jeudi 23 octobre 2008
RETOUR SUR VAUTOUR
J'ai lu le roman Vautour de Christian Mistral la semaine dernière. J'ai retrouvé le climat de mes vingt ans. On est à peu près du même âge, même que je suis plus jeune que lui quoi. Et j'ai plongé dans Vautour pour y retrouver ma jeunesse, ma Bohême et une parabole sur les rêves déçus de ceux et celles que j'ai côtoyés dans le vin, l'art et les paradis artificiels.
D'abord, et je l'ai écrit à ce bon vieux Mistral, Vautour m'a immédiatement rappelé Scènes de la vie de Bohême de Henri Murger. Non pas qu'il l'ait copié, mais il y a une certaine parenté littéraire, une poursuite du même thème à une autre époque, une sensibilité et un lyrisme très semblables.
J'ai écrit à Mistral après avoir terminé Vautour, que je n'avais pas encore lu pour la simple et bonne raison que je n'étais pas au Québec à l'époque. C'est passé tout droit, comme les romans de Louis Hamelin qui ont fait suite à La Rage que je devrai bientôt me claquer d'une traite pour me remettre à jour. Sans compter Éric McComber... Et André Pronovost... Et René-Daniel Dubois... Et Jean Barbe... J'accuse du retard en littérature québécoise, je le sais, mais il me fallait Mistral pour me faire délaisser mes auteurs russes préférés un moment, le temps de me rendre compte qu'il s'est passé quelque chose dans nos arts et nos lettres que je n'ai pas vu venir, peut-être parce que je n'étais pas «là», tout simplement.
Je ne vous livrerai pas ma correspondance avec Mistral, quand je lui ai mentionné que j'avais terminé de lire Vautour. Mais je puis vous dire qu'il n'a pas attendu longtemps pour sortir sur son blogue la photo d'un type assis sur la tombe de... Henri Murger. Un clin d'oeil qui ne m'était pas adressé mais que j'ai pris personnel. Enfin! Laissons faire cette inside joke. Je n'y ai rien compris moi-même.
Si Murger avait vécu de nos jours, il aurait délaissé ses commentaires sur Virgile et Ovide pour mieux se concentrer sur la description de ses personnages. Ses poètes et ses philosophes qui ne paient pas leur loyer seraient devenus des romanciers ou des guitaristes qui... ne paient pas leur loyer!
C'est ce que Mistral a fait avec Vautour, décrire un personnage de sa propre vie de Bohême, le décrire finement, avec humanité. Concentré son attention sur Vautour, un gars au coeur fragile, mécaniquement parlant, qui voudrait devenir une icône de la musique rock, au moment même où le narrateur, Mistral, est sur le point de devenir une icône de la littérature québécoise. Il y a là tout ce que souhaiterait Hegel: une thèse, une antithèse et une synthèse.
Ce qui me frappe avec ce satané Mistral, c'est la grande marge qu'il peut y avoir entre le personnage public et l'écrivain. Ce qui fait qu'à la grand' messe, à Tout le monde en parle en l'occurrence, on s'attarde plus sur des détails saugrenus plutôt que sur son oeuvre littéraire, ses mots, sa plume. Et c'est dommage. Dommage pour moi je veux dire. Parce que c'est par sa plume qu'il surprend le mieux, qu'il étonne, qu'il détonne dans le paysage littéraire.
Vautour est une version actualisée de Scènes de la vie de Bohême et on y trouve même un soupçon de Chatterton, du moins pour l'introduction qu'avait écrite Alfred de Vigny pour sa pièce de théâtre qui a peut-être mal vieillie.
Vautour et Chatterton ne feront pleurer personne. Mais ils témoignent tous deux d'une même quête d'authenticité artistique, des heures et des heures d'écriture, de grattage de guitare, des heures que l'honnête homme compte en fronçant les sourcils, en pointant sa montre, en disant qu'il est grand temps d'aller au travail, de lever des boîtes, de tourner des boulettes au restaurant.
***
Maintenant que j'ai fini Vautour, j'ai six autres livres à manger, comme l'apôtre Jean dans l'Apocalypse.
J'ai Sylvia au bout du rouleau ivre, un autre roman de Mistral, vous savez bien.
Puis j'ai Antarctique de Éric McComber.
En route vers l'Ouest, de Jim Harrison.
Pierre Radisson, de Donatien Frémont.
Rosebud, de Pierre Assouline.
Et, last but not least, La légende de Bas-de-Cuir de Fenimore Cooper.
Une chance que je lis vite. Parce que Tchékhov aussi m'attend. Et Hamelin. Et Pronovost. Et Barbe. Et Gilgamesh. Et Hermès Trismégiste...
Et ce n'est pas rien... D'autant plus que j'ai mon propre roman à écrire!
Eh bien... Ce coup-ci, je vais te remercier chaleureusement, pour le bien que tu me fais ce matin, dont j'avais sans doute grand besoin, et pour la mémoire de Guy Vautour, qui fut de chair et de sang, pas longtemps, avant que j'en marmorise de mon mieux le souvenir. Tu lui donnes à travers le temps une mesure de cette gloire dont il avait tant soif.
RépondreEffacerToi et moi, ma foi... Gilgamesh et Enkidu à Uruk.
Hé là, là ! Une pile de livres à dévorer, après avoir dévoré Vautour. Du Québécois au menu, ça fait plaisir à entendre !
RépondreEffacerDe mon côté, c'est Valium de Mistral qui est en haut de la pile. J'ai commencé, me suis rendu à la page 35 et je vais être obligée de reculer. Je lisais deux autres romans en même temps et Valium ne me le pardonnait pas. Il exige une attention particulière, exclusive même.
Pour Mistral:
RépondreEffacerÇa me fait plaisir: pour toé, pour Vautour, pour Gilgamesh. Ça fait une mèche qu'il est mort, Gilles Gamesh, mais on en parle encore parce qu'il y avait des scribes pour coucher ça par écrit. On a beau critiquer les scribes, il ne reste qu'eux et les artistes, au fond, pour comprendre une époque et la transfigurer à travers les âges.
I'm pleased for having made your day but all the pleasure was mine for having red your novel, dude.
Pour la version en sumérien, on repassera...
Pour Venise:
T'as raison de dire que ça prend des lecteurs pour faire connaître les auteurs québécois. Il y a toi et Phil qui faites votre part mieux que plusieurs sur votre blogue. Ça mérite un coup de chapeau.
Sur ce, je m'en retourne lire le Poïmandre de Hermès Trismégiste, alias Tôt, alias Mercure.