Un auteur de romans ou de nouvelles se doit d'aller voir l'état de ses sources afin que son imagination n'ait jamais l'air de se tarir.
Je ne vous nommerai pas l'une de mes sources que je vais surnommer Pouding, ici, pour les besoins de la démonstration.
Quelle démonstration? Eh bien celle que je vais toujours vérifier l'état de mes sources, comme le tallyman cri va compter ses castors, ses martres et ses blaireaux sur son lot de trappe.
Tout a commencé par un coup de fil de Pouding.
-Salut gros z'homme! C'est Pouding à l'appareil!
-Salut Pouding! Qu'est-cé que j'peux faire pour toé?
-Rien. En seulement qu'j'en ai une christ de bonne à te raconter. C'est à propos de Laframboise.
-Laframboise? Pas le légendaire Laframboise?
-Oui monsieur, poursuit Pouding en marquant une pause pour me faire saliver d'entendre la suite.
-Ben quoi... Qu'est-ce qu'il a fait encore Laframboise?
-Cré-moé Bouchard, c'est sûr que ça va finir dans le top ten des niaiseries que t'envouèyes sur le ouèbe.
-Ah oui? Pis quoi? m'impatienté-je.
-Tut! Tut! Calme-toé! Calme-toé! Passe chez-nous pis j'va's t'raconter ça.
-Ok Pouding. J'arrive ça s'ra pas long.
Puis j'enfile mon manteau et m'en vais prestement chez Pouding pour en savoir plus sur la dernière bêtise de ce fameux Laframboise que j'observe avec une passion qui saurait émouvoir un entomologiste.
D'autres s'intéressent aux petites bêtes, moi j'ai le béguin pour les humains.
Et Laframboise, croyez-moi, c'est tout un spécimen. Un polydépendant aux yeux de belette qui ment comme un forcené pour emprunter de l'argent ou vendre des trucs déglingués qu'il trouve dans les poubelles.
Arrivé chez Pouding, je m'installe à la table et j'attends ses confidences à propos de Laframboise.
Pouding m'offre un café et y ajoute une larme de Chemineau. Puis il m'offre un autre café, avec une plus grosse lampée de Chemineau. L'atmosphère s'échauffe. On fume un peu. Puis on oublie tout à fait Laframboise. Neil Young chante une drôle de chanson où il est question de continuer à rocker dans un monde libre.
Je reviens chez-moi bredouille, le sourire aux lèvres.
Les oiseaux gazouillent. Les automobiles polluent.
Il n'y a pas vraiment de nuages.
Une journée idéale pour ne pas écrire.
vendredi 30 avril 2010
jeudi 29 avril 2010
mercredi 28 avril 2010
Thérapie quand tu nous tiens...
Je n'ai rien contre l'homme qui se met à pleurer, sauf que je ne vais pas pleurer.
L'hypersensibilité ambiante de ma société me répugne. Ça manque de virilité. Ou de tempérament, pour que ma comparaison soit favorable aux deux sexes, puisqu'il y a même des femmes qui ne supportent pas le pleurnichage.
En Afrique, on crève de faim. En Amérique, on pleure pour un ongle cassé, une dette quelconque, une gouttière mal installée.
Nous n'avons pas les moyens de placer en thérapie l'humanité entière. Pourtant, l'ensemble de la société dans laquelle je vis semble croupir en thérapie, discourir de thérapie, vivre et survivre de thérapie. Avant, on parlait de rédemption et de confessionnal. Aujourd'hui, on parle de croissance personnelle et de thérapie. Rien n'a changé. Chasser le surnaturel et il revient au galop avec la chair en charpie et les oreilles molles.
Un moment donné, il faut savoir mettre ses culottes, assécher ses larmes et foncer droit devant en se foutant des atermoiements, pleurnichages et autres comportements de lavette.
La thérapie, c'est tout ce qu'on a trouvé pour dire à un homme ou une femme qui souffre d'arrêter de s'en faire pour rien.
Les lologues et autres masturbateurs intellectuels s'en donnent à coeur joie. Souvent, ils ont une fiouze de péter entre les deux oreilles et on fait appel à ces esprits dérangés pour faire du rangement dans la communauté: des pilules pour Untel, des contentions pour Telautre, des sessions de pleurnichage pour tout le monde.
Fuck off.
Vive la liberté libre. Vive le doute, l'angoisse, l'anxiété, la misère, la faim, la souffrance, n'importe quoi sauf la fucking thérapie miracle, les discours savants sur la souffrance mentale, les philosophies de basse-cour pour occidentaux gâtés pourris.
Exactement comme dans le dernier chapitre du roman Le meilleur des mondes de Aldous Huxley. Être un Sauvage parmi les civilisés. Un Sauvage qui fait toutes sortes d'incantations irrationnelles. Un Sauvage qui préfère souffrir plutôt que d'être heureux comme un singe gavé de soma et de paroles pseudo-scientifiques de tartampions diplômés de l'université Cracker Jack.
Ça m'a fait du bien d'en parler...
L'hypersensibilité ambiante de ma société me répugne. Ça manque de virilité. Ou de tempérament, pour que ma comparaison soit favorable aux deux sexes, puisqu'il y a même des femmes qui ne supportent pas le pleurnichage.
En Afrique, on crève de faim. En Amérique, on pleure pour un ongle cassé, une dette quelconque, une gouttière mal installée.
Nous n'avons pas les moyens de placer en thérapie l'humanité entière. Pourtant, l'ensemble de la société dans laquelle je vis semble croupir en thérapie, discourir de thérapie, vivre et survivre de thérapie. Avant, on parlait de rédemption et de confessionnal. Aujourd'hui, on parle de croissance personnelle et de thérapie. Rien n'a changé. Chasser le surnaturel et il revient au galop avec la chair en charpie et les oreilles molles.
Un moment donné, il faut savoir mettre ses culottes, assécher ses larmes et foncer droit devant en se foutant des atermoiements, pleurnichages et autres comportements de lavette.
La thérapie, c'est tout ce qu'on a trouvé pour dire à un homme ou une femme qui souffre d'arrêter de s'en faire pour rien.
Les lologues et autres masturbateurs intellectuels s'en donnent à coeur joie. Souvent, ils ont une fiouze de péter entre les deux oreilles et on fait appel à ces esprits dérangés pour faire du rangement dans la communauté: des pilules pour Untel, des contentions pour Telautre, des sessions de pleurnichage pour tout le monde.
Fuck off.
Vive la liberté libre. Vive le doute, l'angoisse, l'anxiété, la misère, la faim, la souffrance, n'importe quoi sauf la fucking thérapie miracle, les discours savants sur la souffrance mentale, les philosophies de basse-cour pour occidentaux gâtés pourris.
Exactement comme dans le dernier chapitre du roman Le meilleur des mondes de Aldous Huxley. Être un Sauvage parmi les civilisés. Un Sauvage qui fait toutes sortes d'incantations irrationnelles. Un Sauvage qui préfère souffrir plutôt que d'être heureux comme un singe gavé de soma et de paroles pseudo-scientifiques de tartampions diplômés de l'université Cracker Jack.
Ça m'a fait du bien d'en parler...
mardi 27 avril 2010
L'artiste-peintre trifluvien Luc Gaudet nous a quitté
L'artiste-peintre et ami Luc Gaudet nous a quitté dans des circonstances tragiques. Il s'est enlevé la vie.
J'offre mes plus sincères condoléances aux proches et amis de Luc.
Il me parlait toujours de ses toiles avec une passion débordante. Il y mettait plus que du sien. Il se transcendait dans cet univers de formes et de couleurs qui m'ont souvent fait penser à celui de Chirico.
Quand on contemple ses toiles, on ressent qu'il était connecté aux plus hautes sphères de la métaphysique et qu'il en avait sondé ses secrets.
Je souhaite vivement que son héritage pictural soit préservé. Je prie pour qu'un mécène institutionnel se pointe afin de racheter ses tableaux et de les exposer pour qu'il fasse partie de notre histoire de l'art.
Luc tenait un blogue, un blogue que je lui avais ouvert afin qu'il puisse révéler les fruits de son imagination au plus grand nombre. Son blogue figure sur ma blogoliste. Vous pouvez y accéder ici.
Je vous laisse sur quelques tableaux du grand artiste-peintre trifluvien Luc Gaudet.
Je salue ses mânes et lui souhaite un bon voyage au pays des esprits.
Puisse la paix l'envelopper et le conduire vers une véritable libération.
J'offre mes plus sincères condoléances aux proches et amis de Luc.
Il me parlait toujours de ses toiles avec une passion débordante. Il y mettait plus que du sien. Il se transcendait dans cet univers de formes et de couleurs qui m'ont souvent fait penser à celui de Chirico.
Quand on contemple ses toiles, on ressent qu'il était connecté aux plus hautes sphères de la métaphysique et qu'il en avait sondé ses secrets.
Je souhaite vivement que son héritage pictural soit préservé. Je prie pour qu'un mécène institutionnel se pointe afin de racheter ses tableaux et de les exposer pour qu'il fasse partie de notre histoire de l'art.
Luc tenait un blogue, un blogue que je lui avais ouvert afin qu'il puisse révéler les fruits de son imagination au plus grand nombre. Son blogue figure sur ma blogoliste. Vous pouvez y accéder ici.
Je vous laisse sur quelques tableaux du grand artiste-peintre trifluvien Luc Gaudet.
Je salue ses mânes et lui souhaite un bon voyage au pays des esprits.
Puisse la paix l'envelopper et le conduire vers une véritable libération.
lundi 26 avril 2010
Philosophie
La lumière n'était pas tamisée puisqu'il faisait clairement soleil. Et comme tout se passait à l'extérieur, sur une terrasse sans nulle forme de parasol, eh bien l'ombre était sous nos pieds bien plus que sur nos visages. Par conséquent, on peut dire que c'était une belle journée.
Nous étions trois, encore que nous aurions pu facilement être cinq puisqu'il y avait encore deux chaises de parterre disponibles. Deux chaises en plastique qui brisent à rien. On s'écrase un petit cul d'à peine deux cent cinquante livres sur une de ces chaises cuites au soleil et voilà que l'on se retrouve postérieur au sol avec de la garnote dans la raie culière.
Le fait demeure que nous étions trois, à défaut d'être plus nombreux, que c'était une belle journée et que surtout nous parlions de tout et de rien. Autour d'une bonne bière fraîche bue dans une bouteille bien opaque pour l'empêcher de sentir le jus de moufette.
Je ne disais rien cette fois-là. Je suis d'habitude plus volubile. Mais il m'arrive d'être refermé comme une huître. Surtout après l'inhalation ou l'ingestion de quelques trucs pour humain blasé qui veut retrouver sa joie de vivre et perdre ses satanées inhibitions de crétin.
Les deux autres parlaient un peu plus que moi parce que d'habitude ils ne disaient jamais un mot. D'habitude, c'est du matin au soir. Pendant les premières heures de la gueule de bois. Après quelques aspirines, ils se croyaient universitaires parce qu'ils se saoulaient comme tous les autres universitaires, hormis Lafond et deux ou trois inconnus. Lafond qu'on ne connaissait pas plus qu'il faut. Juste un nom que l'on entendait à la fac lors des séances de prise de présence.
-Lafond!
-'est moé, qu'on entendait, dans le fond de la classe.
Et comme il y avait toujours la grosse Simone devant lui, on ne l'a jamais vraiment vu. Mais on savait qu'il ne buvait que de l'eau et lisait Kant tous les jours.
Nous, on lisait seulement ce qui était digne d'intérêt, des auteurs chinois loufoques, des cyniques grecs, Charles Bukowski et le marquis de Sade. Kant manquait d'imagination et on croyait que c'était non seulement un auteur ennuyant, mais surtout un auteur vide, qui a mené une vie vide et dont toute l'expression de la philosophie n'est que de la logorrhée, du vomi mental qui ne vaut pas n'importe quelle phrase du premier Chinois ou Apache venu.
Je ne parlais pas, sur la terrasse, et je buvais ma Molson Ex en toute quiétude tandis que mes comparses s'égosillaient sur leur conception de la philosophie qui, fondamentalement, se rapprochait de la mienne. Il me faut ajouter que mes deux compagnons de faculté avaient les facultés affaiblies. Ils en avaient soupé de la chose en soi, de la chaise, de la dialectique et de tout ce verbiage de curés qui s'ignorent.
-Il faut goûter à la substantifique moëlle de la vie! hurla Aucoin après s'être callé deux autres bières. Aucoin qui était tout un as de l'ivrognerie lui aussi. Et grand lecteur de livres intéressants. Ce qui fait qu'il s'entendait mal avec ces triples buzes qui lisent des livres ennuyants et veulent ensuite vous les rentrer en travers de la gorge, juste pour vous emmerder avec du prêchi-prêcha de lopette intellectuelle.
-J'ai lu Sartre et j'aurais mieux fait de me crosser, répliqua Gontran. Gontran qui était gros et grand et lui aussi grand lecteur de trucs inutiles, comme les romans de Henry Miller ou bien les divagations de Rimbaud.
Hommes à femmes tous les trois, j'oubliais de dire que pas un livre de philo ne pouvait battre de belles paires de chair à la rotondité parfaite, munies de muqueuses, de rêves et de parfums exotiques. Ce qui fait qu'on trouvait le temps long et qu'on buvait, dans l'attente de la prochaine aventure, pour que la vie vaille la peine d'être vue, ressentie et vécue dans sa chair comme dans son âme.
Les prolégomènes de la pensée pure étaient un supplice à nos yeux de bons vivants.
-La philosophie, calice, c'est pas juste l'héritage des grecs pis des romains sacrament! ajouta l'Aucoin, juste pour mieux digérer sa bière.
-On nous a pas raconté une ligne sur la philosophie des Iroquois, des Algonquins, des Sioux, des Navajos, des Aztèques, des Hindous, des Éthiopiens, des Chinois, des Azerbaïdjanais et des Newfies! Quand je lis des contes zen, tabarnak, j'ai l'impression d'apprendre quelque chose!
Gontran était un peu bouddhiste sur les bords, mais pas trop. Il n'était pas du genre à léviter trop longtemps.
Oui, nous étions coincés à l'université, dans une pensée un peu stérile, en stucco gréco-romain, où des demi-alphabètes nous ressassaient leurs notes de cours d'il y a vingt-cinq ans, du temps où les étudiants ne prenaient plus de notes de cours...
Les chaises de plastique allaient encore briser ce jour-là sur nos gros culs philosophiques. Aucoin allait tomber dans les fleurs du jardin. Gontran s'endormirait dans les chiotes du bar où j'irais le récupérer à trois heures du matin, avec ses lunettes qui flotteraient dans l'urinoir parmi les pastilles camphrées.
Quant à moi, ciboire, eh bien je jouerais de l'harmonica, tout simplement, pour ne plus me casser la tête avec des conneries.
Nous étions trois, encore que nous aurions pu facilement être cinq puisqu'il y avait encore deux chaises de parterre disponibles. Deux chaises en plastique qui brisent à rien. On s'écrase un petit cul d'à peine deux cent cinquante livres sur une de ces chaises cuites au soleil et voilà que l'on se retrouve postérieur au sol avec de la garnote dans la raie culière.
Le fait demeure que nous étions trois, à défaut d'être plus nombreux, que c'était une belle journée et que surtout nous parlions de tout et de rien. Autour d'une bonne bière fraîche bue dans une bouteille bien opaque pour l'empêcher de sentir le jus de moufette.
Je ne disais rien cette fois-là. Je suis d'habitude plus volubile. Mais il m'arrive d'être refermé comme une huître. Surtout après l'inhalation ou l'ingestion de quelques trucs pour humain blasé qui veut retrouver sa joie de vivre et perdre ses satanées inhibitions de crétin.
Les deux autres parlaient un peu plus que moi parce que d'habitude ils ne disaient jamais un mot. D'habitude, c'est du matin au soir. Pendant les premières heures de la gueule de bois. Après quelques aspirines, ils se croyaient universitaires parce qu'ils se saoulaient comme tous les autres universitaires, hormis Lafond et deux ou trois inconnus. Lafond qu'on ne connaissait pas plus qu'il faut. Juste un nom que l'on entendait à la fac lors des séances de prise de présence.
-Lafond!
-'est moé, qu'on entendait, dans le fond de la classe.
Et comme il y avait toujours la grosse Simone devant lui, on ne l'a jamais vraiment vu. Mais on savait qu'il ne buvait que de l'eau et lisait Kant tous les jours.
Nous, on lisait seulement ce qui était digne d'intérêt, des auteurs chinois loufoques, des cyniques grecs, Charles Bukowski et le marquis de Sade. Kant manquait d'imagination et on croyait que c'était non seulement un auteur ennuyant, mais surtout un auteur vide, qui a mené une vie vide et dont toute l'expression de la philosophie n'est que de la logorrhée, du vomi mental qui ne vaut pas n'importe quelle phrase du premier Chinois ou Apache venu.
Je ne parlais pas, sur la terrasse, et je buvais ma Molson Ex en toute quiétude tandis que mes comparses s'égosillaient sur leur conception de la philosophie qui, fondamentalement, se rapprochait de la mienne. Il me faut ajouter que mes deux compagnons de faculté avaient les facultés affaiblies. Ils en avaient soupé de la chose en soi, de la chaise, de la dialectique et de tout ce verbiage de curés qui s'ignorent.
-Il faut goûter à la substantifique moëlle de la vie! hurla Aucoin après s'être callé deux autres bières. Aucoin qui était tout un as de l'ivrognerie lui aussi. Et grand lecteur de livres intéressants. Ce qui fait qu'il s'entendait mal avec ces triples buzes qui lisent des livres ennuyants et veulent ensuite vous les rentrer en travers de la gorge, juste pour vous emmerder avec du prêchi-prêcha de lopette intellectuelle.
-J'ai lu Sartre et j'aurais mieux fait de me crosser, répliqua Gontran. Gontran qui était gros et grand et lui aussi grand lecteur de trucs inutiles, comme les romans de Henry Miller ou bien les divagations de Rimbaud.
Hommes à femmes tous les trois, j'oubliais de dire que pas un livre de philo ne pouvait battre de belles paires de chair à la rotondité parfaite, munies de muqueuses, de rêves et de parfums exotiques. Ce qui fait qu'on trouvait le temps long et qu'on buvait, dans l'attente de la prochaine aventure, pour que la vie vaille la peine d'être vue, ressentie et vécue dans sa chair comme dans son âme.
Les prolégomènes de la pensée pure étaient un supplice à nos yeux de bons vivants.
-La philosophie, calice, c'est pas juste l'héritage des grecs pis des romains sacrament! ajouta l'Aucoin, juste pour mieux digérer sa bière.
-On nous a pas raconté une ligne sur la philosophie des Iroquois, des Algonquins, des Sioux, des Navajos, des Aztèques, des Hindous, des Éthiopiens, des Chinois, des Azerbaïdjanais et des Newfies! Quand je lis des contes zen, tabarnak, j'ai l'impression d'apprendre quelque chose!
Gontran était un peu bouddhiste sur les bords, mais pas trop. Il n'était pas du genre à léviter trop longtemps.
Oui, nous étions coincés à l'université, dans une pensée un peu stérile, en stucco gréco-romain, où des demi-alphabètes nous ressassaient leurs notes de cours d'il y a vingt-cinq ans, du temps où les étudiants ne prenaient plus de notes de cours...
Les chaises de plastique allaient encore briser ce jour-là sur nos gros culs philosophiques. Aucoin allait tomber dans les fleurs du jardin. Gontran s'endormirait dans les chiotes du bar où j'irais le récupérer à trois heures du matin, avec ses lunettes qui flotteraient dans l'urinoir parmi les pastilles camphrées.
Quant à moi, ciboire, eh bien je jouerais de l'harmonica, tout simplement, pour ne plus me casser la tête avec des conneries.
dimanche 25 avril 2010
vendredi 23 avril 2010
Tom et la Voie lactée
Tom est parti à l'aube, avant que le vent ne se lève, sur son vieux vélo. Le vent se lève vers neuf heures le matin par temps ordinaire. Et c'était un temps plutôt extraordinaire, beau soleil, pas de nuages et ce qu'il fallait de fraîcheur pour donner du tonus aux muscles.
Tom croise sur son passage un livreur de journal, deux brosseux qui rentrent chez-eux et bien sûr la machine qui brosse les rues.
Roule, roule, roule. Et le voilà qui arrive au Parc National de la Mauricie vers les onze heures.
Arrivé au lac Wapizagonke , Tom loue un canot pour deux jours. Puis il pagaie, portage et se retrouve enfin vers quatre heures de l'après-midi à son spot préféré, la baie des onze îles, au bout du lac Caribou.
Tom trouve là onze îles de sable fin, le soleil, la chaleur et hop la piscine dans une eau que l'on peut boire sans s'empoisonner.
C'est la récompense d'une journée d'efforts intenses.
Tom ramène son canot sur la plage, dresse sa tente, se prépare un repas sur le feu.
Partout le calme.
Pas un bruit. En tout cas, pas ces bruits que l'on entend en ville.
Une vie mystérieuse, tout autour. Et au centre de lui-même, l'état de grâce.
Tom contemple la Voie lactée, qu'il n'avait jamais vue en ville.
Il y a des trillions de fois plus d'étoiles au lac Caribou, près de la baie des Onzes Îles, qu'il n'y en a dans son ghetto, à Trois-Rivières, où jamais les lumières ne s'éteignent. Des trillions de fois.
Il entend huler le hibou.
Il fume le calumet de la paix.
Puis il rentre dans sa tente et dort.
Le lendemain matin, à l'aube, Tom va nager pour se ramener un peu. Puis comme il fait ses premières brassées, lentement, il aperçoit un caribou, à trente pieds devant lui.
Le caribou le regarde d'un air nonchalent tout en continuant sa traversée des eaux. Son panache est flamboyant. C'est un gros mâle adulte. Sûrement pas la risée de ses congénères.
L'eau lui monte jusqu'à l'encolure. Il passe à l'embouchure de la baie, là où les eaux sont peu profondes.
Le caribou s'enfonce dans la forêt. Il fracasse les branches sur son passage.
Tom n'a pas pris de photo.
Il n'en a pas besoin.
Il sait qu'il vient de vivre un moment privilégié avec la nature.
Un moment que très peu de gens auront goûté au bout de leur vie, parce qu'ils sont trop esclaves de la télévision, de l'ordinateur, voire de leurs peurs.
Évidemment, on ne trouve pas l'argent dans les arbres.
Donc, Tom démonte sa tente, la remet dans le fond du canot, pagaie jusqu'au portage qui le ramènera vers le lac Wapizagonke, puis au stand de location des canots, à son vélo et enfin à sa petite ville de merde, à son boulot.
Tom est pompiste dans une station-service. Il déteste les automobiles. Et croit aux vertus du vélo en tant que moyen de locomotion. C'est moins rapide mais plus silencieux. Cela tient en forme et ça permet de franchir d'assez longues distances quand on se met du chamois sous la raie.
Tom croise sur son passage un livreur de journal, deux brosseux qui rentrent chez-eux et bien sûr la machine qui brosse les rues.
Roule, roule, roule. Et le voilà qui arrive au Parc National de la Mauricie vers les onze heures.
Arrivé au lac Wapizagonke , Tom loue un canot pour deux jours. Puis il pagaie, portage et se retrouve enfin vers quatre heures de l'après-midi à son spot préféré, la baie des onze îles, au bout du lac Caribou.
Tom trouve là onze îles de sable fin, le soleil, la chaleur et hop la piscine dans une eau que l'on peut boire sans s'empoisonner.
C'est la récompense d'une journée d'efforts intenses.
Tom ramène son canot sur la plage, dresse sa tente, se prépare un repas sur le feu.
Partout le calme.
Pas un bruit. En tout cas, pas ces bruits que l'on entend en ville.
Une vie mystérieuse, tout autour. Et au centre de lui-même, l'état de grâce.
Tom contemple la Voie lactée, qu'il n'avait jamais vue en ville.
Il y a des trillions de fois plus d'étoiles au lac Caribou, près de la baie des Onzes Îles, qu'il n'y en a dans son ghetto, à Trois-Rivières, où jamais les lumières ne s'éteignent. Des trillions de fois.
Il entend huler le hibou.
Il fume le calumet de la paix.
Puis il rentre dans sa tente et dort.
Le lendemain matin, à l'aube, Tom va nager pour se ramener un peu. Puis comme il fait ses premières brassées, lentement, il aperçoit un caribou, à trente pieds devant lui.
Le caribou le regarde d'un air nonchalent tout en continuant sa traversée des eaux. Son panache est flamboyant. C'est un gros mâle adulte. Sûrement pas la risée de ses congénères.
L'eau lui monte jusqu'à l'encolure. Il passe à l'embouchure de la baie, là où les eaux sont peu profondes.
Le caribou s'enfonce dans la forêt. Il fracasse les branches sur son passage.
Tom n'a pas pris de photo.
Il n'en a pas besoin.
Il sait qu'il vient de vivre un moment privilégié avec la nature.
Un moment que très peu de gens auront goûté au bout de leur vie, parce qu'ils sont trop esclaves de la télévision, de l'ordinateur, voire de leurs peurs.
Évidemment, on ne trouve pas l'argent dans les arbres.
Donc, Tom démonte sa tente, la remet dans le fond du canot, pagaie jusqu'au portage qui le ramènera vers le lac Wapizagonke, puis au stand de location des canots, à son vélo et enfin à sa petite ville de merde, à son boulot.
Tom est pompiste dans une station-service. Il déteste les automobiles. Et croit aux vertus du vélo en tant que moyen de locomotion. C'est moins rapide mais plus silencieux. Cela tient en forme et ça permet de franchir d'assez longues distances quand on se met du chamois sous la raie.
jeudi 22 avril 2010
Il était une Foi
Il était une fois des abrutis qui voulaient réformer les chiffres.
L'humanité, ils s'en foutaient bien.
Eux, leur dada, c'était les chiffres.
On leur parlait des mendiants, éclopés et autres loques humaines, et voilà qu'ils sortaient des chiffres et encore des chiffres. Avec pas un putain de sentiment. Juste des chiffres.
En ce temps-là, comme la plupart des gens étaient lessivés mentalement, comme s'ils étaient en thérapie perpétuelle, eh bien ces insectes des mathématiques dirigeaient à peu près tout.
Évidemment, tout a fini par péter. Les gens ont fini par manquer de pain et de pilules.
Parce que les chiffres ont beau parler, ils se taisent quand la foule crie.
Donc, nos experts en chiffres ont commencé à sentir que la soupe était trop chaude. Plus personne n'obéissait. Même la police. Même l'armée. Tout le monde en avait plein le cul des chiffres, des chiffres et encore des chiffres. Ils avaient faim et soif de liberté.
Un beau jour, la foule a crié. Et crier très fort.
Les gus qui brandissaient des chiffres se faisaient lancer du caca au visage. Et ça devenait épeurant. Les gens buvaient et pourchassaient les experts en chiffres pour s'amuser. Et tout le monde était égratigné au passage, même ceux qui n'avaient rien à voir dans tout ça.
Ricky Niquette, un anonyme une semaine avant la révolution, devint le président de la nouvelle république. Il promit des terres, des jardins et des piscines pour tout le monde. De la bouffe à volonté. De l'art. De la culture. De la crème glacée. Des pissenlits. Du vinaigre. N'importe quoi. Ça ne coûte rien, une promesse. Et en politique comme en hygiène dentaire, a beau mentir qui revient de loin.
L'humanité, ils s'en foutaient bien.
Eux, leur dada, c'était les chiffres.
On leur parlait des mendiants, éclopés et autres loques humaines, et voilà qu'ils sortaient des chiffres et encore des chiffres. Avec pas un putain de sentiment. Juste des chiffres.
En ce temps-là, comme la plupart des gens étaient lessivés mentalement, comme s'ils étaient en thérapie perpétuelle, eh bien ces insectes des mathématiques dirigeaient à peu près tout.
Évidemment, tout a fini par péter. Les gens ont fini par manquer de pain et de pilules.
Parce que les chiffres ont beau parler, ils se taisent quand la foule crie.
Donc, nos experts en chiffres ont commencé à sentir que la soupe était trop chaude. Plus personne n'obéissait. Même la police. Même l'armée. Tout le monde en avait plein le cul des chiffres, des chiffres et encore des chiffres. Ils avaient faim et soif de liberté.
Un beau jour, la foule a crié. Et crier très fort.
Les gus qui brandissaient des chiffres se faisaient lancer du caca au visage. Et ça devenait épeurant. Les gens buvaient et pourchassaient les experts en chiffres pour s'amuser. Et tout le monde était égratigné au passage, même ceux qui n'avaient rien à voir dans tout ça.
Ricky Niquette, un anonyme une semaine avant la révolution, devint le président de la nouvelle république. Il promit des terres, des jardins et des piscines pour tout le monde. De la bouffe à volonté. De l'art. De la culture. De la crème glacée. Des pissenlits. Du vinaigre. N'importe quoi. Ça ne coûte rien, une promesse. Et en politique comme en hygiène dentaire, a beau mentir qui revient de loin.
mercredi 21 avril 2010
Auto stop
J'avais pour idoles littéraires Jack London et Jack Kerouac. Tout ce qu'il fallait pour devenir un jack-of-all-trade, un gars qui pratique tous les métiers et qui se promène sur le pouce, d'une ville à l'autre.
J'ai donc pratiqué l'auto-stop de Trois-Rivières à Hyder, en Alaska, puis au Yukon, au Labrador. J'ai tendu le pouce d'un océan à l'autre, ouais, et j'ai rencontré des tas de gens sympas avec qui j'aurai passé quelques heures de ma vie à parler de tout et de rien.
Hier, comme je marchais vers le centre-ville, en plein soleil, il m'est revenu des flashbacks de ces années où j'ai pratiqué l'auto-stop.
Évidemment, il y a des règles de base pour bien voyager sur le pouce.
Il faut d'abord comprendre que l'on aime ce que l'on est et que les gars ou les filles qui roulent confortablement assis dans leur véhicule doivent avoir une sacrée bonne raison pour embarquer un poids supplémentaire à côté d'eux. Et d'autant plus si, comme moi, vous êtes un poids lourd.
Donc, pour moi, ça voulait dire voyager seul. De toutes façons, ça ne se partage pas, un voyage sur le pouce.
Il faut sourire, bien sûr, et voyager léger.
Il est toujours mieux d'avoir une pancarte indiquant sa destination. Je suis parti de Whitehorse, au Yukon, avec un bout de carton sur lequel j'avais écrit Montréal avec le sigle de son club de hockey, nos glorieux Canadiens. J'ai trouvé assez de partisans des Canadiens sur la Yellowhead Highway 16 pour me rendre sur la transcanadienne puis jusqu'à Montréal.
Sur le pouce, on ressent parfois que l'on n'est rien. Mon record d'attente: huit heures à Lloydminster, en Saskatchewan. Les partisans des Canadiens se faisaient rares à cet endroit.
Huit heures à regarder les champs, les oiseaux, le blé, les arbres, le ciel, les nuages, le soleil. J'ai déjà vu pire. Ce n'est pas huit heures à l'hopital. C'est huit heures dans les Prairies, en Saskatchewan. Il y en a qui paieraient un billet d'avion pour voir ça. Et qui n'auront jamais les moyens de se le payer. Et qui ne sortiront jamais de chez-eux. De plus, huit heures d'attente ça forge le caractère. Ça soumet au test notre dimension spirituelle.
C'est reposant de ressentir que l'on n'est rien. Aussi reposant qu'une page blanche. On peut recommencer à zéro. Oublier les détails. Ne s'en tenir qu'à la plus belle version de l'histoire, celle qui n'a pas encore été écrite, celle qui reste à vivre intensément afin de ne pas l'écrire pour ne rien dire, comme tant d'autres névropathes de la littérature.
Je prendrais bien la clé des champs aujourd'hui. Prendrais, c'est au conditionnel. Et les conditions gagnantes ne sont pas réunies. Donc, j'aurai fait comme tant d'autres névropathes de la littérature. J'aurai seulement fouillé dans de l'hostie de nostalgie sale... À la première personne du singulier, en plus. Sacrement! Faut que je décroche de mon ego.
PS: Arrêtez de m'achaler et de me dire quand je vais publier. Personne ne voudrait publier une phrase comme «hostie de nostalgie sale» dans quelque médium que ce soit, sinon l'un de ceux qui vous paie avec des coupons rabais de 50% sur un repas au resto du beau-frère d'Untel. D'la christ de marde. Moé j'préfère le ouèbe. C'est plus vrai. Moins têteux. Moins sale. GB
J'ai donc pratiqué l'auto-stop de Trois-Rivières à Hyder, en Alaska, puis au Yukon, au Labrador. J'ai tendu le pouce d'un océan à l'autre, ouais, et j'ai rencontré des tas de gens sympas avec qui j'aurai passé quelques heures de ma vie à parler de tout et de rien.
Hier, comme je marchais vers le centre-ville, en plein soleil, il m'est revenu des flashbacks de ces années où j'ai pratiqué l'auto-stop.
Évidemment, il y a des règles de base pour bien voyager sur le pouce.
Il faut d'abord comprendre que l'on aime ce que l'on est et que les gars ou les filles qui roulent confortablement assis dans leur véhicule doivent avoir une sacrée bonne raison pour embarquer un poids supplémentaire à côté d'eux. Et d'autant plus si, comme moi, vous êtes un poids lourd.
Donc, pour moi, ça voulait dire voyager seul. De toutes façons, ça ne se partage pas, un voyage sur le pouce.
Il faut sourire, bien sûr, et voyager léger.
Il est toujours mieux d'avoir une pancarte indiquant sa destination. Je suis parti de Whitehorse, au Yukon, avec un bout de carton sur lequel j'avais écrit Montréal avec le sigle de son club de hockey, nos glorieux Canadiens. J'ai trouvé assez de partisans des Canadiens sur la Yellowhead Highway 16 pour me rendre sur la transcanadienne puis jusqu'à Montréal.
Sur le pouce, on ressent parfois que l'on n'est rien. Mon record d'attente: huit heures à Lloydminster, en Saskatchewan. Les partisans des Canadiens se faisaient rares à cet endroit.
Huit heures à regarder les champs, les oiseaux, le blé, les arbres, le ciel, les nuages, le soleil. J'ai déjà vu pire. Ce n'est pas huit heures à l'hopital. C'est huit heures dans les Prairies, en Saskatchewan. Il y en a qui paieraient un billet d'avion pour voir ça. Et qui n'auront jamais les moyens de se le payer. Et qui ne sortiront jamais de chez-eux. De plus, huit heures d'attente ça forge le caractère. Ça soumet au test notre dimension spirituelle.
C'est reposant de ressentir que l'on n'est rien. Aussi reposant qu'une page blanche. On peut recommencer à zéro. Oublier les détails. Ne s'en tenir qu'à la plus belle version de l'histoire, celle qui n'a pas encore été écrite, celle qui reste à vivre intensément afin de ne pas l'écrire pour ne rien dire, comme tant d'autres névropathes de la littérature.
Je prendrais bien la clé des champs aujourd'hui. Prendrais, c'est au conditionnel. Et les conditions gagnantes ne sont pas réunies. Donc, j'aurai fait comme tant d'autres névropathes de la littérature. J'aurai seulement fouillé dans de l'hostie de nostalgie sale... À la première personne du singulier, en plus. Sacrement! Faut que je décroche de mon ego.
PS: Arrêtez de m'achaler et de me dire quand je vais publier. Personne ne voudrait publier une phrase comme «hostie de nostalgie sale» dans quelque médium que ce soit, sinon l'un de ceux qui vous paie avec des coupons rabais de 50% sur un repas au resto du beau-frère d'Untel. D'la christ de marde. Moé j'préfère le ouèbe. C'est plus vrai. Moins têteux. Moins sale. GB
mardi 20 avril 2010
Gogosse
Il ne faut pas se fier aux apparences. Gogosse St-Germain, du temps où il s'appelait Stéphane, n'avait rien du voyou qu'il a l'air aujourd'hui.
Gogosse n'a rien d'un tendre à prime abord. D'abord, il a une gueule de pirate. On croirait facilement qu'il ait étranglé quelques types avec ses mains. Sa barbe n'est jamais rasée de près. Il doit peser dans les trois cents livres. Six pieds cinq. Une armoire à glace.
Gogosse n'est pas un patché* mais on croirait qu'il l'est. Toujours vêtu de noir, la boule à zéro avec cet air de fou furieux et de bois-sans-soif, Gogosse n'en a pas que l'air, mais aussi la chanson. Quand on lui tape sur les nerfs, il s'impose ou vous pulvérise.
C'est une armée à lui seul. Gogosse est un solitaire.
Quand on lui fout la paix, c'est le gars le plus gentil au monde.
Quand on lui tire trop l'élastique, il devient un démon. Il ne voit plus rien. Sinon la destruction du type qui est devant lui. D'où son surnom de Gogosse. Parce que c'est un solitaire et que les autres, cherchant qui c'était ce gars-là, ont dit simplement «c'est Chose-là, Gogosse, t'sais!» Et Gogosse, ça lui colle maintenant à la peau, et remarquez que ç'aurait pu être Chose-là, son surnom.
Du temps où il s'appelait Stéphane, quoi qu'il en soit, Gogosse était plutôt tiré à quatre épingles, timide, et il se souvient avec une certaine amertume de son adolescence. Où il passait trop de temps à parler alors qu'il lui aurait fallu agir. Manque d'expérience. Heureusement peut-être. Que serait devenue la vie s'il l'avait menée avec Unetelle ou Telle-Autre, hein?
On ne le sait pas.
Tout ce qu'on sait c'est qu'il était timide comme le dernier des crétins au temps de sa première poussée de barbe puis, pfuit! un jour Gogosse avait fini par exploser, pour assumer pleinement ses six pieds cinq.
Il rencontra Ruth, puis Dorothée.
Samantha.
Marie-Lou.
Et des tas de femmes. Pour acquérir de l'expérience.
Et du coup, Gogosse ne fût plus gêné du tout. Sa timidité fondit comme neige au soleil et le voilà qui s'en allait bambou au vent, guidé par une étonnante maîtrise de soi.
Heureux comme un paon, il obtint un boulot régulier dans un lave-auto. C'était difficile parce qu'il fallait toujours qu'il travaille pencher. Ce qui défavorise le grand par rapport au petit.
Néanmoins Gogosse ne lâcha pas la patate.
Il devint un des plus grands claviéristes du coin pour passer le temps. Ce qui fait qu'il s'acheta une machine à karaoké et se mit à doubler son salaire en faisant chanter les mononcles pis les matantes dans des clubs cheaps éclairés avec des néons blancs. N'empêche que ça marchait fort, les karaokés de Gogosse. Ruth, Dorothée, Samantha et Marie-Lou venaient y faire un tour de chant de temps à autre.
Un soir, Gogosse se lâcha lousse. Il sortit son clavier de son sac et le voilà qui se mit à jouer Great Balls of Fire de Jerry Lee Lewis. Même qu'il chanta la toune en même temps. Et qu'il avait une belle voix, Gogosse.
Le gérant d'un marché aux puces qui passait par là l'engagea pour faire de l'animation le dimanche midi pour attirer la clientèle. Une idée de génie pour Zorba Sirtaki que d'engager Gogosse. Gogosse attirait vraiment les foules avec ses quatre chanseuses sexy, Ruth, Dorothée, Samantha et Marie-Lou. Ouaou! Il y avait une foule monstre et Zorba dansait, fier de son coup, fier de son Gogosse.
Du coup, fini le lave-auto pour Gogosse. Zorba s'achète un autre cellulaire et il lance la carrière de Gogosse. Zorba vend la revue Gogosse & The Pretty Girls. Pis là ils font du foin. Beaucoup de foin. De Matane à Las Vegas en passant par Tokyo. Parce que Zorba Sirtaki est un homme passionné pour la musique, l'argent et les jolies femmes. C'est encore mieux que ce que lui rapporte le marché aux puces, le talent de Gogosse. Plus besoin de réparer la tuyauterie ou bien de bouger des boîtes dans des entrepôts. Juste booker Gogosse & The Pretty Girls. Le rêve de sa vie.
Il a fait mille fois le tour du monde, Gogosse, comme tous les Québécois, ces êtres trop bourrés de talent, ces gitans qui s'ignorent.
Pourtant, Gogosse était timide comme mille du temps où il s'appelait Stéphane St-Germain.
Il pouvait parler pendant des heures avant que de se rendre compte que la fille en face de lui voulait se faire plaisir. Innocent comme mille, oui.
Rien à voir avec le Gogosse d'aujourd'hui, le gars sûr de lui qui fait des tournées partout dans le monde avec ses copines. C'est dur à croire mais elles sont seulement ses copines.
Gogosse est marié avec la même femme depuis trente ans et il est père de trois enfants avec deux femmes différentes, deux gars avec la première pis deux filles avec la deuxième, Java, une Javanaise qu'il a rencontré du temps où il travaillait au lave-auto.
Gogosse n'aime pas les chiens.
Il boit de la Molson Ex.
À part ça, je crois bien avoir tout dit.
Sinon que le marché aux puces est passé entre les mains du cousin de Zorba. Et qu'il y a encore de la musique le dimanche midi. Mais que ce n'est plus comme du temps de Gogosse.
*patché= membre d'une bande de motards qui n'a plus le droit de porter son badge, c'est-à-dire sa patch.
Gogosse n'a rien d'un tendre à prime abord. D'abord, il a une gueule de pirate. On croirait facilement qu'il ait étranglé quelques types avec ses mains. Sa barbe n'est jamais rasée de près. Il doit peser dans les trois cents livres. Six pieds cinq. Une armoire à glace.
Gogosse n'est pas un patché* mais on croirait qu'il l'est. Toujours vêtu de noir, la boule à zéro avec cet air de fou furieux et de bois-sans-soif, Gogosse n'en a pas que l'air, mais aussi la chanson. Quand on lui tape sur les nerfs, il s'impose ou vous pulvérise.
C'est une armée à lui seul. Gogosse est un solitaire.
Quand on lui fout la paix, c'est le gars le plus gentil au monde.
Quand on lui tire trop l'élastique, il devient un démon. Il ne voit plus rien. Sinon la destruction du type qui est devant lui. D'où son surnom de Gogosse. Parce que c'est un solitaire et que les autres, cherchant qui c'était ce gars-là, ont dit simplement «c'est Chose-là, Gogosse, t'sais!» Et Gogosse, ça lui colle maintenant à la peau, et remarquez que ç'aurait pu être Chose-là, son surnom.
Du temps où il s'appelait Stéphane, quoi qu'il en soit, Gogosse était plutôt tiré à quatre épingles, timide, et il se souvient avec une certaine amertume de son adolescence. Où il passait trop de temps à parler alors qu'il lui aurait fallu agir. Manque d'expérience. Heureusement peut-être. Que serait devenue la vie s'il l'avait menée avec Unetelle ou Telle-Autre, hein?
On ne le sait pas.
Tout ce qu'on sait c'est qu'il était timide comme le dernier des crétins au temps de sa première poussée de barbe puis, pfuit! un jour Gogosse avait fini par exploser, pour assumer pleinement ses six pieds cinq.
Il rencontra Ruth, puis Dorothée.
Samantha.
Marie-Lou.
Et des tas de femmes. Pour acquérir de l'expérience.
Et du coup, Gogosse ne fût plus gêné du tout. Sa timidité fondit comme neige au soleil et le voilà qui s'en allait bambou au vent, guidé par une étonnante maîtrise de soi.
Heureux comme un paon, il obtint un boulot régulier dans un lave-auto. C'était difficile parce qu'il fallait toujours qu'il travaille pencher. Ce qui défavorise le grand par rapport au petit.
Néanmoins Gogosse ne lâcha pas la patate.
Il devint un des plus grands claviéristes du coin pour passer le temps. Ce qui fait qu'il s'acheta une machine à karaoké et se mit à doubler son salaire en faisant chanter les mononcles pis les matantes dans des clubs cheaps éclairés avec des néons blancs. N'empêche que ça marchait fort, les karaokés de Gogosse. Ruth, Dorothée, Samantha et Marie-Lou venaient y faire un tour de chant de temps à autre.
Un soir, Gogosse se lâcha lousse. Il sortit son clavier de son sac et le voilà qui se mit à jouer Great Balls of Fire de Jerry Lee Lewis. Même qu'il chanta la toune en même temps. Et qu'il avait une belle voix, Gogosse.
Le gérant d'un marché aux puces qui passait par là l'engagea pour faire de l'animation le dimanche midi pour attirer la clientèle. Une idée de génie pour Zorba Sirtaki que d'engager Gogosse. Gogosse attirait vraiment les foules avec ses quatre chanseuses sexy, Ruth, Dorothée, Samantha et Marie-Lou. Ouaou! Il y avait une foule monstre et Zorba dansait, fier de son coup, fier de son Gogosse.
Du coup, fini le lave-auto pour Gogosse. Zorba s'achète un autre cellulaire et il lance la carrière de Gogosse. Zorba vend la revue Gogosse & The Pretty Girls. Pis là ils font du foin. Beaucoup de foin. De Matane à Las Vegas en passant par Tokyo. Parce que Zorba Sirtaki est un homme passionné pour la musique, l'argent et les jolies femmes. C'est encore mieux que ce que lui rapporte le marché aux puces, le talent de Gogosse. Plus besoin de réparer la tuyauterie ou bien de bouger des boîtes dans des entrepôts. Juste booker Gogosse & The Pretty Girls. Le rêve de sa vie.
Il a fait mille fois le tour du monde, Gogosse, comme tous les Québécois, ces êtres trop bourrés de talent, ces gitans qui s'ignorent.
Pourtant, Gogosse était timide comme mille du temps où il s'appelait Stéphane St-Germain.
Il pouvait parler pendant des heures avant que de se rendre compte que la fille en face de lui voulait se faire plaisir. Innocent comme mille, oui.
Rien à voir avec le Gogosse d'aujourd'hui, le gars sûr de lui qui fait des tournées partout dans le monde avec ses copines. C'est dur à croire mais elles sont seulement ses copines.
Gogosse est marié avec la même femme depuis trente ans et il est père de trois enfants avec deux femmes différentes, deux gars avec la première pis deux filles avec la deuxième, Java, une Javanaise qu'il a rencontré du temps où il travaillait au lave-auto.
Gogosse n'aime pas les chiens.
Il boit de la Molson Ex.
À part ça, je crois bien avoir tout dit.
Sinon que le marché aux puces est passé entre les mains du cousin de Zorba. Et qu'il y a encore de la musique le dimanche midi. Mais que ce n'est plus comme du temps de Gogosse.
*patché= membre d'une bande de motards qui n'a plus le droit de porter son badge, c'est-à-dire sa patch.
lundi 19 avril 2010
Coincoin
Les canards malards tournoyaient dans le ciel au-dessus de la rivière Yamaska. D'ordinaire il y avait des roches sur lesquelles toute la tribu pouvait se poser. Ce printemps-là, l'eau était trop haute et l'on n'y voyait plus rien, sinon de l'eau.
-Coincoin! dit le canard.Tu nous avais dit que tu savais où se trouvait la rivière aux roches. Coincoin! Où sont-elles tes roches, hein?
Lui, c'était l'impétueux Kwakwak, un canard malard moyen qui n'aimait pas s'en faire passer une par un vieux, aussi vieux soit-il.
-Coincoin! L'eau est trop haute, affirma le vieux canard Kakak d'un coincoin autoritaire. Je ne suis pas maître des eaux!
-Coincoin!!! Et on est sensé faire quoi là Donald Duck? Hein? En bas, c'est Saint-Hyacinthe, et c'est la pleine ville, coincoin, c'est pas la putain de campagne!!! On va tous finir rôtis pour le repas du soir. Ils vont nous péter la gueule à coups de bâtons de baseball, je les connais. Et c'est sans compter les chats et autres humains amateurs de canard maigre.
Les canards tournoyaient au-dessus de la rivière Yamaska. Kwakwak, Kakak et tous les autres n'étaient plus que coincoins.
La rivière Yamaska est affectueusement surnommée Y'en-masse-de-caca par ses riverains. C'est en raison des porcheries situées en amont qui lui confèrent cette teinte brune.
L'eau de la rivière Y'en-masse-de-caca est tout aussi goûteuse qu'un galon d'eau de javel dilué dans un verre d'eau.
Les canards n'en avaient rien à foutre de l'eau de javel. Ils cherchaient seulement les roches.
Et il n'y en avait pas.
Ce qu'ils ont fait ce soir-là, l'endroit où ils ont dormi, ce serait difficile pour moi de vous le dire.
Il faisait trop froid. Je n'avais pas le temps. N'importe quoi.
Je suis donc rentré chez-moi, quoi, laissant là les canards s'engueuler.
Les canards qui tournoyaient comme des cons dans le ciel, au-dessus de la rivière Y'en-masse-de-caca, ne sachant plus où poser leurs pattes palmées.
Coincoin.
-Coincoin! dit le canard.Tu nous avais dit que tu savais où se trouvait la rivière aux roches. Coincoin! Où sont-elles tes roches, hein?
Lui, c'était l'impétueux Kwakwak, un canard malard moyen qui n'aimait pas s'en faire passer une par un vieux, aussi vieux soit-il.
-Coincoin! L'eau est trop haute, affirma le vieux canard Kakak d'un coincoin autoritaire. Je ne suis pas maître des eaux!
-Coincoin!!! Et on est sensé faire quoi là Donald Duck? Hein? En bas, c'est Saint-Hyacinthe, et c'est la pleine ville, coincoin, c'est pas la putain de campagne!!! On va tous finir rôtis pour le repas du soir. Ils vont nous péter la gueule à coups de bâtons de baseball, je les connais. Et c'est sans compter les chats et autres humains amateurs de canard maigre.
Les canards tournoyaient au-dessus de la rivière Yamaska. Kwakwak, Kakak et tous les autres n'étaient plus que coincoins.
La rivière Yamaska est affectueusement surnommée Y'en-masse-de-caca par ses riverains. C'est en raison des porcheries situées en amont qui lui confèrent cette teinte brune.
L'eau de la rivière Y'en-masse-de-caca est tout aussi goûteuse qu'un galon d'eau de javel dilué dans un verre d'eau.
Les canards n'en avaient rien à foutre de l'eau de javel. Ils cherchaient seulement les roches.
Et il n'y en avait pas.
Ce qu'ils ont fait ce soir-là, l'endroit où ils ont dormi, ce serait difficile pour moi de vous le dire.
Il faisait trop froid. Je n'avais pas le temps. N'importe quoi.
Je suis donc rentré chez-moi, quoi, laissant là les canards s'engueuler.
Les canards qui tournoyaient comme des cons dans le ciel, au-dessus de la rivière Y'en-masse-de-caca, ne sachant plus où poser leurs pattes palmées.
Coincoin.
dimanche 18 avril 2010
DANS LA SÉRIE «LES IDOLES DE MON ENFANCE»: Maurice Mad Dog Vachon
Maurice Mad Dog Vachon était et est encore de loin le plus grand lutteur de tous les temps. Personne ne le surpasse et ne le surpassera pour son bagoût, son caractère, bref son talent inné pour le théâtre et l'acrobatie.
Pas très grand mais robuste, le crâne chauve, la barbe noire comme le charbon, l'oeil plus rieur que malin, Mad Dog Vachon n'a jamais vraiment réussi à devenir un méchant. Il était tellement bon dans sa méchanceté qu'on finissait tous par l'aimer. On sentait bien que Mad Dog ne faisait pas «à semblant» comme on dit.
Tous les dimanches après la messe, c'était La lutte. Après le confessionnal, on retournait se battre et sacrer dans le salon tandis que des nains, des géants et des fous furieux se tapochaient dessus au petit écran.
-Tiens mon hostie! Tin!
-Tu vas crier chut mon tabarnak!
Puis apparaissait Mad Dog Vachon. Là, fallait me calisser patience. Je ne voulais pas manquer son speech. Ni son combat. Sûr que j'allais rire.
Il ne me décevait jamais Mad Dog. C'était un lutteur dont même les scélératesses finissaient par être pardonnées par le public. Comme s'il pouvait tout faire, Mad Dog, et avoir la foule des bons catholiques de l'écran cathodique de son côté.
Ce qui fait qu'il est devenu géant. Une célébrité coast to coast et même aux États-Unis.
On se l'arrachait pour tourner des pubs.
Dont ces deux pubs que je ne trouve nulle part.
C'était dans les années '80 pour Clément Boisvert Meubles, un commerce de mon patelin réputé pour ses ventes dites «éléphantesques» où l'on se rendait juste pour voir l'éléphant qui tournait en rond dans le stationnement.
Mad Dog avait commis une première pub pour Clément Boisvert qui avait fait scandale.
Il s'agissait de «La vente à tout casser» de Clément Boisvert. Torse nu avec une masse en main, Mad Dog Vachon pétait tous les meubles autour de lui en gueulant «C'est la vente à tout casser chez Clément Boisvert!»
Quelques bigots et sous-merdes incultes, incapables d'apprécier l'art à sa juste valeur, avaient porter plainte auprès de la station de télé.
Ils menèrent si bien leur campagne d'ignares obscurantistes que la pub fût retirée de l'écran et remplacée par une autre qui mit encore plus en évidence le formidable talent de Mad Dog Vachon.
Mad Dog portait un tablier de femme avec des froufrous. Il tenait dans ses mains un plumeau.
Et il flattait les meubles en disant «Chez Clément Boisvert... on vous traite avec douceur!»
Hostie que je l'ai ri longtemps celle-là.
Comme j'ai ri longtemps la fois où il a menacé un lutteur de la WWF avec sa jambe artificielle, parce qu'il faut dire que Mad Dog s'est fait amputer il y a quelques années, sans que cela n'affecte ses talents de lutteur.
C'est encore le king de la lutte. Le plus grand lutteur de tous les temps, ouais.
samedi 17 avril 2010
Un simple trajet vers la morgue
Je travaillais de nuit cette journée-là. Ça cognait fort dans le ciel. Les orages du mois de juillet cognent toujours fort.
Comme j'étais de service sur le département des yeux je me disais que cela serait tranquille. Le mal des yeux n'empêchent pas les mouvements du corps. Donc, moins de déplacements et moins de maux de dos pour moi. J'allais me la couler douce à l'infirmerie. Je pourrais lire Henry Miller tout en écoutant la radio.
Pourtant, ça commençait mal. L'orage. Puis une octogénaire revenue toute fêlée dans sa tête après un ACV. L'oxygène lui avait manqué au cerveau et depuis il fallait l'attacher avec des contentions et la shooter aux deux heures pour contrer ses crises de panique violente qui lui promettaient un autre ACV.
Et puis il y avait l'autre vieux de la chambre 104 qui s'était promené toute la soirée d'une chambre à l'autre pour fouiller dans les tiroirs.
Il avait la maladie d'Alzheimer et il s'était habillé en femme avec le linge des dames des chambres 105 et 108. C'était encore l'heure des visites et cela troubla beaucoup ses enfants qui ne l'avaient pas connu sous cet angle. Sans compter les visiteurs des dames qui se remettaient d'une chirurgie des yeux dans les chambres 105 et 108... Une chance qu'elles n'avaient pas vu ça...
Donc, j'avais deux cas lourds sur les bras. Deux patients sous contention qui ne s'endormaient pas du tout et qui se plaignaient fort.
L'orage grondait. Je faisais ma tournée des chambres pour voir si tout était ok. Chambre 105, justement, je me suis rendu compte que la dame était morte. Elle n'était pas là pour une chirurgie des yeux, tout compte fait. Et je ne me rappelle plus très bien pourquoi elle était là. Tout ce que je me rappelle c'est qu'elle était morte.
Du coup, je fonce sur l'infirmière et me rappelle que c'est un code 100. Ce qui veut dire qu'on ne fait rien si le patient perd son souffle de vie. On appelle la famille. Puis on attend qu'elle s'en aille pour ramener la dépouille vers la morgue située dans le sous-sol de l'hôpital.
La famille vient pleurer sur le corps de la grand-mère tandis que l'orage cogne.
J'attends comme un con que la famille s'en aille pour faire mon ouvrage.
Il pleut. Il grêle. Il y a des éclairs.
Puis la famille s'en va, en larmes. Je nettoie le cadavre. Je pose les bandelettes d'identification aux chevilles et aux poignets puis enrobe le tout dans un linceul de plastique blanc.
Le chemin qui me sépare de la morgue est long, trop long.
Je traîne le cadavre dans les corridors de l'hôpital et sens comme une présence, là où il n'y en a plus. Mon imagination semble me jouer des tours.
J'arrive enfin à la morgue. J'ouvre le frigo. J'extirpe le plateau et y dépose le cadavre dans son linceul.
Tout au frigo.
Je referme la porte.
J'éteinds les lumières.
L'orage cogne fort. Un orage du mois de juillet.
La pluie se mêle aux larmes.
La foudre fend l'air.
Comme j'étais de service sur le département des yeux je me disais que cela serait tranquille. Le mal des yeux n'empêchent pas les mouvements du corps. Donc, moins de déplacements et moins de maux de dos pour moi. J'allais me la couler douce à l'infirmerie. Je pourrais lire Henry Miller tout en écoutant la radio.
Pourtant, ça commençait mal. L'orage. Puis une octogénaire revenue toute fêlée dans sa tête après un ACV. L'oxygène lui avait manqué au cerveau et depuis il fallait l'attacher avec des contentions et la shooter aux deux heures pour contrer ses crises de panique violente qui lui promettaient un autre ACV.
Et puis il y avait l'autre vieux de la chambre 104 qui s'était promené toute la soirée d'une chambre à l'autre pour fouiller dans les tiroirs.
Il avait la maladie d'Alzheimer et il s'était habillé en femme avec le linge des dames des chambres 105 et 108. C'était encore l'heure des visites et cela troubla beaucoup ses enfants qui ne l'avaient pas connu sous cet angle. Sans compter les visiteurs des dames qui se remettaient d'une chirurgie des yeux dans les chambres 105 et 108... Une chance qu'elles n'avaient pas vu ça...
Donc, j'avais deux cas lourds sur les bras. Deux patients sous contention qui ne s'endormaient pas du tout et qui se plaignaient fort.
L'orage grondait. Je faisais ma tournée des chambres pour voir si tout était ok. Chambre 105, justement, je me suis rendu compte que la dame était morte. Elle n'était pas là pour une chirurgie des yeux, tout compte fait. Et je ne me rappelle plus très bien pourquoi elle était là. Tout ce que je me rappelle c'est qu'elle était morte.
Du coup, je fonce sur l'infirmière et me rappelle que c'est un code 100. Ce qui veut dire qu'on ne fait rien si le patient perd son souffle de vie. On appelle la famille. Puis on attend qu'elle s'en aille pour ramener la dépouille vers la morgue située dans le sous-sol de l'hôpital.
La famille vient pleurer sur le corps de la grand-mère tandis que l'orage cogne.
J'attends comme un con que la famille s'en aille pour faire mon ouvrage.
Il pleut. Il grêle. Il y a des éclairs.
Puis la famille s'en va, en larmes. Je nettoie le cadavre. Je pose les bandelettes d'identification aux chevilles et aux poignets puis enrobe le tout dans un linceul de plastique blanc.
Le chemin qui me sépare de la morgue est long, trop long.
Je traîne le cadavre dans les corridors de l'hôpital et sens comme une présence, là où il n'y en a plus. Mon imagination semble me jouer des tours.
J'arrive enfin à la morgue. J'ouvre le frigo. J'extirpe le plateau et y dépose le cadavre dans son linceul.
Tout au frigo.
Je referme la porte.
J'éteinds les lumières.
L'orage cogne fort. Un orage du mois de juillet.
La pluie se mêle aux larmes.
La foudre fend l'air.
vendredi 16 avril 2010
Comment écrire une belle histoire
D'abord ça vous prend un souvenir. N'importe quoi peut faire l'affaire.
Certains chefs-d'oeuvre ont été écrits en baillant. C'est tout ce que j'ai retenu de Marcel Proust, un auteur soporifique publié dans la La Bibliothèque de La Pléiade, chez Gallimard imaginez-vous donc. Et que j'ai lu au grand complet, dans le cadre d'un séminaire de littérature au cours de ma maîtrise, probablement dans un état second. En écoutant chanter Jim Morrison.
Donc, je me suis claqué trois mille quelques pages de Proust pour ne retenir tout au bout qu'une phrase approximative probablement tirée du premier tome d'À la recherche du temps perdu -et quel temps perdu!
Trois mois plus tard je m'enfuyais du côté du Yukon pour ne plus penser à cela, pour renouer avec le premier auteur de mon adolescence, Jack London, oui, le gars qui te racontait des histoires de types qui en arrachaient dans la vie. Et qui croyait que même un gars avec beaucoup de talent peut être écrasé sous le Talon de fer. D'où l'idée de se tenir en bande pour leur en faire voir de toutes les couleurs, à tous ceux-là qui nous tiennent pour de vils esclaves.
Les préoccupations existentielles de Jack London me rejoignaient plus que les atermoiements et la langueur de Proust. Une histoire nulle à chier. Insupportable. Et qui est publiée dans La Bibliothèque de La Pléiade juste parce qu'il ne faisait pas de fautes d'orthographe et que sa syntaxe était parfaite. Comme si c'était suffisant. Merde. Jack London m'emmenait ailleurs et je suis même allé y voir si j'y étais, ailleurs.
Maintenant, revenons au tout début. À mon titre tiens. Comment écrire une belle histoire.
Ça vous prend un souvenir. Proust, c'était le goût des madeleines, ces petits gâteaux poches et trop secs qui vous collent au palais. Jack London, c'était dans des aventures tellement époustouflantes qu'on ne s'emmerde pas à le lire.
On a qu'une vie à vivre et quand un gars ou bien une fille prend le temps de vous lire, il est tout naturel de lui donner de quoi se nourrir. Sinon ça n'en vaut pas la peine. Les livres, c'est bien beau, oui, mais encore faut-il qu'ils soient bons.
Si vos souvenirs sont emmerdants, allez vous faire une vie quelque part, n'importe où. Ou bien dansez la java. Jouez au basketball. Signez une pétition. N'importe quoi.
Évidemment, même si vos souvenirs sont emmerdants, vous pourriez être publié dans La Bibliothèque de La Pléiade. Donc, vous ne viendrez pas me dire que j'ai raison sur toute la ligne et, je vous l'avoue, je vous donnerai un bon point là-dessus.
Faites ce que vous voulez et jamais vous ne vous y tromperez. En littérature comme en confiture, c'est vous qui les mangerez. Et comme le disait si bien Brillat-Savarin, ce savant gastronome, on est ce que l'on mange.
Comment écrire une belle histoire? La belle affaire! Pigez dans vos souvenirs et n'essayez pas de pâtir.
Merci beaucoup.
Certains chefs-d'oeuvre ont été écrits en baillant. C'est tout ce que j'ai retenu de Marcel Proust, un auteur soporifique publié dans la La Bibliothèque de La Pléiade, chez Gallimard imaginez-vous donc. Et que j'ai lu au grand complet, dans le cadre d'un séminaire de littérature au cours de ma maîtrise, probablement dans un état second. En écoutant chanter Jim Morrison.
Donc, je me suis claqué trois mille quelques pages de Proust pour ne retenir tout au bout qu'une phrase approximative probablement tirée du premier tome d'À la recherche du temps perdu -et quel temps perdu!
Trois mois plus tard je m'enfuyais du côté du Yukon pour ne plus penser à cela, pour renouer avec le premier auteur de mon adolescence, Jack London, oui, le gars qui te racontait des histoires de types qui en arrachaient dans la vie. Et qui croyait que même un gars avec beaucoup de talent peut être écrasé sous le Talon de fer. D'où l'idée de se tenir en bande pour leur en faire voir de toutes les couleurs, à tous ceux-là qui nous tiennent pour de vils esclaves.
Les préoccupations existentielles de Jack London me rejoignaient plus que les atermoiements et la langueur de Proust. Une histoire nulle à chier. Insupportable. Et qui est publiée dans La Bibliothèque de La Pléiade juste parce qu'il ne faisait pas de fautes d'orthographe et que sa syntaxe était parfaite. Comme si c'était suffisant. Merde. Jack London m'emmenait ailleurs et je suis même allé y voir si j'y étais, ailleurs.
Maintenant, revenons au tout début. À mon titre tiens. Comment écrire une belle histoire.
Ça vous prend un souvenir. Proust, c'était le goût des madeleines, ces petits gâteaux poches et trop secs qui vous collent au palais. Jack London, c'était dans des aventures tellement époustouflantes qu'on ne s'emmerde pas à le lire.
On a qu'une vie à vivre et quand un gars ou bien une fille prend le temps de vous lire, il est tout naturel de lui donner de quoi se nourrir. Sinon ça n'en vaut pas la peine. Les livres, c'est bien beau, oui, mais encore faut-il qu'ils soient bons.
Si vos souvenirs sont emmerdants, allez vous faire une vie quelque part, n'importe où. Ou bien dansez la java. Jouez au basketball. Signez une pétition. N'importe quoi.
Évidemment, même si vos souvenirs sont emmerdants, vous pourriez être publié dans La Bibliothèque de La Pléiade. Donc, vous ne viendrez pas me dire que j'ai raison sur toute la ligne et, je vous l'avoue, je vous donnerai un bon point là-dessus.
Faites ce que vous voulez et jamais vous ne vous y tromperez. En littérature comme en confiture, c'est vous qui les mangerez. Et comme le disait si bien Brillat-Savarin, ce savant gastronome, on est ce que l'on mange.
Comment écrire une belle histoire? La belle affaire! Pigez dans vos souvenirs et n'essayez pas de pâtir.
Merci beaucoup.
jeudi 15 avril 2010
Des armadas de linge propre flottaient au-dessus des océans asphaltés
Le soleil s'était enfin levé dans Notre-Dame-des-Sept-Allégresses. Ça faisait trois semaines qu'il mouillait et les commères se plaignaient de ne pas pouvoir étendre leur linge pour le faire sécher dehors.
-On est déjà l'printemps avancé baptême! On était dû pour étendre notre linge su' 'a corde jéritol! disaient-elles.
Jéritol, ne me demandez pas qui c'est. Il échappe à toutes mes investigations. D'où vient ce patois? Des Indiens? Des Romains? Des pastilles pour digérer?
Il y a tant de mystères dans la vie qu'on finit par baisser les bras, jéritol...
Donc, il faisait soleil. Et pas mal à part de ça.
La ruelle ressemblait à une armada flottant au-dessus de l'océan asphalté.
Les commères nous disaient d'aller jouer dans le parc pour ne pas faire lever la poussière ou la boue.
-On a pas envie de r'laver e'l'linge deux fois torvinousse!
Torvinousse aussi, j'sais pas c'est qui. Ni quoi.
Bon, il faisait soleil, le linge était étendu sur les cordes, les pissenlits fleurissaient enfin, avec les myosotis et les tulipes. Seul les cacas de chien disséminés un peu partout au cours de l'hiver venaient brunir ce décor idyllique pour les jeunes voyous que nous étions.
Au parc des Pins, non loin de là, il y avait la patinoire, puis la voie ferrée. Les wagons ont donné naissance à plus d'une carrière criminelle. Il y régnait des rumeurs tenaces de viol collectif. Une pauvre fille devenait la blonde de tel crétin qui l'offrait en sacrifice à ses minables acolytes. Le scénario classique qui mène à la pratique du plus vieux mensonge du monde.
Moi et mes potes nous tenions à l'écart de ces sales wagons, bien entendu.
On préférait jouer au hockey, avec ou sans patins, hiver comme été.
Ou bien on se rendait tout simplement jouer dans le bois, avec nos vélos et nos cannes à pêche.
On attrapait des brochets qu'on se faisait frire dans la poêle après que mon père les eût savamment éviscérés.
On se promenait sur les ponts flottants, parmi les billes de bois qui flottaient sur la rivière. Les billes suivaient le courant pour se rendre jusqu'aux papetières situées à son embouchure. On les appelle aussi les pitounes ces billes de bois. Mais j'avais peur que vous n'y compreniez rien jéritol, torvinousse, ciboire, et coetera.
Donc, il faisait soleil. On était dans le bois, près du Pont de fer, le paradis de mon enfance. Il y avait tout: du poisson, de l'eau de source et plus tard dans la saison des fraises des champs, des framboises, des mûres, du pimbina.
Pendant que les sales cons se farcissaient de pauvres filles en troupeau, nous devenions des Indiens.
Des Indiens, comme mon père et ma mère l'étaient, toc, écrit dans l'arbre généalogique. Métis. Mélangé d'Anishnabé, de Micmac et de Gaulois, mais aussi de Mongol et de Kényan.
-Une fille, faut respecter ça! affirmait fermement mon père. Faut jamais frapper une femme ni crier après, ok?
Et c'est la leçon qu'il nous enseignait, une leçon qui nous tenait loin des wagons du chemin de fer qui passait juste en arrière du Parc des Pins.
Évidemment, à la fin de la journée on s'est acheté un casseau de frites avec notre argent de poche, au Restaurant Gervais, juste en face du Parc des Pins. On a joué une ou deux games de PacMan à la salle de pool de la rue Godbout.
Puis on a terminé la soirée dans la ruelle à se crisser des volées et des claques sur la gueule.
L'armada de linge propre s'était retiré, sauf chez les Morais, qui pouvaient laisser leur linge sécher sur la corde pendant deux ou trois pluies avant que de l'enlever.
Y'étaient pas vaillants, les Morais. La bonne femme sur les pilules pis le bonhomme tout le temps en train de chier dans ses culottes. Ça paraissait sur la corde à linge. Ses sous-vêtements blancs étaient en trois couleurs. Comme de la crème glacée napolitaine. Mais en plus dégueulasse.
Ma mère nous a fait honte devant nos amis vers neuf heures du soir lorsqu'elle est venue nous chercher pour nous ramener à la maison. Il y avait déjà trois blessés mais aucun mort.
-Y'ont l'droit d'jouer jusqu'à minuit eux autres M'man! qu'on lui a dit, comme d'habitude, moi et mon plus jeune frère.
-Ouin ben eux autres c'est eux autres pis nous autres c'est nous autres, ok là? Chu votre mère pis c'est moé qui sait quoi jéritol!
Bon, il ne faisait plus soleil et on rentrait à la maison tandis que nos chums se moquaient de nous dans notre dos. Le lendemain nous devrions encore leur calisser deux ou trois claques. Ou bien courir derrière eux avec un pic à glace que l'on faisait siffler derrière leurs oreilles pour les rappeler à la politesse.
En attendant, il fallait bien reprendre des forces.
-On est pas riches, disait mon père, mais le frigidaire est plein!
Et nous vidions le frigidaire pour qu'ils soient encore moins riches. Nous, quatre mastodontes de six pieds deux cent quelques livres. Nourris au bon fromage Descoteaux, au steak épais, aux céréales et aux petits légumes.
Ce qui faisait qu'on avait toujours le dessus dans les bagarres. Enfin presque toujours.
Tout le monde crevait de faim dans mon coin mais pas chez-nous. Non.
Vrai comme je suis là, on mangeait comme des cochons.
Et repus comme nous l'étions, on n'avait plus peur de recevoir une claque su' 'a yeule. Surtout qu'on s'entraînait du matin jusqu'au soir. On n'était pas des lopettes.
V'nez-y mes tabarnaks. Comme disait mon père «un homme ça meurt rien qu'une fois».
J'sais pas trop c'qu'il voulait dire mais je me répète encore la formule en ce jour d'hui, où il fait soleil sur la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Allégresses, où les pissenlits et les myosotis sont en fleurs, où des armadas de linge propre flottent au-dessus des océans asphaltés.
-On est déjà l'printemps avancé baptême! On était dû pour étendre notre linge su' 'a corde jéritol! disaient-elles.
Jéritol, ne me demandez pas qui c'est. Il échappe à toutes mes investigations. D'où vient ce patois? Des Indiens? Des Romains? Des pastilles pour digérer?
Il y a tant de mystères dans la vie qu'on finit par baisser les bras, jéritol...
Donc, il faisait soleil. Et pas mal à part de ça.
La ruelle ressemblait à une armada flottant au-dessus de l'océan asphalté.
Les commères nous disaient d'aller jouer dans le parc pour ne pas faire lever la poussière ou la boue.
-On a pas envie de r'laver e'l'linge deux fois torvinousse!
Torvinousse aussi, j'sais pas c'est qui. Ni quoi.
Bon, il faisait soleil, le linge était étendu sur les cordes, les pissenlits fleurissaient enfin, avec les myosotis et les tulipes. Seul les cacas de chien disséminés un peu partout au cours de l'hiver venaient brunir ce décor idyllique pour les jeunes voyous que nous étions.
Au parc des Pins, non loin de là, il y avait la patinoire, puis la voie ferrée. Les wagons ont donné naissance à plus d'une carrière criminelle. Il y régnait des rumeurs tenaces de viol collectif. Une pauvre fille devenait la blonde de tel crétin qui l'offrait en sacrifice à ses minables acolytes. Le scénario classique qui mène à la pratique du plus vieux mensonge du monde.
Moi et mes potes nous tenions à l'écart de ces sales wagons, bien entendu.
On préférait jouer au hockey, avec ou sans patins, hiver comme été.
Ou bien on se rendait tout simplement jouer dans le bois, avec nos vélos et nos cannes à pêche.
On attrapait des brochets qu'on se faisait frire dans la poêle après que mon père les eût savamment éviscérés.
On se promenait sur les ponts flottants, parmi les billes de bois qui flottaient sur la rivière. Les billes suivaient le courant pour se rendre jusqu'aux papetières situées à son embouchure. On les appelle aussi les pitounes ces billes de bois. Mais j'avais peur que vous n'y compreniez rien jéritol, torvinousse, ciboire, et coetera.
Donc, il faisait soleil. On était dans le bois, près du Pont de fer, le paradis de mon enfance. Il y avait tout: du poisson, de l'eau de source et plus tard dans la saison des fraises des champs, des framboises, des mûres, du pimbina.
Pendant que les sales cons se farcissaient de pauvres filles en troupeau, nous devenions des Indiens.
Des Indiens, comme mon père et ma mère l'étaient, toc, écrit dans l'arbre généalogique. Métis. Mélangé d'Anishnabé, de Micmac et de Gaulois, mais aussi de Mongol et de Kényan.
-Une fille, faut respecter ça! affirmait fermement mon père. Faut jamais frapper une femme ni crier après, ok?
Et c'est la leçon qu'il nous enseignait, une leçon qui nous tenait loin des wagons du chemin de fer qui passait juste en arrière du Parc des Pins.
Évidemment, à la fin de la journée on s'est acheté un casseau de frites avec notre argent de poche, au Restaurant Gervais, juste en face du Parc des Pins. On a joué une ou deux games de PacMan à la salle de pool de la rue Godbout.
Puis on a terminé la soirée dans la ruelle à se crisser des volées et des claques sur la gueule.
L'armada de linge propre s'était retiré, sauf chez les Morais, qui pouvaient laisser leur linge sécher sur la corde pendant deux ou trois pluies avant que de l'enlever.
Y'étaient pas vaillants, les Morais. La bonne femme sur les pilules pis le bonhomme tout le temps en train de chier dans ses culottes. Ça paraissait sur la corde à linge. Ses sous-vêtements blancs étaient en trois couleurs. Comme de la crème glacée napolitaine. Mais en plus dégueulasse.
Ma mère nous a fait honte devant nos amis vers neuf heures du soir lorsqu'elle est venue nous chercher pour nous ramener à la maison. Il y avait déjà trois blessés mais aucun mort.
-Y'ont l'droit d'jouer jusqu'à minuit eux autres M'man! qu'on lui a dit, comme d'habitude, moi et mon plus jeune frère.
-Ouin ben eux autres c'est eux autres pis nous autres c'est nous autres, ok là? Chu votre mère pis c'est moé qui sait quoi jéritol!
Bon, il ne faisait plus soleil et on rentrait à la maison tandis que nos chums se moquaient de nous dans notre dos. Le lendemain nous devrions encore leur calisser deux ou trois claques. Ou bien courir derrière eux avec un pic à glace que l'on faisait siffler derrière leurs oreilles pour les rappeler à la politesse.
En attendant, il fallait bien reprendre des forces.
-On est pas riches, disait mon père, mais le frigidaire est plein!
Et nous vidions le frigidaire pour qu'ils soient encore moins riches. Nous, quatre mastodontes de six pieds deux cent quelques livres. Nourris au bon fromage Descoteaux, au steak épais, aux céréales et aux petits légumes.
Ce qui faisait qu'on avait toujours le dessus dans les bagarres. Enfin presque toujours.
Tout le monde crevait de faim dans mon coin mais pas chez-nous. Non.
Vrai comme je suis là, on mangeait comme des cochons.
Et repus comme nous l'étions, on n'avait plus peur de recevoir une claque su' 'a yeule. Surtout qu'on s'entraînait du matin jusqu'au soir. On n'était pas des lopettes.
V'nez-y mes tabarnaks. Comme disait mon père «un homme ça meurt rien qu'une fois».
J'sais pas trop c'qu'il voulait dire mais je me répète encore la formule en ce jour d'hui, où il fait soleil sur la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Allégresses, où les pissenlits et les myosotis sont en fleurs, où des armadas de linge propre flottent au-dessus des océans asphaltés.
mercredi 14 avril 2010
EN MÉMOIRE DE MICHEL CHARTRAND
Quand j'étais jeune, je ne voulais pas devenir astronaute ou bien médecin. Non. Je voulais devenir Michel Chartrand.
L'anarcho-syndicaliste Michel Chartrand est mort avant hier et j'entendrai toujours sa voix gronder en mon for intérieur.
Il avait de la verve plus que quiconque et son verbe était une source inépuisable d'inspiration, tout comme son sens de l'action pour la justice sociale. Au lieu de philosopher, il montait au front. Au lieu de rester assis, il se tenait debout.
Je l'ai rencontré une fois. C'était pour la sortie du journal de rue Le Vagabond pour lequel j'étais rédacteur en chef. Je l'avais invité pour venir présenter son point de vue sur le revenu minimum garanti. Je lui avais servi du camarade au téléphone et tout de suite il m'avait appelé «mon frère».
Bon, laissons maintenant de côté le «human interest» comme il le disait et revenons tout de suite à l'essentiel.
Nous vivons dans une hostie de société de taouins où le cash détermine la valeur d'une personne, de l'école jusqu'au cimetière, et ça, franchement, ça me met en tabarnak.
Pas besoin d'être marxiste pour savoir que le peuple se fait fourrer par ces pleins d'marde qui s'inventent des lois pour mieux se remplir les poches.
Ce ne sont pas les politiciens qui ont changé le Québec, mais des gens qui marchaient dans la rue avec des pancartes et qui se calissaient d'aller en prison pour des idées qu'ils croyaient justes.
Chartrand a fait de la prison pour améliorer les droits des travailleurs et, par la bande, les droits de tout un chacun.
Ce n'était pas une couille molle. Ni un sacrament d'syndicaliste-corporatiste qui pensait plus à se bourrer les poches de fric qu'à défendre syndiqués et non-syndiqués contre les crapules capitalistes.
On perd le plus grand Québécois des cent dernières années.
Chartrand est mort. Vive la justice sociale! En avant camarades!
PS: Ce texte est assorti de quelques photos de Chartrand prises en septembre 2000 lors de sa défense du revenu minimum garanti au journal de rue Le Vagabond, au 440 de la rue St-Georges, à Trois-Rivières.
PS2: Documentaire de l'ONF sur Michel Chartrand.
C'était l'idole de mon père, le redresseur de torts de ma classe sociale. Y'avait pas peur des boss pis des hosties d'crosseurs. C'était notre grand chef et il ne le savait peut-être pas.
L'anarcho-syndicaliste Michel Chartrand est mort avant hier et j'entendrai toujours sa voix gronder en mon for intérieur.
Il avait de la verve plus que quiconque et son verbe était une source inépuisable d'inspiration, tout comme son sens de l'action pour la justice sociale. Au lieu de philosopher, il montait au front. Au lieu de rester assis, il se tenait debout.
Je l'ai rencontré une fois. C'était pour la sortie du journal de rue Le Vagabond pour lequel j'étais rédacteur en chef. Je l'avais invité pour venir présenter son point de vue sur le revenu minimum garanti. Je lui avais servi du camarade au téléphone et tout de suite il m'avait appelé «mon frère».
Bon, laissons maintenant de côté le «human interest» comme il le disait et revenons tout de suite à l'essentiel.
Nous vivons dans une hostie de société de taouins où le cash détermine la valeur d'une personne, de l'école jusqu'au cimetière, et ça, franchement, ça me met en tabarnak.
Pas besoin d'être marxiste pour savoir que le peuple se fait fourrer par ces pleins d'marde qui s'inventent des lois pour mieux se remplir les poches.
Ce ne sont pas les politiciens qui ont changé le Québec, mais des gens qui marchaient dans la rue avec des pancartes et qui se calissaient d'aller en prison pour des idées qu'ils croyaient justes.
Chartrand a fait de la prison pour améliorer les droits des travailleurs et, par la bande, les droits de tout un chacun.
Ce n'était pas une couille molle. Ni un sacrament d'syndicaliste-corporatiste qui pensait plus à se bourrer les poches de fric qu'à défendre syndiqués et non-syndiqués contre les crapules capitalistes.
On perd le plus grand Québécois des cent dernières années.
Chartrand est mort. Vive la justice sociale! En avant camarades!
PS: Ce texte est assorti de quelques photos de Chartrand prises en septembre 2000 lors de sa défense du revenu minimum garanti au journal de rue Le Vagabond, au 440 de la rue St-Georges, à Trois-Rivières.
PS2: Documentaire de l'ONF sur Michel Chartrand.
mardi 13 avril 2010
Siffleux Marcotte contre l'Église de Pimentologie
La prison était tellement pleine dans ce coin-là qu'on préférait transférer les prisonniers vers L'Infini, un centre de désintoxication planté juste en face de la prison et géré par une secte de fous furieux fanatiques. L'argent des contribuables était pompé vers L'Infini qui, au bout du compte, coûtait moins cher que le pénitencier. Un geôlier de l'État ça vaut dans les vingt piastres de l'heure au-dessus. Pour être geôlier à L'Infini, on ne demande même pas un secondaire cinq et on te paie au salaire menoum-menoum, comme dirait Chartrand. Neuf piastres de l'heure et trois pinotes. Pas cher, pas cher L'Infini, quand on y pense.
L'Infini était la propriété d'une secte. L'Église de Pimentologie que cela s'appelait. Qui vénérait le dieu Piment. Le dieu Piment apparaissant dans les cent soixante-trois romans de son fondateur, Lewis Louie Layton, affectueusement surnommé Mother par ses prosélytes essentiellement recrutés chez ceux et celles qui sont des dépendants affectifs du dernier degré. Il n'en pleut pas des tas, des comme ça, mais l'Église de Pimentologie trouve assez d'adorateurs du dieu Piment pour mener sa barque. Comme quoi l'être humain prend plaisir à penser en abruti.
À L'Infini, on vous traitait un criminel polytoxicomane à la manière forte. On lui faisait brosser les planchers avec une brosse à dents. Il y avait même l'exercice dit du «piment volant», qui consistait à fixer un piment intensément jusqu'à ce qu'il lévite. Comme personne n'arrivait à le faire, les séances étaient interminables. Et le pauvre gars de la maison L'Infini s'en voulait presque de ne pas avoir fait tout son temps peinard au pénitencier d'en face, où les gardiens te foutaient la paix et où la dope arrivait plus facilement.
Quoi qu'il en soit Louis Marcotte, alias Siffleux Marcotte, ne voulait pas se faire chier plus longtemps à L'Infini. Les brosses à dents et les piments volants, il en avait son truck.
Ce qui fait qu'il s'était entendu avec le gros Masson pour qu'il lui laisse de quoi se détendre sous le troisième érable de la rangée gauche du jardin.
Cela faisait quatre jours que Siffleux Marcotte se rendait sous l'érable et il se disait que le gros calice de Masson devait l'avoir oublié, comme d'habitude. Mais voilà, le petit sac s'y trouvait bien, tel qu'entendu, et il y avait de quoi s'envoyer en l'air encore bien plus loin que L'Infini.
De retour à sa brosse à dents, Siffleux Marcotte s'est sniffé une couple de tracks en cachette. Puis il a pris des Smarties. Et toutes sortes de trucs pour nourrir son inspiration de voyou frosté spécialisé dans le vol de bouteilles de shampoing et autres bagatelles de rien du tout de l'Empire du Mal.
Même le dieu Piment n'y pouvait rien. Siffleux Marcotte était d'un naturel petit voleur de bas étage.
Quoi qu'il en soit, Siffleux rêvait de liberté vers onze heures le soir alors que son buzz était nettement à son summum.
Il entendait des voix. Des voix qui lui disaient «Come on Siffleux c'est samedi soir, y'a un party chez l'gros Masson tabarnak!»
Il s'est donc enfui, Siffleux, mais le plus difficile fût certainement de franchir la clôture de cinq mètres de hauteur puis d'affronter la forêt de barbelés qui la garnissait.
De l'autre côté de la clôture, c'était le pénitencier...
Un gardien de prison qui passait par là pour sa ronde appela du renfort pour emmener Siffleux Marcotte à l'infirmerie.
L'hostie de niaiseux s'était enfui de L'Infini pour finalement retourner en prison! C'était la clôture de la prison!!! Quel niaiseux, hein?
Niaiseux, c'est relatif... Juste pour le taquiner.
En fait Siffleux Marcotte aimait bien mieux se retrouver en prison pour bris de condition que de retourner à L'Infini, la maison des crackpots d'en face...
No fucking way! Ça lui donnait presque l'envie d'arrêter de voler des bouteilles de shampoing...
L'Infini était la propriété d'une secte. L'Église de Pimentologie que cela s'appelait. Qui vénérait le dieu Piment. Le dieu Piment apparaissant dans les cent soixante-trois romans de son fondateur, Lewis Louie Layton, affectueusement surnommé Mother par ses prosélytes essentiellement recrutés chez ceux et celles qui sont des dépendants affectifs du dernier degré. Il n'en pleut pas des tas, des comme ça, mais l'Église de Pimentologie trouve assez d'adorateurs du dieu Piment pour mener sa barque. Comme quoi l'être humain prend plaisir à penser en abruti.
À L'Infini, on vous traitait un criminel polytoxicomane à la manière forte. On lui faisait brosser les planchers avec une brosse à dents. Il y avait même l'exercice dit du «piment volant», qui consistait à fixer un piment intensément jusqu'à ce qu'il lévite. Comme personne n'arrivait à le faire, les séances étaient interminables. Et le pauvre gars de la maison L'Infini s'en voulait presque de ne pas avoir fait tout son temps peinard au pénitencier d'en face, où les gardiens te foutaient la paix et où la dope arrivait plus facilement.
Quoi qu'il en soit Louis Marcotte, alias Siffleux Marcotte, ne voulait pas se faire chier plus longtemps à L'Infini. Les brosses à dents et les piments volants, il en avait son truck.
Ce qui fait qu'il s'était entendu avec le gros Masson pour qu'il lui laisse de quoi se détendre sous le troisième érable de la rangée gauche du jardin.
Cela faisait quatre jours que Siffleux Marcotte se rendait sous l'érable et il se disait que le gros calice de Masson devait l'avoir oublié, comme d'habitude. Mais voilà, le petit sac s'y trouvait bien, tel qu'entendu, et il y avait de quoi s'envoyer en l'air encore bien plus loin que L'Infini.
De retour à sa brosse à dents, Siffleux Marcotte s'est sniffé une couple de tracks en cachette. Puis il a pris des Smarties. Et toutes sortes de trucs pour nourrir son inspiration de voyou frosté spécialisé dans le vol de bouteilles de shampoing et autres bagatelles de rien du tout de l'Empire du Mal.
Même le dieu Piment n'y pouvait rien. Siffleux Marcotte était d'un naturel petit voleur de bas étage.
Quoi qu'il en soit, Siffleux rêvait de liberté vers onze heures le soir alors que son buzz était nettement à son summum.
Il entendait des voix. Des voix qui lui disaient «Come on Siffleux c'est samedi soir, y'a un party chez l'gros Masson tabarnak!»
Il s'est donc enfui, Siffleux, mais le plus difficile fût certainement de franchir la clôture de cinq mètres de hauteur puis d'affronter la forêt de barbelés qui la garnissait.
De l'autre côté de la clôture, c'était le pénitencier...
Un gardien de prison qui passait par là pour sa ronde appela du renfort pour emmener Siffleux Marcotte à l'infirmerie.
L'hostie de niaiseux s'était enfui de L'Infini pour finalement retourner en prison! C'était la clôture de la prison!!! Quel niaiseux, hein?
Niaiseux, c'est relatif... Juste pour le taquiner.
En fait Siffleux Marcotte aimait bien mieux se retrouver en prison pour bris de condition que de retourner à L'Infini, la maison des crackpots d'en face...
No fucking way! Ça lui donnait presque l'envie d'arrêter de voler des bouteilles de shampoing...
lundi 12 avril 2010
Mon entrevue avec Stifane Buteau sur le Canal communautaire
Dans son roman Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, Dany Laferrière s'imaginait en entrevue avec Denise Bombardier. Quelques mois plus tard, il passait de la fiction à la réalité.
Alors voilà, je m'imagine en entrevue avec Stifane Buteau, animateur de l'émission Parlons Culture SVP sur le Canal communautaire.
L'émission débute sur une musique d'ascenseur.
Stifane: Le Garage Buteau a rendu possible cette émission.
Moi: Oui, j'ai basé toute mon oeuvre sur une quête d'authenticité que j'associe au fait que les souvenirs ne mentent jamais, au contraire de tout le reste.
S.: Est-ce que vous écrivez su' du papier ou ben don' su' un ordine?
Moi: J'écris au gré de mon inspiration aussi souvent que possible.
S.: Moé j'ai ben aimé lire Hulk quand j'étais jeune, mais mon livre préféré c'est Le livre des records Guiness. Maudit c'que qu'y'en arrive des affaires bizarres de même, hein? Comme e'l'gars qui a mangé e'l'plusse d'hot-dogs au monde ou ben don' e'l'gars qui avait un maudit gros bouton su' l'nez. C'est fou!
Moi: Je vous concède qu'il y a chez ces gens-là une source inépuisable d'inspiration pour l'écrivain. Cependant, il me semble que toute personne est un record du monde. Il est difficile de dire tout de suite en quelle matière cette personne peut detenir le record mondial. Mais à force de patience on finit par le découvrir. D'où cette nécessité pour l'écrivain de bien décrire ses personnages, vous voyez. Les décors, on s'en fiche. Tout le monde a l'Internet. L'écriture permet cependant de plonger dans les abîmes de l'âme humaine pour y sonder ses arcanes. Et rien de mieux que l'humour pour faire passer les messages qui ne passent jamais autrement.
S.: Arcane-moé pas avec ça toé chose! De qu'est-cé qu'tu dis là mon homme? Wo menute. Arcane! C'est un gros mot ça toé! As-tu pogné la grippe?
Moi: Arcane, cela signifie secret. Et, hum, permettez-moi d'ajouter que j'essaie de simplifier mon écriture, autant que faire se peut, pour ne pas être tout seul à me lire et à me comprendre. J'emploie rarement le mot arcane en fait. Sinon pour épater la galerie, vous voyez?
S.: Ouin ben tes histoires sont drôles j'cré ben. J'ai ben aimé quand tu parlais d'la fille qui s'appelait la Ventouse ou ben don' le Gorille, Planète, Germaine Flagosse, Étienne-qui-pue-des-pieds et tous ces personnages-là qui ont d'la jarnigoène en salami! Y'où c'que c'est que tu prends toutes ces histoires-là, hein? C'est mongol!
Moi: Oui, j'aime les histoires drôles et ne retiens essentiellement que les situations loufoques pour aspirer à quelque éternité pour cette écriture sobre et déjantée.
S.: Moé si j'tais toé j'publierais un livre toé chose. J't'en achèterais un. S'i' veulent pas t'publier, publie-toé toé-même. Le Garage Buteau pourrait t'acheter une pub à l'endos d'ton livre. C't'à mon père e'l'garage pis mon vieux y'est ben blood avec e'l'monde, c'est pas un hostie d'crève-faim pis pas un hostie d'gratteux non plus. D'mande-z'y cinq cents piastres pis sûr qu'i' t'les donnerait juste parce que tu y'as jamais rien d'mandé pis qu'i' t'connaît pas! I' donne son argent à tout l'monde mon père.
Moi: T'es pas moé hostie. Pis moé, j'su's-tu toé? Voyons Buteau! Pour vouère si j'va's m'mettre à achaler ton père! J'publie tous 'es jours su' l'ouèbe calvaire! M'semble que j'ai sauvé des arbres pis qu'ça prouve que j'me calice assez d'l'édition, des règles de tel ou tel pantin de l'imprimé qui veut t'dresser comme un singe savant pour mieux mutiler ton oeuvre! Fi de ces coquins! L'imprimé est à l'électronique ce qu'était le manuscrit pour l'imprimé du temps de Gutenberg. Faut relire Marshall McLuhan, La galaxie Gutenberg, tiens. Le téléphone a supplanté le télégraphe et maintenant l'Internet supplante ces bricolages de papier.
S.: Toé, tais-toé! Ha! Ha! Ha! Mon hostie d'gros fucké toé!
Moi: Buteau, on va-tu prendre une bière à taverne? J't'écoeuré d'être assis icitte.
S.: Ha! Ha! Ha! Ici Stifane Buteau. C'était Parlons culture SVP, une émission rendue possible par Le Garage Buteau. Ha! Ha! Ha! Toé t'es drôle gros Boutch! Restez don' à l'écoute du Canal communautaire...
Alors voilà, je m'imagine en entrevue avec Stifane Buteau, animateur de l'émission Parlons Culture SVP sur le Canal communautaire.
L'émission débute sur une musique d'ascenseur.
Stifane: Le Garage Buteau a rendu possible cette émission.
Moi: Oui, j'ai basé toute mon oeuvre sur une quête d'authenticité que j'associe au fait que les souvenirs ne mentent jamais, au contraire de tout le reste.
S.: Est-ce que vous écrivez su' du papier ou ben don' su' un ordine?
Moi: J'écris au gré de mon inspiration aussi souvent que possible.
S.: Moé j'ai ben aimé lire Hulk quand j'étais jeune, mais mon livre préféré c'est Le livre des records Guiness. Maudit c'que qu'y'en arrive des affaires bizarres de même, hein? Comme e'l'gars qui a mangé e'l'plusse d'hot-dogs au monde ou ben don' e'l'gars qui avait un maudit gros bouton su' l'nez. C'est fou!
Moi: Je vous concède qu'il y a chez ces gens-là une source inépuisable d'inspiration pour l'écrivain. Cependant, il me semble que toute personne est un record du monde. Il est difficile de dire tout de suite en quelle matière cette personne peut detenir le record mondial. Mais à force de patience on finit par le découvrir. D'où cette nécessité pour l'écrivain de bien décrire ses personnages, vous voyez. Les décors, on s'en fiche. Tout le monde a l'Internet. L'écriture permet cependant de plonger dans les abîmes de l'âme humaine pour y sonder ses arcanes. Et rien de mieux que l'humour pour faire passer les messages qui ne passent jamais autrement.
S.: Arcane-moé pas avec ça toé chose! De qu'est-cé qu'tu dis là mon homme? Wo menute. Arcane! C'est un gros mot ça toé! As-tu pogné la grippe?
Moi: Arcane, cela signifie secret. Et, hum, permettez-moi d'ajouter que j'essaie de simplifier mon écriture, autant que faire se peut, pour ne pas être tout seul à me lire et à me comprendre. J'emploie rarement le mot arcane en fait. Sinon pour épater la galerie, vous voyez?
S.: Ouin ben tes histoires sont drôles j'cré ben. J'ai ben aimé quand tu parlais d'la fille qui s'appelait la Ventouse ou ben don' le Gorille, Planète, Germaine Flagosse, Étienne-qui-pue-des-pieds et tous ces personnages-là qui ont d'la jarnigoène en salami! Y'où c'que c'est que tu prends toutes ces histoires-là, hein? C'est mongol!
Moi: Oui, j'aime les histoires drôles et ne retiens essentiellement que les situations loufoques pour aspirer à quelque éternité pour cette écriture sobre et déjantée.
S.: Moé si j'tais toé j'publierais un livre toé chose. J't'en achèterais un. S'i' veulent pas t'publier, publie-toé toé-même. Le Garage Buteau pourrait t'acheter une pub à l'endos d'ton livre. C't'à mon père e'l'garage pis mon vieux y'est ben blood avec e'l'monde, c'est pas un hostie d'crève-faim pis pas un hostie d'gratteux non plus. D'mande-z'y cinq cents piastres pis sûr qu'i' t'les donnerait juste parce que tu y'as jamais rien d'mandé pis qu'i' t'connaît pas! I' donne son argent à tout l'monde mon père.
Moi: T'es pas moé hostie. Pis moé, j'su's-tu toé? Voyons Buteau! Pour vouère si j'va's m'mettre à achaler ton père! J'publie tous 'es jours su' l'ouèbe calvaire! M'semble que j'ai sauvé des arbres pis qu'ça prouve que j'me calice assez d'l'édition, des règles de tel ou tel pantin de l'imprimé qui veut t'dresser comme un singe savant pour mieux mutiler ton oeuvre! Fi de ces coquins! L'imprimé est à l'électronique ce qu'était le manuscrit pour l'imprimé du temps de Gutenberg. Faut relire Marshall McLuhan, La galaxie Gutenberg, tiens. Le téléphone a supplanté le télégraphe et maintenant l'Internet supplante ces bricolages de papier.
S.: Toé, tais-toé! Ha! Ha! Ha! Mon hostie d'gros fucké toé!
Moi: Buteau, on va-tu prendre une bière à taverne? J't'écoeuré d'être assis icitte.
S.: Ha! Ha! Ha! Ici Stifane Buteau. C'était Parlons culture SVP, une émission rendue possible par Le Garage Buteau. Ha! Ha! Ha! Toé t'es drôle gros Boutch! Restez don' à l'écoute du Canal communautaire...
samedi 10 avril 2010
LE CAS DE MONSIEUR K.
K., appelons-le ainsi, est un gars dans les trente-cinq ans qui marche de chez-lui au centre commercial, puis du centre commercial à la bibliothèque municipale. On ne lui connaît pas d'autre trajet, sinon celui qui le mène à la cathédrale pour l'office dominical.
On ne lui connaît pas d'amis ni d'amantes. K. est seul comme seul peut l'être un pauvre gars maladroit dans ses relations sociales.
Est-il laid? Pas nécessairement. K. pourrait animer une émission à la télévision, facialement parlant, si ce n'était de sa timidité par trop outrancière. Et il pourrait aussi jouer au basketball puisqu'il est très grand. Cependant, personne ne le voudrait dans son équipe puisqu'il est d'une lenteur déconcertante. C'est comme s'il marchait constamment sur des oeufs. Ou bien comme s'il marchait à pas de souris dans un dortoir rempli de prisonniers en manque de sexe qui le trouveraient facialement séduisant.
Chaque pas qu'il fait dans la vie semble s'accompagner d'excuses, vous voyez le genre?
Ce qui fait qu'il lui est impossible d'avoir des amis.
Juste serrer la main de quelqu'un le fait trembler comme une feuille.
K. sait à peine dire bonjour. En fait, il bafouille et tousse comme pour faire oublier qu'il vient de parler.
-Be-be-bi-bo...b'z'our...kof! kof!
K. est sorti de l'université en 1994 avec un baccalauréat en mathématiques.
Cette même année, il fit une demande d'aide sociale.
Il vit encore sur le piton, comme on dit, parce qu'il est pourri en entrevue. Il bafouille, tousse, tremble. Tout un chacun pense avoir affaire à un malade mental.
Après être revenu bredouille dix, cent et mille fois, K. a fini par se faire déclarer inapte au travail par une fonctionnaire compatissante qui voyait bien que c'était un miracle que ce type-là ne se soit pas encore pendu dans cette chambre étroite de L'Auberge du Bonheur qu'il loue 179$ par mois.
L'Auberge du Bonheur est par ailleurs un hostie de nique-à-feu qui a flambé trois ou quatre fois compte tenu du profil de ses locataires, ivrognes et fumeurs qui attendent soit la mort, soit leur chèque.
Chaque fois que Lucien Bonenfant vois K., il se sent cheap de ne pas lui tendre la main. De ne pas lui dire, tiens, viens mon gars on va faire la tournée des bars et se péter des bouteilles sur la tête. On va te trouver une p'tite mère qui va te vider les couilles. On va te trouver du boulot. Un logement potable. Une vie quoi.
Mais de quoi se mêle-t-il, hein?
Peut-être que K. n'a rien à foutre de sa compassion.
Ce qui fait que Lucien Bonenfant se contente de poinçonner les livres que K. emprunte à la bibliothèque. Des livres qui proviennent d'auteurs catholiques français: Bloy, Barrès, Péguy, Bernanos, Mauriac, etc.
Rien de très mathématique.
Il faut bien qu'il se détende un peu, non?
On ne lui connaît pas d'amis ni d'amantes. K. est seul comme seul peut l'être un pauvre gars maladroit dans ses relations sociales.
Est-il laid? Pas nécessairement. K. pourrait animer une émission à la télévision, facialement parlant, si ce n'était de sa timidité par trop outrancière. Et il pourrait aussi jouer au basketball puisqu'il est très grand. Cependant, personne ne le voudrait dans son équipe puisqu'il est d'une lenteur déconcertante. C'est comme s'il marchait constamment sur des oeufs. Ou bien comme s'il marchait à pas de souris dans un dortoir rempli de prisonniers en manque de sexe qui le trouveraient facialement séduisant.
Chaque pas qu'il fait dans la vie semble s'accompagner d'excuses, vous voyez le genre?
Ce qui fait qu'il lui est impossible d'avoir des amis.
Juste serrer la main de quelqu'un le fait trembler comme une feuille.
K. sait à peine dire bonjour. En fait, il bafouille et tousse comme pour faire oublier qu'il vient de parler.
-Be-be-bi-bo...b'z'our...kof! kof!
K. est sorti de l'université en 1994 avec un baccalauréat en mathématiques.
Cette même année, il fit une demande d'aide sociale.
Il vit encore sur le piton, comme on dit, parce qu'il est pourri en entrevue. Il bafouille, tousse, tremble. Tout un chacun pense avoir affaire à un malade mental.
Après être revenu bredouille dix, cent et mille fois, K. a fini par se faire déclarer inapte au travail par une fonctionnaire compatissante qui voyait bien que c'était un miracle que ce type-là ne se soit pas encore pendu dans cette chambre étroite de L'Auberge du Bonheur qu'il loue 179$ par mois.
L'Auberge du Bonheur est par ailleurs un hostie de nique-à-feu qui a flambé trois ou quatre fois compte tenu du profil de ses locataires, ivrognes et fumeurs qui attendent soit la mort, soit leur chèque.
Chaque fois que Lucien Bonenfant vois K., il se sent cheap de ne pas lui tendre la main. De ne pas lui dire, tiens, viens mon gars on va faire la tournée des bars et se péter des bouteilles sur la tête. On va te trouver une p'tite mère qui va te vider les couilles. On va te trouver du boulot. Un logement potable. Une vie quoi.
Mais de quoi se mêle-t-il, hein?
Peut-être que K. n'a rien à foutre de sa compassion.
Ce qui fait que Lucien Bonenfant se contente de poinçonner les livres que K. emprunte à la bibliothèque. Des livres qui proviennent d'auteurs catholiques français: Bloy, Barrès, Péguy, Bernanos, Mauriac, etc.
Rien de très mathématique.
Il faut bien qu'il se détende un peu, non?
JE SOUTIENS CLAUDE ROBINSON
La justice n'est pas que pour les riches, même si les faits prouvent plutôt le contraire.
Un groupe a été constitué pour soutenir Claude Robinson, l'illustrateur effrontément plagié par Cinar.
Je vous invite à lui glisser une obole ici pour lui permettre de payer ses frais de cour.
Claude Robinson, c'est le symbole du petit qui se fait écraser par des big shot pleins d'marde et qui résiste, quand tout le monde aurait depuis longtemps abandonné.
Son combat est le combat de chacun d'entre nous contre ces requins qui s'achètent de l'injustice comme si c'était une can de petits pois.
***
Il faut envoyer un message clair aux contrefacteurs que la cupidité sera punie et qu'ils devront s'attendre à plus qu'une simple condamnation de dommages compensatoires sans pénalité, s'ils sont découverts. Claude Auclair, JCS
Décision de la Cour supérieure
26 août 2009
Décision de la Cour supérieure
26 août 2009
vendredi 9 avril 2010
Il y a toujours des gagnants et des perdants dans la vie, même au Yukon
Rien ne devrait ternir la réussite de qui que ce soit. Pourtant, il y a toujours quelque chose qui cloche.
Ce n'est pas tant la jalousie que la perspicacité qui joue dans cette quête bien humaine de défauts sans lesquels la source de l'humour finirait par se tarir.
Marcel était prospère. Il occupait un poste de haut fonctionnaire dans un coin reculé du pays, à Dawson City, au Yukon. Acadien de naissance, il avait obtenu ce poste compte tenu de son presque parfait bilinguisme. Ce qui fait que l'on retrouve des Acadiens partout, d'un océan à l'autre et jusqu'au Pôle Nord.
Marcel, nous le surnommions le Sagouin, en hommage à la Sagouine, un personnage de l'écrivaine Antonine Maillet, elle aussi fille de l'Acadie.
Un samedi soir, après le barbecue qu'il organise chez-lui, le Sagouin se sent soudainement en forme pour aller draguer les filles.
-A'j'cré ben que j'va's sortir a little bit à souère pis que j'va's gonna see les chicks qui s'tiennent au Goldrush Hotel.
Le Sagouin entraîne donc toute sa bande de pauvrichons avec lui, puisque personne n'a de véhicule. Tous les amis du Sagouin travaillent dans le domaine de la restauration rapide. Un domaine où les ivrognes sont tolérés. Bien que ses amis soient de pauvres types, ils sont francophones, comme lui, et Marcel se sent bien quand il parle en français, même s'il a l'accent de la Sagouine.
En cours de route, le Sagouin fait remarquer au gros Massicotte assis à ses côtés qu'il ne lui sera pas facile de séduire une dame sans avoir de clés d'auto.
-Massicotte, syncope, comment c'que-c'est que tu vas going to avouère une fille, hé? T'as pas d'car. Les filles y veulent pas d'un gars qu'i' a pas d'car!
-Sacrement le Sagouin! rétorque le gros Massicotte. Cré-moé qu'les filles se calissent des chars à minuit quand qu'y'ont envie d'un peu d'tendresse... P't'être pas toute, mais tu m'feras pas accroire que rien qu'une c'est pas assez. Ok là?
-Man! ajoute Marcel. R'garde dans ma main, qu'est-cé qu'j'ai?
Et là, le Sagouin fait cliqueter de la menue monnaie dans sa dextre en retenant le volant avec sa senestre.
-C'est d'la moulée pour les femmes! termine le Sagouin. La comprends-ti big guy?
Le gros Massicotte ne rit pas. C'est comme s'il n'avait rien entendu.
-Hostie d'frais chié d'calice! se dit Massicotte en lui-même.
Au bout de quinze minutes, tout le monde débarque au bar du Goldrush Hotel.
Il est minuit. Les gars se commandent de la bière et regardent les filles. Ils font leurs commentaires mais ne s'entendent pas parler puisque la musique est trop forte. Au bout d'une demie heure, le gros Massicotte se détache du groupe. On le revoit un peu plus tard en train de danser un slow avec une petite rousse sur le plancher de danse.
Le Sagouin et les autres continuent de boire dans leur coin. Puis c'est le last call. Tout le monde doit rentrer à la maison.
Le gros Massicotte vient voir le Sagouin pour lui mendier vingt piastres et un lift pour lui et sa nouvelle flamme.
-Est ben fine... Elle s'appelle Maureen, lui dit le gros Massicotte.
Le Sagouin lui passe vingt piastres puis fait le taxi pour tout le monde pour deux raisons: il ne boit pas et il n'y a que lui qui possède un véhicule, et pas n'importe quel, bon sang, c'est un Hummer.
Au bout du trajet, le Sagouin se sent un peu frustré de voir le gros Massicotte partir avec Maureen, une fille qui travaille avec lui et qu'il essaie de séduire depuis cinq ans par mille et une démonstrations d'argent et de belles possessions.
Qu'est-ce qu'elle lui trouve au gros Massicotte? Ce gros joufflu, pauvre, toujours cassé, qui a l'air d'un crotté de fond de ruelle?
-J'te l'avais dit e'l'Sagouin qu'j'avais pas besoin d'char pour séduire une p'tite mère, pas vrai? lui dit le gros Massicotte lorsqu'il vient pour débarquer le couple de nouveaux tourtereaux à la résidence de Maureen la trop bandante.
Le Sagouin fait crisser les pneus de son Hummer pour se défouler, pour sublimer sa virilité mise à rude épreuve par cette fille qui n'a pas d'orgueil mais de jolis seins.
-Why is he doing that? demande Maureen au gros Massicotte en lui flattant les testicules par-dessus son pantalon.
-I don't know, lui répond le gros en lui caressant le lutin sous son slip. Maybe is jealous.
-Jealous why?
-Jealous cos' I'm gonna put my prick inside you I guess...
Douze minutes plus tard, ils baisent.
Pendant ce temps, le Sagouin est revenu chez-lui. Il s'asseoit dans son fauteuil préféré, baisse son pantalon puis se crosse avec ses clés de char en pensant à ce que le gros Massicotte est en train de faire avec Maureen.
-Big fucker! Gros hostie d'cochon à Massicotte! qu'il crie tout en se dégraissant le salami.
Petite brûlure au bout du cap, un peu de sauce, deux coups de torchon et dodo.
Le Sagouin se sent vaincu.
Que voulez-vous, il y a toujours des gagnants et des perdants dans la vie.
Ce n'est pas tant la jalousie que la perspicacité qui joue dans cette quête bien humaine de défauts sans lesquels la source de l'humour finirait par se tarir.
Marcel était prospère. Il occupait un poste de haut fonctionnaire dans un coin reculé du pays, à Dawson City, au Yukon. Acadien de naissance, il avait obtenu ce poste compte tenu de son presque parfait bilinguisme. Ce qui fait que l'on retrouve des Acadiens partout, d'un océan à l'autre et jusqu'au Pôle Nord.
Marcel, nous le surnommions le Sagouin, en hommage à la Sagouine, un personnage de l'écrivaine Antonine Maillet, elle aussi fille de l'Acadie.
Un samedi soir, après le barbecue qu'il organise chez-lui, le Sagouin se sent soudainement en forme pour aller draguer les filles.
-A'j'cré ben que j'va's sortir a little bit à souère pis que j'va's gonna see les chicks qui s'tiennent au Goldrush Hotel.
Le Sagouin entraîne donc toute sa bande de pauvrichons avec lui, puisque personne n'a de véhicule. Tous les amis du Sagouin travaillent dans le domaine de la restauration rapide. Un domaine où les ivrognes sont tolérés. Bien que ses amis soient de pauvres types, ils sont francophones, comme lui, et Marcel se sent bien quand il parle en français, même s'il a l'accent de la Sagouine.
En cours de route, le Sagouin fait remarquer au gros Massicotte assis à ses côtés qu'il ne lui sera pas facile de séduire une dame sans avoir de clés d'auto.
-Massicotte, syncope, comment c'que-c'est que tu vas going to avouère une fille, hé? T'as pas d'car. Les filles y veulent pas d'un gars qu'i' a pas d'car!
-Sacrement le Sagouin! rétorque le gros Massicotte. Cré-moé qu'les filles se calissent des chars à minuit quand qu'y'ont envie d'un peu d'tendresse... P't'être pas toute, mais tu m'feras pas accroire que rien qu'une c'est pas assez. Ok là?
-Man! ajoute Marcel. R'garde dans ma main, qu'est-cé qu'j'ai?
Et là, le Sagouin fait cliqueter de la menue monnaie dans sa dextre en retenant le volant avec sa senestre.
-C'est d'la moulée pour les femmes! termine le Sagouin. La comprends-ti big guy?
Le gros Massicotte ne rit pas. C'est comme s'il n'avait rien entendu.
-Hostie d'frais chié d'calice! se dit Massicotte en lui-même.
Au bout de quinze minutes, tout le monde débarque au bar du Goldrush Hotel.
Il est minuit. Les gars se commandent de la bière et regardent les filles. Ils font leurs commentaires mais ne s'entendent pas parler puisque la musique est trop forte. Au bout d'une demie heure, le gros Massicotte se détache du groupe. On le revoit un peu plus tard en train de danser un slow avec une petite rousse sur le plancher de danse.
Le Sagouin et les autres continuent de boire dans leur coin. Puis c'est le last call. Tout le monde doit rentrer à la maison.
Le gros Massicotte vient voir le Sagouin pour lui mendier vingt piastres et un lift pour lui et sa nouvelle flamme.
-Est ben fine... Elle s'appelle Maureen, lui dit le gros Massicotte.
Le Sagouin lui passe vingt piastres puis fait le taxi pour tout le monde pour deux raisons: il ne boit pas et il n'y a que lui qui possède un véhicule, et pas n'importe quel, bon sang, c'est un Hummer.
Au bout du trajet, le Sagouin se sent un peu frustré de voir le gros Massicotte partir avec Maureen, une fille qui travaille avec lui et qu'il essaie de séduire depuis cinq ans par mille et une démonstrations d'argent et de belles possessions.
Qu'est-ce qu'elle lui trouve au gros Massicotte? Ce gros joufflu, pauvre, toujours cassé, qui a l'air d'un crotté de fond de ruelle?
-J'te l'avais dit e'l'Sagouin qu'j'avais pas besoin d'char pour séduire une p'tite mère, pas vrai? lui dit le gros Massicotte lorsqu'il vient pour débarquer le couple de nouveaux tourtereaux à la résidence de Maureen la trop bandante.
Le Sagouin fait crisser les pneus de son Hummer pour se défouler, pour sublimer sa virilité mise à rude épreuve par cette fille qui n'a pas d'orgueil mais de jolis seins.
-Why is he doing that? demande Maureen au gros Massicotte en lui flattant les testicules par-dessus son pantalon.
-I don't know, lui répond le gros en lui caressant le lutin sous son slip. Maybe is jealous.
-Jealous why?
-Jealous cos' I'm gonna put my prick inside you I guess...
Douze minutes plus tard, ils baisent.
Pendant ce temps, le Sagouin est revenu chez-lui. Il s'asseoit dans son fauteuil préféré, baisse son pantalon puis se crosse avec ses clés de char en pensant à ce que le gros Massicotte est en train de faire avec Maureen.
-Big fucker! Gros hostie d'cochon à Massicotte! qu'il crie tout en se dégraissant le salami.
Petite brûlure au bout du cap, un peu de sauce, deux coups de torchon et dodo.
Le Sagouin se sent vaincu.
Que voulez-vous, il y a toujours des gagnants et des perdants dans la vie.
Vérité
Rien n'est plus facile que d'écrire.
Ceux qui se plaignent de ressentir l'angoisse de la page blanche sont vraiment des paresseux.
Ceux qui se plaignent de ressentir l'angoisse de la page blanche sont vraiment des paresseux.
jeudi 8 avril 2010
L'homme qui parlait aux arbres
Les aborigènes qui pratiquent l'animisme croient de temps à autres qu'un esprit abrite chaque chose. Humain, arbre, roche: tout possède une âme qui lui est propre.
Nicolas, qui ressemblait un peu à Bernard Pivot, était un aborigène dont les ancêtres avaient perdu toute notion de leur langue et de leur culture. Nicolas s'était fait faire un arbre généalogique et il avait été surpris de découvrir que ses grands-parents, tant du côté paternel que maternel, étaient nés sur une réserve indienne. Cela s'était tu dans la famille pour ne pas passer pour des «sauvages». Et grâce à la généalogie, voilà que tout changeait. Ses ancêtres ne venaient pas tous de la Normandie, loin s'en faut.
Suite à cette découverte généalogique, Nicolas s'était métamorphosé.
Il s'était toujours senti à l'étroit avec la pensée des Grecs et des Romains. Avec eux, tout finissait par tourner autour d'un modèle, d'une théorie, d'une vérité qui ne pouvaient être que provisoires.
Subitement, Nicolas avait compris et ressenti sa fibre aborigène.
Il s'était mis à comprendre que les arbres et les roches nous parlent, une découverte qui l'aurait conduit directement à l'asile s'il l'avait tout bonnement partagée avec autruis.
Au travail, Nicolas passait de longues heures à contempler les arbres et les roches, derrière sa fenêtre de gratte-papier bon marché. Il comptait les factures et extirpait les données des rapports qu'on lui faisait parvenir pour qu'ils produisent ses statistiques avec son tableur électronique. Puis il regardait son arbre, un gros orme, avec qui toute discussion devenait possible et souhaitable.
-Hum, disait l'autre.
-Hum, lui répondait Nicolas.
Puis un beau jour, après des centaines et des centaines de «hum», voilà que l'orme s'est montré plus loquace. C'était enfin l'été, toutes ses feuilles étaient sorties et l'orme n'avait certainement pas envie de s'en tenir à ses hums ordinaires.
-Tu devrais crisser ton camp de c't'hostie d'trou à rats, lui avait dit l'orme.
Nicolas l'avait écouté. Il avait laissé là son cartable, ses crayons, son ordi et ses chiffres pour prendre la clé des champs.
Il sortit étreindre l'orme puis prit la direction du Nord.
On ne l'a plus jamais revu dans le coin de la rue St-Hubert, ni dans le coin des rues St-Denis, Beaubien, Jean-Talon, Mont-Royal, Papineau, etc.
On l'a cherché pendant deux ou trois jours. Puis on s'est finalement résigné de procéder à l'embauche d'un nouvel actuaire.
Nicolas avait vraiment crissé son camp de Montréal pour aller parler avec les arbres.
Nicolas, qui ressemblait un peu à Bernard Pivot, était un aborigène dont les ancêtres avaient perdu toute notion de leur langue et de leur culture. Nicolas s'était fait faire un arbre généalogique et il avait été surpris de découvrir que ses grands-parents, tant du côté paternel que maternel, étaient nés sur une réserve indienne. Cela s'était tu dans la famille pour ne pas passer pour des «sauvages». Et grâce à la généalogie, voilà que tout changeait. Ses ancêtres ne venaient pas tous de la Normandie, loin s'en faut.
Suite à cette découverte généalogique, Nicolas s'était métamorphosé.
Il s'était toujours senti à l'étroit avec la pensée des Grecs et des Romains. Avec eux, tout finissait par tourner autour d'un modèle, d'une théorie, d'une vérité qui ne pouvaient être que provisoires.
Subitement, Nicolas avait compris et ressenti sa fibre aborigène.
Il s'était mis à comprendre que les arbres et les roches nous parlent, une découverte qui l'aurait conduit directement à l'asile s'il l'avait tout bonnement partagée avec autruis.
Au travail, Nicolas passait de longues heures à contempler les arbres et les roches, derrière sa fenêtre de gratte-papier bon marché. Il comptait les factures et extirpait les données des rapports qu'on lui faisait parvenir pour qu'ils produisent ses statistiques avec son tableur électronique. Puis il regardait son arbre, un gros orme, avec qui toute discussion devenait possible et souhaitable.
-Hum, disait l'autre.
-Hum, lui répondait Nicolas.
Puis un beau jour, après des centaines et des centaines de «hum», voilà que l'orme s'est montré plus loquace. C'était enfin l'été, toutes ses feuilles étaient sorties et l'orme n'avait certainement pas envie de s'en tenir à ses hums ordinaires.
-Tu devrais crisser ton camp de c't'hostie d'trou à rats, lui avait dit l'orme.
Nicolas l'avait écouté. Il avait laissé là son cartable, ses crayons, son ordi et ses chiffres pour prendre la clé des champs.
Il sortit étreindre l'orme puis prit la direction du Nord.
On ne l'a plus jamais revu dans le coin de la rue St-Hubert, ni dans le coin des rues St-Denis, Beaubien, Jean-Talon, Mont-Royal, Papineau, etc.
On l'a cherché pendant deux ou trois jours. Puis on s'est finalement résigné de procéder à l'embauche d'un nouvel actuaire.
Nicolas avait vraiment crissé son camp de Montréal pour aller parler avec les arbres.
mardi 6 avril 2010
Mais où est donc passé Laramée, hein?
Laramée se tenait au Café des Deux Mégots, un petit bar où les clients passaient leur temps à boire tout en lisant des livres.
Laramée avait les cheveux ébouriffés, bruns et sales. Sa barbe de quatre jours sentait le tabac humide vendu au noir. Petit, osseux, voire squelettique, Laramée tremblait nerveusement en prenant des notes dans des tas de calepins. Il clignait d'un oeil. Son chandail était mauve. Ses souliers étaient de pointure 8.
Et il griffonnait dans ses calepins, griffonnait et griffonnait encore.
Il portait des lunettes, des lunettes qu'il portait de la bouche à l'occiput, comme s'il cherchait à se sortir quelque chose du crâne pour y voir un peu plus clair.
Et sur tous ses calepins, vrai comme je vous le dis, il n'y avait que la lettre X. X comme dans xylophone. Sauf qu'il n'y avait même pas le mot xylophone. Juste des ixes. Des ixes qui s'étendaient sur des tas de calepins. X-x-x-x-x-x-x-x-x-x. C'était dément.
-J'écris un livre sur la difficulté d'être! racontait Laramée quand quelque ivrogne se risquait à lui poser des questions.
Il n'en disait pas vraiment plus, Laramée. Il était figé sur ses calepins, ses ixes, sa folie.
Puis un beau jour, on ne l'a plus revu.
Le Café des Deux Mégots a fait faillite.
Il y a pourtant plus de bars en ville où les clients lisent des livres ou pianotent sur des claviers. Cela n'explique donc rien sur la disparition de Laramée.
Mais où est donc passé Laramée, hein?
PS:
Le blogueur et noceur Crocomickey me fait l'honneur d'une critique élogieuse. C'est ici et je l'en remercie. Bienvenue aux nouveaux lecteurs et nouvelles lectrices. Je vous promets de ne pas devenir soporifique.
Laramée avait les cheveux ébouriffés, bruns et sales. Sa barbe de quatre jours sentait le tabac humide vendu au noir. Petit, osseux, voire squelettique, Laramée tremblait nerveusement en prenant des notes dans des tas de calepins. Il clignait d'un oeil. Son chandail était mauve. Ses souliers étaient de pointure 8.
Et il griffonnait dans ses calepins, griffonnait et griffonnait encore.
Il portait des lunettes, des lunettes qu'il portait de la bouche à l'occiput, comme s'il cherchait à se sortir quelque chose du crâne pour y voir un peu plus clair.
Et sur tous ses calepins, vrai comme je vous le dis, il n'y avait que la lettre X. X comme dans xylophone. Sauf qu'il n'y avait même pas le mot xylophone. Juste des ixes. Des ixes qui s'étendaient sur des tas de calepins. X-x-x-x-x-x-x-x-x-x. C'était dément.
-J'écris un livre sur la difficulté d'être! racontait Laramée quand quelque ivrogne se risquait à lui poser des questions.
Il n'en disait pas vraiment plus, Laramée. Il était figé sur ses calepins, ses ixes, sa folie.
Puis un beau jour, on ne l'a plus revu.
Le Café des Deux Mégots a fait faillite.
Il y a pourtant plus de bars en ville où les clients lisent des livres ou pianotent sur des claviers. Cela n'explique donc rien sur la disparition de Laramée.
Mais où est donc passé Laramée, hein?
PS:
Le blogueur et noceur Crocomickey me fait l'honneur d'une critique élogieuse. C'est ici et je l'en remercie. Bienvenue aux nouveaux lecteurs et nouvelles lectrices. Je vous promets de ne pas devenir soporifique.
lundi 5 avril 2010
Plein d'essence
Il y avait des tas de rats écrasés partout sur la route 138, de Berthierville à Yamachiche. Que s'était-il passé là? Une vraie hécatombe.
-I' pourraient pas balayer devant leur porte, m'semble? Les touristes voient ça et croient tout de suite qu'il y a la peste bubonique dans le patelin...
Il fallait bien maugréer un peu.
Cependant, un léger coup d'oeil au tableau de bord nous rappelait que l'aiguille du cadran était presque sur le E. Il était temps de faire le plein. Comme nous étions dans le fin fond de la campagne, nous nous sommes arrêtés au premier garage venu.
C'était écrit Garage Leclerc sur la vieille pancarte de bois contreplaqué. Du travail d'amateur. Le lettrage coulait de partout. Le rouge s'était délavé. On aurait dit du rose sur fond beige.
On y vendait l'essence 1,09$ le litre.
Le pompiste était un grand sec de dix-sept ou dix-huit ans qui ne portait pas de casquette de baseball. Il ne souriait pas mais n'avait pas nécessairement l'air bête. Il faisait le plus simplement du monde son travail de pompiste.
Puis une vieille Buick brun rouille est arrivée. Il y avait deux jeunes hommes dedans. Les deux portaient des casquettes de baseball et écoutaient de la musique électronique.
-...eux... piastres man... lança le jeune chauffeur au grand et maigrelet pompiste.
-Hein? questionna le pompiste.
-Mets m'z'en pou' deux piastres man.
Deux dollars d'essence. De quoi se rendre jusqu'au prochain coin de rue.
Nous sommes répartis. Et la vieille Buick aussi.
Sur le Chemin du Roy, alias la route 138, il y avait tout autant de rats morts que précédemment.
C'était chaud et ensoleillé. Les routes étaient bondées de motocyclettes et de décapotables. Les vendeurs de crème glacée et de patates frites faisaient fortune.
-I' pourraient pas balayer devant leur porte, m'semble? Les touristes voient ça et croient tout de suite qu'il y a la peste bubonique dans le patelin...
Il fallait bien maugréer un peu.
Cependant, un léger coup d'oeil au tableau de bord nous rappelait que l'aiguille du cadran était presque sur le E. Il était temps de faire le plein. Comme nous étions dans le fin fond de la campagne, nous nous sommes arrêtés au premier garage venu.
C'était écrit Garage Leclerc sur la vieille pancarte de bois contreplaqué. Du travail d'amateur. Le lettrage coulait de partout. Le rouge s'était délavé. On aurait dit du rose sur fond beige.
On y vendait l'essence 1,09$ le litre.
Le pompiste était un grand sec de dix-sept ou dix-huit ans qui ne portait pas de casquette de baseball. Il ne souriait pas mais n'avait pas nécessairement l'air bête. Il faisait le plus simplement du monde son travail de pompiste.
Puis une vieille Buick brun rouille est arrivée. Il y avait deux jeunes hommes dedans. Les deux portaient des casquettes de baseball et écoutaient de la musique électronique.
-...eux... piastres man... lança le jeune chauffeur au grand et maigrelet pompiste.
-Hein? questionna le pompiste.
-Mets m'z'en pou' deux piastres man.
Deux dollars d'essence. De quoi se rendre jusqu'au prochain coin de rue.
Nous sommes répartis. Et la vieille Buick aussi.
Sur le Chemin du Roy, alias la route 138, il y avait tout autant de rats morts que précédemment.
C'était chaud et ensoleillé. Les routes étaient bondées de motocyclettes et de décapotables. Les vendeurs de crème glacée et de patates frites faisaient fortune.
dimanche 4 avril 2010
Quand Ti-Caille passa pour mort
Tout le monde s'était dit que Jérôme René, alias Ti-Caille, ne ferait pas de vieux os suite à ce qui lui était arrivé.
Ti-Caille était homme à tout faire au garage Landry. Il changeait surtout les pneus parce qu'il n'était pas assez ferré en mécanique.
Quoi qu'il en soit, Ti-Caille revenait du travail à vélo, comme d'habitude. Il n'avait pas d'auto. Il ne gagnait pas assez pour s'en payer une.
Ti-Caille roulait à vélo sur un viaduc quand une Ford Mustang lui était rentrée dedans. Ça l'avait projeté quarante pieds dans les airs. Et comme il était tombé en bas du viaduc, on peut facilement dire qu'il avait fait une chute de quatre-vingt pieds. Le propriétaire de la Ford Mustang avait commis un délit de fuite suite à l'accident. On ne les a jamais retrouvés ni l'un ni l'autre.
Les ambulanciers ont ramassé Ti-Caille sur la chaussée avec un porte-poussière -ou presque.
Il a passé trois mois dans le coma. Trois mois au cours desquels tout un chacun se disait qu'il n'en avait plus que pour quelques jours. C'était impossible de survivre à ça. Tous ses os étaient cassés. Ses jambes avaient été amputées. Ses côtes avaient perforé ses organes internes. Il était vraiment mal foutu.
Puis un beau dimanche ensoleillé de Pâques, avec l'éclosion des premiers bourgeons, voilà que Ti-Caille s'était levé tout d'un coup dans son lit, à la grande stupéfaction de l'infirmière et du préposé qui pourtant en avaient vu d'autres.
-J'veux une cigarette! qu'il avait lancé tout de go. Donnez-moé une cigarette tabarnak! Hostie que j'me peux p'us!!!
Ressuscité. Jérôme René était ressuscité.
Les petits oiseaux gazouillaient.
Le co-chambreur de Jérôme, Monsieur Rocheleau, un vieillard qui devait être traité pour ses yeux, écoutait le docteur Maillet à la radio. Vous savez le docteur qui répond n'importe quoi aux hosties de fous qui l'appellent à son émission de ligne ouverte. Faut vraiment être con pour croire que le Doc Maillet va régler vos problèmes sexuels ou conjugaux devant trois cent milles auditeurs...
Monsieur Rocheleau ne fumait plus depuis dix ans et trouvait offusquant qu'un type qui sorte du coma ne pense qu'à fumer.
-Maudite cigarette de cigarette! I' doé y'être su' l'béhesse! qu'il se dit en lui-même, Monsieur Rocheleau, avec ses yeux qui lui faisaient bobo. I' pense gue g'rien gu'à fumer c't'es ceusses-là! Doc Maillet leu' parlerait ent'eu're les quatre z'yeux!
-Tabarnak j'veux une cigarette! redemanda Ti-Caille avec sa bouche affreusement pâteuse.
-I' vont vous y'en gu'y'emporter tan-g-tôt m'sieur! répliqua Rocheleau, ça sert g'à g'rien d'ag'crier! J'écoute Doc Maillet à rédio pis j'eng'ti'ends p'us gui-rien djéritol!
Il y eut un long silence. Mettons trente-trois secondes. Puis Ti-Caille recommença.
-Une cigarette hostie! Donnez-moé une cigarette bout d'tabarnak!
Ti-Caille était homme à tout faire au garage Landry. Il changeait surtout les pneus parce qu'il n'était pas assez ferré en mécanique.
Quoi qu'il en soit, Ti-Caille revenait du travail à vélo, comme d'habitude. Il n'avait pas d'auto. Il ne gagnait pas assez pour s'en payer une.
Ti-Caille roulait à vélo sur un viaduc quand une Ford Mustang lui était rentrée dedans. Ça l'avait projeté quarante pieds dans les airs. Et comme il était tombé en bas du viaduc, on peut facilement dire qu'il avait fait une chute de quatre-vingt pieds. Le propriétaire de la Ford Mustang avait commis un délit de fuite suite à l'accident. On ne les a jamais retrouvés ni l'un ni l'autre.
Les ambulanciers ont ramassé Ti-Caille sur la chaussée avec un porte-poussière -ou presque.
Il a passé trois mois dans le coma. Trois mois au cours desquels tout un chacun se disait qu'il n'en avait plus que pour quelques jours. C'était impossible de survivre à ça. Tous ses os étaient cassés. Ses jambes avaient été amputées. Ses côtes avaient perforé ses organes internes. Il était vraiment mal foutu.
Puis un beau dimanche ensoleillé de Pâques, avec l'éclosion des premiers bourgeons, voilà que Ti-Caille s'était levé tout d'un coup dans son lit, à la grande stupéfaction de l'infirmière et du préposé qui pourtant en avaient vu d'autres.
-J'veux une cigarette! qu'il avait lancé tout de go. Donnez-moé une cigarette tabarnak! Hostie que j'me peux p'us!!!
Ressuscité. Jérôme René était ressuscité.
Les petits oiseaux gazouillaient.
Le co-chambreur de Jérôme, Monsieur Rocheleau, un vieillard qui devait être traité pour ses yeux, écoutait le docteur Maillet à la radio. Vous savez le docteur qui répond n'importe quoi aux hosties de fous qui l'appellent à son émission de ligne ouverte. Faut vraiment être con pour croire que le Doc Maillet va régler vos problèmes sexuels ou conjugaux devant trois cent milles auditeurs...
Monsieur Rocheleau ne fumait plus depuis dix ans et trouvait offusquant qu'un type qui sorte du coma ne pense qu'à fumer.
-Maudite cigarette de cigarette! I' doé y'être su' l'béhesse! qu'il se dit en lui-même, Monsieur Rocheleau, avec ses yeux qui lui faisaient bobo. I' pense gue g'rien gu'à fumer c't'es ceusses-là! Doc Maillet leu' parlerait ent'eu're les quatre z'yeux!
-Tabarnak j'veux une cigarette! redemanda Ti-Caille avec sa bouche affreusement pâteuse.
-I' vont vous y'en gu'y'emporter tan-g-tôt m'sieur! répliqua Rocheleau, ça sert g'à g'rien d'ag'crier! J'écoute Doc Maillet à rédio pis j'eng'ti'ends p'us gui-rien djéritol!
Il y eut un long silence. Mettons trente-trois secondes. Puis Ti-Caille recommença.
-Une cigarette hostie! Donnez-moé une cigarette bout d'tabarnak!
vendredi 2 avril 2010
Pas de poisson d'avril pour Vladek
Hier, c'était le 1er avril. Et comme à tous les 1er avril, il fallait bien que chacun s'évertue pour taquiner quelqu'un.
-Poisson d'avril!
Ouais. On entendait ça partout hier. Qui pour un bout de carton en forme de poisson collé dans le dos. Qui pour une farce minable qui ne fait rire que ceux et celles qui s'ennuient ferme dans la vie.
Cela dit, c'est Vladek Doberden qui se mérite le premier prix pour le poisson d'avril le plus débile de cette usine de moulage de plastique où les 296 employés se jouent des tours entre eux pour tuer le temps.
Plusieurs étaient en lice pour le poisson d'avril le plus débile.
Il y a d'abord Gamache qui a offert un petit gâteau Jos Louis à Simoneau. Simoneau a ouvert le petit gâteau et remplacé le glaçage sucré à la vanille par de la vaseline. Il a refait le glaçage au chocolat tout autour du gâteau. Et il a même rescellé le petit emballage de plastique.
Grimard a croqué dedans comme le gros gourmand qu'il est.
-Tabarnak! qu'il s'est mis à hurler, la bouche remplie de vaseline. M'en va's t'arracher 'a tête mon hostie d'Gamache à 'a marde!
Vous avouerez qu'il était difficile de battre Gamache pour le poisson d'avril le plus débile.
Pourtant, il y eut encore mieux.
Gervais a fait le coup traditionnel du plastique transparent sur le bol de toilettes. Quand le même Simoneau est venu pour chier son tas, comme il le fait à tous les breaks, il a beurré la salle de bain au complet avec sa pisse pis sa marde.
-Tabarnak! hurla encore Simoneau. C'est qui l'hostie d'taouin qui m'a faitte ça, hein?
-Poisson d'avril! a crié Gervais, comme de raison, en caliçant de grands coups de bottes Kodiak à embouts d'acier dans la porte de la chiote. Bang! Bang! Bang!
-Mon hostie d'Gervais toé-là! M'a t'faire licher e'l'plancher toé mon sacrament! répliqua Simoneau.
Évidemment, Simoneau s'est revengé plus tard. Il a téléphoné Gervais sur son cellulaire et, imitant la voix de la femme de Gervais, il lui a dit qu'il puait du gland. Cependant Simoneau n'est pas très bon imitateur et Gervais lui a répondu de bien inspecter son bol de toilette s'il devait retourner chier.
Il y eut tant de poissons d'avril hier que, franchement, je suis obligé d'aller au plus court.
Le plus débile des poissons d'avril, c'est Vladek Doberden qui se l'est mérité. Vladek, c'est le gars d'la Bosnie-Herzégomachin, celui qui mange toujours du salami ou d'la saucisse sur l'heure du midi, à l'usine.
Vladek a modifié un peu le coup du seau d'eau installé au-dessus d'une porte entrebâillée. Il a remplacé l'eau par du sable.
Simoneau venait juste d'appeler Gervais sur son cellulaire et il s'en voulait d'avoir muffé son poisson d'avril.
-J'ai muffé mon poisson d'avril tabarnak! qu'il disait.
Et comme il disait cela, voilà qu'il ouvre la porte et qu'il reçoit un chaudière de sable en pleine gueule. Une chaudière contenant vingt livres de sable. Maintenue en équilibre au-dessus d'une vieille porte d'usine haute de quatorze pieds. Paf. Houille! Ça ne lui a pas fait du bien, Simoneau.
Il est tombé au sol. Son crâne pissait le sang.
Et il ne disait plus un mot.
Vladek n'a pas osé dire «Poisson d'avril!»
Il s'est contenté de finir son salami sans faire aucunement mention de son attentat. Tout le monde riait sauf lui et Simoneau. Simoneau qui s'est ramassé à l'urgence où le doc lui a fait des points de suture après lui avoir administré quelque chose pour sa migraine.
Moi je sais que c'est Vladek qui l'a installé, le seau. Je l'ai vu faire, allez.
C'est Vladek qui a mis la chaudière de sable dans l'entrebâillement de la porte. Vladek, vrai comme je suis là. Il ne parle pas beaucoup, Vladek, mais faudrait pas croire qu'il n'est pas taquin lui aussi.
Donc, sans l'ombre d'un doute, c'est Vladek qui se mérite le premier prix pour le poisson d'avril le plus débile de l'an de grâce deux mil dix.
Paraît que Simoneau s'est juré de mettre d'la marde dans le salami de Vladek mais ça, franchement, je me dis qu'il serait mieux de ne pas essayer.
Vladek n'aime pas se faire taquiner.
Quand il en veut à quelqu'un, il vous colle contre le mur en vous menaçant avec son canif à découper le salami qu'il vous pointe à deux ou trois centimètres de la cornée.
-Poisson d'avril!
Ouais. On entendait ça partout hier. Qui pour un bout de carton en forme de poisson collé dans le dos. Qui pour une farce minable qui ne fait rire que ceux et celles qui s'ennuient ferme dans la vie.
Cela dit, c'est Vladek Doberden qui se mérite le premier prix pour le poisson d'avril le plus débile de cette usine de moulage de plastique où les 296 employés se jouent des tours entre eux pour tuer le temps.
Plusieurs étaient en lice pour le poisson d'avril le plus débile.
Il y a d'abord Gamache qui a offert un petit gâteau Jos Louis à Simoneau. Simoneau a ouvert le petit gâteau et remplacé le glaçage sucré à la vanille par de la vaseline. Il a refait le glaçage au chocolat tout autour du gâteau. Et il a même rescellé le petit emballage de plastique.
Grimard a croqué dedans comme le gros gourmand qu'il est.
-Tabarnak! qu'il s'est mis à hurler, la bouche remplie de vaseline. M'en va's t'arracher 'a tête mon hostie d'Gamache à 'a marde!
Vous avouerez qu'il était difficile de battre Gamache pour le poisson d'avril le plus débile.
Pourtant, il y eut encore mieux.
Gervais a fait le coup traditionnel du plastique transparent sur le bol de toilettes. Quand le même Simoneau est venu pour chier son tas, comme il le fait à tous les breaks, il a beurré la salle de bain au complet avec sa pisse pis sa marde.
-Tabarnak! hurla encore Simoneau. C'est qui l'hostie d'taouin qui m'a faitte ça, hein?
-Poisson d'avril! a crié Gervais, comme de raison, en caliçant de grands coups de bottes Kodiak à embouts d'acier dans la porte de la chiote. Bang! Bang! Bang!
-Mon hostie d'Gervais toé-là! M'a t'faire licher e'l'plancher toé mon sacrament! répliqua Simoneau.
Évidemment, Simoneau s'est revengé plus tard. Il a téléphoné Gervais sur son cellulaire et, imitant la voix de la femme de Gervais, il lui a dit qu'il puait du gland. Cependant Simoneau n'est pas très bon imitateur et Gervais lui a répondu de bien inspecter son bol de toilette s'il devait retourner chier.
Il y eut tant de poissons d'avril hier que, franchement, je suis obligé d'aller au plus court.
Le plus débile des poissons d'avril, c'est Vladek Doberden qui se l'est mérité. Vladek, c'est le gars d'la Bosnie-Herzégomachin, celui qui mange toujours du salami ou d'la saucisse sur l'heure du midi, à l'usine.
Vladek a modifié un peu le coup du seau d'eau installé au-dessus d'une porte entrebâillée. Il a remplacé l'eau par du sable.
Simoneau venait juste d'appeler Gervais sur son cellulaire et il s'en voulait d'avoir muffé son poisson d'avril.
-J'ai muffé mon poisson d'avril tabarnak! qu'il disait.
Et comme il disait cela, voilà qu'il ouvre la porte et qu'il reçoit un chaudière de sable en pleine gueule. Une chaudière contenant vingt livres de sable. Maintenue en équilibre au-dessus d'une vieille porte d'usine haute de quatorze pieds. Paf. Houille! Ça ne lui a pas fait du bien, Simoneau.
Il est tombé au sol. Son crâne pissait le sang.
Et il ne disait plus un mot.
Vladek n'a pas osé dire «Poisson d'avril!»
Il s'est contenté de finir son salami sans faire aucunement mention de son attentat. Tout le monde riait sauf lui et Simoneau. Simoneau qui s'est ramassé à l'urgence où le doc lui a fait des points de suture après lui avoir administré quelque chose pour sa migraine.
Moi je sais que c'est Vladek qui l'a installé, le seau. Je l'ai vu faire, allez.
C'est Vladek qui a mis la chaudière de sable dans l'entrebâillement de la porte. Vladek, vrai comme je suis là. Il ne parle pas beaucoup, Vladek, mais faudrait pas croire qu'il n'est pas taquin lui aussi.
Donc, sans l'ombre d'un doute, c'est Vladek qui se mérite le premier prix pour le poisson d'avril le plus débile de l'an de grâce deux mil dix.
Paraît que Simoneau s'est juré de mettre d'la marde dans le salami de Vladek mais ça, franchement, je me dis qu'il serait mieux de ne pas essayer.
Vladek n'aime pas se faire taquiner.
Quand il en veut à quelqu'un, il vous colle contre le mur en vous menaçant avec son canif à découper le salami qu'il vous pointe à deux ou trois centimètres de la cornée.