samedi 29 juin 2019
Vieilleries du passé: le 29 juin 2019...
Nous sommes le 29 juin 2632 de l'ancien calendrier. Pour le nouveau, il est déjà intégré dans votre programme. Je m'appelle Kiki et je suis gardien de la nature, comme mon oncle Roland l'était. J'écris à l'ancienne manière, tout en sachant qu'à peu près personne ne saurait me lire autrement que par le Convertisseur. Il faut parfois faire les choses à l'ancienne manière pour mieux les comprendre. Et croyez-moi, écrire sur l'une de ces bizarreries de 2019 ce n'est pas de la tarte. Mes doigts sont gourds et me font déjà mal. Je termine à peine ce que les Toxiques appelaient jadis un paragraphe... J'ai un pet coincé sous mon pantalon et je m'étire la jambe pour que, zoup, il glisse hors de moi.
Zoup! Ah! ça fait du bien... Alléluia!
Allons plutôt au coeur du propos si vous le voulez bien.
J'ai d'ailleurs le coeur à la détente. Écrire à l'ancienne manière, même si ça fait mal aux doigts, me permet d'en tirer des satisfactions idoines à celles que l'on peut obtenir du tricot ou bien de la fabrication de courtepointes.
La température est fraîche et agréable ce matin.
C'est un miracle quand je lis des codex de 2019, justement.
On oublie souvent dans quelle merde les Toxiques vivaient.
On se dit justement qu'ils étaient Toxiques, archaïques, malcommodes et malpropres tant pour eux-mêmes que pour leur environnement. Ils chiaient carrément dans leur assiette.
Ils avaient recouvert la Terre d'une fine pellicule de plastique, puis badigeonné le reste de pétrole et autres produits hautement toxiques mal maîtrisés et surtout mal utilisés.
Ils faisaient ce qu'ils pouvaient avec ce qu'ils n'avaient pas.
Ils ne leur manquaient pas seulement de l'intelligence, mais surtout de la sensibilité.
On oublie qu'ils vivaient comme des brutes.
Que l'amour, aussi loué pouvait-il l'être dans la culture des Toxiques, était relégué au dépotoir après usage, comme tout autre produit. Ils vivaient pour des abstractions comme l'argent, incapable de se sortir de leurs préjugés sociaux autant que de leurs préjugés économiques. Leur pensée s'était sclérosée et leur civilisation toxique s'enfonçait dans le caca.
En tout cas, il faisait chaud en 2019. La température grimpa à 46 Celsius sur ce qui constituait le territoire de l'ancienne France, aujourd'hui renommée Zone protégée des vignobles et fromages fins.
De nos jours, il est rare que le thermomètre indique plus de 28 Celsius l'été à Paris qui, comme vous le savez, sera toujours Paris, avec sa Tour Eiffel autour de laquelle s'entortillent de jolies plantes grimpantes de toutes les couleurs.
Ici, dans la Zone protégée du sirop d'érable, il fait 22 Celsius ce matin.
Il aurait pu faire 36 Celsius et plus en 2019.
Ils étaient stupides, ignorants, coupaient tous les arbres, utilisaient des énergies malpropres, crevaient de maladies industrielles, pff...
Vous n'auriez pas aimé vivre dans ce temps-là.
Et puis il y a eu les 50 millions de morts de l'été 2020... Des températures qui grimpèrent jusqu'à 60 Celsius un peu partout sur le Globe. Puis, mystérieusement, les températures chutèrent au bout d'une semaine... Plus rien ne serait pareil après avoir enterré tous les morts... On se mit à fermer des routes, à ne plus couper les gazons, à restreindre drastiquement la circulation motorisée individuelle. En moins d'un an, la planète redevint verte. Les Toxiques étaient pointés du doigt, dénoncés, réformés... Il y eut bien sûr des dérapages. Des innocents qui passèrent pour Toxiques. Ils étaient des gens de leur temps, tous un peu Toxiques malgré leur bonne volonté.
On vous en a parlé dans vos cours d'histoire, à moins que vous ne trouviez moyen d'échapper aux Discussions.
Après l'été 2020, tout a changé.
Ils ont cessé d'être cons. Cela leur prenait ces 50 millions de morts pour que même les politiciens se sentent submergés par ce qui peut constituer l'acte de naissance de l'humanité, à partir de laquelle nous débutons d'ailleurs notre nouveau calendrier universel.
Nous sommes le 29 zoukaye de l'an 613 de l'ère des Vrais Humains.
29 zoukaye 613. Le temps est frais. Comme d'habitude.
Et je trouve le moyen d'écrire des tas de conneries sur une vieille machine datant de six cents ans.
Il faut que je sois fou un peu.
Avec la nouvelle semaine de travail à 10 heures par semaine par Humain, je risque de trouver du temps pour faire toutes sortes de niaiseries. Imaginez, j'en travaillais presque le double. Et me sentais souvent épuisé. Il était temps que les normes s'ajustent. Nous ne sommes tout de même pas des robots.
Tout le monde a fêté ça avant-hier, bien sûr.
Et hier aussi.
Alors, vous comprenez que je sois un brin confus dans mon propos.
mardi 25 juin 2019
La foule ricane et se moque des crucifiés...
Il y a quelque chose de sidérant et d'extrêmement poignant dans cette oeuvre de Jérôme Bosch. Le Christ est entouré de deux larrons menés aussi vers la peine de mort. La foule ricane et se moque des condamnés. C'est non seulement poignant. Cela exprime à merveille la méchanceté humaine. Mieux que des milliards de discours à la nation ou bien des appels à la race.
J'y vois de pauvres gens arrêtés par la foule fleudelisée qui se moque d'eux et du Christ.
Je prépare une toile qui s'inspirera de cette oeuvre de Bosch. Un pastiche pour actualiser son message, mettons.
Cela devrait fesser.
Je vous reviens bientôt à ce sujet...
Ce n'était qu'un teaser en somme.
J'y vois de pauvres gens arrêtés par la foule fleudelisée qui se moque d'eux et du Christ.
Je prépare une toile qui s'inspirera de cette oeuvre de Bosch. Un pastiche pour actualiser son message, mettons.
Cela devrait fesser.
Je vous reviens bientôt à ce sujet...
Ce n'était qu'un teaser en somme.
jeudi 20 juin 2019
Joseph Gobeil célèbre une grande victoire pour le Québec
Ils se souviennent avec émotion du temps où l'on protégeait l'Europe de toutes ces minorités malpropres qui ne savent pas se tenir comme il faut lorsque l'on chante Valderi Valdera ah ah ah!
Pour eux, ce Joseph Gobeil importé des colonies outre-atlantiques est comme un rappel que leur croisade est noble et juste et bonne au goût.
C'est une incitation à aimer sa patrie contre toute cette racaille qui ne sait pas se tenir comme il faut lorsque l'on danse sur une valse de Strauss. On valse tandis que l'armée et les milices patriotiques se débarrassent de ceux qui se gaussent des arts classiques. Ou bien des petits zizis des statues de l'Antiquité gréco-romaine avec ces génies de l'humanité qui, évidemment, ne venaient ni d'Asie ni d'Afrique...
Encore moins de cette lointaine terre heureusement conquise par l'Europe pour qu'elle goûte enfin aux plus hauts raffinements de l'esprit humain...
***
Joseph Gobeil est un hostie de faux-cul, bien entendu.
Il ne s'emploie pas à sauver sa patrie. Il s'est créé un emploi. Et il s'y accroche mordicus. Il est né pour servir parce qu'il a toujours su obéir au chef de son clan. Et parce qu'il risque sa vie tous les jours à encaisser des gros chèques qui l'encouragent à vomir son mépris des minorités, des féministes et autres activistes à la Martin Luther King qui viennent troubler le calme et le repos de l'Alabama héroïque et résistante...
Joseph Gobeil est une nullité intellectuelle incommensurable qui est couvert de médailles parce que dans le Québec d'aujourd'hui, comme dans l'URSS d'autrefois, on couvre de décorations les êtres serviles prêts à égorger n'importe qui pour son pays, c'est-à-dire pour Lui: El Cheuf.
***
Joseph Gobeil s'est senti comme Hitler rentrant dans Paris cette semaine.
Il voyait ce peuple conquis à sa croisade plier la tête pour s'autosucer le trou du cul en jurant que ça sentait bon.
Et il jubilait, Gobeil.
Un moment historique... Enfin les étrangers devront se tenir à leur place et baisser les yeux quand on leur parle!
Mes voisins musulmans veulent quitter la Belle Province? Pas grave.
Je veux quitter le Québec? Tant mieux. Gobeil trouve tout naturel de transformer le Québec en Rhodésie. Ouste! les artistes, les anarchistes, les transgenres, les Noirs qui ne sont jamais contents, les lesbiennes frustrées et autres cuistres de la gauche-licorne-terroriste-cosmopolite-islamo-bolchevique.
Anyway, Gobeil est un trou du cul vendu au magnat de la presse québécoise qui contrôle à peu près tout ce qui se dit et s'écrit dans la colonie.
On part de loin en tabarnak pour combattre ce foutu régime de nazis qui s'installe un peu plus tous les jours.
Gobeil jubile, fait des crêpes dans ses shorts et se voit Ministre de la Culture dans un pays où il n'y aura plus de culture, seulement des lèche-bottes recouverts de médailles et d'honneurs.
Il y aura des poèmes, bien sûr.
Et des Jeux Olympiques. Pourquoi pas? Il y en a eus en Allemagne en 1936. Et ce n'est pas la Société des Nations qui leur disait quoi faire du temps où régnait l'ordre et la loi contre tous ces rats cosmopolites qui contaminent l'esprit de la Nation...
***
Tu ne trompes personne Joseph Gobeil, grosse plogue.
Je vois clair dans ton jeu.
Je ne t'applaudirai pas.
Oui je vais me moquer de toi.
Oui je vais te pointer du doigt comme l'enfant dans le conte de Andersen qui prétend que l'empereur est nu.
Car tu es tout nu, Gobeil, grosse fiente.
Tu n'es pas vêtu des plus belles parures de l'Europe, limace.
Tu es semblable au collabo du régime de Vichy qui dénonçait la mauvaise influence des minorités sur la France.
Et tu me donnes l'envie de vomir, Gobeil.
Tu comprends?
***
Ce Joseph Gobeil n'existe pas, bien entendu.
Vous pouvez y mettre le nom que vous voulez.
Il ne manque pas de larves pour colporter ce type de propagande d'extrême-droite par les temps qui courent.
On les reconnaît aux médailles et aux honneurs qu'ils reçoivent.
Si vous n'en avez jamais reçus, c'est bon signe.
On peut encore faire quelqu'un de bien avec vous.
mardi 11 juin 2019
The Handmaid's Tale ou La servante écarlate
Je viens de terminer de visionner tous les épisodes de la deuxième saison de la série télévisée The Handmaid's Tale. Et je suis secoué. Parce que cette série creuse loin, plus loin que je ne l'aurais cru moi-même.
Pour ceux qui ne connaissaient par encore cette série télé, eh bien disons qu'il s'agit d'une adaptation d'un roman de l'autrice canadienne Margaret Atwood. Le Canada s'en sort d'ailleurs fort bien dans The Handmaid's Tale et se révèle dans sa splendeur face aux menaces qui pèsent sur les droits des femmes chez notre voisin du Sud: la prison à vie pour une femme qui se fait avorter en Alabama et peut-être la peine de mort au Texas... Et ce n'est pas de la science-fiction: c'est l'Amérique dans ce qu'elle a de plus médiocre.
The Handmaid's Tale est une série créée par Bruce Miller qui met en vedette, entre autres, une Elisabeth Moss qui sait bien interpréter la révolte contenue de toutes les femmes de l'enfer climatisé du Sud du Canada.
Dans ce monde, une partie des États-Unis est tombée sous le coup d'une idéologie de merde suite à de graves catastrophes dont je vous passe le détail.
De nouveaux puritains, observant la Bible à la lettre, redonnent tous les droits à papa.
Les femmes de riches sont stériles et elles permettent à leur maître de procréer avec des servantes écarlates. Elles se font violer à répétition et leur vie est contrôlée sous tous ses aspects.
Dans ce monde de mensonges, les femmes n'ont plus aucun droit, riches comme pauvres.
Elles sont traitées comme des bibelots ou bien comme des truies reproductrices. Les autres sont envoyées dans les sites de décontamination , sans aucune protection. Elles tombent comme des mouches, totalement intoxiquées.
C'est glauque et ça fait mal, cette série.
À déconseiller pour les âmes insensibles.
Les autres y nourriront leur sensibilité pour en faire quelque chose de viable.
***
La servante écarlate est un récit de science-fiction dystopique fait froid dans le dos. Pas parce que ça pourrait arriver. Mais parce que c'est arrivé. Et que cela menace encore de se produire.
Je me suis senti mal à l'aise d'être un homme en regardant cette série.
Quoi qu'il en soit, je ne serai jamais ce genre d'hommes.
Mais j'importe peu dans tout ça.
Cet après-midi, en marchant au centre-ville, il me semblait deviner derrière chaque regard de femme une triste réalité que je n'ai peut-être pas encore su voir, même si je me targue d'être féministe.
Je voyais la souffrance, l'acceptation de l'inacceptable, le viol, la cruauté, l'usage domestique...
Je ne sais trop comment vous décrire ça.
Bien sûr, je n'ai jamais été insensible.
C'est comme si cette série me révoltait.
Comme si j'entendais ma mère me raconter ses souffrances alors qu'elle me berçait dans son ventre.
Des souffrances de femme que je n'aurai jamais tout à fait compris j'imagine.
Ma mère qui était domestique elle aussi.
Ma mère qui servait tout le monde et se servait toujours en dernier...
Comme si c'était normal.
Et puis je revois des tas de femmes.
Je réentends leurs histoires.
Je sais qu'elles sont encore menacées de se faire brutaliser par toutes sortes d'hommes qui se trouveront des raisons de mal faire. Autant dans la Bible que dans la dernière convention du Parti des Idiots qui veulent le calme dans leur poulailler.
Je sais trop bien que les droits des femmes sont fragiles.
Surtout aux États-Unis. Sans compter que ça monte vers ici avec les conservateurs. Ils pourraient rouvrir le débat sur l'avortement. Faire une entourloupette. Nous replonger dans le passé.
***
Ce soir, je vais visionner la troisième saison avec ma blonde.
Ça va sûrement nous mettre en colère.
Ce n'est pas un film d'horreur. C'est bien pire que ça.
The Handmaid's Tale est une métaphore de ce monde dans lequel nous vivons.
Un monde où les femmes ne servent qu'à servir.
Un monde où l'on décide pour elles.
Un monde qui leur demande encore de faire profil bas et de baisser les yeux.
Je reviendrai à la première saison après coup.
Et je ne vous vendrai pas le punch.
Pour ceux qui ne connaissaient par encore cette série télé, eh bien disons qu'il s'agit d'une adaptation d'un roman de l'autrice canadienne Margaret Atwood. Le Canada s'en sort d'ailleurs fort bien dans The Handmaid's Tale et se révèle dans sa splendeur face aux menaces qui pèsent sur les droits des femmes chez notre voisin du Sud: la prison à vie pour une femme qui se fait avorter en Alabama et peut-être la peine de mort au Texas... Et ce n'est pas de la science-fiction: c'est l'Amérique dans ce qu'elle a de plus médiocre.
The Handmaid's Tale est une série créée par Bruce Miller qui met en vedette, entre autres, une Elisabeth Moss qui sait bien interpréter la révolte contenue de toutes les femmes de l'enfer climatisé du Sud du Canada.
Dans ce monde, une partie des États-Unis est tombée sous le coup d'une idéologie de merde suite à de graves catastrophes dont je vous passe le détail.
De nouveaux puritains, observant la Bible à la lettre, redonnent tous les droits à papa.
Les femmes de riches sont stériles et elles permettent à leur maître de procréer avec des servantes écarlates. Elles se font violer à répétition et leur vie est contrôlée sous tous ses aspects.
Dans ce monde de mensonges, les femmes n'ont plus aucun droit, riches comme pauvres.
Elles sont traitées comme des bibelots ou bien comme des truies reproductrices. Les autres sont envoyées dans les sites de décontamination , sans aucune protection. Elles tombent comme des mouches, totalement intoxiquées.
C'est glauque et ça fait mal, cette série.
À déconseiller pour les âmes insensibles.
Les autres y nourriront leur sensibilité pour en faire quelque chose de viable.
***
La servante écarlate est un récit de science-fiction dystopique fait froid dans le dos. Pas parce que ça pourrait arriver. Mais parce que c'est arrivé. Et que cela menace encore de se produire.
Je me suis senti mal à l'aise d'être un homme en regardant cette série.
Quoi qu'il en soit, je ne serai jamais ce genre d'hommes.
Mais j'importe peu dans tout ça.
Cet après-midi, en marchant au centre-ville, il me semblait deviner derrière chaque regard de femme une triste réalité que je n'ai peut-être pas encore su voir, même si je me targue d'être féministe.
Je voyais la souffrance, l'acceptation de l'inacceptable, le viol, la cruauté, l'usage domestique...
Je ne sais trop comment vous décrire ça.
Bien sûr, je n'ai jamais été insensible.
C'est comme si cette série me révoltait.
Comme si j'entendais ma mère me raconter ses souffrances alors qu'elle me berçait dans son ventre.
Des souffrances de femme que je n'aurai jamais tout à fait compris j'imagine.
Ma mère qui était domestique elle aussi.
Ma mère qui servait tout le monde et se servait toujours en dernier...
Comme si c'était normal.
Et puis je revois des tas de femmes.
Je réentends leurs histoires.
Je sais qu'elles sont encore menacées de se faire brutaliser par toutes sortes d'hommes qui se trouveront des raisons de mal faire. Autant dans la Bible que dans la dernière convention du Parti des Idiots qui veulent le calme dans leur poulailler.
Je sais trop bien que les droits des femmes sont fragiles.
Surtout aux États-Unis. Sans compter que ça monte vers ici avec les conservateurs. Ils pourraient rouvrir le débat sur l'avortement. Faire une entourloupette. Nous replonger dans le passé.
***
Ce soir, je vais visionner la troisième saison avec ma blonde.
Ça va sûrement nous mettre en colère.
Ce n'est pas un film d'horreur. C'est bien pire que ça.
The Handmaid's Tale est une métaphore de ce monde dans lequel nous vivons.
Un monde où les femmes ne servent qu'à servir.
Un monde où l'on décide pour elles.
Un monde qui leur demande encore de faire profil bas et de baisser les yeux.
Je reviendrai à la première saison après coup.
Et je ne vous vendrai pas le punch.
Conte de l'homme blanc qui n'était en somme qu'un homme comme tout le monde
Il était une fois un homme blanc qui, sans être raciste, raffolait de ce privilège d'être la mesure de toutes choses.
Son opinion valait de l'or parmi ses pairs, des gens aussi vaniteux et insignifiants que lui-même. Il s'en trouve toujours des masses pour faire fonctionner nos institutions et dérailler la justice. Sans leur apport, la société ne serait plus la société, la religion ne serait plus la religion, et le pâté chinois ne serait plus le pâté chinois.
Cet homme blanc, qui n'était pas tout à fait blanc, puisque les races n'existent pas au plan biologique chez l'être humain, était donc blanc parce que c'était commode et presque surnaturel. Il avait grandi dans un bocal de niaiseries, isolé du monde extérieur. Aussi lui était-il consubstantiel que d'être aussi bête que fat. Personne ne lui en tenait rigueur à l'intérieur de son bocal, sinon ces trouble-fêtes qui gâchaient tout avec l'idée qu'il n'y avait pas de bocal ailleurs que dans sa tête. Qu'il était emprisonné par ses idées...
Quelles idées? Il n'en savait trop rien. Il lâchait un pet en guise de réponse et tous les autres riaient en tapant sur les plus faibles qui traînaient autour. Dont des étrangers perdus dans son triste coin de niaiseux. De jambons vivants sur la terre des aborigènes, lesquels prétendaient innocemment que la terre n'appartenait à personne...
À personne? Et Jambon planta son drapeau sur la Lune... M'a vous en faire des appartiens à personne... La Lune c'est à moé pis la Terre aussi. C'est moé qui les ai achetés. Je suis maître du ciel et de la terre et vous devriez être contents que je ne vous écrase pas comme des fourmis, tellement je suis puissant... Ah! C'est que je suis bon aussi... Allez chercher mes pantoufles... Plus vite!
Le matin, l'homme comme tout le monde voyait le soleil briller au ciel et les petits oiseaux chantaient. Sa femme était soumise, habillée comme il faut et à sa place.
Il mangeait toujours du bon manger.
Il avait une belle auto, une carte de crédit et tous les tracas du monde qui font d'un homme le pourvoyeur de la famille.
Il savait tout puisqu'on riait d'aise devant ses propos d'une si totale fatuité que personne ne demeurait longtemps dans cet environnement intellectuel toxique pour le contredire. En fait, il se nourrissait de sa propre odeur de marde et finissait même par croire que ça sentait bon.
Il était l'esclave naturel de Monsieur Toulmonde, évidemment. Monsieur Toulmonde élu président des États-Unis ou gérant du club de curling du coin.
C'est comme ça que l'homme blanc qui est comme Toulmonde pensait en courant comme un hamster dans une cage, hé, hé, hou, ha, ha.
Le monde rétrécissait. La Terre et la Lune étaient foutus.
Prout.
Et tout se volatilisa en un pet foireux, un jour ou l'autre.
On ne sait plus trop quand.
Et, franchement, ça importe peu.
Son opinion valait de l'or parmi ses pairs, des gens aussi vaniteux et insignifiants que lui-même. Il s'en trouve toujours des masses pour faire fonctionner nos institutions et dérailler la justice. Sans leur apport, la société ne serait plus la société, la religion ne serait plus la religion, et le pâté chinois ne serait plus le pâté chinois.
Cet homme blanc, qui n'était pas tout à fait blanc, puisque les races n'existent pas au plan biologique chez l'être humain, était donc blanc parce que c'était commode et presque surnaturel. Il avait grandi dans un bocal de niaiseries, isolé du monde extérieur. Aussi lui était-il consubstantiel que d'être aussi bête que fat. Personne ne lui en tenait rigueur à l'intérieur de son bocal, sinon ces trouble-fêtes qui gâchaient tout avec l'idée qu'il n'y avait pas de bocal ailleurs que dans sa tête. Qu'il était emprisonné par ses idées...
Quelles idées? Il n'en savait trop rien. Il lâchait un pet en guise de réponse et tous les autres riaient en tapant sur les plus faibles qui traînaient autour. Dont des étrangers perdus dans son triste coin de niaiseux. De jambons vivants sur la terre des aborigènes, lesquels prétendaient innocemment que la terre n'appartenait à personne...
À personne? Et Jambon planta son drapeau sur la Lune... M'a vous en faire des appartiens à personne... La Lune c'est à moé pis la Terre aussi. C'est moé qui les ai achetés. Je suis maître du ciel et de la terre et vous devriez être contents que je ne vous écrase pas comme des fourmis, tellement je suis puissant... Ah! C'est que je suis bon aussi... Allez chercher mes pantoufles... Plus vite!
Le matin, l'homme comme tout le monde voyait le soleil briller au ciel et les petits oiseaux chantaient. Sa femme était soumise, habillée comme il faut et à sa place.
Il mangeait toujours du bon manger.
Il avait une belle auto, une carte de crédit et tous les tracas du monde qui font d'un homme le pourvoyeur de la famille.
Il savait tout puisqu'on riait d'aise devant ses propos d'une si totale fatuité que personne ne demeurait longtemps dans cet environnement intellectuel toxique pour le contredire. En fait, il se nourrissait de sa propre odeur de marde et finissait même par croire que ça sentait bon.
Il était l'esclave naturel de Monsieur Toulmonde, évidemment. Monsieur Toulmonde élu président des États-Unis ou gérant du club de curling du coin.
C'est comme ça que l'homme blanc qui est comme Toulmonde pensait en courant comme un hamster dans une cage, hé, hé, hou, ha, ha.
Le monde rétrécissait. La Terre et la Lune étaient foutus.
Prout.
Et tout se volatilisa en un pet foireux, un jour ou l'autre.
On ne sait plus trop quand.
Et, franchement, ça importe peu.
lundi 10 juin 2019
Auguste
Auguste a travaillé toute sa vie à l'usine. Il a épousé Marjolaine il y a soixante-trois ans. Et ils ont eu trois enfants: Victor, Thérèse et Francine.
Vous comprendrez sûrement qu'Auguste et Marjolaine sont devenus très vieux.
Marjolaine s'occupe d'Auguste depuis deux ans. Depuis qu'il a manifesté des signes de détérioration du cerveau de type Alzheimer. Il ne se retrouvait plus nulle part, perdait tout, achetait cinq pintes de lait par jour. Marjolaine, bien qu'elle ait le dos coincé et les articulations rongées par l'arthrose, se charge de tout pour son Auguste.
Mais il vient un temps où elle a vraiment besoin de prendre une pause. Parce qu'elle est trop malade elle-même, et sans doute trop vieille, pour s'occuper toute seule de son époux.
C'est alors qu'interviennent les maisons dites de convalescence où les soignants naturels peuvent prendre une pause, le temps qu'ils ou elles se rétablissent.
Évidemment, cela ne se fait pas sans heurts.
Auguste est perdu de plus en plus. Ça n'est pas pour s'améliorer à la maison de convalescence Au p'tit bonheur.
Il occupe une chambre pour une durée d'une semaine, le temps que Marjolaine remplisse ses piles.
Il se promène de long en large toute la journée, souriant timidement, à la recherche de quelque chose qui ressemble à une réponse qu'il ne comprendra pas quoi qu'il en pense.
Il est encore plus perdu que perdu.
Il avance et recule avec l'appui de sa canne. Il se frappe contre toutes les portes et tous les murs. Il est toujours près à partir, avec sa valise et son manteau. On lui explique ceci ou cela et il ne se souvient plus de rien après 10 secondes. Sa mémoire est foutue. Ses jambes aussi. Il est couvert d'ecchymoses. Il tombe tout le temps. On prend sa tension artérielle dix fois par jour.
Malgré tous ses petits, moyens et gros bobos, Auguste se souvient encore de Marjolaine.
La mémoire affective se poursuit plus longtemps qu'on ne le croie.
Marjolaine, c'est sa femme. Ça, Auguste le sait.
Le personnel soignant de la maison Le p'tit bonheur se serve du prénom de son épouse pour le guider dans ses soins et ses besoins.
-Marjolaine vous fait dire qu'elle va venir vous voir bientôt. En attendant, Marjolaine vous dit de manger, d'aller aux toilettes, de laver vos dents, de laver vos parties intimes, de changer de pantalon, de ne pas entrer dans les chambres des autres résidents, de prendre ce médicament, de marcher avec votre canne, de... de... de...
-Ah ok... Si Marjolaine le dit, réplique timidement Auguste.
Il fait ce que Marjolaine lui dit, même si elle n'est pas là, même si elle était morte...
-En attendant, ça vous dirait de prendre une collation? Yogourt? Fromage? Biscuits?
-Ah oui. C'est bon ça.
-Jus de raisin?
-C'est bon ça. Ah oui, sourit encore Auguste, timidement.
Rien ne calme plus ce pauvre Auguste que de manger. Quand il mange, il est comme tout le monde, rit avec les autres, savoure un bon repas.
En-dehors des repas, c'est là que ça se complique.
Il ne dort pas. Il erre dans le corridor toute la nuit. Le seul moyen de le ramener vers sa chambre est de lui donner un biscuit et d'ouvrir sa télé. Au bout d'un temps, il tombe comme une poche de patates, tout croche dans le lit. On replace sa tête, ses bras et ses pieds pour qu'Auguste soit confortable.
Pour le moment, Auguste dort.
Et c`est tant mieux.
Il a travaillé fort à se chercher aujourd'hui.
La stabilité est sa seule alliée.
Plus il déménage plus il est confus.
Marjolaine devra prendre une grave décision.
Elle ne veut pas se départir de son Auguste mais n'a plus la force physique pour s'occuper de lui.
Auguste attend.
Mais il ne sait déjà plus qu'il attend, ni qui ni pourquoi.
C'est peut-être l'heure du déjeuner.
-Bonjour Monsieur. Venez avec moi, je vais vous accompagner à la salle à manger. Le déjeuner est servi!
vendredi 7 juin 2019
À tous ceux et celles qui ne croient plus en rien...
Humpty Dumpty, John Tenniel, 1871 |
Vous connaissez probablement tous et toutes Alice et quelques-uns de ses personnages: le Chapelier fou, la Reine de coeur, le Lapin blanc et j'en passe.
Je veux plutôt vous ramener vers Humpty Dumpty.
Humpty Dumpty était déjà un personnage célèbre via une vieille comptine anglaise du 18e siècle. C'était une tête d'oeuf qui tenait debout sur un mur et qui se fracassait l'occiput au sol en guise d'omelette sans que personne ne puisse recoller ses morceaux.
Dans Alice au pays des merveilles, Humpty Dumpty est assis sur son mur tandis que la petite Alice s'approche de lui. Et voilà que tête d'oeuf lui dit:
-C'est une grande gloire pour toi, dit Humpty Dumpty.
-Je ne sais pas ce que tu veux dire par «gloire», dit Alice.
Humpty Dumpty sourit avec mépris.
-Bien sûr que tu ne le sais pas avant que je ne te l'dise! Je voulais dire que c'est un bel argument imbattable pour toi!
-Mais «gloire» ne signifie pas «un bel argument imbattable», objecta Alice.
-Quand j'emploie un mot, dit Humpty Dumpty sur un ton plutôt méprisant, cela signifie seulement ce que je veux qu'il signifie, ni plus ni moins.
-La question, dit Alice, est de savoir si tu peux donner aux mots des significations si différentes.
-La question, dit Humpty Dumpty, est de savoir qui est le maître -c'est tout.Lewis Carroll, Through the Looking-Glass (Raleigh, NC: Hayes Barton Press, 1872)
Traduction libre / G. Bouchard
***
Donald Trump veut probablement se bâtir un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique pour y trôner tel Humpty Dumpty.
Les mots signifient ce qu'il veut qu'ils signifient parce que c'est lui le boss.
Évidemment, il y a de la place pour pas mal de Humpty Dumpty pour son mur, fusse-t-il virtuel.
On se retrouve donc avec des tas de cocos aux propos méprisants avec lesquels il est impossible de discuter en se fiant à la définition des dictionnaires.
Les tyrans et autres tyranneaux d'opérette adoptent leur propre lexique et vous devez vous plier à leur réalité.
***
Hannah Arendt racontait dans Les origines du totalitarisme que la plupart des Allemands ne croyaient pas vraiment au régime nazi. Ils voyaient bien que c'était loufoque en quelque sorte. Cependant, le vrai problème pour la démocratie c'est aussi qu'ils ne croyaient plus en rien. Ils étaient blasés de tout. Ce ne sont pas des croyants au nazisme qui supportèrent Hitler. Il ne s'en trouva pas tant qu'on ne l'aurait cru. C'est l'indifférence et l'apathie de ceux et celles qui ne croyaient plus en rien qui ont permis au totalitarisme de s'instaurer.
Cela ne vous dit pas quelque chose?
***
On s'attaquera à la signification des mots puis, évidemment, on s'en prendra aux hommes et aux femmes qui oseront défier le lexique de Humpty Dumpty, aussi fragile fusse sa position sur son mur. Il profitera de l'aboulie des uns et de l'apathie des autres pour vous tordre les os et l'esprit dans la plus grande indifférence communautaire qui soit.
Parce que Humpty Dumpty n'en a rien à foutre de la communauté.
Il veut que l'on vive tous comme une grenouille dans un bocal qui ne sent pas encore qu'elle est aussi plongée dans un chaudron d'eau bouillante.
Tout se passe bien dans son bocal puisque Humpty Dumpty le lui dit.
C'est lui qui est boss après tout.
Et puis qui croire de nos jours?
jeudi 6 juin 2019
Les Québécois, ces Rhodésiens...
Pierre Bourgault comparaissait souvent les anglophones du Québec à des Rhodésiens qui ne comprennent pas que les Zoulous s'excitent autant contre l'Apartheid et la vie dans le ghetto de Soweto. Pour les Rhodésiens, rien de plus normal que de protéger leur monde de ces «terroristes» qui réclament des droits alors qu'ils devraient les remercier d'être encore en vie et de manger...
L'indépendantisme de Bourgault se situait dans un contexte de décolonisation. Il voyait ce qui s'était passé en Afrique et le transposait ici dans la réalité de l'«impérialisme canadian» (sic!).
Les temps sont passés et c'est maintenant au tour des Québécois de devenir des Rhodésiens, ignorant le génocide autochtone, la ségrégation, la discrimination, les ghettos, les réserves...
L'indépendantisme s'est replié sur lui-même pour ne plus secréter que du nationalisme putride et nauséabond. Bourgault, Godin, Couture et Lévesque doivent se revirer dans leurs tombes.
Les fédéralistes apparaissent jour après jour comme des personnes posées, respectueuses des droits des uns et des autres, soucieuses de corriger les erreurs de l'histoire et d'avancer tous ensemble vers une société un peu plus juste.
Les souverainistes n'étant pas tous à Québec Solidaire, il reste une large majorité de nationalistes acerbes qui veulent faire du Québec la Pologne du Père Ubu. Qu'on ne s'y trompe pas, le courant majeur de la souveraineté du Québec est maintenant du côté de la peur, de l'ignorance et du mépris des droits civiques.
Faire les beaux yeux à Donald Trump n'est pas pour aider les nationalistes québécois.
Justin Trudeau sera largement reporté au pouvoir cet automne parce qu'il incarne quelque chose comme l'avenir, malgré les pipelines et autres conneries du capitalisme international.
Le multiculturalisme canadien triomphera sans doute du monoculturalisme québécois qui s'effondrera de lui-même sans l'aide de personne, croulant sous sa propre fatuité.
La CAQ n'aura été qu'un sale épisode de l'histoire du Québec qui finira en pet foireux.
Conséquemment, je préfère demeurer sujet de Sa Majesté la Reine Elisabeth II plutôt que de vivre sous les dogmes réactionnaires des républicains à la sauce Donald Trump.
L'indépendantisme de Bourgault se situait dans un contexte de décolonisation. Il voyait ce qui s'était passé en Afrique et le transposait ici dans la réalité de l'«impérialisme canadian» (sic!).
Les temps sont passés et c'est maintenant au tour des Québécois de devenir des Rhodésiens, ignorant le génocide autochtone, la ségrégation, la discrimination, les ghettos, les réserves...
L'indépendantisme s'est replié sur lui-même pour ne plus secréter que du nationalisme putride et nauséabond. Bourgault, Godin, Couture et Lévesque doivent se revirer dans leurs tombes.
Les fédéralistes apparaissent jour après jour comme des personnes posées, respectueuses des droits des uns et des autres, soucieuses de corriger les erreurs de l'histoire et d'avancer tous ensemble vers une société un peu plus juste.
Les souverainistes n'étant pas tous à Québec Solidaire, il reste une large majorité de nationalistes acerbes qui veulent faire du Québec la Pologne du Père Ubu. Qu'on ne s'y trompe pas, le courant majeur de la souveraineté du Québec est maintenant du côté de la peur, de l'ignorance et du mépris des droits civiques.
Faire les beaux yeux à Donald Trump n'est pas pour aider les nationalistes québécois.
Justin Trudeau sera largement reporté au pouvoir cet automne parce qu'il incarne quelque chose comme l'avenir, malgré les pipelines et autres conneries du capitalisme international.
Le multiculturalisme canadien triomphera sans doute du monoculturalisme québécois qui s'effondrera de lui-même sans l'aide de personne, croulant sous sa propre fatuité.
La CAQ n'aura été qu'un sale épisode de l'histoire du Québec qui finira en pet foireux.
Conséquemment, je préfère demeurer sujet de Sa Majesté la Reine Elisabeth II plutôt que de vivre sous les dogmes réactionnaires des républicains à la sauce Donald Trump.
dimanche 2 juin 2019
Le lilas de la rue Cloutier et autres considérations intempestives
Maxime Gorki rapportait l'histoire de ce jardinier qui demeurait indifférent au passage de la foule des révolutionnaires en liesse qui défilaient dans les rues. L'époque était à la guerre civile. Le jardinier continuait néanmoins à s'occuper du jardin même si la soldatesque piétinait les fleurs.
Gorki n'était heureusement pas Lénine.
Ses pensées intempestives et notes de cette époque tourmentée en témoignent.
L'écrivain qui avait su raconter avec tant d'art les bas-fonds de la société russe n'avait pas su abdiquer son humanité face à la cruauté et à la brutalité des bolcheviques qui fomentaient un coup d'État avec l'aide des banquiers suisses et allemands.
***
Il n'y avait presque pas d'arbres sur la rue Cloutier, à ce que je me souvienne, sinon un lilas. Ce lilas que mes parents avaient planté dans le minuscule carré vert devant chez-nous. Ce chez-nous qui était un logement trifluvien mal isolé dont les murs se couvraient de moisissures noires au printemps.
Notre voisin, Tibère Massicotte de son surnom, avait planté des tomates dans son minuscule carré vert pour donner suite à la tentative de mes parents de verdir une rue du ghetto attenant à l'usine de textile Wabasso. L'environnement y était plutôt glauque, avec des clôtures de broches surmontées de fils de fer barbelés. Une atmosphère oppressante de prison dans un quartier qui fournissait plus que sa part de détenus à l'État comparativement à son poids démographique.
Les lilas et les tomates étaient une minuscule tentative de rendre la rue Cloutier plus accueillante.
La rue s'était d'ailleurs montrée accueillante envers deux familles nouvellement installées. C'était des réfugiés. Une famille provenait du Vietnam et l'autre du Cambodge. On n'ose même pas imaginer ce qu'ils avaient vécu: la guerre avec son cortège de morts, la peur de mourir, l'anxiété de perdre ses enfants, le long voyage de boat-people perdus au milieu de l'océan...
Monsieur Phet, notre nouveau voisin cambodgien, ressentait une forte émotion devant les tomates et le lilas de ses voisins, c'est-à-dire de ma famille ainsi que de celle de Tibère Massicotte. Il traversait la rue et venait voir pousser les lilas, les tomates, les fèves, alouette!
-Dans mon pays, si toi voler tomates: couper main! disait-il.
Cela nous impressionnait, bien entendu.
Ma mère, pour favoriser les rapports de proximité, avait donné à la famille Phet du pâté chinois. Elle se disait naïvement que les Chinois devaient aimer ça du pâté chinois. Ils nous avaient donné en échange des petits biscuits délicieux et des piments forts à vous en arracher les yeux.
***
Un jour, mon père a dû couper le lilas. C'était un jour triste. Les racines s'attaquaient aux fondations de notre taudis. Le propriétaire en était mécontent. Comme on ne payait pas cher le loyer mon père avait dû se résigner, j'imagine, pour le bénéfice de ses quatre bouches de gros garçons à nourrir. Il avait pris la scie puis la pelle pour extirper le lilas.
J'imagine que Tibère Massicotte mit fin aussi à son petit potager.
Nous déménageâmes. Les Cambodgiens et les Vietnamiens aussi.
La dernière fois que je suis retourné sur la rue Cloutier il n'y avait toujours pas d'arbres.
Cependant, la clôture de broche de la Wabasso n'y était plus.
Du coup, il y a des arbres et du gazon au bout de la rue.
Il reste encore quelques pins de l'ancienne forêt de pins qui a été rasée par la civilisation.
Puis il y a des pissenlits. Partout. Et parfois même des petites pensées, des fleurs dans les petits fraisiers, des pétales de je ne sais trop quoi et j'en passe.
***
Je vis à une sale époque.
À l'instar de Gorki qui méditait sur son jardinier, je m'éprends de jardinage philosophique.
Voltaire prétendait qu'il fallait cultiver son jardin dans un monde allant de mal en pis.
«Il y avait un jardin qu'on appelait la Terre», chantait Moustaki.
Jardin, jardinier, jardinage...
Jarnidieu! Il faut sauver la beauté du monde, partout, coûte que coûte.
***
L'an dernier, j'ai sauvé un orme dans ma cour.
On aurait pu l'extirper. Ses jeunes branches dérangeaient les automobiles dans le stationnement. J'ai coupé les branches susceptibles de mener à sa coupe. Puis j'ai pansé ses plaies, soigné son écorce, et amplement abreuvé tout l'été.
Ce printemps, mon orme est devenu énorme. Il atteint maintenant une hauteur de plus de quatre mètres. Son tronc est aussi gros que ma cheville. Il tient solidement debout et continuera de pousser.
Mes voisins l'ont remarqué.
Ils me parlent de cet orme.
Je leur parle de mon orme.
Ça passe le temps.
Et c'est toujours mieux que de parler de politique ou de religion.
Mieux que de prêter foi à ces escrocs et autres pervers narcissiques qui se chargent toujours de s'en prendre à la beauté du monde parce que les bidous passent avant tout.
Gorki n'était heureusement pas Lénine.
Ses pensées intempestives et notes de cette époque tourmentée en témoignent.
L'écrivain qui avait su raconter avec tant d'art les bas-fonds de la société russe n'avait pas su abdiquer son humanité face à la cruauté et à la brutalité des bolcheviques qui fomentaient un coup d'État avec l'aide des banquiers suisses et allemands.
***
Il n'y avait presque pas d'arbres sur la rue Cloutier, à ce que je me souvienne, sinon un lilas. Ce lilas que mes parents avaient planté dans le minuscule carré vert devant chez-nous. Ce chez-nous qui était un logement trifluvien mal isolé dont les murs se couvraient de moisissures noires au printemps.
Notre voisin, Tibère Massicotte de son surnom, avait planté des tomates dans son minuscule carré vert pour donner suite à la tentative de mes parents de verdir une rue du ghetto attenant à l'usine de textile Wabasso. L'environnement y était plutôt glauque, avec des clôtures de broches surmontées de fils de fer barbelés. Une atmosphère oppressante de prison dans un quartier qui fournissait plus que sa part de détenus à l'État comparativement à son poids démographique.
Les lilas et les tomates étaient une minuscule tentative de rendre la rue Cloutier plus accueillante.
La rue s'était d'ailleurs montrée accueillante envers deux familles nouvellement installées. C'était des réfugiés. Une famille provenait du Vietnam et l'autre du Cambodge. On n'ose même pas imaginer ce qu'ils avaient vécu: la guerre avec son cortège de morts, la peur de mourir, l'anxiété de perdre ses enfants, le long voyage de boat-people perdus au milieu de l'océan...
Monsieur Phet, notre nouveau voisin cambodgien, ressentait une forte émotion devant les tomates et le lilas de ses voisins, c'est-à-dire de ma famille ainsi que de celle de Tibère Massicotte. Il traversait la rue et venait voir pousser les lilas, les tomates, les fèves, alouette!
-Dans mon pays, si toi voler tomates: couper main! disait-il.
Cela nous impressionnait, bien entendu.
Ma mère, pour favoriser les rapports de proximité, avait donné à la famille Phet du pâté chinois. Elle se disait naïvement que les Chinois devaient aimer ça du pâté chinois. Ils nous avaient donné en échange des petits biscuits délicieux et des piments forts à vous en arracher les yeux.
***
Un jour, mon père a dû couper le lilas. C'était un jour triste. Les racines s'attaquaient aux fondations de notre taudis. Le propriétaire en était mécontent. Comme on ne payait pas cher le loyer mon père avait dû se résigner, j'imagine, pour le bénéfice de ses quatre bouches de gros garçons à nourrir. Il avait pris la scie puis la pelle pour extirper le lilas.
J'imagine que Tibère Massicotte mit fin aussi à son petit potager.
Nous déménageâmes. Les Cambodgiens et les Vietnamiens aussi.
La dernière fois que je suis retourné sur la rue Cloutier il n'y avait toujours pas d'arbres.
Cependant, la clôture de broche de la Wabasso n'y était plus.
Du coup, il y a des arbres et du gazon au bout de la rue.
Il reste encore quelques pins de l'ancienne forêt de pins qui a été rasée par la civilisation.
Puis il y a des pissenlits. Partout. Et parfois même des petites pensées, des fleurs dans les petits fraisiers, des pétales de je ne sais trop quoi et j'en passe.
***
Je vis à une sale époque.
À l'instar de Gorki qui méditait sur son jardinier, je m'éprends de jardinage philosophique.
Voltaire prétendait qu'il fallait cultiver son jardin dans un monde allant de mal en pis.
«Il y avait un jardin qu'on appelait la Terre», chantait Moustaki.
Jardin, jardinier, jardinage...
Jarnidieu! Il faut sauver la beauté du monde, partout, coûte que coûte.
***
L'an dernier, j'ai sauvé un orme dans ma cour.
On aurait pu l'extirper. Ses jeunes branches dérangeaient les automobiles dans le stationnement. J'ai coupé les branches susceptibles de mener à sa coupe. Puis j'ai pansé ses plaies, soigné son écorce, et amplement abreuvé tout l'été.
Ce printemps, mon orme est devenu énorme. Il atteint maintenant une hauteur de plus de quatre mètres. Son tronc est aussi gros que ma cheville. Il tient solidement debout et continuera de pousser.
Mes voisins l'ont remarqué.
Ils me parlent de cet orme.
Je leur parle de mon orme.
Ça passe le temps.
Et c'est toujours mieux que de parler de politique ou de religion.
Mieux que de prêter foi à ces escrocs et autres pervers narcissiques qui se chargent toujours de s'en prendre à la beauté du monde parce que les bidous passent avant tout.