samedi 31 janvier 2009
CARNAVAL! MARDI GRAS! CARNAVAL!
-Carnaval Mardi Gras! Carnaval! À Québec c'est toutte un festival! chante un groupe de trois jeunes saoulons de cinq pieds huit pouces.
-Touuuuuuuu! fait l'un d'entre eux en soufflant dans sa cornette.
C'est le soir de la Parade. Je m'en vais travailler à l'hôpital. Je n'ai pas l'esprit à la fête.
-C'est le carnaval man! Le carnaval! me dit l'un des trois gars de cinq pieds huit pouces. Bon carnaval man!
-Bon carnaval, ouais, que je lui réponds, pour m'en débarrasser.
-Touuuuu! souffle l'autre cave dans sa cornette.
En descendant vers la rue St-Jean, juste en bas de Grande-Allée, je croise l'une des tentes installées spécialement pour ceux qui souffrent d'un «malaise» pendant le carnaval. Par malaise, entendons-nous. Les trois cents civières sous cette tente, avec une petite chaudière pour vomir à côté, ça ne trompe personne.
C'est l'un des dessoûloirs installés par les autorités pour permettre à la populace de passer un beau carnaval. On ramasse des ivrognes à la pelle, le soir de la Parade, le cul effouaré dans les bancs de neige, par moins vingt Celsius, avec l'humidité du fleuve Magtogoek qui te rentre dans le fin fond des os. Et on les débarque là, sous la tente, cuvant leur alcool sur leur civière, avec une petite chaudière à portée de main pour dégobiller. Ça les empêche de mourir d'hypothermie, les sales cons.
Un peu plus loin, sur le boulevard René-Lévesque, je croise un type qui se pisse dessus. Il a beau visé le parapet de béton que le vent lui renvoie sa pisse sur lui. Le mégot au bord des lèvres, l'air ahuri, il chante lui aussi carnaval, carnaval et je poursuis mon chemin. Salut bonhomme.
Finalement, j'arrive sur la rue St-Jean et je me poste à mon arrêt d'autobus. J'attends cinq minutes. Puis je vois le bus qui tangue à gauche et à droite en fonçant vers moi.
Le bus est bondé de fêtards. D'habitude, il est plutôt vide vers onze heures et demie. C'est le soir de la Parade. Le bus dépasse largement la pleine capacité. Et c'est le chaos total dans le bus. Les gens hurlent.
-Carnaval! Mardi Gras! Carnaval!
-Touuuuuu! fait un type de cinq pieds huit pouces avec sa cornette.
Et c'est pas fini. En voilà un qui vomit pour se faire de l'espace... Personne ne veut tremper ses pieds là-dedans, évidemment. Et le gus qui a vomi, vingt ans, casquette de baseball, barbe de trois jours, se met à avoir chaud, bien entendu.
-Hostie j'ai chaud man j'ai chaud!
-Ouvre la fenêtre man!
-A s'rouvre pas la fenêtre man!
-Ben arrache la fenêtre de sécurité man!
Et là ils s'y prennent à vingt pour arracher les fenêtres du bus, en soulevant le levier de sécurité et en gossant avec les fenêtres. Puis ils arrachent aussi celles de l'autre côté. Beaucoup d'air frais rentre dans le bus. De l'air plus froid que frais. Du coup, tout le monde grelotte.
-Saint-Augustin-de-Desmaures! se met à crier l'un des vickings du groupe.
-Saint-Augustin-de-Desmaures tabarnak! que lui répondent les gus qui viennent d'arracher les fenêtres. Probablement des gus de Saint-Augustin-de-Desmaures, en banlieue de Québec. Comme quoi il n'y a pas qu'à la Manicouagan que l'on s'ennuie.
Le chauffeur d'autobus ne fait rien. C'est le Carnaval de Québec. Il en a vu d'autres.
Moi aussi je ne fais rien. Je suis tout vêtu de blanc, comme l'exige mon poste de préposé aux bénéficiaires. Je porte les couleurs de la paix, les couleurs du carnaval... Et puis je ne suis pas saoul.
-Carnaval! Mardi gras! Carnaval!
-Saint-Augustin-de-Desmaures tabarnak!
-À Québec c'est toutte un festival!
vendredi 30 janvier 2009
À LA SOUPE POPULAIRE DU COUVENT DES SOEURS VERTES
Le couvent des Soeurs Vertes est situé dans la Haute-Ville, aux portes du Vieux-Québec. Tous les jours, des tas de pauvres montent les trois cents marches de l'escalier qui relie la Basse-Ville jusqu'à ce couvent pour y bénéficier d'un repas gratuit préparé pour eux. Il y a toujours un plat principal accompagné d'une soupe, d'un pain et d'un dessert. La qualité de la nourriture est passable. Ça manque parfois de sel mais il y en a sur les tables.
Tout le monde joue du coude dans la salle d'attente, entre onze heures et onze heures et demie, au rez-de-chaussée du couvent des Soeurs Verte. L'ambiance est survoltée dans l'attente du repas. Il y en a qui n'ont pas mangé depuis trois jours et ils vous dévoreraient tout cru. Leurs yeux sont injectés de faim.
Il faut avoir fait la file un jour dans une soupe populaire pour goûter toute la laideur de cet acte de contrition nutritionnelle. Ce n'est pas parce que l'on se trouve parmi les pauvres que tout baigne dans la poésie, la générosité et la solidarité.
-Tasse-toé don'! C'est moé qui était là avant toé mon hostie! hurle un vieux freak muni d'une casquette Harley Davidson élimé.
-Tabarnak! T'as menti! lui répond un jeune édenté au regard brouillé.
Et ça se bouscule. Et ça recommence.
-M'as t'arracher 'a tête toé mon hostie!
-Mange d'la marde crisse de cave!
Jusqu'à ce que la soeur entre dans la salle où attendent ces malheureux pour réciter la prière. Elle a les cheveux gris, bien sûr, et des lunettes de type Buddy Holly.
-Mon père... blablabla, et je ne sais plus trop ce qu'elle raconte. Le pain quotidien et le pardon de nos péchés. Amen.
Deux ou trois types rotent. Certains disent amen. La plupart s'en moque. C'est écrit repas gratuit dans leur ventre et ça leur suffit amplement. S'il n'y avait pas de repas gratuit, croyez-moi, ce serait la guerre civile. Ces types-là ont tous l'air d'avoir fait du temps en prison. Hormis les schizophrènes, les paumés, les pauvres ordinaires... Hum.
La prière est à peine terminée que ça remue dans l'enclos. Le cow-boy bedonnant qui tient l'entrée ferme les yeux sur ceux qui poussent les autres pour les devancer dans la file. Le bétail a faim et l'on ne va pas se mettre à contrôler les bêtes de l'autre côté de l'enclos. Il ne s'occupe que d'un seul côté, le cow-boy Bedondaine, et c'est celui qui mène vers la cafétéria. Pas plus que cinq têtes à la fois. Et les cinq têtes doivent rester bien sages, à leur rang. Puisqu'un autre cow-boy les surveille, un peu plus loin. Un colosse avec une large balafre sous l'oeil qui tête un cure-dent. L'air du gars qui va te crucifier dans le mur si tu fais trop ton clown.
Il n'y a que cinquante places à l'intérieur. D'où l'idée d'y aller par groupe de cinq. C'est la manière efficace de procéder.
Une fois tout ce beau monde repus, les Soeurs Vertes, les bénévoles, les condamnés aux travaux compensatoires et les autres employés ramassent et nettoient tout.
Et le pauvre, bien rempli, s'en va au grand air vivre d'autres aventures dans la plus belle des grandes villes d'Amérique du Nord, Québec, oui monsieur, Québec.
jeudi 29 janvier 2009
Que feriez-vous si vous gagniez 32 millions de dollars à la loto?
C’était en 2001. Je marchais sur la rue des Forges, à Trois-Rivières.
Tout à coup, un journaliste fonça sur moi . Il fit valser son micro sous mon nez avec le sans gêne coutumier des professionnels des médias.
-Monsieur, que feriez-vous si vous gagniez 32 millions de dollars à la loto?
Le gros lot de la 6 / 49 était justement de 32 millions. Le journaliste collait on ne peut mieux à l’actualité. Et son collègue caméraman filmait tout ça, bien entendu
-Je donnerais tout mon argent aux pauvres, répliqué-je à brûle-pourpoint.
-Pardon? demanda-t-il, comme s’il ne croyait pas ce qu’il venait d’entendre.
-Aux pauvres. Je donnerais tout mon argent aux pauvres.
Puis j’ai poursuivi mon chemin. J’ai oublié cette histoire et me suis présenté à mon bar préféré du centre-ville pour siroter une bonne bière.
Vers 18h00, ma grosse face est apparue à l’écran de la télé. C’était le bulletin de nouvelles. La serveuse a monté le volume.
-…pauvres. Je donnerais tout mon argent aux pauvres.
Ils avaient passé ma joke!
Du coup, tout le monde s’est mis à rigoler autour de moi.
-Hostie, Bouchard, j’te paye une bière!
-C’est pas de refus!
Tout à coup, un journaliste fonça sur moi . Il fit valser son micro sous mon nez avec le sans gêne coutumier des professionnels des médias.
-Monsieur, que feriez-vous si vous gagniez 32 millions de dollars à la loto?
Le gros lot de la 6 / 49 était justement de 32 millions. Le journaliste collait on ne peut mieux à l’actualité. Et son collègue caméraman filmait tout ça, bien entendu
-Je donnerais tout mon argent aux pauvres, répliqué-je à brûle-pourpoint.
-Pardon? demanda-t-il, comme s’il ne croyait pas ce qu’il venait d’entendre.
-Aux pauvres. Je donnerais tout mon argent aux pauvres.
Puis j’ai poursuivi mon chemin. J’ai oublié cette histoire et me suis présenté à mon bar préféré du centre-ville pour siroter une bonne bière.
Vers 18h00, ma grosse face est apparue à l’écran de la télé. C’était le bulletin de nouvelles. La serveuse a monté le volume.
-…pauvres. Je donnerais tout mon argent aux pauvres.
Ils avaient passé ma joke!
Du coup, tout le monde s’est mis à rigoler autour de moi.
-Hostie, Bouchard, j’te paye une bière!
-C’est pas de refus!
mercredi 28 janvier 2009
Le monde est fucké pas rien qu'à peu près de nos jours, fucké raide
-Le monde est fucké pas rien qu'à peu près de nos jours. Fucké raide.
Jack me disait ça simplement, en mangeant son sandwich au tofu. Ç'avait l'air bon. J'y ai déjà goûté à ces produits-là qui imitent le goût de jambon ou de poulet grillé. Ça s'appelle Les produits Ives. C'est fabriqué à Vancouver. Ça goûte pas l'efface. Même que tu penses que c'est vraiment de la viande. Fucké hein?
Mais c'est pas pour ça que Jack disait que le monde est fucké pas rien qu'à peu près de nos jours. Fucké raide.
-Veux-tu j'te dise pourquoi l'monde est fucké Guétan? M'en va's te l'dire...
Il y avait des miettes de pain dans sa barbe. La glaire pendait au bout de son nez. 37 ans. Vendeur de cellulaires. Gros. Ne s'entraîne jamais. Mange des sandwichs au tofu. Jack, quoi.
-E'l'monde est fucké parce que tout l'monde veut être une star pis personne être une planète, comme chantait La Rochelière, ouais.
-Pas pire c'te toune-là, que je lui ai répondu.
-E'l'monde est fucké parce que tout l'monde veut être le Roi ou la Reine, comme dans une émission de téléréalité, hostie, pis ça fait qu'ils veulent tous mener des vies de jetset avec des moyens de laveur de vaisselle...
Jack croqua dans son sandwich au tofu et rota.
-Barrrp!
-Hostie qu't'es porc Jack, ajouté-je.
-Excuse-moé, d'habitude j'renvouèye!
-Hostie d'cochon.
Jack rota trois ou quatre autres fois son Coke diète puis il reprit.
-Le monde est fucké pas rien qu'à peu près de nos jours. Fucké raide.
Que vouliez-vous que j'ajoute à ça?
mardi 27 janvier 2009
ILS SE SONT AIMÉS EN 1989, AU PRINTEMPS, ET C'ÉTAIT PENDANT LES ÉVÉNEMENTS DE LA PLACE TIEN AN MEN
Ça s'est passé en 1989, il y a vingt ans, pendant les événements de la place Tien An Men, vous savez, le gars qui arrête une colonne de chars d'assaut tout fin seul. Mais si vous l'avez vu. Tout le monde a vu ça. Et ne me dites pas que vous n'avez pas l'Internet... Hého! Il y a un milliard d'internautes sur terre. Vous n'avez plus d'excuse, sinon la pauvreté, tellement crasse que vous ne pouvez même pas avoir accès à un poste gratuit d'internautique à la bibliothèque municipale... Parce que vous ne payez pas vos dettes sur vos livres en retard. Si c'est pas scandaleux...
Eh bien ce gars-là, pour Jérémie, en 1989, eh bien c'était le plus grand homme qu'il n'y ait jamais eu sur terre. Le type est seul, devant une colonne de tanks qui pourraient l'écrabouiller comme une mouche. Mais le monde entier les regarde. Et regarde la réaction du Parti face au monde, représenté par ce type, tout seul, qui tient des sacs d'épicerie dans ses mains. Et les chars d'assaut s'arrêtent... Hostie! Ils s'arrêtent!
C'est cette année-là que Jérémie avait déchiré sa carte de membre du Parti communiste bolchévique marxiste-léniniste révolutionnaire prolétarien (Pcbmlrp) pour s'intéresser un peu plus aux filles. Le printemps de la place Tien An Men s'était déplacé jusque dans son lit. Enfin, il y avait de la beauté sur terre. Et cette beauté, ben, c'était Linda Plamondon, une fille qui se lavait tous les jours et se brossait les dents.
Passion folle pour les deux tourtereaux. Y'a de la musique dans l'air, du raisin et du vin, des petits pâtés savourés entre deux baises, la vie pas compliquée, l'amour et yahou tout est beau.
Le gus qui avait arrêté une colonne de chars d'assaut à Beijing, tout en portant ses sacs d'épicerie, valsant à gauche et à droite avec le métal hurlant, ce gus-là eh bien il avait libéré Jérémie de bien des illusions. D'abord sur la nature du communisme, la dictature de quelques-uns au nom de tous, qui possède des millions de fois moins de force d'âme que celle de ce gars tout seul avec ses hosties de sacs d'épicerie.
Et calice qu'il devait s'en taper du communisme, l'inconnu qui porte ses sacs de riz ou de tofu, qui valse avec les tyrans, qui regarde la mort froidement dans les yeux en lui disant «je m'en fous je suis d'ores et déjà un héros». Ce qu'il était effectivement, un héros, aux yeux de Jérémie. Un gars qui lui avait ouvert les yeux. Et qui l'avait libéré de la politique ce printemps-là pour mieux se concentrer sur l'amour, ce qui n'a crissement pas rapport avec l'histoire d'un gus qui arrête des chars d'assaut chinois, sans échapper le contenu de ses sacs d'épicerie, imperturbable comme un maître des arts martiaux, faisant du karaté spirituel avec le despotisme qui se croit éclairé.
N'empêche que chaque fois que l'on parle avec Jérémie de cette époque, il nous la ramène toujours comme ça, avec le gus qui arrête des chars d'assaut à Pékin, pis la Linda Plamondon qui avait la peau douce comme de la soie, pour employer une expression euphémistique qui laisse de la place à toutes vos observations sur la description d'un premier amour.
Je pourrais peut-être faire un roman d'amour de style Duo avec ça... Mouais.
Et à la fin, le gars avec des sacs d'épicerie soulèverait d'une main un char d'assaut pour le tabarnaquer au bout de ses bras, tant qu'à y être...
Mouais. C't'une idée.
lundi 26 janvier 2009
UNE PRIÈRE POUR YVES LÉVESQUE, MAIRE DE TROIS-RIVIÈRES
Ce soir à 19h00, à l'hôtel de ville de Trois-Rivières, ce sera une autre session de cirque. Yves Lévesque et les Chevaliers teutons se porteront encore à la défense de la prière avant le début des assemblées.
Je me permets de leur faire méditer ces paroles de Jésus sur la prière:
«Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés.»
Évangile selon Mathieu, chapitre 6, versets 5-6
Jésus était donc en faveur de la prière en secret...
Quels mauvais chrétiens ils font au conseil municipal!
Je me permets de leur faire méditer ces paroles de Jésus sur la prière:
«Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés.»
Évangile selon Mathieu, chapitre 6, versets 5-6
Jésus était donc en faveur de la prière en secret...
Quels mauvais chrétiens ils font au conseil municipal!
Esquisses et tableaux récents
Je prépare une exposition de mes oeuvres pour le 375e anniversaire de Twois-Wivièwes. Ce sera ma première exposition. J'ai patiemment produit mes tableaux à l'écart, auprès de ma blonde, loin du monde et de ses lubies. Je vous tiendrai au courant du lieu et de la date
Pour vous tenir en haleine, je me permets de vous livrer trois esquisses et deux petits tableaux que je viens de terminer.
D'abord, à gauche de l'écran, une esquisse de ma blonde naturelle. Elle a des hosties de beaux yeux. Mon art est insuffisant à vous les rendre. Enfin, j'espère qu'elle me pardonnera mon audace.
Ensuite, il y a ces deux tableaux de dimensions équivalentes, soit 9 1/2 X 12 pouces. Le premier s'intitule La moustache frisée du mari d'Armande Lacasse. La photo ne rend pas tout le travail que je fais pour apporter un effet tridimensionnel avec mes textures et mes aplats. Enfin, ça donne une idée. Et ça ne fait qu'accorder plus de valeur à l'original.
L'autre tableau, je l'ai intitulé Danse exotique dans un rêve bizarre. Tout a commencé par des flaques de peinture et ça s'est bâti comme l'on tente de voir quelque chose dans une tache d'encre. Encore une fois, j'ai joué avec les textures et les personnages épousent ces formes brutes. À droite, une colonne de je-ne-sais-pas-du-tout-c'est-quoi. Je l'ai laissée là pour combiner un peu d'abstraction à mes visions cartoonesques.
Enfin, deux autres esquisses. Pensez ce que vous voulez.
dimanche 25 janvier 2009
Croissance personnelle mon oeil!
Dorothée Laflamme était une vieille âme. C'est du moins ce qu'elle disait.
-J'ai été la mère de Sainte-Marie dans une autre vie, le comte de Saint-Germain-des-Prés et Sarah Bernardt.
Tout le monde le croyait. Enfin toute cette poignée de naïfs qui se faisaient vider les poches par la Laflamme, une hostie de crosseuse qui jouait à la sorcière moyennant de généreuses contributions de ses victimes, essentiellement choisies parmi des faibles d'esprit qui préféraient se faire remplir la tête par n'importe quoi plutôt que de combler leur vide intérieur par leurs propres efforts et leurs propres échecs.
D'où l'importance de développer les arts en bas âge pour mieux soutenir la psyché de tout un chacun, l'imaginaire demeurant le meilleur rampart de l'âme contre l'influence néfaste de ces charlatans qui détruisent l'esprit de leurs clients pour mieux se remplir les poches.
-Je parle d'égal à égal avec Bouddha, Apollonios de Tyane et le Prêtre Jean, disait la Laflamme, cette grosse tabarnak de siphonneuse de cash fêlée comme un chaudron de bines trop sèches.
La Laflamme avait l'air de l'une des participantes habituelles du célèbre quizz télévisé The Price is Right, une Floridienne dans la quarantaine aux chairs abondantes, les yeux et la bouche graissés de couleurs vives. D'ailleurs, elle ne s'appelait plus Dorothée Laflamme, mais Chakrala.
Et Chakrala, moyennant une généreuse rétribution, pouvait vous permettre de croître personnellement comme jamais au cours d'une fin de semaine initiatique dans un chalet située en Haute Mauricie, un chalet débordant de capteurs de rêves et autres chandelles. Elle vous faisait redécouvrir votre enfant intérieur, vous auscultait l'aura pour ensuite vous soumettre un plan de guérison comme l'on soumet un plan d'affaires: 200$ la session de méditation poche à regarder un mur comme n'importe quel autre mur qui n'aurait rien coûté ailleurs, 50$ pour un livre rempli de niaiseries ésotériques, 150$ pour un filtrage du corps à l'aide de grains de lin énergisés aux mantras, 1000$ pour sauter au stade intermédiaire en vue de retrouver ses réincarnations passées, 15 000$ pour un voyage astral à Pikokaka, célèbre sanctuaire brésilien de guérison transcendantale. Bref, rien que de l'hostie de marde de crosseuse qui entube des caves qui se cherchent pour rien et qui donneraient leur argent à n'importe qui pourvu qu'ils rêvent un peu, comme si leur switch était à off.
Chakrala ne l'a pas eu facile récemment. C'était la fin de semaine dernière, lors d'une de ses fameuses fins de semaine de retrouvage de l'enfant intérieur. Ils étaient au moins quinze personnes et, parmi le groupe, il y avait Luc Vermette, un gus qui s'était trouvé là par hasard parce que sa femme avait payé pour lui. Il se demandait bien ce qu'il foutait là, selon ce qu'il m'a rapporté, mais y est tout de même allé, pour satisfaire sa blonde probablement.
Laissons-le plutôt nous raconter son expérience...
-Ben... Ça a commencé par les arbres dans la forêt... Il fallait en pointer un du doigt et cet arbre nous représentait. Ça fait qu'la Laflamme demande à quelqu'un d'en pointer un. Le gars pointe un petit arbre rabougri. La Laflamme dit que cet arbre représente son âme petite, timide, aux prises avec un incroyable besoin de cheminer personnellement... Un autre hostie d'truc de crosseuse pour siphonner du cash tabarnak! Là j'me demandais c'que c'est que j'faisais là... Pis là, la Laflamme me demande de pointer un arbre. J'lui pointe le plus bel arbre toé chose, un gros christ de sapin, le plus gros, le plus droit, le plus grand. Tu sais c'qu'elle ma dit la Laflamme, l'hostie d'sorcière? «Cet arbre-là te représente: bien beau à l'extérieur mais intérieurement dévoré par toutes sortes de bébites!» Ah ben là! que j'lui ai dit. J'choisirais n'importe quel arbre qu'tu m'trouverais des bébites! Chakrala a rien répondu. Sinon qu'il fallait se reconnecter à des zones positives, des portes vers l'au-delà. Il y avait de l'énergie négative dans l'air et j'parie que ça v'nait d'moé... Puis on s'en retourne dans le chalet pour retrouver notre enfant intérieur. On se couche tous sur une table l'un après l'autre. Y'en a une qui commence pis qui s'met à brailler toé chose, waaaa! Pis elle pleure. Pis elle crie. Après, un autre se couche sur la table, même affaire, waaaa! il pleure, il crie. Puis vient mon tour... «Luc, tu vas retrouver l'enfant en toi!» que me dit la Laflamme. Pis là elle essaie de m'hypnotiser... Pas moyen. «Force-toi!» qu'elle me dit. «Concentre-toi!» qu'elle rajoute. Ce qui fait que j'me force, hum! hum!, j'm'efforce en tabarnak! Hum! Hum! Pis tu sais quoi?
-Non, que je lui ai répondu en prenant une autre gorgée de bière.
-Ben PRRRRRRRROUT! J'ai lâché un gros calice de pet! Hahaha! I' puait en plus! Hostie qu'i' puait!
-Hahaha!
-Pis là elle m'a remboursé et prié de retourner chez-moi, la Laflamme, en disant que j'étais pas prêt, que je dégageais trop d'odeur de soufre et d'énergie négative... Ça fait que j'ai crissé mon camp. Ma femme m'en a voulu toute la semaine. Mais elle finira par comprendre que j'suis pas un cave.
-J'ai été la mère de Sainte-Marie dans une autre vie, le comte de Saint-Germain-des-Prés et Sarah Bernardt.
Tout le monde le croyait. Enfin toute cette poignée de naïfs qui se faisaient vider les poches par la Laflamme, une hostie de crosseuse qui jouait à la sorcière moyennant de généreuses contributions de ses victimes, essentiellement choisies parmi des faibles d'esprit qui préféraient se faire remplir la tête par n'importe quoi plutôt que de combler leur vide intérieur par leurs propres efforts et leurs propres échecs.
D'où l'importance de développer les arts en bas âge pour mieux soutenir la psyché de tout un chacun, l'imaginaire demeurant le meilleur rampart de l'âme contre l'influence néfaste de ces charlatans qui détruisent l'esprit de leurs clients pour mieux se remplir les poches.
-Je parle d'égal à égal avec Bouddha, Apollonios de Tyane et le Prêtre Jean, disait la Laflamme, cette grosse tabarnak de siphonneuse de cash fêlée comme un chaudron de bines trop sèches.
La Laflamme avait l'air de l'une des participantes habituelles du célèbre quizz télévisé The Price is Right, une Floridienne dans la quarantaine aux chairs abondantes, les yeux et la bouche graissés de couleurs vives. D'ailleurs, elle ne s'appelait plus Dorothée Laflamme, mais Chakrala.
Et Chakrala, moyennant une généreuse rétribution, pouvait vous permettre de croître personnellement comme jamais au cours d'une fin de semaine initiatique dans un chalet située en Haute Mauricie, un chalet débordant de capteurs de rêves et autres chandelles. Elle vous faisait redécouvrir votre enfant intérieur, vous auscultait l'aura pour ensuite vous soumettre un plan de guérison comme l'on soumet un plan d'affaires: 200$ la session de méditation poche à regarder un mur comme n'importe quel autre mur qui n'aurait rien coûté ailleurs, 50$ pour un livre rempli de niaiseries ésotériques, 150$ pour un filtrage du corps à l'aide de grains de lin énergisés aux mantras, 1000$ pour sauter au stade intermédiaire en vue de retrouver ses réincarnations passées, 15 000$ pour un voyage astral à Pikokaka, célèbre sanctuaire brésilien de guérison transcendantale. Bref, rien que de l'hostie de marde de crosseuse qui entube des caves qui se cherchent pour rien et qui donneraient leur argent à n'importe qui pourvu qu'ils rêvent un peu, comme si leur switch était à off.
Chakrala ne l'a pas eu facile récemment. C'était la fin de semaine dernière, lors d'une de ses fameuses fins de semaine de retrouvage de l'enfant intérieur. Ils étaient au moins quinze personnes et, parmi le groupe, il y avait Luc Vermette, un gus qui s'était trouvé là par hasard parce que sa femme avait payé pour lui. Il se demandait bien ce qu'il foutait là, selon ce qu'il m'a rapporté, mais y est tout de même allé, pour satisfaire sa blonde probablement.
Laissons-le plutôt nous raconter son expérience...
-Ben... Ça a commencé par les arbres dans la forêt... Il fallait en pointer un du doigt et cet arbre nous représentait. Ça fait qu'la Laflamme demande à quelqu'un d'en pointer un. Le gars pointe un petit arbre rabougri. La Laflamme dit que cet arbre représente son âme petite, timide, aux prises avec un incroyable besoin de cheminer personnellement... Un autre hostie d'truc de crosseuse pour siphonner du cash tabarnak! Là j'me demandais c'que c'est que j'faisais là... Pis là, la Laflamme me demande de pointer un arbre. J'lui pointe le plus bel arbre toé chose, un gros christ de sapin, le plus gros, le plus droit, le plus grand. Tu sais c'qu'elle ma dit la Laflamme, l'hostie d'sorcière? «Cet arbre-là te représente: bien beau à l'extérieur mais intérieurement dévoré par toutes sortes de bébites!» Ah ben là! que j'lui ai dit. J'choisirais n'importe quel arbre qu'tu m'trouverais des bébites! Chakrala a rien répondu. Sinon qu'il fallait se reconnecter à des zones positives, des portes vers l'au-delà. Il y avait de l'énergie négative dans l'air et j'parie que ça v'nait d'moé... Puis on s'en retourne dans le chalet pour retrouver notre enfant intérieur. On se couche tous sur une table l'un après l'autre. Y'en a une qui commence pis qui s'met à brailler toé chose, waaaa! Pis elle pleure. Pis elle crie. Après, un autre se couche sur la table, même affaire, waaaa! il pleure, il crie. Puis vient mon tour... «Luc, tu vas retrouver l'enfant en toi!» que me dit la Laflamme. Pis là elle essaie de m'hypnotiser... Pas moyen. «Force-toi!» qu'elle me dit. «Concentre-toi!» qu'elle rajoute. Ce qui fait que j'me force, hum! hum!, j'm'efforce en tabarnak! Hum! Hum! Pis tu sais quoi?
-Non, que je lui ai répondu en prenant une autre gorgée de bière.
-Ben PRRRRRRRROUT! J'ai lâché un gros calice de pet! Hahaha! I' puait en plus! Hostie qu'i' puait!
-Hahaha!
-Pis là elle m'a remboursé et prié de retourner chez-moi, la Laflamme, en disant que j'étais pas prêt, que je dégageais trop d'odeur de soufre et d'énergie négative... Ça fait que j'ai crissé mon camp. Ma femme m'en a voulu toute la semaine. Mais elle finira par comprendre que j'suis pas un cave.
samedi 24 janvier 2009
Mon Jésus à moi
J'ai peine à m'imaginer un chrétien qui se rase la barbe et se coupe les cheveux.
Je ne m'imagine pas Jésus avec un portable, un attaché-case et un regard de vautour du marché immobilier qui voudrait vendre Jérusalem au moins offrant.
Mon Jésus à moi me fait penser au fameux retable d'Issenheim peint par Grünewald, admirablement décrit par le romancier naturaliste Joris-Karl Huysmans dans Là-bas. Ce n'est pas le christ blondinet et légèrement efféminé de l'imagerie catholique. Mais le Jésus humain, qui souffre, qui saigne et qui meurt. Je ne remercierai jamais assez feu mon prof de philo, Alexis Klimov, chrétien de tradition orthodoxe, de m'avoir fait connaître ce Jésus-là. Un Jésus qui n'est pas juste du toc.
Je sais bien que le christianisme n'est pas qu'un phénomène de mode. Mais le complet-veston-cravate me semble l'habit le plus éloigné qui soit de ce pauvre Jésus, que j'ai la manie de me représenter sous les traits d'un prophète barbu, pauvrement vêtu, qui se promène parmi la foule en empêchant les salauds de lapider une prostituée ou bien en chassant les vendeurs du Temple. Tout le reste, ses tours de magie et ses super-pouvoirs je laisse ça aux amateurs de science-fiction et autres moribonds intellectuels. Mon Jésus à moi est humain, très humain. Et il est seul, très seul.
Mon Jésus à moi n'est pas tant le fils de Dieu qu'un militant des droits de la personne avant la lettre. Un type qui ne s'en laisse pas imposer par une poignée de vieillards séniles qui décident de ce qu'est la loi alors qu'une loi encore plus grande, indéfinissable, nous guide par-delà les contingences terrestres pour nous inciter à de bonnes actions, bref à de la charité les uns envers les autres. Jésus qui tend l'autre joue au lieu de ne s'en tenir qu'à la vieille rengaine: oeil pour oeil, dent pour dent. Jésus qui s'interpose entre les agresseurs et leurs victimes. Jésus qui donne du vin et du pain à satiété.
Mon Jésus à moi affirme que nul ne doit servir deux maîtres, Dieu ou l'Argent, et que son royaume n'est pas de ce monde. Il m'a tout l'air d'être en faveur de la séparation de l'Église et de l'État. Il ne porte pas le glaive. Il discute avec la lie de la société aussi bien qu'avec les centurions romains. Au lieu de prier, le jour du sabbat, il va aider Untel ou Unetelle. Ce qui fait croasser les vieux prêtres. Et Jésus leur répond du tac au tac que s'ils perdaient une brebis le jour du sabbat, ils iraient la retrouver.
Ouais, mon Jésus à moi est un contestataire. Et il n'a pas fini sa vie comblé d'éloges, mais recouvert de coups de coups de fouet et d'immondices. Tout ce que la société peut offrir à celui qui estime qu'un jour les derniers seront les premiers; qu'il est plus facile à un chameau d'entrer par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer au paradis.
Mon Jésus à moi n'a rien à voir avec ses pseudo-chrétiens déguisés en marchands d'assurance. Il n'a rien à voir avec ces bigots qui égrènent des chapelets et dénigrent les prostituées, les autres races, les drogués, les homos, les Anglos et tous ceux qui n'égrènent pas comme eux des chapelets. Ces gens-là ne sont pas des chrétiens mais simplement des crétins, des faussaires, bref des bigots.
Mon Jésus à moi est crucifié entre deux voleurs. Il ne tient pas un chèque entre deux responsables d'oeuvres de charité qui se donnent de petits airs pour mieux engranger le foin afin de mieux satisfaire leurs besoins personnels.
La charité, voyez-vous, ne commence jamais par soi-même. Elle commence quand soi-même passe au second plan. Si la charité ne coûte rien, ce n'est pas de la charité.
Des trois vertus théologales, la Foi, l'Espérance et la Charité, c'est la Charité qui est la plus importante. Parce que la Foi n'est rien sans la Charité.
Et mon Jésus à moi est un don total de soi, que je me dis.
C'est pas une couille molle.
C'est pas un bigot.
***
Comme le disait Nietzsche, Jésus était le destructeur des gardiens de la morale.
Et comme il ajoutait aussi, dans L'Antéchrist, il n'y eut qu'un seul chrétien et il est mort sur la croix.
vendredi 23 janvier 2009
COMMENT ON DÉFAIT LES MIRACLES AUX TROIS-RIVIÈRES
La Foi fait déplacer les montagnes. Il n’en faut pas tant pour faire déplacer les gens. Un mensonge suffit.
Cela se passait dans les années ’80. Un couple de Sainte-Marthe-du-Cap s’était mis à ameuter tous les imbéciles de Trois-Rivières et ses environs pour qu'ils viennent adorer leur icône de la Sainte Vierge qui suintait à grosses larmes.
Les médias s’étaient vite emparé de cette histoire, évidemment, et voilà que tout le monde se rendait à Sainte-Marthe-du-Cap pour adorer l’icône de la Sainte Vierge.
Le contexte s’y prêtait d’autant plus que la résidence du couple était située tout près du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, un lieu rempli de miracles, de miraculés et de magie pure.
Les scrofuleux et les vieilles sacoches s’y rendaient pour prier la sainte pleureuse, en multipliant sur place les récitations du chapelet, les prières redondantes, les signes de croix frénétiques et les mottons dans la voix.
-La Sainte Vierge pleure! C’est vrai! racontait aux journalistes madame Florence Béland, une vieille superstitieuse rabougrie par l’arthrite. Elle pleure parce que le monde est trop méchant! Ils voulaient la liberté, ben ils l’ont et regardez ce que ça donne! Les tapettes s’embrassent dans ‘a rue, pour voir si ça a du bon sang! Sainte-Marie-mère-de-Jésus-priez-pour-nous-pauvres-pécheurs-amen!
Les curés du patelin étaient un peu plus suspicieux. S’il fallait que ce soit faux et que cela se sache, de quoi auraient-ils l’air? Ils se gardaient une petite gêne mais laissaient tout de même à leurs fidèles toute la latitude possible face à cette manifestation de la Foi pour le moins insolite.
Un type un peu versé dans les sciences, bref un incrédule, se rendit sur place pour voir l’icône de la Sainte Vierge. Il prétexta un accès de foi subit pour ne pas se faire démasquer et, avec un coton-tige, il préleva quelques larmes qui suintaient de l’image magique.
Ça ne lui a pas pris deux heures pour arriver à la conclusion que les larmes étaient constituées de saindoux, probablement de marque Crisco, mais cela restait encore à prouver. Il affirma que le couple badigeonnait les yeux de Marie avec du saindoux. La chaleur provoquée par l'ampoule de 100 watts qui l'éclairait faisait fondre le saindoux en donnant l’impression qu’elle pleurait. C’était habile, mais un peu con aussi de leur part.
Le sceptique livra ses observations aux médias, évidemment. Cela fit la une de tous les journaux de la Mauricie et du Québec : « L’affaire de l’icône miraculeuse de Sainte-Marthe-du-Cap : une fraude. La Sainte-Vierge suinte du saindoux! »
Le couple tenta bien de défendre leur icône miraculeuse en s’inventant toutes sortes de raisons. Mais plus personne ne les prenait au sérieux. Ils étaient devenus des hosties de crosseurs aux yeux de la vile populace.
Ce qui fait qu’on n’a plus jamais entendu parler d’eux ni de leur icône de la Sainte-Vierge qui suintait du saindoux.
Amen!
***
POST-SCRIPTUM: HONTE À VOUS TRIFLUVIENS!
jeudi 22 janvier 2009
LA RÉDEMPTION DE LOUIS
Quand j'ai connu Louis, c'était le gars le plus raciste du monde.
Louis se croyait drôle quand il se moquait des étrangers et des Sauvages. C'était un pauvre type sans éducation dont la dyslexie n'avait jamais été détectée à l'école, tout simplement parce que la dyslexie n'existait pas avant les années '80 et '90. Un dyslexique, avant les années '80, ce n'était qu'un élève médiocre. Bref, un futur bandit.
Louis se moquait des étrangers et des Sauvages comme on le lui avait appris dans le milieu un peu sombre où il évoluait. Il faut dire que l'école du crime lui reconnaissait bien plus de mérite et de talent que ne le faisait l'école publique. Et dans ce milieu, on ne porte pas toujours de gants blancs pour rire des nègres, des chinetoques et des têtes à plumes. Louis y apprit donc tous les préjugés. Et l'école du crime lui décerna tous les diplômes qu'il lui fallait pour faire de l'argent.
Louis était, entre autres, un formidable cogneur. Il vous faisait tomber dans le coma d'un seul coup de poing. Et c'était une particularité appréciée des shylocks et autres malandrins qui lui offraient du travail.
Louis travaillait la plupart du temps pour le gros Grenon, le shylock de la P'tite Pologne, un hostie de gros sale qui bouffait les chèques d'assistance sociale des paumés. Le gros Grenon leur prêtait 400$ pour recevoir le chèque au complet, 500$, le premier du mois. Et malheur à celui qui ne payait pas le gros Grenon. Louis serait là pour leur rappeler que l'homme est mortel en plus d'être fragile. Et il ne serait pas seul, Louis. Il y aurait aussi le gros Tom. Et le p'tit Desrosiers, un teigneux qui jouait de la lame pour mieux prier les débiteurs du gros Grenon d'honorer leur parole.
Le gros Grenon trippait fort sur Hitler. Il y avait des portraits de Hitler sur tous les murs de son bungalow, c'est pas mêlant. Il n'y a rien qu'il aimait autant qu'une bonne pipe en écoutant des vieux discours de Hitler. Il n'y comprenait rien, le gros Grenon, mais ça le faisait tripper d'entendre la voix du Führer pendant qu'une pute lui vidait les gosses. Quand je vous disais que c'était un gros hostie de sale, je ne disais pas ça pour rien.
Louis en vint donc à accuser les immigrés de voler les jobs, alors qu'il n'avait qu'un secondaire un même pas réussi. Il voyait du mal partout alors qu'il en était le plus ardent serviteur.
-Les nègues pis les chinetoques viennent icitte pour voler nos jobs! Pis les Sauvages ont tous un gros skidoo! Les Anglas: qui parlent frança' calice! C'est Québec icitte tabarnak! Le monde crèye p'us en Dieu pis y'ont p'us d'religion! L'gros Grenon y'a raison d'dire que les Blancs doivent s'unir pis combattre! Pis les hosties d'trous d'cul qui veulent pas payer, donnez-moé l'contrat m'en va's leu' z'arranger 'a face!
Louis vomissait sa haine à qui mieux mieux, tout le temps. Et pour mieux entretenir sa haine, il frappait, frappait et frappait encore.
Jusqu'à ce qu'il trouve un jour son homme. C'est-à-dire une femme. Une anglaise à la peau noire, imaginez-vous donc. Louis avait connu bien des femmes, jusqu'à sa rencontre avec cette femme, mais elle, c'était tout autre chose. C'est comme s'il ne se rappelait plus qu'il était raciste quand il était devant elle, camouflant même ses vieux tatouages de croix gammées, par réflexe.
Elle s'appelait Dorothy et elle était Jamaïcaine. C'était une danseuse au bar L'Entrecuisse, où il travaillait comme doorman de temps à autres.
Tout a basculé dans sa vie un certain soir de juillet 1992. Louis était à L'Entrecuisse et cela faisait quelques soirs déjà que Dorothy dansait. Louis la regardait toujours avec une certaine fascination, dans les yeux encore plus que partout ailleurs, peut-être parce qu'elle ne cessait jamais elle aussi de le regarder dans les yeux, tout le temps.
-J'pense que Dorothy a un kick sur moé, avait dit Louis au gros Tom, dans les chiottes, tandis qu'ils sniffaient tous les deux une ligne de poudre.
-Ché pas, avait répondu gros Tom. Chu gelé en hostie man!
Comme ils ressortaient des chiottes, ils virent Dorothy en train de gueuler après le gros Grenon. Elle lui avait même lancé un verre de bière à la tête, imaginez.
-You're just a big fuckin' ass-hole ya piece of shit! hurlait Dorothy.
-Capote pas hostie d'négresse! M'en va's t'arroser ben autrement qu'avec d'la bière ma tabarnak de marde fondue! hurlait le gros Grenon.
Louis, de voir pleurer Dorothy, eh bien ça le revirait tout à l'envers.
-Ok le gros, dit Louis au gros Grenon, arrête ça, c'est beau...
-Comment arrête ça? hurla encore plus fort le gros Grenon. L'hostie d'nègresse me crisse un verre de bière dans 'a face juste parce que j'lui dis let's go montre-moé ta snatch la négresse... Crisse! M'a lui montré c'est quoi un Blanc!
-You're just a jerk and your town, Trois-Rivières, it's just a hole! Nobody can say that i'm a nigger, right? Fuck off! Ya, bastard! reprit Dorothy, encore flambant nue.
C'est alors que le gros Grenon s'est levé pour lui foutre une claque sur la gueule. Mais comme il venait pour le faire, Louis n'a pu s'empêcher de faire partir son poing et le gros Grenon le reçut en pleine gueule et tomba par terre, les quatre fers en l'air.
-Qu'est-ce qu't'as fait là Louis tabarnak! brailla le gros Tom. Grenon va jamais t'pardonner ça! Tu vas en manger une tabarnak Louis! Ayoye!
-J'm'en crisse... Un homme n'doit pas toucher à une femme... Jamais!
-Es-tu d'v'nu fou sacrament Louis?
-Thank you, thank you, murmura Dorothy qui lui fit signe de la suivre.
Elle ramassa ses affaires à toute vitesse dans sa loge, baragouina quelques mots en français à Louis puis tous deux quittèrent le bar par la sortie de secours.
-On va Toronto okay? You and me. Toi et moi.
-Toronto? reprit Louis. Pourquoi pas.
Et ils partirent à Toronto, tous les deux, avec cinq à six milles dollars en poche, l'argent du gros Grenon que Louis gardait sur lui, comme par hasard.
Ce fût le coup de foudre instantané entre Louis et Dorothy. Un coup de foudre tellement intense qu'ils voulurent tous les deux que cela dure pour toujours. Elle cessa de danser. Il cessa de sniffer de la poudre. Ce qui fait qu'ils vécurent ensemble, d'abord dans un logement sordire sur Sherbourne Street, puis ensuite dans un logement plus confortable près de l'université York.
Louis se trouva rapidement du travail à Toronto sur un chantier de construction. Dorothy devint vendeuse de produits de beauté. Louis apprit l'anglais, puis découvrit la Jamaïque puis le reste du monde à travers ses conversations avec Dorothy. Il retourna à l'école pour finir son secondaire 5, en anglais qui plus est. On identifia sa dyslexie et on adapta l'enseignement en conséquence.
C'est à la même époque que le plus jeune des frères de Louis lui apprit qu'ils étaient des Sauvages, c'est-à-dire des Innus de la côte Nord, inscrits sur les registres. Louis devint peu à peu un Innu, en s'initiant à leurs us et coutumes. Il se faisait maintenant des tresses indiennes avec sa chevelure noire abondante. Et il portait un tee-shirt à l'effigie de Sitting Bull.
Louis et Dorothy eurent trois enfants, deux gars et une fille. De beaux petits métis.
Quand d'aventure quelqu'un dénigrait les Noirs, les Jaunes ou les Mauves, Louis intervenait toujours, sans utiliser ses poings désormais, comme s'il avait fait corps avec l'esprit de la chanson Amazing Grace.
-I was a wretch... I was blind. But now I see. We've all got the same blood in our veins!
Louis parlait anglais, bien sûr. Et il n'était plus raciste. Ni violent. Ni trou du cul.
Juste en amour avec sa belle Dorothy et leurs trois jolis enfants, loin de Trois-Rivières, un hostie de trou sale.
Louis se croyait drôle quand il se moquait des étrangers et des Sauvages. C'était un pauvre type sans éducation dont la dyslexie n'avait jamais été détectée à l'école, tout simplement parce que la dyslexie n'existait pas avant les années '80 et '90. Un dyslexique, avant les années '80, ce n'était qu'un élève médiocre. Bref, un futur bandit.
Louis se moquait des étrangers et des Sauvages comme on le lui avait appris dans le milieu un peu sombre où il évoluait. Il faut dire que l'école du crime lui reconnaissait bien plus de mérite et de talent que ne le faisait l'école publique. Et dans ce milieu, on ne porte pas toujours de gants blancs pour rire des nègres, des chinetoques et des têtes à plumes. Louis y apprit donc tous les préjugés. Et l'école du crime lui décerna tous les diplômes qu'il lui fallait pour faire de l'argent.
Louis était, entre autres, un formidable cogneur. Il vous faisait tomber dans le coma d'un seul coup de poing. Et c'était une particularité appréciée des shylocks et autres malandrins qui lui offraient du travail.
Louis travaillait la plupart du temps pour le gros Grenon, le shylock de la P'tite Pologne, un hostie de gros sale qui bouffait les chèques d'assistance sociale des paumés. Le gros Grenon leur prêtait 400$ pour recevoir le chèque au complet, 500$, le premier du mois. Et malheur à celui qui ne payait pas le gros Grenon. Louis serait là pour leur rappeler que l'homme est mortel en plus d'être fragile. Et il ne serait pas seul, Louis. Il y aurait aussi le gros Tom. Et le p'tit Desrosiers, un teigneux qui jouait de la lame pour mieux prier les débiteurs du gros Grenon d'honorer leur parole.
Le gros Grenon trippait fort sur Hitler. Il y avait des portraits de Hitler sur tous les murs de son bungalow, c'est pas mêlant. Il n'y a rien qu'il aimait autant qu'une bonne pipe en écoutant des vieux discours de Hitler. Il n'y comprenait rien, le gros Grenon, mais ça le faisait tripper d'entendre la voix du Führer pendant qu'une pute lui vidait les gosses. Quand je vous disais que c'était un gros hostie de sale, je ne disais pas ça pour rien.
Louis en vint donc à accuser les immigrés de voler les jobs, alors qu'il n'avait qu'un secondaire un même pas réussi. Il voyait du mal partout alors qu'il en était le plus ardent serviteur.
-Les nègues pis les chinetoques viennent icitte pour voler nos jobs! Pis les Sauvages ont tous un gros skidoo! Les Anglas: qui parlent frança' calice! C'est Québec icitte tabarnak! Le monde crèye p'us en Dieu pis y'ont p'us d'religion! L'gros Grenon y'a raison d'dire que les Blancs doivent s'unir pis combattre! Pis les hosties d'trous d'cul qui veulent pas payer, donnez-moé l'contrat m'en va's leu' z'arranger 'a face!
Louis vomissait sa haine à qui mieux mieux, tout le temps. Et pour mieux entretenir sa haine, il frappait, frappait et frappait encore.
Jusqu'à ce qu'il trouve un jour son homme. C'est-à-dire une femme. Une anglaise à la peau noire, imaginez-vous donc. Louis avait connu bien des femmes, jusqu'à sa rencontre avec cette femme, mais elle, c'était tout autre chose. C'est comme s'il ne se rappelait plus qu'il était raciste quand il était devant elle, camouflant même ses vieux tatouages de croix gammées, par réflexe.
Elle s'appelait Dorothy et elle était Jamaïcaine. C'était une danseuse au bar L'Entrecuisse, où il travaillait comme doorman de temps à autres.
Tout a basculé dans sa vie un certain soir de juillet 1992. Louis était à L'Entrecuisse et cela faisait quelques soirs déjà que Dorothy dansait. Louis la regardait toujours avec une certaine fascination, dans les yeux encore plus que partout ailleurs, peut-être parce qu'elle ne cessait jamais elle aussi de le regarder dans les yeux, tout le temps.
-J'pense que Dorothy a un kick sur moé, avait dit Louis au gros Tom, dans les chiottes, tandis qu'ils sniffaient tous les deux une ligne de poudre.
-Ché pas, avait répondu gros Tom. Chu gelé en hostie man!
Comme ils ressortaient des chiottes, ils virent Dorothy en train de gueuler après le gros Grenon. Elle lui avait même lancé un verre de bière à la tête, imaginez.
-You're just a big fuckin' ass-hole ya piece of shit! hurlait Dorothy.
-Capote pas hostie d'négresse! M'en va's t'arroser ben autrement qu'avec d'la bière ma tabarnak de marde fondue! hurlait le gros Grenon.
Louis, de voir pleurer Dorothy, eh bien ça le revirait tout à l'envers.
-Ok le gros, dit Louis au gros Grenon, arrête ça, c'est beau...
-Comment arrête ça? hurla encore plus fort le gros Grenon. L'hostie d'nègresse me crisse un verre de bière dans 'a face juste parce que j'lui dis let's go montre-moé ta snatch la négresse... Crisse! M'a lui montré c'est quoi un Blanc!
-You're just a jerk and your town, Trois-Rivières, it's just a hole! Nobody can say that i'm a nigger, right? Fuck off! Ya, bastard! reprit Dorothy, encore flambant nue.
C'est alors que le gros Grenon s'est levé pour lui foutre une claque sur la gueule. Mais comme il venait pour le faire, Louis n'a pu s'empêcher de faire partir son poing et le gros Grenon le reçut en pleine gueule et tomba par terre, les quatre fers en l'air.
-Qu'est-ce qu't'as fait là Louis tabarnak! brailla le gros Tom. Grenon va jamais t'pardonner ça! Tu vas en manger une tabarnak Louis! Ayoye!
-J'm'en crisse... Un homme n'doit pas toucher à une femme... Jamais!
-Es-tu d'v'nu fou sacrament Louis?
-Thank you, thank you, murmura Dorothy qui lui fit signe de la suivre.
Elle ramassa ses affaires à toute vitesse dans sa loge, baragouina quelques mots en français à Louis puis tous deux quittèrent le bar par la sortie de secours.
-On va Toronto okay? You and me. Toi et moi.
-Toronto? reprit Louis. Pourquoi pas.
Et ils partirent à Toronto, tous les deux, avec cinq à six milles dollars en poche, l'argent du gros Grenon que Louis gardait sur lui, comme par hasard.
Ce fût le coup de foudre instantané entre Louis et Dorothy. Un coup de foudre tellement intense qu'ils voulurent tous les deux que cela dure pour toujours. Elle cessa de danser. Il cessa de sniffer de la poudre. Ce qui fait qu'ils vécurent ensemble, d'abord dans un logement sordire sur Sherbourne Street, puis ensuite dans un logement plus confortable près de l'université York.
Louis se trouva rapidement du travail à Toronto sur un chantier de construction. Dorothy devint vendeuse de produits de beauté. Louis apprit l'anglais, puis découvrit la Jamaïque puis le reste du monde à travers ses conversations avec Dorothy. Il retourna à l'école pour finir son secondaire 5, en anglais qui plus est. On identifia sa dyslexie et on adapta l'enseignement en conséquence.
C'est à la même époque que le plus jeune des frères de Louis lui apprit qu'ils étaient des Sauvages, c'est-à-dire des Innus de la côte Nord, inscrits sur les registres. Louis devint peu à peu un Innu, en s'initiant à leurs us et coutumes. Il se faisait maintenant des tresses indiennes avec sa chevelure noire abondante. Et il portait un tee-shirt à l'effigie de Sitting Bull.
Louis et Dorothy eurent trois enfants, deux gars et une fille. De beaux petits métis.
Quand d'aventure quelqu'un dénigrait les Noirs, les Jaunes ou les Mauves, Louis intervenait toujours, sans utiliser ses poings désormais, comme s'il avait fait corps avec l'esprit de la chanson Amazing Grace.
-I was a wretch... I was blind. But now I see. We've all got the same blood in our veins!
Louis parlait anglais, bien sûr. Et il n'était plus raciste. Ni violent. Ni trou du cul.
Juste en amour avec sa belle Dorothy et leurs trois jolis enfants, loin de Trois-Rivières, un hostie de trou sale.
mercredi 21 janvier 2009
PRIONS POUR (é)CLAIRER LE MAIRE DE TROIS-RIVIÈRES...
Le maire de Trois-Rivières Yves Lévesque est un homme d'action qui ne s'embarrasse pas des règlements, registres, référendums et décisions de la commission des droits de la personne.
-Si sont pas contents d'moé y'ont jusse à m'sacrer dewors, se plaît-il à rappeler à ces misérables concitoyens qui ne le méritent pas.
Lors de la séance du conseil municipal, lundi dernier, le maire Lévesque a encore usé d'un subterfuge, comme lors de l'affaire de la signature du registre ayant trait au règlement d'emprunt pour le projet Trois-Rivières-sur-Saint-Laurent. Il a non seulement l'air bête, voyez-vous. Il en a aussi la chanson.
Lundi dernier, le maire Lévesque a laissé aux citoyens un temps pour la prière pour contourner la décision de la commission des droits de la personne. Ça s'est transformé en cirque. Peut-être parce que le maître de la cérémonie est un clown.
Lundi prochain, tout citoyen qui le désire pourra réciter sa prière avant le début de la séance du conseil municipal de Trois-Rivières. Sauf les athées, bien entendu. Et les militants en faveur de la laïcité des institutions publiques, comme madame Louise Hubert: toé, assis-toé...
L'assemblée aura lieu à l'hôtel de ville de Trois-Rivières, dans le gros bloc de béton vitré du parc Champlain. L'assemblée débutera à 19h00. Réservez tôt, car les chevaliers teutons dorment dans des sacs de couchage la veille, devant l'hôtel de ville, pour être sûrs d'avoir les meilleures places. Si vous êtes courageux, vous pourrez essayer de prendre la parole pour réciter quelques belles prières qui plairont aux oreilles des chevaliers teutons dans la salle.
C'est fou ce qu'on s'amuse à Trois-Rivières...
***
Pendant ce temps, à Washington...
mardi 20 janvier 2009
L'esclavage n'a pas été aboli d'un coup de baguette magique...
L'esclavage n'a pas été aboli d'un coup de baguette magique.
Il y a eu de grands hommes pour refuser d'être des esclaves autant que des maîtres, dont Abraham Lincoln, dont on parle beaucoup, mais aussi tous ces anonymes soldats qui ont laissé leur peau sur le champ de bataille, pour l'idée de Lincoln.
La guerre civile américaine a été la première guerre du vingtième siècle, bien qu'elle ait eu lieu le siècle précédent: des tranchées, de la boue, du sang. Un vrai carnage.
L'esclavage, qu'on le veuille ou non, a aussi été aboli, en partie, au bout d'une baillonnette.
Je dis en partie parce qu'en 1950, dans certains États des USA, un nègre devait toujours dire yes sir à un Blanc qui le tutoyait. Et là, il fallut un homme qui avait non seulement un rêve mais aussi des couilles. Martin Luther King. Il n'a pas fait reculer la ségrégation raciale en se pognant le cul dans son salon. Il est descendu dans la rue et il a fait le pari de faire face aux racistes, avec un calme exemplaire et une force d'âme exceptionnelle.
Martin Luther King, comme Gandhi par ailleurs, a cru en la non-violence comme tactique de désobéissance civile. Les deux ont été assassinés. Il en coûte même d'être pacifiste.
Aujourd'hui, ce n'est pas King ou Gandhi ou Jésus-Christ qui deviendra président des États-Unis. Ce n'est que le premier fonctionnaire de l'administration du monde, élu pour quatre ans, un type qui a le doigt sur le bouton atomique et qui enthousiasment les descendants des esclaves. C'est déjà beaucoup.
Si son investure prend des allures de victoire aux yeux de bien des descendants d'esclaves et autres sympathisants des droits de la personne, il ne faut surtout pas s'en étonner.
Au fond, Noirs ou Blancs, ou Mauves, nous sommes tous à plus d'un titre descendants d'esclaves. Le serf dans son champ comme le colon qui allait crever en Abitibi dans le temps de Duplessis. Nous sommes des gens de tous les jours. De la boue qui fait trembler les puissants.
***
Pendant ce temps à Twois-Wivièwes, coin reculé de province, un ti-caille joue au chevalier teuton avec la commission des droits de la personne... C'est le même ti-caille qui se fout des registres, référendums et pétitions. Personne ne s'y trompe, sinon lui-même. Cré ti-caille, va.
***
Post-scriptum: La foi chrétienne est-elle mieux servie par ces trous du cul qui insultent et mollestent une citoyenne, seule et courageuse, qui réclame que le conseil respecte la décision de la commission des droits de la personne? Hostie de ticailles de tabarnak! Gang de mongols! C'est ça être chrétien, traiter une citoyenne de niaiseuse et lui tordre le bras? Hostie de lâches, de sales et d'écoeurants! Gang de couilles molles! On passe pour des colons, comme si nous étions en banlieue de Hérouxville. Trois-Rivières ne peut pas être un patelin d'ignares et d'incultes gouvernés par des ticailles! On vaut mieux que ça!
lundi 19 janvier 2009
Y'a-t-il de la vie extra-gloubesque?
Gloub était une petite planète d'un petit système solaire de la galaxie de XZ892293 située en un quelconque endroit de l'infini.
L'espèce pensante de Gloub, les Primats, n'allaient pas plus loin que leur deux lunes, et encore qu'ils s'y rendaient avec des moyens rudimentaires, avec des trucs en fer qui dégageaient des gaz et des vapeurs. Ils réussissaient à se rendre un peu plus loin avec des sondes, moins lourdes, qui elles aussi étaient en fer et dégageaient des gaz et des vapeurs pour se propulser. Ce qui fait que les Primats n'étaient pas bien avancés sur la connaissance de l'univers. Ils étaient encore confinés à leur petit système solaire de rien du tout, dans la galaxie XZ892293, une galaxie tellement quelconque qu'elle était désignée par un chiffre un peu partout de par le monde des voyageurs intergalactiques.
Évidemment, ils avaient tout de même réussi à inventer d'eux-mêmes un système de captation des ondes radio tout à fait ingénieux pour des créatures à peine sorties de l'âge de manger de la chair crue. Les Primats souhaitaient de toute évidence entrer en contact avec quelque entité pensante de l'univers, ayant le doute qu'ils n'étaient pas seuls, imaginez-vous donc. Et encore que ce n'était pas tous les Primats que ça pouvait intéresser puisque la grande majorité de ceux-ci se faisaient la guerre jour après jour pour des niaiseries: des histoires de clans, de races ou de fables.
En fait, ça n'intéressait que deux Primats, Rog-É et son associé Henr-I. Et ils étaient tous les deux identiques puisque sur cette planète tout le monde semblait sorti du même moule. Ce qui fait que je vous fournis en exergue du texte une photo qui représente l'un d'entre les Primats. N'importe quel fera l'affaire.
Les Primats Rog-É et Henr-I avaient initié ce projet de sonder la profondeur des espaces infinis à la recherche d'une civilisation extra-gloubesque. On les voyait faire, du haut de nos vaisseux, mais on ne disait rien. C'était beau de voir aller ces deux gus parmi toute cette bande de nuls qui se tapaient sur la gueule sur la planète Gloub. C'est toujours beau de voir un esprit en éveil parmi ces viles créatures qui prennent plaisir à vivre dans leur fange.
Ils passaient leurs journées à faire de savants calculs, à pointer tel ou tel truc dans le ciel, et jamais ils ne trouvaient quoi que ce soit, Rog-É et Henr-I. Mais ils finirent tout de même par trouver quelque chose et, là, franchement permettez-moi de rigoler... Hahaha!
Vous savez ce qu'ils ont capté, Rog-É et Henr-I? Des signaux qui venaient d'une minuscule planète bleue située dans la galaxie de la Petite Spirale, vous savez, celle avec le trou noir au milieu où nos aventuriers ont failli laisser leur peau l'année dernière.
Bon, eh bien, voilà, et je vous permets de rire. C'est trop con. Voilà ce qu'ils ont capté comme signaux, ça...
Ça, la première preuve d'une civilisation extra-gloubesque...
dimanche 18 janvier 2009
Le dernier des catholiques pratiquants
D'aussi loin que je me souvienne je n'ai jamais aimé aller à la messe. Je devais pourtant y aller. Aucun de mes amis n'y allaient. J'étais donc le dernier des catholiques pratiquants de ma génération dans mon quartier et, franchement, je détestais ça. Je me sentais à part des autres lors de ces messes qui n'attiraient visiblement que des vieillards. Il ne restait que moi, mon frère benjamin et mes cousines chez les jeunes catholiques du quartier. Tous les autres s'en crissaient d'aplomb de l'église, sinon à Noël et à Pâques, un reste de tradition, pour se rappeler que c'est plate une messe.
Nous allions souvent à l'office du samedi soir, parce que c'était moins long. On a beau être catholique pratiquant que l'on n'en sait pas moins que les messes peuvent êtres longues et soporifiques.
Le samedi soir, le curé faisait ça court. D'autant plus qu'après c'était le bingo. Et les commères souhaitaient vivement que le curé expédie le sermon à toute vitesse. Ce qu'il faisait d'ailleurs. Il voyait bien que son église se vidait. Et puis il fréquentait assidûment une paroissienne, une femme divorcée, qu'il aimait tendrement malgré son col romain. Il devait passer ses samedis soirs avec elle, imaginez.
Ce qui fait qu'il a défroqué assez vite merci et qu'il a été remplacé par un vieux prêtre qui marmonnait et qui était nettement plus ennuyant. Au moins, le prêtre défroqué, c'était un homme, si vous voyez ce que je veux dire. Son péché le rendait plus sympathique, plus humain, plus vrai.
Jusqu'à l'âge de dix ou onze ans, je me contentais de suivre docilement mes parents. Je m'inventais des péchés au confessionnal, parce que j'ai la mémoire sélective. Je ne me rappelais jamais de mes mauvais coups. Donc je disais que j'avais sacré, que j'avais frappé mon jeune frère, que je n'avais pas fait mon lit, etc. Rien de bien grave. Le vieux prêtre me disait de réciter une vingtaine de Je vous salue Marie et je faisais semblant de les réciter une fois revenu à ma place, en marmonnant n'importe quoi.
Pendant la messe, mon esprit vagabondait des fresques au plafond en passant par les tuyaux de cuivre de l'orgue. Quand venait le temps de m'agenouiller, je m'agenouillais. S'il fallait se lever, je me levais. Et j'allais chercher l'hostie, en me demandant à chaque fois si je devais la recevoir dans la main gauche ou dans la main droite, alors que je ne savais jamais distinguer ma gauche de ma droite, malgré tous mes efforts. L'hostie collait au palais. Je retournais à ma place en tentant de la décoller respectueusement avec ma langue, puis avec mes doigts.
Mon père finissait invariablement par ronfler pendant la messe. Peut-être qu'il travaillait trop fort. Il fallait néanmoins lui donner des coups de coude pour qu'il se réveille. Parce qu'il ronflait fort, voyez-vous, de quoi enterrer des orgues. Et je n'invente rien.
Puis venaient les derniers mots du prêtre. Allez en paix. Et youppi.
Le petit traintrain quotidien suivait son cours.
Et la culture avait raison peu à peu de la messe.
Plus j'allais à la bibliothèque et plus ma foi s'amenuisait.
J'ai commencé par croire que le christianisme des catholiques était feint et aussi hypocrite que la foi des pharisiens. J'étais un publicain qui se tapait la poitrine, en s'inventant des péchés, et les riches occupaient encore la première rangée pour montrer au peuple comme ils sont bons, bien habillés et près du Seigneur.
Les crottés, ça se tenait en arrière. Et je me sentais de plus en plus près des crottés. Je m'assoyais à l'arrière en prétextant à mes parents que j'aimais mieux m'asseoir là. Ils me laissaient faire. Comme ils me laissèrent aller quand je leur dis que je préférais l'office du dimanche, une ruse pour ne pas aller à l'église, pour aller dépenser la menue monnaie de la quête à la salle de billard de la rue Godbout, dans la P'tite Pologne. Je jurais dans le décor avec mes habits du dimanche mais personne ne m'en tenait rigueur.
Puis je suis tombé sur des livres d'histoire qui parlaient des tueries commises par des gens qui se disaient très chrétiens. J'ai lu sur l'Inquisition puis sur Galilée et enfin sur le génocide des aborigènes d'Amérique. Le coup de grâce a été porté par Jack London et le marquis de Sade qui m'ont fait passer du côté de l'athéisme.
Dès lors, je me suis mis à dire que Dieu n'existait pas chaque fois que mes parents voulaient me forcer d'aller à l'église.
-Tout ça c'est de la frime. Je ne crois pas en Dieu ni au Père Noël, désolé. La religion est l'opium du peuple. Etc.
Mes parents trouvaient que j'étais un mécréant mais que vouliez-vous qu'ils fassent? Ils baissèrent les bras. Et chaque fois que le curé venait à la maison, ma mère me priait de ne pas chercher à le provoquer. Ce que je faisais pourtant en lui parlant de l'Inquisition, de Galilée, d'Alexandre VI, du génocide des aborigènes d'Amérique...
-Baptiser sa chambre s'il-vous-plaît! demandait ma mère au curé.
Comme si ça devait changer quelque chose...
J'ai donc passé quelques années de ma jeunesse à jouer à l'anticlérical tout en étant totalement déphasé avec la plupart des membres de ma génération qui n'étaient presque jamais allés à l'église.
Puis je me suis calmé. Je voyais bien que je tirais sur une ambulance, que toutes les églises fermaient l'une après l'autre, que le temps du catholicisme était passé.
Ah! que c'est bon maintenant de flâner le dimanche sans se préoccuper de jouer au perroquet dans une salle qui sent trop l'encens, la moisissure et la boule à mites!
Ah! que c'est bon de ne plus être à genoux!
samedi 17 janvier 2009
L'homme qui voulait se pendre
Henri n'était ni laid ni beau, ni grand ni petit, ni jeune ni vieux, ni stupide ni brillant. Il était moyen en tout et portait toujours des pantalons et des chemises de travail de marque Big Joe. Il aimait surtout le pâté chinois. Il était célibataire. Détenteur d'un diplôme d'études secondaires. Concierge dans une résidence pour retraités. Sans amis. Sans passe-temps. Sans femme. Sans parents.
Et il voulait se pendre. Allez savoir pourquoi. Cet homme ordinaire ne vivait rien d'extraordinaire, bien sûr, mais rien qui ne justifia son suicide: pas de dettes, une télévision qui fonctionne bien, une auto payée depuis cinq ans qui part au quart de tour, un loyer propre dans un secteur paisible. Rien pour se pendre, sinon une lassitude, une pesanteur, un vide qu'il n'arrivait pas à combler.
-Bon, ben j'cré ben que j'va's m'tuer aujourd'hui, se dit-il ce soir-là en faisant patiemment un noeud coulant avec sa corde en matériau synthétique achetée à petit prix dans une quincaillerie qui vendait aussi des liqueurs douces et des friandises.
Henri en avait assez. Ça lui avait pris comme ça, tout d'un coup, bien qu'il ait passé toute sa vie à ne penser qu'à ça tous les jours: en finir une fois pour toutes.
-Bon, ben j'cré ben que j'va's aller attacher la corde que'que part dans ma shed... Ouais... J'va's m'pendre dans 'a shed. Comme ça, j'va's déranger personne.
Il trouva là une poutre après laquelle il fixa solidement sa corde, tout en calculant la distance nécessaire pour que ses pieds ballotent dans le vide tandis que la vie le quitterait pour toujours.
-Ouin... Faut j'laisse au moins deux pieds... Des fois qu'le cou rallongerait...
Il ajusta la corde puis recula d'un pas pour contempler sa potence improvisée.
Il mit les deux mains dans ses poches, pour la dernière fois de sa vie, puis vous savez quoi? Je sais que ça fait cliché mais c'est ça qui est ça: Henri trouva un billet de loto dans ses poches qu'il n'avait pas encore vérifié. Mourir avec un billet de loto non vérifié, c'est un peu con. Aussi, Henri chaussa ses bottes, mit son manteau, et se rendit jusqu'à la pharmacie du coin pour faire vérifier son billet.
Il n'y avait personne à la pharmacie, sinon la pharmacienne et le jeune commis à la caisse, un petit gros sympathique qui étudiait au cégep en comptabilité.
-J'voudrais faire vérifier mon billet s'i'-vous-plaît, lui demanda Henri.
Le jeune joufflu passa le billet dans la valideuse et, surprise, une sonnerie gagnante se fit entendre.
-Doudidoudou!
Le jeune était abasourdi. Il revérifia le billet, comme s'il ne le croyait pas. C'était pourtant bel et bien inscrit billet gagnant. Deux millions huit cent quatre vingt dix huit mille cinq cent quatre-vingt-huit dollars et seize sous.
-Vous êtes certain? demanda Henri.
-Oui monsieur, regardez, répondit le jeune commis encore sous le coup de l'émotion. Vous êtes riche! Riche! Oua! J'suis content pour vous! Oua! Mes amis m'croiront jamais! Oua!
Henri reprit son billet, placidement. Il devait se présenter à Montréal le lendemain pour encaisser le gros lot. Bon. Ça voulait dire aussi qu'il devait remettre son suicide à plus tard.
-Bon, ben, j'cré ben que j'me suiciderai pas aujourd'hui moé là, se dit-il sur le chemin du retour.
Il décrocha la corde après la poutre de sa shed. Rangea la chaise. Se fit du café.
Il ouvrit la radio et après avoir joué avec tous les postes s'arrêta sur un air de musique country.
-C'est bon ça. C'est Willie Nelson.
Et c'était effectivement Willie Nelson.
vendredi 16 janvier 2009
Gamache le P'tit Jos Connaissant
Il s'appelait Simon Gamache. Il était petit, svelte et avait le front un peu dégarni. Rien de bien sexy. Pour le cul, il se rabattait donc sur son statut de prof en littérature québécoise à l'université, parce que physiquement et psychiquement Gamache n'avait vraiment pas de quoi faire saliver une belle gourmande ou bien une gourgandine.
Gamache louchait dans le sens opposé de Jean-Paul Sartre, son écrivain français préféré. Il ne l'avait jamais lu par ailleurs, sinon par le biais de quelques biographes ou bien par quelques documentaires à la télé.
De plus, Gamache avait les dents croûtées par la résine de tabac, le café et le fromage. Il n'était pas très porté sur l'hygiène buccale.
Il n'avait pas de femme, évidemment. Et puis le sexe ne l'intéressait pas du tout. Gamache était un pur esprit. Il ne prenait pas plus de quinze secondes par jour pour se dégraisser le salami. Et c'était toujours en s'hypnotisant avec la même photo tirée d'une revue de cul qu'il traînait avec lui depuis sa plus bouillante adolescence, une photo de la star des années '80 Samantha Renard. Sur cette photo qui a été des milliers de fois remuée, Samantha porte un tee-shirt déchiré et semble vous regarder avec un air de hyène lubrique. Gamache n'en demandait pas plus. Souque! Souque! Souque! Et hop là, tout le travail était vite fait et bien fait! Un coup de torchon et plus rien n'y paraissait.
Gamache pouvait ensuite se consacrer entièrement à son travail de tête. Lire des journaux. Des magazines littéraires. Des notes de cours.
Gamache s'était mérité le surnom de P'tit Jos Connaissant à force d'abonder en lieux communs à tout propos pour se donner une profondeur qui, manifestement, lui faisait défaut.
Très jeune, Gamache avait commencé par lire L'Almanach du peuple puis quelques journaux. La plupart du temps, quoi qu' il en soit, Gamache se contentait de regarder la télévision pour apprendre par coeur quelques expressions de bourgeois d'apparence cultivé: «bien sûr, bien sûr», «tout à fait», «il va sans dire», «le signifiant et le signifié», «la tête à Papineau» et autres niaiseries du même ordre. Ce qui fait que les bourgeois le comprenaient et le croyaient l'un des leurs. Même qu'il jouait au bridge et sifflait quelques bouteilles de rouge avec eux. Le bonheur.
-Ah! qu'il est agréable de savourer une bonne bouteille de rouge entre personnes qui raffolent des arts et de la littérature québécoise! disait-il souvent, Gamache, en ajoutant «Vive le vin et l'art!», un clin d'oeil au poème La romance du vin, connu de tous les cégépiens ayant un tant soit peu de mémoire.
À l'école, Gamache n'avait lu que des lectures obligatoires. Il lisait rarement des livres qui sortaient du cadre du programme scolaire, même s'il s'était rendu jusqu'à la maîtrise en littérature québécoise.
Gamache avait lu tout ce qu'il convient de lire: Nulligan-le-copieur-du-Parnasse, Ayoye ma grosse orteil, L'homme empaillé et autres plaquettes de micropoètes à demi lettrés qui se fatiguaient vite à la tâche. Ils écrivaient tous leurs vers à vingt-et-un an et passaient ensuite toute leur vie à rabâcher leur nullité élevée au rang de chef d'oeuvre par quelques messieurs Jourdain, Bouvard et Pécuchet du ministère.
-Nulligan, ah oui, Ce fût un grand faisceau taillé dans l'art massif... Et Raoul Labrahoule: ayoye, oh, ayoye ma grosse orteil! Et L'homme empaillé: je te ferai terre de Québec n'importe quand, n'importe y'où, n'importe quoi, n'importe comment! Terre de ceci ou cela! Oh! Oh!
Ce n'était manifestement que de la merde. Du fumier pour prof de littérature à la maîtrise ou bien au doctorat. Plus tu trouvais que ça sentait bon, eh bien plus tu accédais aux hautes sphères de la culture officielle, de la culture plate, poche, soporifique, patriotarde, nulle à chier quoi. Tous les 5 à 7 et coquetels bourgeois s'ouvraient à toi. Pourquoi aurait-il fallu en savoir plus? Contente-toi de peu, bonhomme. Ne lis que des plaquettes approuvées par le ministère.
Ce qui fait que Gamache avait fait sa maîtrise sur L'homme empaillé. Et tous les honneurs lui revinrent facilement ensuite. Sa thèse de maîtrise a été légèrement modifiée et publiée sous le titre de L'homme empaillé dans l'imaginaire québécois - Essai sur le signifiant et le signifié dans l'oeuvre de Rémi Grondin. C'était, je vous le jure, tout à fait illisible et dénotait à chaque ligne la marque d'un parfait P'tit Jos Connaissant qui ne maîtrise pas son vocabulaire et encore moins sa prose. Un cordonnier mal chaussé qui voulait enseigner la littérature et qui, malheureusement, réussit à le faire en récoltant tous les honneurs au passage, les publications et les traductions de ses écrits grotesques, incultes, merdiques.
Mais Gamache faisait partie de la poutine. Il avait fait ce qu'il devait faire et les niaiseux du ministère n'en demandaient pas plus. Et comme Gamache fréquentait ces niaiseux, il se croyait grand, voyez-vous, et connaissant. Mais Gamache ne trompait personne, sinon ces niaiseux qui ne trompaient qu'eux-mêmes, eux aussi. Ils avaient tous reçu la même formation de niaiseux vaniteux et se croyaient investis d'un savoir immense pour avoir lu deux ou trois strophes bien québécoises ça et là, au cours de leurs études on ne peut plus lâchement conformiste.
Gamache, que vous le croyiez ou non, a même fini par devenir président de l'association locale des écrivains. Il siège sur tous les jurys littéraires et détermine ce qui est bon ou mauvais pour recevoir des récompenses et de l'argent.
Gamache connaît tout mais ne sait rien. Tu lui parles de quoi que ce soit, il trouve toujours réponse à tout et ne fait que répéter toujours les mêmes sempiternelles conneries. On aurait dit qu'il a reçu un coup de pelle sur la tête dans son enfance et qu'il est encore sous l'état de choc du coup de pelle.
-Il faut faire ceci ou cela! On doit faire ceci ou cela! dit-il tout le temps.
Devoir, falloir et toutes sortes d'impératifs lui passent par la bouche, le con, qui sait à peine lacer ses chaussures.
Même qu'il joue au politicien. Parle de devoirs patriotiques. De salut au drapeau. Et autres trucs de types qui se crosse sur des photos.
C'est vraiment un P'tit Jos Connaissant et il m'énerve, Gamache.
Mais que voulez-vous que j'y fasse?
Rien. Sinon tenir un blogue. Et écrire des histoires. Et rêver à voix haute d'un système d'éducation où les ploucs n'occupent pas le devant de la scène.
That's it. That's all.
Gamache louchait dans le sens opposé de Jean-Paul Sartre, son écrivain français préféré. Il ne l'avait jamais lu par ailleurs, sinon par le biais de quelques biographes ou bien par quelques documentaires à la télé.
De plus, Gamache avait les dents croûtées par la résine de tabac, le café et le fromage. Il n'était pas très porté sur l'hygiène buccale.
Il n'avait pas de femme, évidemment. Et puis le sexe ne l'intéressait pas du tout. Gamache était un pur esprit. Il ne prenait pas plus de quinze secondes par jour pour se dégraisser le salami. Et c'était toujours en s'hypnotisant avec la même photo tirée d'une revue de cul qu'il traînait avec lui depuis sa plus bouillante adolescence, une photo de la star des années '80 Samantha Renard. Sur cette photo qui a été des milliers de fois remuée, Samantha porte un tee-shirt déchiré et semble vous regarder avec un air de hyène lubrique. Gamache n'en demandait pas plus. Souque! Souque! Souque! Et hop là, tout le travail était vite fait et bien fait! Un coup de torchon et plus rien n'y paraissait.
Gamache pouvait ensuite se consacrer entièrement à son travail de tête. Lire des journaux. Des magazines littéraires. Des notes de cours.
Gamache s'était mérité le surnom de P'tit Jos Connaissant à force d'abonder en lieux communs à tout propos pour se donner une profondeur qui, manifestement, lui faisait défaut.
Très jeune, Gamache avait commencé par lire L'Almanach du peuple puis quelques journaux. La plupart du temps, quoi qu' il en soit, Gamache se contentait de regarder la télévision pour apprendre par coeur quelques expressions de bourgeois d'apparence cultivé: «bien sûr, bien sûr», «tout à fait», «il va sans dire», «le signifiant et le signifié», «la tête à Papineau» et autres niaiseries du même ordre. Ce qui fait que les bourgeois le comprenaient et le croyaient l'un des leurs. Même qu'il jouait au bridge et sifflait quelques bouteilles de rouge avec eux. Le bonheur.
-Ah! qu'il est agréable de savourer une bonne bouteille de rouge entre personnes qui raffolent des arts et de la littérature québécoise! disait-il souvent, Gamache, en ajoutant «Vive le vin et l'art!», un clin d'oeil au poème La romance du vin, connu de tous les cégépiens ayant un tant soit peu de mémoire.
À l'école, Gamache n'avait lu que des lectures obligatoires. Il lisait rarement des livres qui sortaient du cadre du programme scolaire, même s'il s'était rendu jusqu'à la maîtrise en littérature québécoise.
Gamache avait lu tout ce qu'il convient de lire: Nulligan-le-copieur-du-Parnasse, Ayoye ma grosse orteil, L'homme empaillé et autres plaquettes de micropoètes à demi lettrés qui se fatiguaient vite à la tâche. Ils écrivaient tous leurs vers à vingt-et-un an et passaient ensuite toute leur vie à rabâcher leur nullité élevée au rang de chef d'oeuvre par quelques messieurs Jourdain, Bouvard et Pécuchet du ministère.
-Nulligan, ah oui, Ce fût un grand faisceau taillé dans l'art massif... Et Raoul Labrahoule: ayoye, oh, ayoye ma grosse orteil! Et L'homme empaillé: je te ferai terre de Québec n'importe quand, n'importe y'où, n'importe quoi, n'importe comment! Terre de ceci ou cela! Oh! Oh!
Ce n'était manifestement que de la merde. Du fumier pour prof de littérature à la maîtrise ou bien au doctorat. Plus tu trouvais que ça sentait bon, eh bien plus tu accédais aux hautes sphères de la culture officielle, de la culture plate, poche, soporifique, patriotarde, nulle à chier quoi. Tous les 5 à 7 et coquetels bourgeois s'ouvraient à toi. Pourquoi aurait-il fallu en savoir plus? Contente-toi de peu, bonhomme. Ne lis que des plaquettes approuvées par le ministère.
Ce qui fait que Gamache avait fait sa maîtrise sur L'homme empaillé. Et tous les honneurs lui revinrent facilement ensuite. Sa thèse de maîtrise a été légèrement modifiée et publiée sous le titre de L'homme empaillé dans l'imaginaire québécois - Essai sur le signifiant et le signifié dans l'oeuvre de Rémi Grondin. C'était, je vous le jure, tout à fait illisible et dénotait à chaque ligne la marque d'un parfait P'tit Jos Connaissant qui ne maîtrise pas son vocabulaire et encore moins sa prose. Un cordonnier mal chaussé qui voulait enseigner la littérature et qui, malheureusement, réussit à le faire en récoltant tous les honneurs au passage, les publications et les traductions de ses écrits grotesques, incultes, merdiques.
Mais Gamache faisait partie de la poutine. Il avait fait ce qu'il devait faire et les niaiseux du ministère n'en demandaient pas plus. Et comme Gamache fréquentait ces niaiseux, il se croyait grand, voyez-vous, et connaissant. Mais Gamache ne trompait personne, sinon ces niaiseux qui ne trompaient qu'eux-mêmes, eux aussi. Ils avaient tous reçu la même formation de niaiseux vaniteux et se croyaient investis d'un savoir immense pour avoir lu deux ou trois strophes bien québécoises ça et là, au cours de leurs études on ne peut plus lâchement conformiste.
Gamache, que vous le croyiez ou non, a même fini par devenir président de l'association locale des écrivains. Il siège sur tous les jurys littéraires et détermine ce qui est bon ou mauvais pour recevoir des récompenses et de l'argent.
Gamache connaît tout mais ne sait rien. Tu lui parles de quoi que ce soit, il trouve toujours réponse à tout et ne fait que répéter toujours les mêmes sempiternelles conneries. On aurait dit qu'il a reçu un coup de pelle sur la tête dans son enfance et qu'il est encore sous l'état de choc du coup de pelle.
-Il faut faire ceci ou cela! On doit faire ceci ou cela! dit-il tout le temps.
Devoir, falloir et toutes sortes d'impératifs lui passent par la bouche, le con, qui sait à peine lacer ses chaussures.
Même qu'il joue au politicien. Parle de devoirs patriotiques. De salut au drapeau. Et autres trucs de types qui se crosse sur des photos.
C'est vraiment un P'tit Jos Connaissant et il m'énerve, Gamache.
Mais que voulez-vous que j'y fasse?
Rien. Sinon tenir un blogue. Et écrire des histoires. Et rêver à voix haute d'un système d'éducation où les ploucs n'occupent pas le devant de la scène.
That's it. That's all.
jeudi 15 janvier 2009
I' FAIT PAS CHAUD MÊME SI L'HIVER EST BEAU (PLUME LATRAVERSE)'
Il fait froid et c'est agréable.
Je jubile de penser que je vais respirer de l'air à peu près pur ce matin, avec le thermomètre qui devrait osciller entre -23 et -30 Celsius aujourd'hui. J'ai de bonnes bottes de skidoo de marque Kodiak, une chapka des plus chaude et un manteau spécialement conçu pour toutes les intempéries de l'hiver. Je pourrais marcher pendant des heures sans mourir de froid, le sourire aux lèvres et le frimas dans la moustache.
Je suis fait pour vivre dans un pays froid. Mon corps est conçu pour le Nord. Et non seulement mon corps, mais aussi mon esprit. Rien ne m'est plus étranger que de critiquer l'hiver alors que je n'en retire à tous points de vue que des bienfaits. Pelleter? Ça fait faire de l'exercice et le café n'en est que meilleur ensuite. Marcher au froid? C'est super. Les trottoirs qui glissent? Je ne glisse pas: je fais du ski sans skis. Et je chante, tout le long de mes randonnées hivernales, tout en contemplant les paysages qui s'offrent à mon oeil à peine collé par le frimas.
L'été, je passe mon temps à rêver à l'hiver. Et l'hiver, je rêve. Je jubile. Bref, je suis heureux.
***
J'avais le nez bouché hier matin avant que d'enfiler mes bottes et vêtements d'hiver. Aussitôt que je me suis mis à marcher au froid, une glaire abondante est sortie de mes narines pour ensuite laisser place à tout ce bel oxygène froid et bénéfique pour la santé. Mes conduits respiratoires se sont dégagés comme par enchantement. Je n'ai eu qu'à coincer une narine à la fois pour permettre à l'autre d'expulser prestement la morve. Snirf! avec la gauche. Snirf! avec la droite. Et, aaaaah! Le bonheur. De formidables bouffées d'air presque pur.
J'ai marché au moins trois quarts d'heure au froid le matin ainsi qu'un autre trois quarts d'heure au froid en fin de journée. Ce qui fait une heure et demie. Et vous savez quoi? Je ne tousse pas. Je n'ai pas la gastro. Je n'ai pas d'engelures. Je me sens bien, en paix avec l'hiver, allié avec lui.
***
-N'oubliez pas de bien vous habiller aujourd'hui! braillait ce matin la cocotte qui s'occupe du bulletin météo à la télé. Elle n'était pas très habillée par ailleurs et on voyait sa craque de mammifère à la hauteur de la poitrine.
Je rêve du jour où le bulletin météorologique sera présenté par un aborigène qui ne passe pas tout son hiver devant la télé.
-N'oubliez pas de fermer la télé et d'aller respirer le bon air frais de l'hiver! Watchiya!
Je peux rêver longtemps. Il tombe à peine cinq centimètres de neige que les médias nous parlent de la tempête du siècle. Il fait -20 Celsius et on voudrait presque fermer les écoles. C'est l'hiver, calvaire, et on en a vu d'autres, me semble. J'ai traversé au moins quarante hivers, à ce jour, et j'ai très bien survécu.
Les médias voudraient tous nous rendre feluettes, mollassons, inconsistants, tremblotants, désireux d'aller se faire chauffer la couenne dans le Sud, à boire des jus d'ananas et danser haut-les-mains-donne-moi-ton-coeur.
Honte à vous frileux qui détestez l'hiver!
Vous êtes au Québec et c'est normal que l'hiver... ce soit l'hiver!
mercredi 14 janvier 2009
Lucie Luc
Il s'appelait Luc mais tout le monde l'appelait Lucie Luc. Tout le monde, il faut s'entendre. Je me gardais une petite gêne, un reste d'humanité apprise chez mes parents. «Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse.» Dont insulter le petit nouveau de la classe de 5e année, Lucie Luc, un petit gros aux traits féminins, avec de gros seins et une voix de fillette. Le souffre-douleur idéal, quoi.
Lucie Luc passait ses journées entières à se faire molester dès que l'institutrice avait les yeux tournés. Mais ce n'était rien encore. À la sortie des classes, Lucie Luc était sûre d'en manger encore toute une. Les baveux s'y prenaient à dix ou à vingt-deux pour faire regretter à Lucie Luc d'être venue au monde. Des claques sur la gueule, des coups de pieds au cul, de la merde de chien dans les oreilles, tout ce que vous pouvez imaginer de sale et de répugnant, eh bien c'était le lot quotidien de Lucie Luc.
Même Parents-aux-aguets, l'organisme qui vient en aide aux enfants en situation de danger, n'était d'aucun secours.
Lucie Luc avait bien tenté de se réfugier chez des gens qui affichaient la vignette de Parents-aux-aguets dans leur fenêtre. Ils n'avaient jamais voulu lui ouvrir, comme s'ils craignaient la vingtaine de délinquants qui souhaitaient lui faire manger une chenille. C'est vrai qu'il ne fallait pas trop perturber les Gervais et les Massé, ces deux familles de mongols.
-Lâchez-lé don' les gars! I' vous a rien faitte! que je disais.
-Ta yeule Bouchard! C't'un tapette Lucie Luc!
-Lâchez-lé!
-Va chier Bouchard!
Que vouliez-vous que je fasse à vingt contre un? Je restais planté là stupidement, comme tous les autres. Les Gervais et les Massé étaient sur Lucie Luc et ça laissait tout le monde souffler un peu. Pendant qu'ils bûchaient sur Lucie Luc, les autres têtes de turcs goûtaient même un certain répit. Le problème, c'est que les Gervais et les Massé étaient mes amis. Je n'étais pas une tête de turc. J'étais bien trop mauvais. Mais j'assistais tout de même, impuissant, au martyre de Lucie Luc.
Lucie Luc avala la chenille d'un coup. Puis le gros Gervais et P'tits-Pieds-Massé pissèrent sur Lucie Luc.
-Avale christ de tapette! Avale Lucie Luc! qu'ils criaient tout en riant méchamment.
Luc était couché au sol, dans la position du foetus, et il pleurait.
Les Gervais et les Massé étaient partis. Il ne restait plus que moi, Hélène Caouette et Rémi Desaulniers. La Croix-Rouge, tiens, c'était nous trois.
-Ça va Luc?
Luc pleurait. On l'a relevé sans trop se coller sur lui, compte tenu de la pisse. Puis nous l'avons raccompagné jusque chez lui.
Luc était élevé par sa grand-mère, vieille, aveugle et sourde. On n'a jamais été capable de lui expliquer quoi que ce soit. Ce qui fait que Lucie Luc a continué de se faire battre pendant des mois, puis à des intervalles moins rapprochés, parce que même les salauds ont besoin de nouveauté. Battre la même tapette tous les jours, ça devient lassant.
Les coups continuèrent à pleuvoir sur son corps jusqu'au secondaire, de temps à autres. Luc commença à se sentir un peu mieux en suivant un D.E.P. en coiffure, parmi des tas de filles qui, il faut bien l'avouer, n'avaient jamais eu la méchanceté des gars à son égard. Les Gervais et les Massé se firent mettre dehors de l'école, par ailleurs, et poursuivirent leur vie de trous du cul: suicides, meurtres, viols, vols qualifiés, etc.
Alors que tout le monde croyait qu'il était homo, Luc s'est marié avec une coiffeuse et a eu six filles, imaginez-vous donc. Sa voix est toujours aussi douce, quoique moins fluette. Son visage est parfaitement glabre, rien que des cheveux, pas de moustache ni de sourcils. C'est vrai que Luc s'épile. Une fantaisie qu'il peut bien se permettre. Comme celle de s'être fait enlever ses seins.
Son salon de coiffure marche bien. La coiffurathèque que ça s'appelle. Vingt employés. Chiffre d'affaires impressionnant.
Luc et sa femme, Hélène Caouette, vivent dans un manoir cossu du haut de la ville. Avec leurs six filles qui courent un peu partout et la passion de son épouse pour les bibelots et la décoration rose bonbon, on se croirait vraiment dans une maison de poupées.
Et vous savez quoi? Avec l'enfer que les Gervais et les Massé lui ont fait vivre quand il était enfant, il n'y a pas d'homme sur terre qui ne mérite de vivre la vie en rose autant que Luc alias Lucie Luc, souffre-douleur professionnel du pays de mon enfance.
mardi 13 janvier 2009
Les Mallèchés ce soir au Gambrinus
Je vous ai parlé récemment du groupe Les Mallèchés.
Eh bien Alex Mallèché m'apprend qu'ils jouent ce soir au Gambrinus, à 21h00. Le Gambrinus est situé au 3160 du boulevard des Forges, près de l'UQTR. Le prix d'entrée est de cinq dollars. C'est pas cher pour ce qui sera sans nul doute un bon show. En ces temps de crise économique, quoi de mieux que d'aller écouter du rock de la classe ouvrière, je vous le demande, hein?
C'est un groupe à surveiller qui produit du rockabilly francophone de qualité, simple et efficace.
Ce groupe bénéficie de l'enthousiasme de solides musiciens. Alex Mallèché est le chanteur et guitariste électrique du groupe. Sa voix est juste et bien calibrée. Son jeu de guitare est on ne peut plus rockabilly. Dominic Mallèché est à la contrebasse et nous étonne par son jeu et son attitude punk. C'est pas de la contrebasse de moumoune. C'est jouer avec feu et générosité. Quant à Dan Mallèché, il a cette humilité appréciable d'être un bon drummer, bon dans le sens de bonté, qui a cette bonté de savoir soutenir le duo de cordistes sans les enterrer dans un solo de deux heures, comme le font les mauvais drummers. Bref, il a un jeu nuancé et tout à fait dans le ton du trio.
En somme, il y a un show des Mallèchés ce soir au Gambrinus et c'est une chance unique pour vous, si vous n'êtes pas trop loin de Twois-Wivièwes, d'aller les entendre.
JACOB ET CHANCE-À-TOUT-COUP
Le berger chiquait sa brindille avec l'air du gars qui était revenu de tout dans la vie et se contentait, justement, de chiquer sa brindille. C'était un vieux berger, bien sûr. Aux traits usés par le vent, le soleil, la pluie et la vérole.
Il s'appelait Jacob. Mais ses amis l'appelaient bon Jack. Parce que c'était un maudit bon Jack, ce Jacob, même s'il était pauvre comme Job et un peu trop porté sur l'alcool, si vous voyez ce que je veux dire. N'empêche qu'il ne dérangeait personne, ce vieux Jacob, et qu'il faisait paître paisiblement les troupeaux de son patron en passant toute la journée à changer le vin en pisse.
Éborgné, édenté et chauve, Jacob avait aussi perdu tous les doigts de sa main gauche, sauf le pouce, du temps où il faisait partie d'une troupe de patriotes armés, avec à sa tête cet incroyable type surnommé Chance-à-tout-coup.
Chance-à-tout-coup avait risqué mille fois la mort et chaque fois il s'en tirait, d'où son surnom.
Il s'était évadé six fois de prison, imaginez. Et le glaive était entré plusieurs fois dans son corps sans toucher aucun organe vital. Évidemment, il lui manquait lui aussi quelques doigts, quelques dents, mais Chance-à-tout-coup se tenait encore droit comme un i.
Et c'était un type d'agréable compagnie, qui plus est, qui savait parler de la bonne bouffe, des femmes et de tout le reste, sauf de la guerre, de la violence, des Romains et de tous ces sales trucs dont il s'était éloigné le plus loin possible, d'où sa passion pour le métier de ses vieux jours, berger, comme Jacob. Et Joseph. Et Isaac. Et tous les autres potes, quoi. Tous du bon monde. Aimables, avenants, simples. Rieurs. Musiciens.
Chance-à-tout-coup était connu aussi sous le nom de Barabbas. Si, si, Le Barabbas que les Romains n'ont pas crucifié. Ce n'est pas pour rien qu'il s'appelait Chance-à-tout-coup, que je vous dis. Qui s'en serait tiré aussi facilement? Je pourrais vous en nommer des centaines qui n'ont pas eu cette chance. Barabbas, que voulez-vous, il avait comme qui dirait la crotte au cul, une expression de berger qui signifie qu'il méritait son surnom.
Un Romain avait coupé la main de Jacob. Évidemment, le bon Jack ne s'en vantait pas trop de crainte de se faire couper la langue ou bien de finir comme ce pauvre Ioussif, un gars pas malin, un peu simple d'esprit sans doute, qui avait permis à Chance-à-tout-coup de s'en sortir indemne, comme ça, alors qu'il s'en allait tout droit vers une crucifixion en règle, près du dépotoir de Jérusalem.
Jacob ne s'était jamais fait prendre, heureusement, car cela n'arrivait qu'à Chance-à-tout-coup de s'en tirer aussi facilement.
Chance-à-tout-coup avait bien vieilli lui aussi. Il se contentait maintenant, comme Jacob, de garder les moutons tout en buvant du vin avec modération, compte tenu d'une vieille blessure de guerre qui s'était transformée en hémorroïdes saignantes.
Jacob et Chance-à-tout-coup parlaient pendant des heures en jouant et chantant des airs traditionnels ou improvisés. Jacob jouait du pipeau. Chance-à-tout-coup ponctuait le rythme en tapant sur un tambour en peau de mouton. Quand ils avaient les mains trop engourdies, ils parlaient de tout et de rien. Cependant, le pauvre Ioussif revenait souvent dans les conversations de Chance-à-tout-coup.
-Tu te souviens, mon vieux Jack, de c'te gars de Nazareth qui se disait le fils de Dieu, hein?
-Celui à qui tu dois la vie sauve, hein?
-Ouais... Dur à croire qu'il soit mort pour moi... Et c'est bien ce qui s'est produit pourtant.
-On ne t'appelle pas Chance-à-tout-coup pour rien, Barabbas!
-Oh que oui! Un peu de vin rouge, mon Jack?
-Pas de refus. Hum! Délicieux...
-C'est Mathieu qui l'a fait. Sacré Mathieu, hein...
-Ouais!
-En ville, j'ai entendu dire qu'il y en a encore qui croient que Ioussif était vraiment le fils de Dieu... Pauvre jeunesse... Croire en quelqu'un ou quelque chose, j'en suis revenu. Vivons et laissons braire le troupeau, c'est tout...
-Oh! Chance-à-tout-coup, tu sais les gens... Ils croieraient n'importe quoi.
-N'empêche que Ioussif c'était pas un méchant bougre... Les Romains lui ont foutu une sacré raclée... Oyoyoye! J'ai eu bien plus de chance. Pas même un coup de fouet. Merde! Ils m'ont presque bien traité, les Romains. Et j'en ai tué des tas! Et libéré en plus! Sans un putain de coup de fouet! J'ai vraiment la crotte au cul!
-Pas de doute, monsieur Chance-à-tout-coup.
Barabbas fixa le sol un moment, puis il reprit.
-Tu vois, j'ai parlé à Ioussif quand j'étais en-dedans, chez Ponce Pilate. Et j'ai beaucoup parlé avec lui, même avant la prison. Et tu sais ce qu'il disait toujours? Aimez-vous les uns les autres. Et moi je lui disais: même les Romains? Et il me répondait, oui, même les Romains.
-Même les Romains... Il ne devait pas dire la même chose quand ils lui ont planté des clous dans les bras...
-Justement... Mon beau-frère Étienne, fils de Moché, y était quand ils l'ont cloué au Golgotha. Paraît qu'il a passé des heures à pardonner tout le monde dans son délire et qu'avant de mourir il a crié Mon Dieu! Mon Dieu! pourquoi m'as-tu abandonné? Le fils de Dieu... Ouais, il n'avait pas de chance ce Ioussif. Pas de chance du tout.
-Pardonner à tout le monde, c'est peut-être pas si con Barabbas, n'est-ce pas ce que nous avons fini par faire nous-mêmes, hein? Regarde... La lune est claire. Le troupeau est paisible. On partage un bon vin entre amis. On fait de la musique. L'air est embaumé du parfum des fleurs...
-Et du crottin de mouton, huhuhu! ajouta Barabbas.
-Et du crottin de mouton, ouais! Hahaha!
-J'ai pardonné à tout le monde moi aussi, Jack. J'ai fait la paix dans mon coeur.
-Moi aussi. Je n'en veux plus à personne, même aux Romains.
-Nous sommes tous des cons, n'est-ce pas Jack?
-Tous des cons, c'est sûr.
-À ta santé Jack!
-À la tienne aussi, Barabbas!
lundi 12 janvier 2009
RÉCUPÉRATION...
Je fais de la récupération même avec les vieux bouts de carton sur lesquels j'étends mes couleurs lorsque je m'amuse à peindre des tableaux plus ou moins naïfs de la vie.
Ce matin, j'ai griffonné quelque chose au stylo Paper-Mate noir pour prêter vie aux taches de couleurs de la veille.
J'ai donc sorti ce vieillard aux cheveux jaunis accompagné d'un chien plus ou moins symbolique.
Le vieux tient une carte dans ses mains. Je ne sais pas pourquoi. Il a des ailes dans le dos. Je ne sais pas pourquoi non plus. Si je le savais, ce ne serait pas un dessin composé à partir de taches de couleurs mélangées aléatoirement. Ce ne serait pas aussi étrange.
***
La récupération, autrement dit le recyclage, éprouve quelques ennuis à Trois-Rivières et probablement ailleurs aussi. Un plein camion de matières à recycler a été surpris la semaine dernière en train de délester sa marchandise au dépotoir, à Saint-Étienne-des-Grès. Paraît que ce ne sont pas les ordres qu'ils reçoivent des autorités, les types qui charrient les milliers de tonnes de matières à recycler contenues dans les bacs bleus. Et paraît que le prix du carton ou papier recyclé est tombé tout près de zéro. Sans compter le reste. Donc, ce n'est plus rentable de récupérer, de recycler... D'où le dépotoir, j'imagine. Ils ne peuvent pas se les foutre dans leurs poches, ces tonnes de trucs à recycler qui ne trouvent pas preneur pour le recyclage. Donc, ils jettent tout ça au dépotoir. Et les citoyens continuent de trier leurs déchets comme si de rien n'était.
On pollue plus vite qu'on ne recycle, c'est la triste réalité.
D'où l'intérêt de créer des oeuvres à partir de mes bouts de carton. Une manière de contribuer à créer un environnement plus propre à rêver autour de moi. Je sais que c'est une très modeste contribution, tant pour l'environnement que pour le monde de l'art, mais j'y tiens, simplement.
Le but ce n'est pas de remplir le bac bleu jusqu'à ce qu'il déborde. C'est juste de gérer mes déchets intelligemment. D'abord en refusant de recevoir de la publicité par la poste, ce qui diminue le papier produit pour rien. Et ensuite en triant tout ce qui peut se récupérer pour les usages quotidiens de la vie ou de l'art, pots, contenants de plastique, etc.
Je sais que je n'arriverai à rien tout seul. Mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire.
Donc, je récupère, stupidement, en évitant de sombrer dans la pensée magique, comme de penser que mes beaux déchets bien triés deviendront autant de merveilles flambant neuves.
Il se peut que mes produits à recycler terminent dans les sites d'enfouissement. Parce qu'il n'y a pas suffisamment d'infrastructures pour tout recycler. Donc, je ne dois pas en mettre plus dans le bac bleu, mais beaucoup moins. Même chose pour le bac vert.
***
Je fais un peu Pôpa dans La p'tite vie, je sais. Mais c'est demain le jour des vidanges et mes deux bacs débordent. Ce sont mes restes du party du Jour de l'An: boîtes, bouteilles, papiers d'emballage, bidules de plastique et autres déchets organiques. Et où ça va s'en aller? À la petite boutique de recyclage au Nord de la ville, avec cette poignée d'employés pour trier les déchets de 135 000 personnes... D'ailleurs, ils ne trient plus et c'est à deux doigts de la fermeture, Récupération Mauricie. Il manque d'argent. Le prix du papier et du carton recyclé est presque tombé à rien du tout. Tout a chuté. Et la merde s'accumule. Et on nous dit de retrouver confiance, de consommer, de surconsommer, de se consumer quoi, pfft!, après moi le déluge...
Y'a quelque chose qui cloche, vous trouvez pas?
dimanche 11 janvier 2009
Comment rendre l'homme meilleur et bon et enfin, pourquoi pas, raisonnable?
J'ai l'air de rien mais je me pose cette foutue question plusieurs fois par jour sans trouver de réponse satisfaisante: comment rendre l'homme meilleur? Meilleur et bon. Et enfin, pourquoi pas, raisonnable.
La difficulté que j'ai à répondre à cette question tient entre autres de mon humilité, que j'ai la vanité d'appeler de la sincérité. Je ne me sens pas le meilleur homme pour répondre à cette question, d'où son insolubilité.
Je ne pourrais bien sûr que ne m'en tenir à la définition du dictionnaire. Truc éculé d'ignare et de cuistre. Sinon de linguiste. Comme je ne le fais pas, cela suppose ma mesquinerie envers les ignares, les cuistres et les linguistes. Ce qui fait que je suis en fâcheuse position pour me lancer dans une définition toute personnelle de ce qu'est le meilleur, le bon et, enfin, le raisonnable.
Vous vous dites avec raison qu'un type comme moi devrait fermer sa gueule à ce sujet. Et cesser de jouer au photosophe avec ses vues ridicules sur une matière qu'il ne met pas en pratique en toutes occasions. Et je vous donne raison. Parce que je sais ce que je vaux. Pas vous?
J'appelle donc à mon secours un spécialiste du meilleur et du bon, enfin bref du raisonnable.
Il s'appelle Bubu. Je ne lui connais aucun défaut. Il salue tout le monde, tout le temps, en riant. Je ne l'ai jamais vu malheureux ou triste. C'est le seul sourire perpétuel que je connaisse dans toute la ville de Trois-Rivières. Le seul. Et je n'invente rien.
Bubu ressemble vaguement à Michel Louvain avec un regard non moins sincère. Il est, aux yeux des mauvaises langues, un pas vite. Pourquoi? Parce qu'il dit salut à tout le monde, je parie. Parce qu'il sait vivre, qu'il rit, qu'il est heureux.
Donc, c'est à lui que je m'adresse, en toutes occasions, pour définir ce qu'est le meilleur, le bon et le raisonnable parce qu'il me semble, de tous les êtres que je côtoie, le seul qui se soit toujours montré inflexible face au chagrin et aux affres de la mesquinerie. Jamais son âme n'a frôlé ces abîmes de déchéance et de violence gratuite qui agitent presque tous les singes ratés que nous sommes. Il est paix, bonheur, rire, savoir-vivre. Un vrai gentleman, quoi. Le seul, quoi. Tout le temps. Je vous jure.
-'t'alut! 't'alut!
C'est tout ce qu'il sait dire. Enfin presque tout. Et il le dit à tout le monde, Bubu, parce qu'il sait vivre.
Bubu est beau à voir, au volant de son petit quadriporteur qu'il conduit en balançant son poids de droite à gauche, d'un rythme lent mais continu.
-'t'alut! 't'alut!
Il sème ses salutations à tous vents. Tout être humain même le plus sale et le moins fréquentable a droit au salut de Bubu.
-'t'alut! 't'alut!
Il n'y a ni pauvre ni riche, ni chrétien ni juif ni mulsulman, ni Canadien ni Québécois, rien que des visages devant lesquels il sourit et dit sempiternellement:
-'t'alut! 't'alut!
Tout porte à croire que cet homme, Bubu, bien que son langage soit limité à des salutations d'usage, n'en dénote pas moins une solide détermination dans la voie du savoir-vivre: saluer les gens sans jamais défaillir, avec une ôpiniâtreté qui témoigne de toute la force de son bon caractère.
Bubu est par le fait même pleinement en mesure de définir à la source le meilleur, le bon et l'enfin raisonnable. Il l'est pour moi, quoi que vous en pensiez. C'est lui mon maître à penser. Je vous ai tous observé, un par un, et vous m'avez tous déçus, sauf Bubu.
Donc, je vais aller voir Bubu pour me guérir de ma misanthropie passagère. Il faut bien commencer à quelque part. Et Bubu, je vous l'ai dit, est mon maître à panser mes blessures morales.
-Salut Bubu!
-'t'alut! 't'alut!
-Ça va bien, Bubu?
-M'oui!
-Comment définirais-tu le meilleur, le bon et le raisonnable, Bubu?
-Des bonbons, c'est bon!
Bubu activa son quadriporteur et tourna au moins trois fois sur le même axe en riant. Puis il s'en alla en klaxonnant et en agitant sa main.
-'t'alut! 't'alut!
Des bonbons, c'est bon. C'est tout ce qu'avait produit l'oracle. Sacré Bubu!
Je sais que vous me trouverez fou de voir la l'empreinte d'une quelconque leçon de sagesse. Je n'ai pas trouvé tout à fait la réponse à la question que je me posais. Mais j'ai trouvé un sourire, un salut, des bonbons c'est bon, une connerie pour oublier que la vie est parfois stupide, insensée, violente pour rien, agressive, sans pitié, dure, méchante, injuste, intolérable, intolérante, laide ou whatever.
Bubu salue tout son monde et tout le monde le salue. Et vous allez me dire que cet homme n'est pas parfait? Personne ne le déteste. Tout le monde l'aime. Et vous allez me dire qu'il n'a pas raison?
Définissons le meilleur, le bon et le raisonnable une autre fois, si vous le voulez bien.
C'est aujourd'hui dimanche. Des bonbons, c'est bon...