La guerre, Otto Dix |
Les députés de Québec Solidaire arborent le coquelicot blanc sur le revers de leur uniforme parlementaire. Le blanc évoquerait aussi les victimes civiles.
On connait la propension des militants solidaires à apprécier le rouge. Je ne savais pas qu'il fallait maintenant lui préférer le blanc qui, techniquement parlant, n'est pas une couleur.
Évidemment, il fallait s'y attendre, des militaires de métier se sont sentis outrés. On peut les comprendre, mais pas trop longtemps s'il-vous-plaît. La guerre est une abomination. Les soldats sont la chair à canon d'intérêts qui n'ont pas toujours à voir avec celui de la soi-disant patrie.
Beaucoup de soldats et beaucoup de civils sont morts pour rien.
On meurt toujours pour rien quand on n'a pas choisi de mourir.
Le sulfureux Louis-Ferdinand Céline l'a expliqué mieux que quiconque dans son roman Voyage au bout de la nuit. J'hésite à vous en citer des extraits. D'abord parce que je suis paresseux. Et ensuite pour vous donner l'envie de le lire. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas eu besoin de lire ce roman pour me convaincre que la guerre était toujours absurde du point de vue de celui qui a un éclat d'obus dans le ventre.
Coluche, un autre clown français, illustrait bien toute l'absurdité de nos guerres modernes par une formule que je reprends ad nauseam. «La Première guerre mondiale a tué un militaire pour dix civils. La Deuxième guerre mondiale, un militaire pour cent civils. Pour la Troisième guerre mondiale, engagez-vous: seuls les militaires survivront!»
On ne doit pas prendre ça au pied de la lettre. mais cette saillie a du vrai.
Je n'oublie certainement pas les soldats morts au front. Parfois pour rien. Pour des raisons qui en cachaient d'autres.
Qui devient soldat? Des pauvres, généralement. L'individu qui n'a pas de travail, pas d'avenir, pas de scolarité. C'est sur lui que compte la Nation pour lui faire faire n'importe quoi, au nom de n'importe qui. Qui meurt au front? Les pauvres, évidemment. Les gosses de riches se cachent dans les états-majors et disent aux pauvres comment mourir.
Aujourd'hui, Jour du Souvenir, je pense à tous ceux et celles qui sont morts pour rien.
À ceux et celles qui me rappellent ce vieux vétéran de la Deuxième guerre mondiale qui ne voulait plus participer au Jour du Souvenir. Il disait que les vrais héros, pour lui, ils étaient enterrés là-bas.
Tous ceux qui portaient des médailles, aujourd'hui, en tremblant sur leurs vieilles pattes, ne les méritaient pas. Et il s'incluait peut-être parmi ce nombre. Engagé volontaire en 1939, parti à la guerre sur un coup de tête parce qu'il voulait quitter le foyer familial et «faire sa vie», ce soldat-là, dis-je, pleurait le Jour du Souvenir. Il pleurait sans avoir à s'expliquer. Il se souvenait qu'il se cachait sous les cadavres de ses amis pour se protéger des balles des soldats Allemands. Il voyait des images de la guerre qu'on vous montre rarement. Des soldats qu'on bourrait de drogues, probablement des amphétamines, pour qu'ils soient des machines à tuer. Des soldats qui avaient peur et chiaient vraiment dans leurs culottes. Des soldats qu'on abattait s'il refusait de débarquer sur la plage pour affronter l'ennemi. Puis des soldats qui, avec les civils, ont parfois fait un peu n'importe quoi, comme dans toutes les guerres, que l'on ne racontera pas ici...
Les civils, quoi qu'il en soit, ont leur place dans le Jour du Souvenir.
Je dirais même que tout le monde à sa place dans un jour dont l'origine rappelle qu'on devait mettre fin à toutes les guerres.
Et puis, chers lecteurs et lectrices, cela me rappelle inévitablement ce grand sage Haudenosaunee. Il s'appelait Deganawidah. On le surnomme aussi le Grand Faiseur de Paix. Je pourrais vous trouver la citation exacte mais je suis trop paresseux. Cherchez par vous-mêmes! Néanmoins, je me souviens qu'il disait qu'il fallait enterrer toutes les haches de guerre dans un trou, planter une graine de chêne par-dessus puis laisser pousser l'Arbre de la Grande Paix.
C'est bien ce que l'on devrait faire. Enterrer nos missiles, nos lance-roquettes et nos couteaux à steak. Puis planter un arbre. Voire tout plein d'arbres partout, partout. Pour avoir la Paix.
Je n'ai rien à reprocher au coquelicot blanc.
La guerre est une abomination.
Le Jour du Souvenir n'a pas à faire abstraction des civils.
D'autant plus que les civils, à l'ère des drones, tombent comme des pommes.
Ça suffit. Give peave a chance!