mercredi 22 octobre 2008
UNE MATINÉE À L'OPÉRA - AU PROGRAMME: «MES HOSTIES D'TABARNAKS!»
J'ai coutume de croiser un trisomique là où je vais prendre l'autobus le matin. Court sur pattes et le crâne complètement rasé, Stéphane, car il s'appelle ainsi, passe son temps à faire ses vocalises.
Avant-hier, Stéphane a enlevé tous ses vêtements puis, torse nu, il s'est mis à pousser un la.
-Laaaaaaa! Laaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa! Laaaaaaaaaaaaaaaaaa!
Enfin, plusieurs las. Il me faisait rire de bon coeur. Je vous rappelle qu'il était torse nu, la main droite en l'air, imitant sans doute la gestuelle de Luciano Pavarotti.
-Laaaaa! Laaaaaaa! Laaa-AAAa-aaa!
-Tu es sur la bonne note mon chum. Continue d'même! que je lui ai dit.
Du coup, Stéphane m'a regardé par-dessus ses lunettes et il s'est arrêté tout net de chanter. Comme si je lui faisais peur. Ce qui n'était vraiment pas dans mon intention.
Constatant qu'il était torse nu, il a repris ses vêtements et les a retournés plusieurs fois avant que de les enfiler, comme s'il craignait de les mettre à l'envers. Stéphane enfila son tee-shirt, puis son chandail, son passe-montagne et enfin son manteau, sa calotte de baseball, ses lunettes. Puis la bus nous ramassa tous les deux.
Hier matin, le même manège recommence. Stéphane fait encore son Caruso. Sauf qu'il ne se contente plus de donner le la. Je m'étonne de l'entendre crier des jurons bien décapants, qu'il chante sur un air d'opéra, sur un la prolongé, la seule note qu'il connaisse semble-t-il.
-Mes hosties d'tabarnaaaaaaaaa-aaaaks! Mes hosties d'tabarnaaaaaaaaa-aaaaks!
Alors là, il me sciait la jambe. J'étais plié en deux. Je ne riais pas tant de lui, mais de la situation. Et tous ceux qui attendaient la bus, bien sûr, se fendait la gueule. Je l'enviais d'être trisomique pour avoir ce droit de privilège de crier «mes hosties d'tabarnak!», pour plusieurs raisons: le monde qui se bouscule pour prendre la bus, les automobilistes qui passent proche de t'écraser, le maire Lévesque et ses conseillers.
-Mes hosties d'tabarnaaaaaaaaa-aaaaks! Mes hosties d'tabarnaaaaaaaaa-aaaaks!
Stéphane venait d'égayer notre matinée. Personne ne se sentait visé. Et tout le monde s'est mis à se parler.
-Si y'est drôle lui! I' chante tout l'temps d'même, tous 'es jours! Ha! Ha! déclara une dame qui portait un uniforme de chez Tim Horton's.
-Mes hosties d'tabarnaaaaaaaaa-aaaaks! Mes hosties d'tabarnaaaaaaaaa-aaaaks! chantait Stéphane.
-Ha! Ha! Ha! Hu! Hu! Ho! Ho! que je disais.
Et ça m'a résonné dans la tête toute la journée, jusqu'à ce matin: mes hosties d'tabarnaks! MES HOSTIES D'TABARNAKS!
DISCUSSION À L'ENTRACTE AVEC UN CHAUFFARD D'AUTOBUS
Tandis que Stéphane chantait avec fougue et ardeur, je reconnais un chauffard d'autobus qui attend lui aussi l'arrivée de la bus pour remplacer le chauffeur.
Je dis chauffard parce qu'il conduit mal. Il n'a que deux vitesses: au fond Léon ou arrêt total. Quand c'est lui qui conduit la bus, on a l'impression d'être dans un wagon à bestiaux. La viande revole de tous bords tous côtés. On se pète le front. On passe presqu'au travers du pare-brise.
C'est un chauffard, malheureusement, mais c'est aussi le seul que je connaisse qui remette les voyous à leur place dans la bus. Un défaut ne vient pas sans une qualité. Et lui, le chauffard, que je n'identifierai pas pour des raisons de sécurité, eh bien il ne craint jamais d'expulser les connards de son autobus.
-On n'est pas à Montréal ici. On est à Twois-Wivièwes. Allez vous-en là-bas si vous voulez mener le trouble mes tabarnaks!
C'est le discours qu'il tient aux délinquants, mon chauffard d'autobus. Et juste pour ça que je me suis dit que je lui en devais une.
L'idée m'a pris de le complimenter indirectement.
-Y'a des chauffeurs d'autobus qu'on dirait qu'i' ont eu leur permis d'conduire dans une boîte de Cracker Jack tabarnak! Une chance que toé t'es pas d'même... Ça fait une couple de fois que j'embarque avec toé, pis j'me rends compte que tu conduis ben pis qu'tu fais respecter l'ordre dans ta bus. J'me sens moins tout seul pour les remettre à leu' place.
-Ouin... que me dit le chauffard. Pis l'maire Lévesque a abandonné le projet de faire un terminus au centre-ville! Juste surprenant qu'parsonne encore sèye mort au coin de St-Georges et Badeaux, aux heures de la sortie des bureaux... Christ! Une ville de cent trente-cin' milles parsonnes pis pas d'terminus d'autobus, les carosses de bébés pis les vieilles madames parmi les chars...
-Ça prend des hosties d'tabarnaks! que je lui ai répondu. En tout cas, moé j'voulais juste te dire que tu conduis ben pis qu't'es pas un hostie d'niaiseux qui chauffe mal.
La bus arrive. Mon chauffard prend le volant. Je vais m'asseoir derrière. Une autre trisomique, qui n'a rien à voir avec Stéphane, vient s'asseoir à mes côtés. Je pense qu'elle travaille au centre d'achats. Enfin! La bus démarre tout en douceur et, tout le long du trajet, je voyage l'esprit en paix, comme si le chauffeur était subitement devenu ce qu'il doit être.
Je suis vraiment rusé comme un renard. Surtout le matin où je n'aime pas me faire trop brasser.
Essayez mon truc: ça marche!
Faites semblant de vanter les personnes qui vous épuisent. Trouvez-leur les qualités que vous souhaiteriez qu'elles aient et faites semblant de leur accoler ces qualités. Je vous le dis, elles vont changer.
-C'est l'jour pis 'a nuite à c't heure comparez à y'avant! direz-vous.
Et vous aurez raison.
RIDEAUX
Bon, c'est l'temps de vous quitter.
Je me demande bien ce que va chanter l'ami Stéphane ce matin...
Kwai cher Makwa
RépondreEffacerTainkyou!
Le rire est toute une "medecine".
Je néglige mon blog ces jours-ci parce que je suis pas mal occupé.
J'ai hâte d'y revenir.