Dans les quartiers pauvres, on trouve toutes sortes de personnes. Dont moi-même.
Moi, je ne sais même pas si je suis représentatif de ma classe sociale. J'ai bien sûr ce ton gouailleur ainsi que ces blasphèmes et autres sacres qui jaillissent à torrents de ma bouche. Je suis une armoire à glace de six pieds deux pouces avec des bras noueux parcourus de veines plus gros que des jambons. Par contre, j'ai fait trop d'études pour ne pas être contaminé par les poncifs et les poses de la bourgeoisie, la grande comme la petite. Je suis un ours diplômé...
Je vous épargnerai bien sûr un long et vibrant réquisitoire social puisque vous finiriez par me dire, avec raison, que je m'en fais pour rien. Il est normal qu'il y ait des gens qui soient tenus pour presque rien et c'est comme ça dans les abattoirs comme dans les quartiers pauvres. Cette leçon entre difficilement dans ma tête mais à force de me répéter de telles vomissures je finirai peut-être par m'y habituer et même y prendre plaisir. Il n'y a rien comme faire souffrir les moins chanceux d'entre nous pour se donner un peu de bonne humeur pour commencer sa journée à en faire souffrir toujours plus.
Donc, je ne sais vraiment pas où j'en étais...
Je devais sans doute avoir à vous raconter quelque chose.
Puis j'ai dérapé. Comme d'habitude.
***
Ah oui! J'y suis.
C'était pour vous parler de deux ou trois gars que j'ai connus.
Cela se passait dans les années '80.
Deux sont morts noyés dans le fleuve Magtogoek, à la hauteur de Champlain, défoncés à je ne sais trop quoi.
Un autre est mort en sautant par-dessus un rempart de l'autoroute 755. Il sautait généralement là où il y avait un terre-plein. Mais il s'est trompé de quelques mètres cette fois-là et a fait une chute dans le vide à la hauteur du viaduc.
Un gars efféminé qui faisait rire de lui a été assassiné dans un sauna à Québec.
Un chic type s'est suicidé en se mettant un sac de plastique sur la tête.
Un autre s'est fait éclater la tête par son voisin qui était un peu marteau.
Et puis il y a Chosebine. Je ne vous dirai pas son nom. On jouait au hockey avec au Parc des Pins. C'était un bon gars. Puis un jour il s'est mis à vendre de la dope. Puis quelques jours ou années plus tard, sa copine se faisait assassiner chez-elle tandis que lui, eh bien, on ne l'a jamais retrouvé. Certains crurent que c'était lui l'assassin. Mais tout le monde sait que c'était un règlement de compte. Sa copine s'est fait tirer et lui repose peut-être dans le fleuve, dans un sac de couchage, comme X, Y ou Z qui ont eu le malheur de cogner trop fort à la porte du dealer de poudre à cinq heures du matin.
Je pourrais aussi vous parler d'Untel et Unetelle: braquage de banque, vol dans les dépanneurs, prostitution, proxénétisme et j'en passe...
Je pourrais vous raconter toutes sortes de violences gratuites survenues devant mes yeux au cours de mon enfance dans un quartier pauvre.
Dans un quartier où il y avait 40% de chômage, de 1981 jusqu'à tout récemment. Toutes les usines ont fermé et, du coup, tout le monde s'est mis à voler. C'est aussi simple que ça.
Mais à quoi bon? Ça n'intéresserait que ceux et celles qui n'ont rien. Et encore! Ils ont besoin de rêver eux aussi.
À vrai dire, je vous raconte n'importe quoi.
Ces tranches de vie coupantes comme le fil d'un rasoir sont faites pour les tribunaux, pas pour les gens ordinaires comme vous et moi.
Comme vous et moi qui lisions des romans tandis que les autres s'arrachaient la tête ou se défonçaient en sniffant de la colle dans le Parc des Pins.
Ce qui est tout à fait raisonnable, somme toute.
Comme il est raisonnable que les pas de chance trouvent un peu d'espoir chez des brutes qui les habillent en noir en leur donnant de grandes tapes dans le dos.
-Personne s'occupait de toé mon gars? Nous autres on va s'occuper de toé... Bienvenue dans la familia!
Jusqu'à ce qu'on le retrouve dans le fleuve, petit soldat mort au front pour une guerre qui n'était pas la sienne.
Les pauvres servent toujours de chair à canon pour tout le monde. C'est pas nouveau.
Eh misère!
vendredi 28 février 2020
jeudi 27 février 2020
Trois vénérables vieillards au Super Calice
J'ai fait mes courses au Super Calice hier.
Le Super Calice est le géant alimentaire qui nourrit la P'tite Pologne, Notre-Dame-des-Sept-Allégresses, Sainte-Cécile et le centre-ville de Trois-Rivières. Il n'y a presque rien autour. Sinon le IGA en bas de la Côte-à-deux-fesses. Mais bonne chance pour s'y rendre pour un piéton. On y risque sa vie puisqu'on doit traverser à une bretelle d'autoroute. Ça roule comme des fous dans ce coin-là. Alors, fuck le IGA. Je vais au Super Calice quand je suis à pied.
Je ne vous raconte pas tout ça pour vous emmerder avec ma vie. Bien au contraire. J'aurai tôt fait de m'effacer. Il me fallait seulement établir le décor.
Au Super Calice, hier, donc.
C'était le jour des chèques de pension de vieillesse.
Je ne fus donc pas étonné de tomber sur un vénérable vieillard alors que j'attendais mon taxi dehors après y avoir fait ma grosserie.
Il était petit, plutôt svelte, avec un air de Olivier Guimond en plus vieux. Il souriait à plein dentier.
-Lequel des carosses qui roulent le mieux? Héhé!
-Celui qui a un circulaire d'épicerie dedans, que je me fis la joie de lui répondre du tac au tac, héhé!
-Ah bin c'est-tu vrai comme ça qu'i' roulent mieux? Héhé!
-Oui parce qu'autrement on ne s'en sert pas... Héhé!
Le vénérable vieillard au faciès hilare s'empara de son chariot de magasinage mais s'arrêta subitement à la vue de son vieux camarade Hilarion, un monsieur tout maigre au dos recourbé qui n'avait pas l'air fort fort.
-Ah bin si c'est pas Hilarion! Héhé!
-Salut Mau..auf,,auf... Maurice...toussa-t-il.
-Heille! Tu m'vois mais vrai comme j'suis là j'serais supposé être mort! En décembre mon doc m'a dit va faire ton tapis roulant à Sainte-Marie... J'fais mon tapis roulant la journée même caltor pis... bang! Crise cardiaque presque. Le médecin me dit Monrial ou Québec?
-Comment ça? rétorque Hilarion.
-Bin parce qu'ils débouchent le coeur à Monrial ou Québec... Monrial ou Québec? me d'mande el' doc. Ça fait que j'lui dis Québec parce qu'on m'a dit qu'à Québec i' gardent el' monde plus longtemps qu'à Monrial. À Monrial i' t'les tchippent tout suite chez-eux pis envoueille-don' toé chose.
-Moé mon coeur est rendu à quinze pourcent... kof! kof! ajouta Hilarion.
Puis Johnny s'ajouta au cercle des vénérables vieillards. C'était un vieux bonhomme à la barbe blanche qui semblait plutôt vigoureux bien qu'il fusse plutôt petit.
-Ah bin Johnny! J'racontais à Hilarion qu'j'ai failli mourir d'une crise de coeur en décembre! Héhé!
-Ah bin moé Maurice j'ai quatre-vingt-seize ans pis i' m'ont ouvert le coeur y'a quatorze ans... El' docteur m'avait dit que ça s'rait bon pour douze ans pis baptince chu encore là! Haha!
Mon taxi arriva. Je saluai les trois vénérables vieillards du Super Calice qui en avaient sûrement encore pas mal long à se raconter.
lundi 24 février 2020
L'ère des émotions et poèmes clandestins
Je vis à l'ère des émotions et poèmes clandestins.
Alors que tout broie tout un chacun, il ne me reste que les vers.
Et ces vers, aussi pitoyables soient-ils, sont toute la beauté du monde que je puisse m'offrir.
Ces vers, comme ces tableaux ou ces musiques, sont tout ce qu'il me reste de beau à vous donner, que vous en vouliez ou pas.
Je n'ai rien d'autre.
Comme vous, je suis dépossédé. Comme vous, je ne m'appartiens plus. Nous sommes tous les valets de quelques saigneurs de la Terre qui nous traitent comme des chiens galeux. Vous le savez. Je le sais. Et on se demande tous et toutes pourquoi personne ne fait rien. Comme si nous attendions le Messie qui viendra chasser les marchands du temple, les banquiers, les mafieux et autres gredins du complexe militaro-industriel mondial. Le Messie, c'est vous mais vous ne le savez pas encore. Ni moi d'ailleurs. Nous sommes tous les rédempteurs de ce monde qui nous échappe par négligence éhontée.
J'erre en ce monde comme si j'avais été chassé du paradis dans les années '70.
Il n'y a plus d'abeilles.
Il n'y a plus d'ours blancs.
Il n'y a plus rien que la gestion d'une extinction qui prendra un siècle ou moins.
Dans ce monde pitoyable, j'erre sur les parkings en y cherchant des arbres.
Je vois des politiciens se faire élire en chiant dans la bouche des électeurs qui en redemandent.
Et je me dis que dans un monde aussi vil, aussi mesquin, il faut raser les murs pour éviter de tomber sur les nouvelles sections d'assaut du crime organisé encouragé par les mercenaires des magnats des organes officiels de communication.
Que faire sinon des poèmes sur les barricades?
Se battre sans espérer gagner.
Perdre en invoquant les Mânes de la Justice, de la Solidarité et de la Liberté. Offrir sa poitrine aux balles lors des pelotons d'exécution.
C'est un sale temps pour les poètes.
Et c'est aussi le meilleur temps pour les poètes.
Se payer le luxe de penser et de vivre en artiste dans ce monde rampant est un défi lancé à l'univers tout entier.
Se battre... Rêver... Produire de la beauté contre vents et marrez-vous donc tout seul, ignobles crétins sans âme...
La Beauté sauvera mon monde.
C'est ma seule certitude.
Que l'autre monde s'enfonce sans moi dans sa douleur et sa violence sans limites.
Je travaille désormais pour mon monde.
Je le bâtis dans ma tête où il périra à 451 degrés Fahrenheit s'il le faut.
J'écris n'importe quoi, c'est vrai.
Mais ce n'importe quoi, aussi prosaïque soit-il, me tient en vie malgré le monde, malgré la vie que l'on nous fait mener.
Il manque des rimes à ce poème.
Vous les trouverez où vous le pourrez.
Suffit de jouer un peu de guitare en claquant des doigts.
Alors que tout broie tout un chacun, il ne me reste que les vers.
Et ces vers, aussi pitoyables soient-ils, sont toute la beauté du monde que je puisse m'offrir.
Ces vers, comme ces tableaux ou ces musiques, sont tout ce qu'il me reste de beau à vous donner, que vous en vouliez ou pas.
Je n'ai rien d'autre.
Comme vous, je suis dépossédé. Comme vous, je ne m'appartiens plus. Nous sommes tous les valets de quelques saigneurs de la Terre qui nous traitent comme des chiens galeux. Vous le savez. Je le sais. Et on se demande tous et toutes pourquoi personne ne fait rien. Comme si nous attendions le Messie qui viendra chasser les marchands du temple, les banquiers, les mafieux et autres gredins du complexe militaro-industriel mondial. Le Messie, c'est vous mais vous ne le savez pas encore. Ni moi d'ailleurs. Nous sommes tous les rédempteurs de ce monde qui nous échappe par négligence éhontée.
J'erre en ce monde comme si j'avais été chassé du paradis dans les années '70.
Il n'y a plus d'abeilles.
Il n'y a plus d'ours blancs.
Il n'y a plus rien que la gestion d'une extinction qui prendra un siècle ou moins.
Dans ce monde pitoyable, j'erre sur les parkings en y cherchant des arbres.
Je vois des politiciens se faire élire en chiant dans la bouche des électeurs qui en redemandent.
Et je me dis que dans un monde aussi vil, aussi mesquin, il faut raser les murs pour éviter de tomber sur les nouvelles sections d'assaut du crime organisé encouragé par les mercenaires des magnats des organes officiels de communication.
Que faire sinon des poèmes sur les barricades?
Se battre sans espérer gagner.
Perdre en invoquant les Mânes de la Justice, de la Solidarité et de la Liberté. Offrir sa poitrine aux balles lors des pelotons d'exécution.
C'est un sale temps pour les poètes.
Et c'est aussi le meilleur temps pour les poètes.
Se payer le luxe de penser et de vivre en artiste dans ce monde rampant est un défi lancé à l'univers tout entier.
Se battre... Rêver... Produire de la beauté contre vents et marrez-vous donc tout seul, ignobles crétins sans âme...
La Beauté sauvera mon monde.
C'est ma seule certitude.
Que l'autre monde s'enfonce sans moi dans sa douleur et sa violence sans limites.
Je travaille désormais pour mon monde.
Je le bâtis dans ma tête où il périra à 451 degrés Fahrenheit s'il le faut.
J'écris n'importe quoi, c'est vrai.
Mais ce n'importe quoi, aussi prosaïque soit-il, me tient en vie malgré le monde, malgré la vie que l'on nous fait mener.
Il manque des rimes à ce poème.
Vous les trouverez où vous le pourrez.
Suffit de jouer un peu de guitare en claquant des doigts.
mercredi 19 février 2020
Jacquelin Dubé n'était pas homme à se laisser abattre
Jacquelin Dubé n'était pas homme à se laisser abattre.
Il avait tout perdu. Tout. Et quand je dis tout c'est tout.
Il n'avait même plus de dents. Et presque plus rien à se mettre sur le dos.
Tout y était passé. Tout.
Il y avait eu la maladie, le feu, le divorce, la mort de tout le monde, puis lui, tout fin seul, avec rien de rien.
Et pourtant, lui, Jacquelin Dubé, quatre-vingt-huit ans, analphabète et édenté, il n'allait pas se laisser abattre.
-On a des milles pis des cents qui sont morts qui se pensaient beaux pis fins pis toutte pis moé chu là avec rien, pas d'dents, pas d'linge, pas d'maison. Rien qu'une chambre... Un radio... Pis une chaise barçante raboudinée... J'ai rien calice mais au moins j'ai la sainte crisse de paix pis j'vis ma vie en attendant d'passer d'l'autr' bord. C'est ça qui est ça. Chu pas el' gars qui va se la bâdrer avec ça saint-étole de viarge!
Oui, c'est ça qui est ça monsieur Dubé.
Que dire de plus?
Jacquelin Dubé n'était pas homme à se laisser abattre.
Des aventures il en avait eues à vous en raconter des millions mais à quoi bon?
Jacquelin Dubé s'épuisait au bout de trois phrases. Il en avait bien dit assez.
Il ne se laissait pas abattre parce qu'il le disait lui-même.
Vous pouvez croire le contraire.
Ou bien médire.
Qu'en savez-vous d'être vieux, hein?
J'oubliais d'ajouter que Jacquelin Dubé était de taille moyenne et ne portait jamais de vêtements colorés. De plus, il n'écoutait que la musique à la radio et changeait de poste dès que l'animateur ou l'animatrice placotait trop longtemps.
Il faisait des patiences aux cartes toute la journée.
Il ne savait pas lire, évidemment.
Et il n'avait pas besoin de télévision.
Ni de se laisser abattre.
Jacquelin Dubé n'était pas homme à se laisser abattre.
Je vous le dis et le répète.
Voilà.
Oui, c'est ça qui est ça monsieur Dubé.
Que dire de plus?
Jacquelin Dubé n'était pas homme à se laisser abattre.
Des aventures il en avait eues à vous en raconter des millions mais à quoi bon?
Jacquelin Dubé s'épuisait au bout de trois phrases. Il en avait bien dit assez.
Il ne se laissait pas abattre parce qu'il le disait lui-même.
Vous pouvez croire le contraire.
Ou bien médire.
Qu'en savez-vous d'être vieux, hein?
J'oubliais d'ajouter que Jacquelin Dubé était de taille moyenne et ne portait jamais de vêtements colorés. De plus, il n'écoutait que la musique à la radio et changeait de poste dès que l'animateur ou l'animatrice placotait trop longtemps.
Il faisait des patiences aux cartes toute la journée.
Il ne savait pas lire, évidemment.
Et il n'avait pas besoin de télévision.
Ni de se laisser abattre.
Jacquelin Dubé n'était pas homme à se laisser abattre.
Je vous le dis et le répète.
Voilà.
jeudi 6 février 2020
Joseph Fréchette
Il ne savait plus où il était.
Il avançait péniblement en se tenant après un chariot d'épicerie.
Tout autour de lui était blanc, aseptisé, étrange et inhospitalier.
Ça criait. Ça riait à coups de miasmes. On y vomissait des ectoplasmes.
Il devait rentrer au travail.
Sa fille n'avait que trois ans.
Il en avait quoi? vingt-six ans? Il ne se rappelait plus de son âge. Ni de sa date de naissance. Tout était confus. Était-ce la guerre, la fin du monde, l'apocalypse ou rien de tout ça?
-Monsieur Fréchette... Monsieur Fréchette...
C'était lui, lui semblait-il, Monsieur Fréchette... À moins que ce ne soit son père. Lui on l'appelait encore Ti-Jos Fréchette.
-Qu'est-ce que vous lui voulez à Monsieur Fréchette? répondit-il au gars vêtu d'un pyjama vert olive qui le regardait en lui tendant un contenant de pilules.
-Monsieur Joseph Fréchette?
-Oui... Oui Ti-Jos Fréchette... C'est moi... Que me voulez-vous?
-C'est l'heure de vos médicaments monsieur Fréchette...
Il ne savait plus où il était.
Et peut-être en valait-il mieux ainsi.
Il se laissa conduire jusqu'à sa chambre.
Le type lui ôta ses souliers, ses vêtements, son dentier...
-J'ai quel âge moé don'? Pis faut que j'aille m'occuper de ma fille... Elle a juste trois ans...
-Vous avez 92 ans monsieur Fréchette... Vous êtes au Centre Robert-Hubert...
-92 ans? Voyons don'! J'ai 26 ans moé monsieur! Pis si vous pensez que j'va's rester icitte dans votre maison de fous vous vous mettez un doigt dans l'oeil! Robert Hubert! Un vrai bandit c'gars-là! Il avait un restaurant en bas de la côte... Il organisait des parties de cartes...
Évidemment il bafouillait un peu et son élocution était marquée par l'absence de ses dents.
Joseph Fréchette s'est endormi après avoir pris sa médication.
Il était le dernier survivant de sa famille.
Sa fille était morte depuis bientôt quinze ans.
Sa conjointe aussi.
Il n'y avait plus que lui-même dans la vie.
Et un travailleur social pour unique personne à contacter dans son dossier en cas d'accident ou de transfert à l'hôpital.
Il avançait péniblement en se tenant après un chariot d'épicerie.
Tout autour de lui était blanc, aseptisé, étrange et inhospitalier.
Ça criait. Ça riait à coups de miasmes. On y vomissait des ectoplasmes.
Il devait rentrer au travail.
Sa fille n'avait que trois ans.
Il en avait quoi? vingt-six ans? Il ne se rappelait plus de son âge. Ni de sa date de naissance. Tout était confus. Était-ce la guerre, la fin du monde, l'apocalypse ou rien de tout ça?
-Monsieur Fréchette... Monsieur Fréchette...
C'était lui, lui semblait-il, Monsieur Fréchette... À moins que ce ne soit son père. Lui on l'appelait encore Ti-Jos Fréchette.
-Qu'est-ce que vous lui voulez à Monsieur Fréchette? répondit-il au gars vêtu d'un pyjama vert olive qui le regardait en lui tendant un contenant de pilules.
-Monsieur Joseph Fréchette?
-Oui... Oui Ti-Jos Fréchette... C'est moi... Que me voulez-vous?
-C'est l'heure de vos médicaments monsieur Fréchette...
Il ne savait plus où il était.
Et peut-être en valait-il mieux ainsi.
Il se laissa conduire jusqu'à sa chambre.
Le type lui ôta ses souliers, ses vêtements, son dentier...
-J'ai quel âge moé don'? Pis faut que j'aille m'occuper de ma fille... Elle a juste trois ans...
-Vous avez 92 ans monsieur Fréchette... Vous êtes au Centre Robert-Hubert...
-92 ans? Voyons don'! J'ai 26 ans moé monsieur! Pis si vous pensez que j'va's rester icitte dans votre maison de fous vous vous mettez un doigt dans l'oeil! Robert Hubert! Un vrai bandit c'gars-là! Il avait un restaurant en bas de la côte... Il organisait des parties de cartes...
Évidemment il bafouillait un peu et son élocution était marquée par l'absence de ses dents.
Joseph Fréchette s'est endormi après avoir pris sa médication.
Il était le dernier survivant de sa famille.
Sa fille était morte depuis bientôt quinze ans.
Sa conjointe aussi.
Il n'y avait plus que lui-même dans la vie.
Et un travailleur social pour unique personne à contacter dans son dossier en cas d'accident ou de transfert à l'hôpital.
mardi 4 février 2020
Ma culture
La culture n'est pas quelque chose que l'on te rentre de force dans la gorge jusqu'à ce que tu en chies par la bouche. Il est facile de confondre la culture avec la logorrhée, d'autant plus que l'on ne fait que ça: chier par la bouche, jour après jour, quel que soit le médium employé.
Les grandes entreprises de communication se chargent de mettre à l'avant-plan toute une pléthore de larbins qui chient par la bouche leur dédain des droits civiques, leur mépris de la compassion, leur haine de la solidarité.
C'est à qui prêchera le plus grand renversement de toutes les valeurs en se donnant des airs de philosophie à coups de marteaux sur la tête. Briser des vies. Fendre des crânes. Rire des autres.
Pas besoin d'être Érasme pour avoir compris que nous sommes entourés de fous et autres pervers narcissiques auxquels l'on ne devrait attribuer aucun pouvoir.
Ils se chargent, ces ridicules petits potentats, de définir la culture selon les critères de leur cénacle pourri de triples cons.
Je m'en contrecalisse de cette culture que l'on confond avec le salut au drapeau et autres génuflexions institutionnelles pour cerveaux à mener docilement vers l'abattoir.
Ma culture c'est autant Les misérables de Victor Hugo que l'album Never Mind the Bullocks du groupe Sex Pistols. Ma culture ce sont les paroles de l'Évangile et parfois celles de Diogène, Sitting Bull ou Louise Michel. Je n'appartiens à rien ni à personne sacrament. Je suis, à l'instar de Panaït Istrati, «l'homme qui n'adhère à rien». Cela ne me rend pas moins à mon devoir de défendre la justice et la liberté, mais c'est selon mon interprétation, selon ma culture. Mon adhésion n'est pas gratuite pour les conneries institutionnelles et autres prétextes à baiser le cul d'incompétents insignifiants qui portent des uniformes pour se donner des airs. Leurs médailles et leurs effets de toge ne cachent pas leur profonde fatuité qui fait bayer aux corneilles. Ce n'est pas parce qu'on ne dit rien devant un con que ce n'est pas un con. Il y a des limites à expliquer la vie aux cons. Et cette limite, c'est vivre sa vie en les regardant se planter tout seul comme des cons.
Ma culture, c'est prendre la clé des champs.
Ma culture, c'est fuir cette civilisation anxiogène, spirituellement et physiquement si les conditions se présentent.
Ma culture, c'est discuter avec un itinérant sur le bord de la rue en lui parlant de la pluie et du beau temps comme s'il était mon voisin que je croisais tous les jours.
Ma culture, c'est aimer son prochain. That's it that's all. Pis mangez d'la marde si vous voulez vivre une vie de marde avec une morale de bouette. Je vais planter ma graine tous les jours comme Elzéar Bouvier et puis il y aura une forêt ou bien un pissenlit, mais quelque chose au bout de tout ça. Et même s'il n'y avait rien, il resterait encore ce texte sur le ouèbe. Et même encore... Qu'est-ce que j'en ai vraiment à cirer? L'essentiel consiste à faire le bien autour de soi et à ne pas fermer les yeux ou le coeur devant les injustices. Être toujours prêt à entonner son chant de la mort parce qu'on ne sait pas quand on lèvera les pattes d'ici-bas.
Ma culture, c'est Lee Scratch Perry qui chante ses dubs déjantés tandis que j'écris ces lignes.
Ma culture, c'est l'Afrique, l'Asie, l'Europe, l'Océanie et l'Île de la Tortue.
Ma culture, c'est une toponymie autochtone qui n'honore aucun nom propre pour que l'homme affirme son humilité et son respect face au Grand cercle de la Vie.
Ma culture, c'est de mes affaires.
Je ne l'impose à personne.
Ça ne regarde que moi.
Et vous.
Les grandes entreprises de communication se chargent de mettre à l'avant-plan toute une pléthore de larbins qui chient par la bouche leur dédain des droits civiques, leur mépris de la compassion, leur haine de la solidarité.
C'est à qui prêchera le plus grand renversement de toutes les valeurs en se donnant des airs de philosophie à coups de marteaux sur la tête. Briser des vies. Fendre des crânes. Rire des autres.
Pas besoin d'être Érasme pour avoir compris que nous sommes entourés de fous et autres pervers narcissiques auxquels l'on ne devrait attribuer aucun pouvoir.
Ils se chargent, ces ridicules petits potentats, de définir la culture selon les critères de leur cénacle pourri de triples cons.
Je m'en contrecalisse de cette culture que l'on confond avec le salut au drapeau et autres génuflexions institutionnelles pour cerveaux à mener docilement vers l'abattoir.
Ma culture c'est autant Les misérables de Victor Hugo que l'album Never Mind the Bullocks du groupe Sex Pistols. Ma culture ce sont les paroles de l'Évangile et parfois celles de Diogène, Sitting Bull ou Louise Michel. Je n'appartiens à rien ni à personne sacrament. Je suis, à l'instar de Panaït Istrati, «l'homme qui n'adhère à rien». Cela ne me rend pas moins à mon devoir de défendre la justice et la liberté, mais c'est selon mon interprétation, selon ma culture. Mon adhésion n'est pas gratuite pour les conneries institutionnelles et autres prétextes à baiser le cul d'incompétents insignifiants qui portent des uniformes pour se donner des airs. Leurs médailles et leurs effets de toge ne cachent pas leur profonde fatuité qui fait bayer aux corneilles. Ce n'est pas parce qu'on ne dit rien devant un con que ce n'est pas un con. Il y a des limites à expliquer la vie aux cons. Et cette limite, c'est vivre sa vie en les regardant se planter tout seul comme des cons.
Ma culture, c'est prendre la clé des champs.
Ma culture, c'est fuir cette civilisation anxiogène, spirituellement et physiquement si les conditions se présentent.
Ma culture, c'est discuter avec un itinérant sur le bord de la rue en lui parlant de la pluie et du beau temps comme s'il était mon voisin que je croisais tous les jours.
Ma culture, c'est aimer son prochain. That's it that's all. Pis mangez d'la marde si vous voulez vivre une vie de marde avec une morale de bouette. Je vais planter ma graine tous les jours comme Elzéar Bouvier et puis il y aura une forêt ou bien un pissenlit, mais quelque chose au bout de tout ça. Et même s'il n'y avait rien, il resterait encore ce texte sur le ouèbe. Et même encore... Qu'est-ce que j'en ai vraiment à cirer? L'essentiel consiste à faire le bien autour de soi et à ne pas fermer les yeux ou le coeur devant les injustices. Être toujours prêt à entonner son chant de la mort parce qu'on ne sait pas quand on lèvera les pattes d'ici-bas.
Ma culture, c'est Lee Scratch Perry qui chante ses dubs déjantés tandis que j'écris ces lignes.
Ma culture, c'est l'Afrique, l'Asie, l'Europe, l'Océanie et l'Île de la Tortue.
Ma culture, c'est une toponymie autochtone qui n'honore aucun nom propre pour que l'homme affirme son humilité et son respect face au Grand cercle de la Vie.
Ma culture, c'est de mes affaires.
Je ne l'impose à personne.
Ça ne regarde que moi.
Et vous.