Grand, plutôt dégingandé et le geste mou, François Boucher aurait pu passer pour un vendeur de couteaux. On avait toujours l'impression qu'il nous vendait sa salade.
Et quelle salade! L'abruti s'était mis en tête qu'il était philosophe.
Il justifiait ce titre par ses études.
C'est vrai qu'il avait obtenu un baccalauréat et même une maîtrise à l'université.
Mais ça en disait plus long sur la médiocrité de l'institution que ça n'en disait sur François Boucher.
Prenons pour exemple cette lettre que nous avons trouvée dans les archives de l'association étudiante de l'époque où il y végétait. C'était une lettre adressée au Premier Ministre Jean Chrétien...
Lorceque jétait présidan en la persone de Luke Carié j'aie eue l'honeure de vous voire monscieux Le PREMIÉ MINISTE. Donc je veut dire oui à lobjective de la philosophie du language analitique dans programme inteliganse artiphisiele entraute. Oui vous dites vous. Les étudiants-E sont traits imprésionés.
Eh bien, croyez-le ou non, au Québec il est possible qu'un tel abruti obtienne un diplôme en philosophie et l'enseigne à de jeunes adultes.
François Boucher, son dada, c'était la philosophie du langage... Pas nécessaire de lui rappeler qu'il faisait une faute aux deux mots en plus d'avoir une syntaxe plus que douteuse. D'abord, il n'y avait personne pour lui rappeler ça. Ensuite, la philosophie sert parfois de dépotoir, un peu comme les arts plastiques. Tous ceux qui sont refusés à l'université se rabattent sur la philosophie, les arts plastiques ou la théologie... Les règles sont plus souples. Les programmes ne sont pas contingentés et peinent à trouver des étudiants pour survivre. On peut donc y être le roi des cons et obtenir un diplôme puis enseigner n'importe quoi ensuite.
François Boucher n'était pas philosophe, voyez-vous.
Il n'écrivait jamais au tableau de crainte qu'on ne détecte sa piètre connaissance du français. Il se contentait d'écrire des chiffres. Comme 1 X 10 exposant 93. Le volume de l'univers selon lui... Ah bon? Vous voyez à quel genre de pauvre type nous avons affaire?
François Boucher était un être ridicule, somme toute, comme ceux que l'on rencontre dans les récits de Gogol ou de Tchekhov. Un être fat et médiocre. Un produit de son époque.