mercredi 6 août 2008
Souvenirs, souvenirs...
Les souvenirs s'effacent quand on ne dispose pas de suffisamment d'indices pour les raviver. Malheureusement, j'ai vécu ma vie sans appareil-photo. Il ne reste de mes pérégrinations que des dessins, des caricatures, des bandes dessinées, des tableaux, des mots.
J'écris pour redonner un second souffle à mes souvenirs. J'ai quarante ans et déjà je vois poindre la vieillesse à l'horizon, vieillesse qui ni ne me réjouit, ni ne m'effraie. C'est comme ça. Je vieillis.
Et plus je vieillis, plus les souvenirs semblent lointains. Je me rappelle tel ou tel événement extraordinaire de ma vie avec beaucoup de travail, en fouillant dans mes neurones comme vous n'avez pas idée. Il ne me reste parfois qu'un nom et souvent le nom n'est plus là. Une personne que je nommais par son prénom à tous les jours, pendant deux mois, n'est plus dans ma mémoire qu'un visage flou. Quand je me souviens du nom et du prénom, je vais faire un tour sur Google, ben tiens... Alors les souvenirs affluent... «C'est donc ça qu'il est devenu le tabarnak de crosseur...» et toutes sortes de réflexions qui vous passent par la tête quand vous vous rendez compte que les lèche-bottes réussissent plutôt bien leur vie. Ou bien «elle a de maudits gros cernes sous les yeux!» Moi aussi j'en ai, des cernes. Mais pas trop. Je suis gros. Et c'est connu que les gros gardent plus longtemps leur baby face.
Mais ce n'est pas où je veux en venir.
Revenons aux souvenirs.
J'écris tous les jours pour les raviver. Je barbouille des tableaux pour les mêmes raisons. Je m'arrête, dans ma quarantaine, jette un coup d'oeil derrière moi et, sacré nom d'une bonne pipe, ce que j'en ai vécu des moments de grâce. Je ne suis pas riche comme Crésus, mais je suis rempli de souvenirs qui constituent, en soi, toute ma richesse.
Le hic, c'est que mes souvenirs s'effacent...
Des visages se font plus flous...
Des anecdotes quittent peu à peu ma mémoire, comme si je ne les avais pas suffisamment utilisées. Je me sens tenu d'écrire pour ne pas les perdre à jamais.
J'en ai justement une en tête.
Je ne me souviens plus du nom du type.
C'était un grand gaillard d'Edmonton, six pieds cinq quand il était debout, qui était condamné à la chaise roulante suite à un accident. Je l'ai connu, lui aussi, à Whitehorse. Comment s'appelait-il? C'est là qu'il ne me reste que son visage... Si je ne dis rien à son sujet, il ne sera plus là demain, dans mes souvenirs.
Je n'ai pas le choix de poursuivre.
Donc, le grand gaillard était un de mes voisins au Robert Service Campground.
Il savait que j'étais Québécois. Il me saluait toujours en me disant Bonnedjoure tabeurrenak! Ce à quoi je répliquais Ah! Fuck you!
Un jour qu'il était fin saoul, il m'invita à prendre une petite Moose Head avec lui, une célèbre bière des Rocheuses. Parfait. Je prends donc une bière avec le gars d'Edmonton.
Au bout d'un temps, alors qu'il me baragouinait qu'il était fort des bras comme un boeuf depuis son accident, le grand gaillard me proposa de tirer au poignet.
J'ai mis mon bras sur la table. Il a mis le sien. Et j'ai gagné.
Ça l'a mis en tabarnak...
Le voilà qu'il essayait de me crisser un coup de poing sur la gueule!
-You're just a God damn son of a bitch! I'm gonna kill you, you motherfucker!
-Les nerfs mon tabarnak! que je lui ai répondu en français. What's fuckin' wrong with fuckin' you? (J'abusais beaucoup de l'expression fucking en anglais, habitué que je suis de jurer tout le temps en français, comme une personne de peu d'éducation et de très mauvaise vie.)
Évidemment, j'ai crissé mon camp.
J'appris un peu plus tard que le grand gaillard était devenu handicapé suite à une bagarre avec un Québécois francophone qui l'avait jeté dans le feu après lui avoir foutu une raclée... Le Québécois avait-il gagné contre lui au tir au poignet? Avait-il voulu lui péter la figure comme il avait fait avec moi?
Je n'invente rien.
Je vous jure, il y a tout plein d'anecdotes dans ma caboche qui risquent de disparaître si je ne les envoie pas ici, dans mon dépotoir électronique accessible à tous pour mille fois rien.
Excusez-là!
Un mot de Ferré qui correspond bien à mon état d'âme après avoir lu ce matin ton blogue : "On oublie tout, c'est dégueulasse!"
RépondreEffacerC.