
Et il avait de plus en plus faim, de plus en plus soif.
Il fallait que ça change.
Et le changement arriva sous la forme d'une idée.
Tout n'est qu'apparence se disait Jamil.
Pourquoi n'y avait-il rien pour lui? Parce qu'il avait l'air pauvre.
Il ne lui suffisait que d'avoir l'air riche pour attirer l'argent.
Parce que l'argent attire l'argent.
Ça lui semblait d'une telle logique qu'il s'étonna de n'y avoir jamais pensé auparavant.
Jamil élabora un plan à la suite de cette révélation.
Il allait se déguiser en riche. Faire semblant qu'il est riche. Et tout l'argent du monde allait se mettre à pleuvoir sur lui.
Lorsque vint le premier du mois, Jamil alla se louer un beau costume. Puis il alla flâner dans le lobby d'un grand hôtel où un seul café vous coûtait la peau des fesses. Il eut même l'audace d'y louer une chambre qui lui prit toute sa fortune du jour.
Il passa huit heures dans le lobby de l'hôtel, tentant d'entamer la conversation avec tout un chacun.
-Je fais beaucoup d'argent moi! disait-il. Je suis très, très riche...
Personne ne l'écoutait. Et Jamil demeurait seul sur son fauteuil de cuir, toujours plus près de constater l'ampleur de son échec.
Il n'avait plus un sou en fait.
Même pas de quoi prendre un taxi pour rapporter le costume en location.
Jamil croyait devenir riche en se déguisant en riche.
Et il n'en devint que plus pauvre, avec un loyer qu'il ne pourrait même pas payer.
Saloperie de vie...
La morale de l'histoire? Il n'est pas nécessaire qu'il y en ait une. Ce pauvre homme cherchait à se tirer de la misère comme tout un chacun. Ça ne devrait même pas nous faire rire. C'est triste même si c'est con.