mardi 16 décembre 2008
LA CONVERSION DE JOS BINE
Rien de mieux que les bas-fonds pour y recruter soldats et prosélytes.
On ne saurait s'imaginer plus dans les bas-fonds que dans le fin fond du rang du Pays Brûlé de la municipalité de la paroisse de St-Célestin, petite communauté d'à peine six cent soixante-dix âmes située sur la rive sud du fleuve Magtogoek, à vingt minutes de Twois-Wivièwes.
C'est là que Jos Bine avait trouvé refuge pour dégriser après la fermeture des bars. Et c'est là qu'un beau matin les Témoins de Jérola débarquèrent pour enjôler Jos Bine avec tout plein de belles paroles sur Dieu qui donnent un sens à la vie, même au plus trou du cul des trous du cul.
Ah! C'est qu'ils tombaient bien ce matin-là, les Jérola, puisque Jos Bine était las, vert, bref malade.
Imaginez un lilliputien en jeans et tee-shirt sales, la barbe pas faite, la gueule ahurie d'un pochard du fin fond d'un rang, et vous aurez de quoi vous faire un portrait de Jos Bine. Ajoutez-y des cheveux noirs moutonneux et une barbe idoine. Hop-là! C'est Jos Bine tout craché.
Et ce p'tit christ d'ivrogne s'est évidemment laissé séduire par les deux Témoènes d'autant plus qu'elles étaient ravissantes aux yeux de cette raclure de Jos Bine. Et là, laissez faire l'imagination. Les Témoènes de Jérola sont obligées de porter des jupes ce qui fait que les Jos Bine leur reluquent les mollets et en attrapent des bandaisons, même après avoir vomi toute la bière et la poutine de la veille.
-Miséricorde! quel bon vent vous emmène par ici jolies fées? leur déclara tout bonnement Jos Bine, du fait que c'était la première fois qu'une femme venait le visiter. Et comme elles étaient deux, et qu'il voyait encore double, Jos Bine ne voyait que des fées.
-Bonjour monsieur! Nous vous apportons la parole de Jérola, Notre Dieu!
-Ah ben entrez don' mesd'moiselles, entrez don'... Excusez ma tenue, j'su's en combine à panneaux... J'viens juste de me l'ver.
-C'est pas grave monsieur... C'est pas grave, lui dit la grande blonde aux gros mollets.
Et là, Jos Bine les écouta et il regardait leurs lèvres, leurs seins, leurs mollets. Puis il sentit lui aussi qu'il était depuis toujours un Témoin de Jérola.
-Jérola est bon puisqu'il m'a permis de vous rencontrer mesd'moiselles!
-Nous tenons un office ce soir. Si vous voulez vous présenter à la salle du Royaume...
-Pensez-vous qu'vous pourriez m'donner un lift, hein? J'su's à pieds. Mon char est kaputt...
-Hee... Oui? dit la petite blonde à la grande blonde.
-Ok... répliqua la grande, qui ne pouvait accomplir ainsi que la volonté de Jérola.
Ce qui fait qu'ils sont venus le chercher Jos Bine, imaginez-vous donc. Le soir même, pour l'emmener à la salle du Royaume. Il était rasé de près, pour une fois, et sentait la lotion après-rasage bon marché. Jos Bine avait même mis une chemise et une cravate. Il avait instinctivement compris le principe pour devenir un Témoin.
-Merci, leur dit Jos Bine alors qu'il prenait place dans leur Hyundai, merci vous êtes ben fines mes fées. Ça ne vous dérange pas si j'vous appelle mes fées, hein?
-Moi c'est Miranda...
-Et moi c'est Lucie...
-Bonjour Miranda. Bonjour Lucie... Hee... J'aurais autre chose à vous d'mander s'i'-vous-plaît!
Et là, Jos Bine leur demanda de l'emmener chez son ami Ti-Paille pour qu'il aille reprendre son linge propre, compte tenu qu'il n'avait pas de laveuse chez-lui.
-Ce sera pas long. J'en ai pour dix minutes. Pourriez-vous r'venir me chercher dans dix minutes, hein?
-Hee... Oui... Ok... répondit Miranda, la petite blonde au volant.
-Il ne faudrait pas arriver en retard à la salle du Royaume! ajouta la grande Lucie.
-Non, non, ce s'ra pas long!
Les deux Témoènes laissèrent Jos Bine chez Ti-Paille, qui habitait un peu plus loin sur le rang du Pays Brûlé.
Quelle ne fût pas la stupeur de Ti-Paille de voir Jos Bine sur son trente-six.
-Man! lui dit tout de go Ti-Paille, un revendeur-consommateur de drogue invétéré avec une montre en or. Où c'est qu'tu t'en vas d'même? À un enterrement?
-Je m'en vais à la salle du Royaume, Ti-Paille. Je suis devenu Témoin de Jérola.
-Témoin de Jérola? Ah ben j'ai mon voyage! Veux-tu une bière?
-Ben sûr.
Et Jos Bine bois une bière, puis deux bières.
-Au fait Ti-Paille, tu m'as pas dit qu't'avais r'çu d'l'acide?
-Ouin.
-Donne moé z'en don' s'i'-vous-plaît.
Jos Bine se tape un buvard, comme de raison, et il ne se passe rien sur le moment, tout simplement parce que ça n'agit pas tout de suite en criant toc! toc! toc!
Au fait, le toctoctoc, c'était les deux Témoènes qui cognaient à la porte de chez Ti-Paille pour venir récupérer leur nouveau Témoin de Jérola, bière en main, avec un acide dans le corps.
-Entrez mesd'moiselles! Entrez c'est pas barré! leur cria élégamment Ti-Paille.
Les deux Témoènes firent tout de suite remarquer à Jos Bine qu'il était interdit de boire chez les Témoins de Jérola.
-Ok d'abord. J'boirai p'us. Heille Ti-Paille, veux-tu finir ma bière s'i'-vous-plaît? On n'a pas l'droit d'boire dans ma religion!
-Ok, j'va's la finir, répliqua Ti-Paille.
-Nous devons y aller... Tu nous avais pas dit que tu devais ramener ton linge, Jos? demanda Lucie sur un ton s'approchant de l'impatience très terrestre.
-Le linge! Caline de bine! J'ai oublié mon linge! Minute! Ce s'ra pas long!
Jos Bine prend un sac à ordures vert et il vide la sécheuse de tout son contenu.
-Merci encore Ti-Paille! Que Jérola te bénisse!
-Y'a pas d'quoi. Ça m'a fait plaisir. Tu r'passeras. J'su's pas sorteux.
Direction salle du Royaume, avec Jos Bine assis sur le siège arrière, comme s'il était conduit en prison par des policiers. L'acide commençait à embarquer...
Ils arrivent à la salle du Royaume.
Ils débarquent.
Et là, à l'intérieur, Jos Bine entend toutes sortes de trucs pas d'allure, vois toutes sortes de lumières fuckées et il se met à freaker.
-J'ai soif. Avez-vous d'la bière icitte? qu'il demande naïvement.
-Il n'y a pas d'alcool ici! L'alcool rend l'homme semblable à la Bête, dont le numéro est six cent soixante-six! lui répond Lucie avec fermeté.
-Wo! Wo! Wo! J'ai soif moé calice! Six cent soixante-six mon cul!
Ce qui mit fin à sa Foi instantanément.
Trois secondes plus tard, Jos Bine marchait en direction du dépanneur, puis revenait chez Ti-Paille avec une caisse de vingt-quatre.
-Je suis Dieu, déclara-t-il à Ti-Paille en traçant des cercles dans l'air avec sa tête.
-Moi aussi, ajouta Ti-Paille, qui en avait fait pas mal lui aussi et qui l'accueillit avec un masque de plongée sous-marine.
Jos Bine a fini par rentrer chez-lui deux jours plus tard, dans le fin fond du rang du Pays Brûlé.
Ti-Paille s'est fait pincer par les narcs.
Lucie et Miranda portent encore des jupes et leurs enfants sont fuckés dans tête comme s'ils avaient faits de l'acide. Ils s'imaginent que la fin du monde est proche et qu'Armand Godin va venir tout décrisser pour ne sauver qu'une poignée de Justes.
Mort-de-rire.
RépondreEffacerEt c'est encore une histoire vraie!
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