On doit à Peter Seeger quelques airs célèbres, dont If I Had a Hammer, Turn, Turn. Turn et Where Have All the Flowers Gone. On l'a menacé de prison quelques fois pour son engagement social. Bref, c'est tout un bonhomme. Un fouteur de troubles pour ceux qui voudraient que les gens en bas de l'échelle sociale acceptent leur sort sans rechigner. Et il n'est pas nécessaire de rappeler qu'en bas de cette échelle se trouve l'écrasante majorité de la population mondiale.
En l'écoutant chanter des tounes syndicalistes comme Which Side Are You On ou bien Solidarity Forever j'ai fini par me sentir moi-même investi d'une rage propre à ma caste de parias et de laissés-pour-compte.
Cela m'a rappelé que les travailleurs ont non seulement le droit mais aussi le devoir de se regrouper.
On voudrait en haut lieu que les travailleurs ne chialent jamais, qu'ils obéissent servilement, que les retraites soient repoussées à soixante-dix ans, que le salaire minimum soit fixé à cinquante sous de l'heure, que les enfants travaillent dès le berceau... Vous ne me croyez pas? C'est mal connaître la nature inhumaine et immorale du capitalisme. Les droits des travailleurs ont été arraché de force aux capitalistes. Rien n'est venu par bonté de coeur. Il a fallu descendre dans la rue et menacer de tout faire sauter pour que les capitalistes plient. Autrement, les enfants crèveraient encore dans les mines. Et on aurait la semaine de quatre-vingts heures avec seulement le dimanche pour aller à la messe afin d'apprendre à fermer sa gueule.
Les capitalistes, au contraire des travailleurs, ont le droit de se regrouper.
Ils peuvent se fréquenter dans des chambres de commerce, des associations de banquiers, des coalitions d'assistés sociaux corporatifs qui mettent leur argent à l'abri dans des paradis fiscaux.
Évidemment, cette morale de patrons laisse aussi entendre que les syndicats ne devraient pas exister.
Les patrons ne devraient jamais avoir à s'expliquer devant des associations d'esclaves, de prolétaires et de locataires qui, bien sûr, devraient seulement avoir le droit de leur licher le cul.
Notre constitution reconnaît un tant soit peu la liberté d'association. Pourtant, essayez de faire rentrer un syndicat sur un lieu de travail. Vous verrez que cette liberté d'association est très mince et difficile à obtenir.
Ça se passe la plupart du temps dans la clandestinité.
Quelques travailleurs non-syndiqués se réunissent secrètement pour discuter de l'idée de former une association. Ils craignent bien sûr de perdre leur emploi et doivent s'assurer qu'une majorité d'employés signent une carte de membre du syndicat sans rater leur coup.
Généralement, cela se concrétise en une soirée. Une équipe de courageux travailleurs aspirant à la liberté obtiennent la liste de tous les employés avec toutes leurs adresses et se présentent chez chacun d'entre eux pour les inciter à devenir membre du nouveau syndicat. Si tout se passe bien, le lendemain un nouveau syndicat sera formé. Si cela se passe mal, comme ça arrive souvent, les employés qui auront osé défier le patron seront victimes de harcèlement et d'intimidation. On trouvera une raison pour les congédier. On leur fera regretter d'avoir voulu s'associer.
De quelle liberté d'association parle-t-on, dites-moi?
Pourquoi des employés doivent-ils agir clandestinement pour faire rentrer un syndicat sur un lieu de travail?
J'ai mes réponses, évidemment.
C'est en grande partie à cause de l'injustice sociale qui entraîne inévitablement une lutte des classes.
Comme le disait si bien Michel Chartrand, on n'a pas besoin d'avoir lu Karl Marx pour comprendre qu'on se fait fourrer.