dimanche 16 novembre 2008
DIMANCHE, SOUVENIRS, SAMSON ET DELILAH
C'est dimanche. Il pleut. Il n'y a plus de feuilles dans les arbres, enfin presque plus. Ce qui fait que l'on voit toutes sortes de trucs dans les branches: une shoe-claque, un sac d'épicerie du Super Calice , un bout de corde, un nid d'oiseau abandonné, un écureil qui se demande s'il n'est pas mieux de fermer boutique pour la saison. N'importe quoi.
Ma vitre n'est pas encore un jardin de givre. Ce matin, elle est balayée de quelques fines gouttelettes qui confèrent un cachet impressionniste aux trucs que je vois pendre après les branches.
Quelques feuilles volent au vent. Elles sont déjà jaunes et parsemées de trous. Des chenilles sont passées par là.
Le sapin penche d'est en ouest. Ses rameaux semblent me dire «ouin, ben c'est ça qui est ça.» C'est un vieux sapin. Je lui donne au moins quarante ans. Mon âge. Ça vit longtemps, un sapin?
Le revêtement en plastique est populaire dans mon quartier. Je regarde toutes les maisons qui m'entourent, et je ne peux m'empêcher de les voir en papier-briques, en novembre 1930, tiens, au pire de la crise économique. Quatorze enfants par famille. Des poules qui picorent et des patates qui poussent dans la cour. Du monde qui se tape sur la gueule à toutes heures du jour. Et qui vont à l'église ou n'y vont plus du tout. Du monde qui travaille dans les shops pour des petits salaires de rien. Du monde qui ne lise que l'Almanach populaire, l'Almanach qui compétitionne avec la Bible qu'on n'ouvre jamais.
Les protestants lisent la Bible à la maison et la commentent. Les catholiques se la font lire pour qu'ils puissent ronfler sur leur banc. Et s'ils la commentent, ce n'est que pour conserver les éléments les plus folkloriques des films hollywoodiens du temps de Pâques: Samson, Ben-Hur et Batman.
J'entends encore la voix de mon père qui me raconte Samson.
-Hein, Samson, i' leu' z'en crissait-tu une bonne hostie d'volée, aux Philistins, à grands coups d'mâchoires d'âne dans face, toé chose, à tout' c't'hostie d'gang-là du tabarnak de calice! Mais là, y'avait la maudite Delilah qui te l'enfirouâpe pis qu'i' lui coupe les ch'veux d'ousse qu'i' tirait sa force, parce qu'i' avait confié son secret, Samson: chu fort pa'ce qu'j'ai 'es cheveux longs! Et voélà! Pis là, p'us de cheveux, p'us d'force, les Philistins l'attrapent pis lui en calissent une, à grands coups dans face toé. Tellement qu'i' en d'vient aveugle, Samson. Mais ces cheveux r'poussent pis quand qu'i' touche aux colonnes du temple des Philistins, ben i' s'sert du peu d'ch'veux qui i' reste pour tout' calisser ça à terre, su' 'a tête des Philistins. Pis lui aussi i' meure. I' meure en héros.
-Pis Delilah?
-Delilah? Hum... Y'en parle pas dans l'livre de c'qui lui est arrivé après.
-C'est écrit dans Bible, ça, Pa?
-Ouin. Tout est écrit là, en seulement que c'est les hommes qui l'ont écrite, pis ç'a été écrit pour s'appliquer dans leur temps... Il y a la loi des hommes et la loi de Dieu! Un curé, c'est un homme comme toé pis moé. C'est pas Dieu qui parle à travers lui, il essaye juste de servir Dieu, et pas de se servir de Dieu!
-Moé j'crois pas à ça, Pa, Dieu. Dieu n'existe pas.
-Faut croire en que'que chose! Fais pas ton mécréant! Même les Protestants croient en que'que chose!
Je me rappelle ça, aujourd'hui, et je ne crois toujours pas en Dieu ni en la Bible. Mais je ne renierai pas pour autant Pa, mon héros, avec Samson, Ben-Hur et Batman.
Ma vitre n'est pas un jardin de givre.
Les gouttelettes ont séché.
La pluie s'est arrêtée.
Même qu'il y a une éclaircie.
Une faible lueur solaire.
Finalement, ce sera une autre belle journée.
Et je me prendrais bien un autre café.
«Même les Protestants croient en que'que chose!»
RépondreEffacerMe su pissé dsus tellement j'ai ri!
Est bonne!
Cré Pa.
On le voit compter son ti-change, le protestant.
Ah ça oui, y cré en que'que chose.
Quand on croit en quelque chose d'extérieur à soi, c'est la foi.
RépondreEffacerQuand on croit en soi c'est l'individualisme, et quand on croit en rien c'est le nihilisme.
Criss chu perdu où suis-je, d'où viens-je,pourquoi nais-je,pourquoi vis-je,pourquoi meurs-je?
quel belle lecture ne ce dimanche. je pense à beaucoup de choses père-fils du même coup.
RépondreEffacerde bien beaux souvenirs.
moi aussi, m'a aller me rechercher un peu de café, même à 5h42 du début de soirée.
ok, c'est vrai, je me suis levé à 3h mais bon.
Gomeux, j'pense que Pa voulait dire qu'il faut croire en quelque chose. J'ai toujours cru en quelque chose, mais je n'ai jamais su ce que c'était.
RépondreEffacerCe qui fait que, Yvan, laisse-moé t'dire que j'ai la foi. En quoi? Hostie, je l'sais même pas. Quelque chose. L'Innommable, sans doute. Les questions que tu te poses ont donné un titre à un célèbre tableau de Paul Gauguin, un daltonien qui n'utilisait que des couleurs primaires.
Braincras, être un oiseau de nuit c'est rough pour l'estomac. Mon père buvait rien que du thé Salada. Où veux-je en venir? Hum... Du thé, c'est bon?
Le T est bon pour moi,
RépondreEffacersurtout lorsqu'il est vert.
"Quelque chose d'innommable"
j'y adhère,mais je n'ai
pas su la nommer encore
en 45 ans de vie.
Peu m'importe,elle a pas
besoin de nom peut-être.
Quel est ce tableau de Gauguin auquel tu fais référence?
RépondreEffacerJe fais référence à ce tableau de Gauguin.
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