Cela fait quelques temps que je réfléchis à rédiger un billet qui ne m'attirera pas une armée de trolls en colère prêts à déchirer leur chemise et la mienne par-dessus le marché. Je crois avoir trouvé ce sujet après des nuits d'insomnie et des jours vides. Il s'imposait de lui-même, ce sujet. Je m'étonne même d'en avoir parlé si peu alors qu'il occupe la majeure partie de mes réflexions, voire de mes actions. Je vais bien sûr parler de la bouffe...
Ma vie est modulée par la bouffe depuis ma plus tendre enfance.
J'ai toujours été gourmand. À la limite d'être gargantuesque dans mon approche ingestive.
Tout jeune, j'accompagnais mon père et ma mère pour les aider à ramener l'épicerie puisque nous n'avions pas d'auto.
Mon père allait m'acheter une liqueur orange Crush avec une barre de caramel Toffee si je l'aidais à ramener les huit gros sacs d'épicerie.
J'accompagnais ma mère au marché du centre-ville sur la promesse que je serais récompensé par un hamburger et une root-beer au A&W.
C'était toujours moi qui faisais les commissions au dépanneur pour ma mère. Mes frères n'étaient pas aussi charmés par les promesses d'outremangeur.
-Va me chercher un sac de Fritos pis tu vas pouvoir t'acheter un sac de chips aussi... me disait ma mère.
C'était pareil pour les frites, le poulet à la rôtisserie et la crème glacée.. Je plaignais ma gourmandise de me faire faire toutes les commissions.
Mon premier vrai travail? J'avais 11 ou 12 ans. Je pelletais la devanture de la pâtisserie Au sabot d'or sur la rue Laviolette. La propriétaire, en plus de me donner cinq dollars, me remettait toujours une boîte de petites pâtisseries. J'espérais que la neige tombe comme vous ne sauriez l'imaginer! Seulement pour me claquer des éclairs au chocolat, des babas au rhum, des souris à la pâte glacée, des mille-feuilles, des choux à la crème...
***
Nous n'étions pas riches chez-nous mais nous étions sans doute plus fortunés que la plupart des gens qui vivaient sur notre rue. D'abord parce que le frigidaire était toujours plein à craquer. Et ensuite parce qu'il y avait peu de restrictions alimentaires. Ma mère chialait un petit peu mais mon père souriait de nous voir pleins comme des boudins. C'était la réussite dont il était le plus fier: ses 4 gros et grands garçons avaient accès à du bon manger en quantité industrielle. Ça lui rappelait que dans son temps, à Sayabec, parmi ses 18 frères et soeurs, il n'y avait que de la morue, des patates et de la mélasse à chaque repas, à tous les jours, pendant des mois et des années.
***
Je ne savais pas faire à manger quand j'ai quitté le foyer familial. Ma mère ne voulait pas que je touche aux chaudrons. Alors j'ai commencé par manger des pogos.. Puis des hot-dogs. Au bout de quelques mois, j'ai appris à faire de la sauce à spaghetti. J'en aurai mangé pendant au moins 5 ans, jusqu'à ce que je sorte de l'université.
Aujourd'hui, je fais presque n'importe quoi les deux doigts dans le nez. (Mais je me lave les mains avant que de faire à manger...)
***
Ma blonde a déjà été cuisinière. Je ne savais pas qu'elle savait cuisiner avant que l'on se rencontre. Ce n'est donc pas par l'estomac qu'elle m'a eu. Par contre, je suis allé de surprises en surprises culinaires tout au long des années que j'ai vécues auprès d'elle. Si je sais un peu cuisiner aujourd'hui, elle y est pour beaucoup. Pour quasiment tout à vrai dire.
***
Le poulet jaune est semble-t-il le plat qui s'associe le plus à mon nom. On demande le poulet jaune de Gaétan depuis des années... Il s'agit en fait de poulet cajun, mais bon, le cari lui donne cette coloration jaune qui lui sied bien.
La recette? C'est un secret! Disons qu'il y a six poitrines de poulet coupées en dés, de l'ail, des piments rouges, un peu de miel, du cari, du beurre d'arachides (ou des graines de tournesol) et, bien sûr, de la crème sûre à 1%. On fait cuire le poulet dans un grand wok, on ajoute les piments rouges vers la fin de la cuisson avec le beurre d'arachides, le miel et le cari. Quand c'est cuit et que toute l'eau est évaporée, on ferme le feu et on laisse reposer 3 minutes avant que d'ajouter la crème sûre pour qu'elle puisse lier les éléments entre eux. Sel et poivre au goût.
On sert de grandes louchées de cette mixture sur un lit de riz basmati.
Et c'est délicieux à en lécher l'assiette.
***
Au fait, je suis diabétique.
Je dois contrôler mes glucides.
J'arrive à le faire en étant moins glouton qu'autrefois. Cela relèverait presque du tour de force s'il n'y avait pas tant de bons produits à faire transiter vers notre estomac.
Mes indices glycémiques sont stables depuis 2 ans.
Je ne mange à peu près jamais de desserts, de sucre raffiné et de produits transformés. C'est mon secret et ça fonctionne. J'ai perdu autour de 70 livres en 2 ans.
Je ne bois pas de jus de fruits.
Je mange des fruits crus pour l'effet bénéfique des polyphénols. Et aussi parce que j'aime le goût des fruits à l'état naturel. J'aime mieux manger une chopine de fraises qu'une tarte aux fraises...
Être diabétique et être glouton, ça ne va pas nécessairement bien ensemble.
Aussi, je mange moins, marche plus et salive plus souvent.
Je n'entretiens aucune forme de culpabilité ou d'obsessions de maigrir.
Cela se fait tout seul.
Seuls les idiots pensent arriver à un résultat différent en faisant toujours la même chose...
***
J'ai déjà gagné un concours de buveur de bière. Je ne devrais pas m'en vanter mais j'avais bu quatre gros pichets de bière en moins de 10 minutes. Ça m'a valu une grosse bouteille de vin de 4 litres que j'aurai ensuite dégueulée toute la nuit... J'étais étudiant en philosophie à l'époque et je m'opposais à des participants d'autres concentrations: ingénierie, comptabilité, etc. J'ai sauvé l'honneur de la philosophie ce soir-là qui, à vrai dire, n'en demandait pas tant.
Je pouvais boire autant que le géant Ferré quand j'étais jeune.
Et, maintenant, je me saoule à peine une fois par année. Et une saoulerie tout ce qu'il y a de plus pépère. Même pas de quoi passer une nuit en prison.
***
J'aurais encore des pages et des pages à écrire sur la bouffe.
Je risquerais de vous perdre.
Il faut bien s'en garder pour une prochaine fois, non?
Bonne digestion!
mercredi 28 février 2018
mardi 27 février 2018
Trop ceci et pas assez cela
On ne peut pas plaire à tout le monde.
Et ça tombe bien puisque je ne plais pas à tout le monde.
Je ne recherche aucun conseil, aucune forme d'approbation, aucun soutien, aucun quoi que ce soit.
Je cherche, tout simplement.
Et comme je cherche, je ne me laisse pas embêter par les curieux qui ne cherchent rien d'autre qu'à vous faire cesser de chercher.
Ce n'est pas assez que vous existiez, encore faudrait-il que vous vous fondiez à leur secte.
Ouf! Mais voulez-vous bien me crisser la paix? me dis-je en mon for intérieur.
***
Je ne plais pas à tout le monde.
Je suis sans doute trop ceci ou trop cela.
Ou pas assez ceci ou cela.
Ou ceci plutôt que cela.
Qu'importe.
J'ai l'infini de mon côté.
J'ai tout mon temps.
J'ai ceci ou cela.
***
Est-ce que je ris trop?
Oui. Ceux qui ne rient jamais me le reprochent plus que les autres. Je me demande bien pourquoi.
Est-ce que je mange trop?
Oui. Mais je maigris à force de marcher. Je brûle mes calories. Et puis ça ne regarde personne.
Est-ce que je lis trop, dessine trop, peins trop, écris trop?
Oui. Et après?
Après, rien.
Je suis comme ça.
Et ce n'est plus négociable depuis ma première bouchée.
Ça risque d'être ainsi jusqu'à ma dernière.
Alléluia.
***
Il fallait que ça sorte.
Excusez-la.
Et ça tombe bien puisque je ne plais pas à tout le monde.
Je ne recherche aucun conseil, aucune forme d'approbation, aucun soutien, aucun quoi que ce soit.
Je cherche, tout simplement.
Et comme je cherche, je ne me laisse pas embêter par les curieux qui ne cherchent rien d'autre qu'à vous faire cesser de chercher.
Ce n'est pas assez que vous existiez, encore faudrait-il que vous vous fondiez à leur secte.
Ouf! Mais voulez-vous bien me crisser la paix? me dis-je en mon for intérieur.
***
Je ne plais pas à tout le monde.
Je suis sans doute trop ceci ou trop cela.
Ou pas assez ceci ou cela.
Ou ceci plutôt que cela.
Qu'importe.
J'ai l'infini de mon côté.
J'ai tout mon temps.
J'ai ceci ou cela.
***
Est-ce que je ris trop?
Oui. Ceux qui ne rient jamais me le reprochent plus que les autres. Je me demande bien pourquoi.
Est-ce que je mange trop?
Oui. Mais je maigris à force de marcher. Je brûle mes calories. Et puis ça ne regarde personne.
Est-ce que je lis trop, dessine trop, peins trop, écris trop?
Oui. Et après?
Après, rien.
Je suis comme ça.
Et ce n'est plus négociable depuis ma première bouchée.
Ça risque d'être ainsi jusqu'à ma dernière.
Alléluia.
***
Il fallait que ça sorte.
Excusez-la.
dimanche 25 février 2018
jeudi 22 février 2018
Une fleur dans les cheveux
Je suis peut-être condamné à récrire toujours la même histoire sous plusieurs formes. Comme s'il fallait inlassablement porter et livrer toujours le même message. Je ne suis certainement pas le premier à le dire. Et je ne serai pas le dernier.
Il m'arrive souvent de me référer au Docteur Jivago, tant pour le roman de Boris Pasternak que pour ce chef d'oeuvre cinématographique réalisé par David Lean mettant en vedette Omar Sharif, Julie Christie et Geraldine Chaplin. J'y vois la parabole d'un homme décidé à sauver des vies à une époque où la vie comptait pour si peu. J'y vois aussi la résistance du poète qui refuse de se laisser contaminer par la laideur de ce monde. Il sait qu'elle existe, comme la maladie, et il est prêt à la combattre, avec amour, avec passion.
Plusieurs scènes du film me sont demeurées en mémoire. D'abord la scène des funérailles. Youri Jivago vient de perdre sa mère. Il n'a pas dix ans. Tout lui semble mystérieux: le ciel, les nuages, la terre, la tombe de sa mère. Il est ailleurs, déjà, et y restera toujours. Dans la lune? Pas du tout. Il est au-dessus des contingences et souffrances de ce monde, là où il est possible de penser et de s'émouvoir.
Quand on me parle de révolution, je ne peux pas me détourner du Docteur Jivago. Du Docteur Jivago qui comprend qu'il faille combattre l'injustice de ce monde, partager, aimer son prochain. Et qui ne veut pas tuer pour ces raisons.
À l'instar de Walt Whitman, poète et infirmier pendant la guerre de Sécession, le Docteur Jivago ne passe sur les champs de bataille que pour ramasser les blessés et les soigner, peu importe le camp qu'ils ont adopté. Il soignera les Rouges autant que les Blancs.
Le film se veut aussi un rappel historique de la révolution russe de 1917. On y comprend le pourrissement de la situation sur le front. Les soldats étaient partis à la guerre dans l'enthousiasme en 1914. En 1917, après trois années de massacres et de privations, ils désertaient par milliers. Les généraux qui voulaient renvoyer de nouvelles recrues sur le front se faisaient descendre par les déserteurs et les nouvelles recrues rejoignaient la masse des révolutionnaires, de ceux qui croyaient que la guerre était une invention impérialiste et que les travailleurs n'avaient pas de patrie. On sent qu'à partir de ce moment, plus rien ne sera comme avant. D'où cette magnifique scène des soldats qui reviennent du front dans le film de David Lean.
Évidemment, comme c'est un film-culte pour moi je ne manque jamais de m'y référer pour toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons.
Cette scène des soldats qui désertent le front me fait penser que nous sommes en guerre depuis le 11 septembre 2001 et que cela finit sans aucun doute par produire de plus en plus de déserteurs...
Je suis sans doute l'un de ceux-là.
Le boxeur Mohamed Ali avait une belle formule pour justifier son objection de conscience pour aller faire la guerre au Vietnam. Il disait que jamais un Vietnamien ne l'avait traité de sale nègre.
Cela me revient aussi en mémoire pour nos guerres néo-coloniales menées sur tous les continents. Les étrangers ne m'ont jamais traité de sale artiste plein de marde, gratteux de guitare et carré rouge, zinzinclusif et islamogauchiste, cosmopolite et le diable sait quoi encore.
Et je me dis qu'il faut sauver tout autant la poésie que les gens qui tombent sur les champs de bataille, en espérant que ça cesse de saigner une fois pour toutes.
***
Pour tout dire, je pense qu'on ne parle pas suffisamment de la paix ces derniers temps.
Qu'il faille arracher la tête de l'un ou de l'autre, on le sait déjà. Et ça ne mène à rien.
On doit reprendre la toile là où le fil s'est cassé.
À mon avis, il ne s'est rien fait de mieux en Occident que le mouvement d'opposition qui a mis fin à la guerre du Vietnam, mouvement qui a aussi nourri d'autres mouvements pour les droits civiques par ricochet.
Cette ironie bienveillante, ces fleurs dans les canons et ces love-in doivent revenir à l'avant-scène.
Notre époque est infiniment triste, conformiste et chloroformée.
Il lui faudra de puissants stimulants spirituels pour nous extirper de sa médiocrité.
Je pense que nous sommes mûrs pour de grandes marches pour la paix. Mûrs pour de la folie. Parce que la logique froide des raisonneurs patentés va tous et toutes nous achever jusqu'au dernier.
Nous sommes mûrs pour déserter les guerres néocoloniales et l'esprit malsain qui l'accompagne dans la gestion des affaires humaines.
Peut-être que je suis trop poète.
Trop près du Docteur Jivago et autres personnages romanesques.
Dans la vraie vie, voyez-vous, on tue et laisse tuer sans sourciller.
On essaie de ne pas marcher sur les viscères qui baignent dans le sang des massacrés.
On ne se met pas à chanter la paix avec une fleur dans les cheveux...
Eh bien si c'est la vraie vie, je ferai comme Jivago. Je contemplerai le ciel, les nuages et la terre -et j'écrirai des poèmes d'amour.
Il m'arrive souvent de me référer au Docteur Jivago, tant pour le roman de Boris Pasternak que pour ce chef d'oeuvre cinématographique réalisé par David Lean mettant en vedette Omar Sharif, Julie Christie et Geraldine Chaplin. J'y vois la parabole d'un homme décidé à sauver des vies à une époque où la vie comptait pour si peu. J'y vois aussi la résistance du poète qui refuse de se laisser contaminer par la laideur de ce monde. Il sait qu'elle existe, comme la maladie, et il est prêt à la combattre, avec amour, avec passion.
Plusieurs scènes du film me sont demeurées en mémoire. D'abord la scène des funérailles. Youri Jivago vient de perdre sa mère. Il n'a pas dix ans. Tout lui semble mystérieux: le ciel, les nuages, la terre, la tombe de sa mère. Il est ailleurs, déjà, et y restera toujours. Dans la lune? Pas du tout. Il est au-dessus des contingences et souffrances de ce monde, là où il est possible de penser et de s'émouvoir.
Quand on me parle de révolution, je ne peux pas me détourner du Docteur Jivago. Du Docteur Jivago qui comprend qu'il faille combattre l'injustice de ce monde, partager, aimer son prochain. Et qui ne veut pas tuer pour ces raisons.
À l'instar de Walt Whitman, poète et infirmier pendant la guerre de Sécession, le Docteur Jivago ne passe sur les champs de bataille que pour ramasser les blessés et les soigner, peu importe le camp qu'ils ont adopté. Il soignera les Rouges autant que les Blancs.
Le film se veut aussi un rappel historique de la révolution russe de 1917. On y comprend le pourrissement de la situation sur le front. Les soldats étaient partis à la guerre dans l'enthousiasme en 1914. En 1917, après trois années de massacres et de privations, ils désertaient par milliers. Les généraux qui voulaient renvoyer de nouvelles recrues sur le front se faisaient descendre par les déserteurs et les nouvelles recrues rejoignaient la masse des révolutionnaires, de ceux qui croyaient que la guerre était une invention impérialiste et que les travailleurs n'avaient pas de patrie. On sent qu'à partir de ce moment, plus rien ne sera comme avant. D'où cette magnifique scène des soldats qui reviennent du front dans le film de David Lean.
Évidemment, comme c'est un film-culte pour moi je ne manque jamais de m'y référer pour toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons.
Cette scène des soldats qui désertent le front me fait penser que nous sommes en guerre depuis le 11 septembre 2001 et que cela finit sans aucun doute par produire de plus en plus de déserteurs...
Je suis sans doute l'un de ceux-là.
Le boxeur Mohamed Ali avait une belle formule pour justifier son objection de conscience pour aller faire la guerre au Vietnam. Il disait que jamais un Vietnamien ne l'avait traité de sale nègre.
Cela me revient aussi en mémoire pour nos guerres néo-coloniales menées sur tous les continents. Les étrangers ne m'ont jamais traité de sale artiste plein de marde, gratteux de guitare et carré rouge, zinzinclusif et islamogauchiste, cosmopolite et le diable sait quoi encore.
Et je me dis qu'il faut sauver tout autant la poésie que les gens qui tombent sur les champs de bataille, en espérant que ça cesse de saigner une fois pour toutes.
***
Pour tout dire, je pense qu'on ne parle pas suffisamment de la paix ces derniers temps.
Qu'il faille arracher la tête de l'un ou de l'autre, on le sait déjà. Et ça ne mène à rien.
On doit reprendre la toile là où le fil s'est cassé.
À mon avis, il ne s'est rien fait de mieux en Occident que le mouvement d'opposition qui a mis fin à la guerre du Vietnam, mouvement qui a aussi nourri d'autres mouvements pour les droits civiques par ricochet.
Cette ironie bienveillante, ces fleurs dans les canons et ces love-in doivent revenir à l'avant-scène.
Notre époque est infiniment triste, conformiste et chloroformée.
Il lui faudra de puissants stimulants spirituels pour nous extirper de sa médiocrité.
Je pense que nous sommes mûrs pour de grandes marches pour la paix. Mûrs pour de la folie. Parce que la logique froide des raisonneurs patentés va tous et toutes nous achever jusqu'au dernier.
Nous sommes mûrs pour déserter les guerres néocoloniales et l'esprit malsain qui l'accompagne dans la gestion des affaires humaines.
Peut-être que je suis trop poète.
Trop près du Docteur Jivago et autres personnages romanesques.
Dans la vraie vie, voyez-vous, on tue et laisse tuer sans sourciller.
On essaie de ne pas marcher sur les viscères qui baignent dans le sang des massacrés.
On ne se met pas à chanter la paix avec une fleur dans les cheveux...
Eh bien si c'est la vraie vie, je ferai comme Jivago. Je contemplerai le ciel, les nuages et la terre -et j'écrirai des poèmes d'amour.
mercredi 21 février 2018
Alléluia Raymond chiait dans ses culottes
Cela me surprendrait que beaucoup d'entre vous connaissent Alléluia Raymond. D'abord parce que peu d'entre vous sont de Québec. Et encore moins nombreux ceux qui proviennent de la Basse-Ville. De plus, ça s'est passé il y a fort longtemps. C'est-à-dire dans les années '90, quand le mail Saint-Roch était encore couvert.
On voyait souvent Alléluia Raymond sur le mail Saint-Roch. Et parfois sur la rue Saint-Jean.
C'était un petit bonhomme malingre, aux yeux trop grands pour ne pas en avoir trop vu, qui en plus d'être bossu boitait lamentablement. Il devait avoir entre 60 et 100 ans. C'était difficile à dire. La jaunisse ça vous déforme son homme. Et, bien entendu, il lui arrivait souvent de chier dans ses culottes.
Il était barré au restaurant Chez Ginette. Et dans tous les autres restaurants d'ailleurs. Hormis le McDonald's qui le tolérait encore ne serait-ce que parce que ce n'était jamais les mêmes qui travaillaient.
C'est vrai que chier dans ses culottes. ça rend les commerçants mal à l'aise.
Alléluia Raymond ne s'en faisait pas outre mesure. Il était habitué à se faire maltraiter parce qu'il chiait dans ses culottes. Personne ne voulait le sentir? Tant pis. Il se trouverait bien un trou pour baigner en paix dans sa soupe. Et, effectivement, Alléluia Raymond dormait sous les viaducs, un peu partout, en se maintenant au chaud avec de l'alcool sous toutes ses formes.
-J'peux pas tolérer ça dans mon resto tabarnak! s'indignait Ginette. Ça sent 'a marde! Ça lui glissait tout le long des jambes jusque sur le plancher...
Eh oui. Alléluia Raymond était dégoûtant.
Pourtant, il était touché par la grâce du Seigneur, Alléluia Raymond, et c'est avec passion qu'il livrait jour après jour sa célèbre interprétation du Messie d'Haendel devant les commerces de la rue Saint-Jean qui se plaignaient des odeurs et de l'image que ça leur faisait.
Alléluia Raymond répétait inlassablement alléluia sur tous les tons en singeant les paroles de Haendel. Il faussait épouvantablement et, vrai, il avait encore chié dans ses culottes.
-Alléluia! Alléluia! Alléluiaaaaaaa-aaah! chantait-il en tendant la paume de sa main crasseuse aux ongles noirs de caca.
-J'ai rien... Faut travailler dur pour gagner son argent! lui fit remarquer une dame qui tenait sa sacoche serrée contre elle comme si elle craignait qu'Alléluia Raymond ne la lui vole.
Lucien qui passait par là lui remit son obole.
Il était superstitieux, Lucien.
Il croyait que Dieu se déguisait en mendiant qui chiait dans ses culottes pour tester la bonté des humains.
Sacré Lucien!
Quant à Alléluia Raymond, il devint propre pour la dernière portion de sa vie qui s'acheva le 2 février 2002 lorsqu'il mourut d'une cirrhose du foie après avoir souffert de la jaunisse.
Un travailleur de rue de la Côte d'Abraham s'était occupé de lui et lui refilait des couches qu'on lui avait donné au CLSC par pur élan de bonté envers Alléluia Raymond.
Tout le monde pensait encore qu'il chiait dans ses culottes et ce n'était plus vraiment le cas.
On n'aurait pas dit qu'il sentait bon.
Mais grâce à de valeureux fonctionnaires de l'État, nous avions là un homme qui avait retrouvé un peu de dignité.
Cependant, Alléluia Raymond ne put jamais remettre les pieds au restaurant Chez Ginette qui, malgré sa relative bonté, ne tolérait pas d'avoir à torcher ses clients.
Oui.
C'est bien pour dire.
mardi 20 février 2018
Lucien et la grosse truie qui chauffait un taxi
Lucien marchait souvent pour ses déplacements en ville. Ça ne l'effrayait pas de marcher pendant une heure et demie pour se rendre d'un point à l'autre. Et même que ça lui faisait du bien. Il se sentait un peu hors du temps, hors du stress, hors de ce monde pour tout dire.
Cependant la pluie lui rappelait que ça mouille les vêtements.
Aussi fit-il exception à son exercice quotidien et héla un taxi.
Une grosse voiture le prit à son bord. Avec une grosse rousse au volant qui sentait la vanille, un parfum que Lucien n'appréciait pas particulièrement pour une femme. Et même pour un homme. Mais bon, ça varie d'un nez à l'autre.
Ce qui lui puait le plus au nez, à Lucien, c'était surtout le fait que la grosse rousse était ouvertement raciste. Comme Lucien avait les traits plutôt caucasiens, une bouille d'Oktober Fest, elle se disait sans doute qu'elle pouvait lui confier toutes les saletés de son âme.
-Moé là, j'me dis que c'est nous autres avant les autres... Les Arabes pis les nègres y'ont pas d'affaire icitte... J'y va's-tu chez-eux moui? Non. Ça fait qu'i' viennent pas icitte eux autres non plus...
-Je ne suis pas raciste madame, lui répondit Lucien.
-Ah non? Vous devriez. C'est une invasion. Moé chu devenu raciste à force de voir toutes ces races-là arrivées icitte pis s'prendre comme si c'était nous autres qui devaient cirer leu' souliers! Wô minute!
-On vous oblige à cirer des souliers si je comprends bien?
-Non! C'est une image... Mais y'en a des nôtres qui vont en cirer juste parce qu'i' y aura p'us de jobs pour parsonne! Icitte c'est Québec! Icitte c'est Canada!
Elle continua de vomir sa haine des immigrés tout le long du trajet.
Puis, arrivé à destination, Lucien lui paya son dû en lui laissant même un pourboire, par habitude sans aucun doute.
-C'est vraiment une grosse hostie d'truie! se dit Lucien en lui-même après être débarqué du taxi.
Et c'en était vraiment une.
Une vraie grosse truie raciste comme il s'en fait de temps à autres dans nos belles paroisses.
lundi 19 février 2018
Simulacre de printemps
Le soleil brillait sur la neige qui fondait.
Une large flaque d'eau noire s'était formée au sol pour laisser entrevoir un bout de sol dénudé.
Ça sentait le pipi de chat et la crotte de chien.
C'était un simulacre de printemps.
Et à part de ça tout allait bien.
dimanche 18 février 2018
Bouboule Drolet se prenait pour Batman et son père pour un Abraham biblique
C'était l'été. Il faisait chaud et c'était comme d'habitude trop humide dans cette vallée portuaire ceinturée d'usines qui retenaient une population d'esclaves contemporains.
Personne n'avait encore l'air climatisé. Des ventilateurs tournaient ça et là dans les taudis mal isolés qui étaient trop chauds l'été et trop froids l'hiver. Les feux de patates frites menaçaient des pâtés de maison tout entiers sur ces rues qui s'étiraient à l'infini vers la shop. On s'habituait à survivre et mourir. On avait du plaisir ou pas. On mangeait trop ou pas assez.
N'empêche qu'il arrivait aussi des histoires comme n'importe où ailleurs, même dans les hauts quartiers de la ville, où l'air sentait meilleur. On avait même cette fantaisie d'y planter des arbres. Ce que l'on ne faisait pas encore dans les années '70, dans le fin fond des quartiers ouvriers. Des hippies commençaient à peine à parler de recyclage ou d'amour libre. Les autres, la grande majorité, vivaient d'une paye à l'autre et n'avaient que le cul pis les dents. Parfois une auto. Mais rarement.
On nous disait que ça faisait dur à Cuba. Ils ont seulement des vieux chars, ha! ha! ha!
Et on ne savait pas où était Cuba. On savait seulement qu'on n'avait pas de char. Et ça suffisait pour nous épargner cette conversation. Sinon pour ajouter qu'on aurait tous le char de Batman lorsqu'on serait riche.
Parlant de Batman, y'a Bouboule Drolet qui s'était élancé en bas du garage, en arrière de chez-nous. Il pensait qu'il pouvait planer comme Batman. Il était monté sur le toit du garage et avait crié «Je suis Batman!» en sautant du garage. Il s'était pété les deux jambes et un peu la colonne. Il était mal tombé. Marcotte l'avait déjà fait sans rien se péter. Mais ne sont pas Marcotte ou Batman n'importe qui. Et Bouboule Drolet, maladroit comme il était, aurait mieux fait de jouer aux petites autos. D'autant plus qu'il avait les deux jambes dans le plâtre.
Il faisait chaud l'été. Oui. Et Bouboule Drolet avait encore plus chaud que d'habitude avec ses jambes plâtrées, son collier cervical et ce plastron de plastique qui soutenait sa colonne.
C'est alors qu'il ne pouvait plus bouger, pour ainsi dire, qu'est survenu cette étrange histoire qui, encore de nos jours, nourrit l'imaginaire de notre enfance en lui conférant ce quelque chose de glauque auquel l'on s'habitue.
Son père était un bon gars. Il ne parlait pas beaucoup, le monsieur Drolet, mais il avait l'air de rien, ni laid, ni beau, ni grand, ni petit, moyen et comme tout le monde. Il avait même un char. Un petit char rouge. Genre Datsun.
Comme il ne parlait pas, personne ne trouvait prétexte à lui en vouloir.
On en veut généralement qu'à ceux qui s'expriment beaucoup trop, dont les écrivains, les caricaturistes et les coiffeurs.
Mais là n'est pas le coeur de notre intrigue.
Puisqu'il y en a une. Un écrivain ne vous amène pas vers Bouboule Drolet, le gars qui se prenait pour Batman, sans que cela ne prenne une tournure apocalyptique.
Bref, le père de Bouboule s'était levé en pleine nuit et avait étranglé son fils.
Se prenait-il pour Abraham devant sacrifier son fils Isaac?
On n'en sait rien. Mais on apprit que monsieur Drolet entendait des voix. Et que ça lui prendrait du temps avant que de revenir à la maison pour des raisons bien évidentes.
Bouboule Drolet avait failli mourir une fois de plus en moins d'un mois. Faut vraiment pas avoir de chance.
Puis il disparut, lui, sa famille et son père.
Des réfugiés chiliens vinrent s'installer chez les Drolet. C'est avec eux qu'on a appris à fumer de l'herbe. Ils étaient très cool, pas nerveux pour deux sous. Mais il ne fallait pas leur parler de Pinochet. Ça les rendait malades. Et nous aussi. Alors on leur parlait de filles. Et on avait presque l'air normaux quoi.
Il n'y a jamais eu d'autres étranglements du genre dans notre voisinage si l'on se fie aux souvenirs de tout un chacun étalés au grand jour sur Facebook. Il y eut un meurtre ou trois sur la rue. Des incendies criminels pour toucher l'argent des assurances. Des ivrognes qui cassaient tout sur leur passage. Des gens qui pissaient sur les passants du haut de leur troisième étage. Mais pas d'autres cas d'Abraham de l'Ancien Testament qui entend une voix lui dire d'étrangler son fils.
Remarquez que la plupart ne savent même pas qui c'est, Abraham.
C'est vrai qu'il n'y avait que nous et Bouboule Drolet à l'église, le dimanche, dans les années '70.
Ouais. Nous fûmes les derniers des catholiques.
Et nous sommes tous catégoriques aujourd'hui: y'en arrive-ti des affaires hein?
Personne n'avait encore l'air climatisé. Des ventilateurs tournaient ça et là dans les taudis mal isolés qui étaient trop chauds l'été et trop froids l'hiver. Les feux de patates frites menaçaient des pâtés de maison tout entiers sur ces rues qui s'étiraient à l'infini vers la shop. On s'habituait à survivre et mourir. On avait du plaisir ou pas. On mangeait trop ou pas assez.
N'empêche qu'il arrivait aussi des histoires comme n'importe où ailleurs, même dans les hauts quartiers de la ville, où l'air sentait meilleur. On avait même cette fantaisie d'y planter des arbres. Ce que l'on ne faisait pas encore dans les années '70, dans le fin fond des quartiers ouvriers. Des hippies commençaient à peine à parler de recyclage ou d'amour libre. Les autres, la grande majorité, vivaient d'une paye à l'autre et n'avaient que le cul pis les dents. Parfois une auto. Mais rarement.
On nous disait que ça faisait dur à Cuba. Ils ont seulement des vieux chars, ha! ha! ha!
Et on ne savait pas où était Cuba. On savait seulement qu'on n'avait pas de char. Et ça suffisait pour nous épargner cette conversation. Sinon pour ajouter qu'on aurait tous le char de Batman lorsqu'on serait riche.
Parlant de Batman, y'a Bouboule Drolet qui s'était élancé en bas du garage, en arrière de chez-nous. Il pensait qu'il pouvait planer comme Batman. Il était monté sur le toit du garage et avait crié «Je suis Batman!» en sautant du garage. Il s'était pété les deux jambes et un peu la colonne. Il était mal tombé. Marcotte l'avait déjà fait sans rien se péter. Mais ne sont pas Marcotte ou Batman n'importe qui. Et Bouboule Drolet, maladroit comme il était, aurait mieux fait de jouer aux petites autos. D'autant plus qu'il avait les deux jambes dans le plâtre.
Il faisait chaud l'été. Oui. Et Bouboule Drolet avait encore plus chaud que d'habitude avec ses jambes plâtrées, son collier cervical et ce plastron de plastique qui soutenait sa colonne.
C'est alors qu'il ne pouvait plus bouger, pour ainsi dire, qu'est survenu cette étrange histoire qui, encore de nos jours, nourrit l'imaginaire de notre enfance en lui conférant ce quelque chose de glauque auquel l'on s'habitue.
Son père était un bon gars. Il ne parlait pas beaucoup, le monsieur Drolet, mais il avait l'air de rien, ni laid, ni beau, ni grand, ni petit, moyen et comme tout le monde. Il avait même un char. Un petit char rouge. Genre Datsun.
Comme il ne parlait pas, personne ne trouvait prétexte à lui en vouloir.
On en veut généralement qu'à ceux qui s'expriment beaucoup trop, dont les écrivains, les caricaturistes et les coiffeurs.
Mais là n'est pas le coeur de notre intrigue.
Puisqu'il y en a une. Un écrivain ne vous amène pas vers Bouboule Drolet, le gars qui se prenait pour Batman, sans que cela ne prenne une tournure apocalyptique.
Bref, le père de Bouboule s'était levé en pleine nuit et avait étranglé son fils.
Se prenait-il pour Abraham devant sacrifier son fils Isaac?
On n'en sait rien. Mais on apprit que monsieur Drolet entendait des voix. Et que ça lui prendrait du temps avant que de revenir à la maison pour des raisons bien évidentes.
Bouboule Drolet avait failli mourir une fois de plus en moins d'un mois. Faut vraiment pas avoir de chance.
Puis il disparut, lui, sa famille et son père.
Des réfugiés chiliens vinrent s'installer chez les Drolet. C'est avec eux qu'on a appris à fumer de l'herbe. Ils étaient très cool, pas nerveux pour deux sous. Mais il ne fallait pas leur parler de Pinochet. Ça les rendait malades. Et nous aussi. Alors on leur parlait de filles. Et on avait presque l'air normaux quoi.
Il n'y a jamais eu d'autres étranglements du genre dans notre voisinage si l'on se fie aux souvenirs de tout un chacun étalés au grand jour sur Facebook. Il y eut un meurtre ou trois sur la rue. Des incendies criminels pour toucher l'argent des assurances. Des ivrognes qui cassaient tout sur leur passage. Des gens qui pissaient sur les passants du haut de leur troisième étage. Mais pas d'autres cas d'Abraham de l'Ancien Testament qui entend une voix lui dire d'étrangler son fils.
Remarquez que la plupart ne savent même pas qui c'est, Abraham.
C'est vrai qu'il n'y avait que nous et Bouboule Drolet à l'église, le dimanche, dans les années '70.
Ouais. Nous fûmes les derniers des catholiques.
Et nous sommes tous catégoriques aujourd'hui: y'en arrive-ti des affaires hein?
vendredi 16 février 2018
Lévis et ses larmes de crocodile devant la Justice
Lévis était une grosse boule de chair qui faisait tout de manière tout croche et tout de travers.
Lévis était un croche sans manières qui était rempli de travers. Et sa grosse boule de chair était mi-poilue mi-dénudée. Comme un singe qu'on aurait passé au lance-flamme.
Il aimait voler, violenter, agresser, intimider et même tuer ne lui faisait pas peur si on s'entendait pour un bon prix. Lévis vous tuait quelqu'un pour moins de cinq cents piastres. C'était le tueur le plus cheap de la métropole. On recourrait à ses services pour faire disparaître d'authentiques trous du cul sur lesquels on n'aurait pas mis un billet de mille dollars. Ces derniers disparaissaient dans le fleuve Magtogoek ou bien ailleurs, on ne sait trop où.
Quoi qu'il en soit, le gros Lévis a fini par se faire prendre. Il se vantait de ses meurtres comme si c'était des faits d'armes. Il n'était pas très futé. Seulement violent et sans-dessein.
Arrivé devant le juge, Lévis tremblotait de tous ses membres. Il était dur parmi les mous, les bonnes pâtes, les mollassons. Mais parmi les durs, il se sentait très mou. Pour tout dire, il avait peur de la prison. Peur de se pencher en ramassant un savon. Peur de ceci ou cela.
Le juge Lafrenière présidait à son procès. C'était un juge plutôt implacable qui aurait passé pour un mou aux États-Unis. Quoi qu'il en soit, ça se savait dans toute la prison. Et Lévis l'avait su, lui qui n'échappait jamais son savon.
L'avocat de l'aide juridique qu'on avait retenu pour le gros Lévis était un parfait incompétent qui perdait toutes ses causes. Lévis était dans de beaux draps. Il décida de jouer le tout pour le tout.
Et il se mit à sangloter devant le juge et toute l'assistance.
-J'ai tou'ours été un gros mongol! bouhouhou snif snif et toutes ces sortes de choses sanglota-t-il.
J'ai jamais fait d'tort à parsonne! Ch't'un bon gars moé! bouhouhou snaf snaf snuf snof snif! Chu pas un gars du capitaliche! J'ai pas faitte les universités! Chu pas un mangeux d'casque! Bouhouhou!
-Voulez-vous bien cesser vos larmes de crocodile monsieur... lui ordonna le juge.
-Ch't'un bon gars! AAAaaa-aaaa-aaaaa-aaa-aaaaaa-aaaa-AAAA------aàÄÄÂèèaèa!
Lévis fût jugé et bien sûr condamné.
L'avocat de l'aide juridique alla se saouler au pub du coin comme d'habitude.
Mais tout le monde, même le juge Lafrenière, se raconte encore en riant la fois où le gros Lévis, assassin de bas étage, avait pleuré comme une larve devant la Justice.
Lévis était un croche sans manières qui était rempli de travers. Et sa grosse boule de chair était mi-poilue mi-dénudée. Comme un singe qu'on aurait passé au lance-flamme.
Il aimait voler, violenter, agresser, intimider et même tuer ne lui faisait pas peur si on s'entendait pour un bon prix. Lévis vous tuait quelqu'un pour moins de cinq cents piastres. C'était le tueur le plus cheap de la métropole. On recourrait à ses services pour faire disparaître d'authentiques trous du cul sur lesquels on n'aurait pas mis un billet de mille dollars. Ces derniers disparaissaient dans le fleuve Magtogoek ou bien ailleurs, on ne sait trop où.
Quoi qu'il en soit, le gros Lévis a fini par se faire prendre. Il se vantait de ses meurtres comme si c'était des faits d'armes. Il n'était pas très futé. Seulement violent et sans-dessein.
Arrivé devant le juge, Lévis tremblotait de tous ses membres. Il était dur parmi les mous, les bonnes pâtes, les mollassons. Mais parmi les durs, il se sentait très mou. Pour tout dire, il avait peur de la prison. Peur de se pencher en ramassant un savon. Peur de ceci ou cela.
Le juge Lafrenière présidait à son procès. C'était un juge plutôt implacable qui aurait passé pour un mou aux États-Unis. Quoi qu'il en soit, ça se savait dans toute la prison. Et Lévis l'avait su, lui qui n'échappait jamais son savon.
L'avocat de l'aide juridique qu'on avait retenu pour le gros Lévis était un parfait incompétent qui perdait toutes ses causes. Lévis était dans de beaux draps. Il décida de jouer le tout pour le tout.
Et il se mit à sangloter devant le juge et toute l'assistance.
-J'ai tou'ours été un gros mongol! bouhouhou snif snif et toutes ces sortes de choses sanglota-t-il.
J'ai jamais fait d'tort à parsonne! Ch't'un bon gars moé! bouhouhou snaf snaf snuf snof snif! Chu pas un gars du capitaliche! J'ai pas faitte les universités! Chu pas un mangeux d'casque! Bouhouhou!
-Voulez-vous bien cesser vos larmes de crocodile monsieur... lui ordonna le juge.
-Ch't'un bon gars! AAAaaa-aaaa-aaaaa-aaa-aaaaaa-aaaa-AAAA------aàÄÄÂèèaèa!
Lévis fût jugé et bien sûr condamné.
L'avocat de l'aide juridique alla se saouler au pub du coin comme d'habitude.
Mais tout le monde, même le juge Lafrenière, se raconte encore en riant la fois où le gros Lévis, assassin de bas étage, avait pleuré comme une larve devant la Justice.
jeudi 15 février 2018
Je me crisse des Jeux Olympiques
Je dois réécrire ce billet qui s'est perdu précédemment en testant certains trucs sur Blogger.
Reprenons...
GB
***
Je déteste les Jeux Olympiques, qu'ils soient d'hiver ou d'été.
J'aime marché, faire du vélo et nager.
Mais je n'éprouve aucun plaisir à regarder quelqu'un en train de marcher, nager ou courir après un ballon.
Les sports sont faits pour la pratique, pas pour le spectacle.
Paralyser la télé et les journaux pendant deux semaines, seulement pour nous montrer ces Jeux, cela relève de la pure bêtise. D'autant plus que je parierais que plus de 80% des téléspectateurs du monde entier n'aiment pas les Jeux Olympiques. Les seuls qui aiment les JO sont les politiciens et les journalistes qui se font payer des voyages avec prébendes et per diem en Corée du Sud. Les autres sont ceux qui accordent de l'importance aux niaiseries des drapeaux, des politiciens et des commentateurs sportifs.
De plus, ces JO sont extrêmement coûteux. Parlez-en aux Brésiliens. Ou bien aux Québécois qui paient encore pour le stade et les installations olympiques de 1976.
D'aucuns me reprocheront ceci ou cela.
Je ne leur reprocherai rien.
Seulement de ne pas comprendre qu'un homme comme moi peut se crisser totalement des Jeux Olympiques, du hockey télévisé et autres spectacles de la mi-temps du Superbowl.
Je n'en ai rien à crisser, effectivement.
Je n'ai jamais aimé et je n'aimerai jamais ça.
Reprenons...
GB
***
Je déteste les Jeux Olympiques, qu'ils soient d'hiver ou d'été.
J'aime marché, faire du vélo et nager.
Mais je n'éprouve aucun plaisir à regarder quelqu'un en train de marcher, nager ou courir après un ballon.
Les sports sont faits pour la pratique, pas pour le spectacle.
Paralyser la télé et les journaux pendant deux semaines, seulement pour nous montrer ces Jeux, cela relève de la pure bêtise. D'autant plus que je parierais que plus de 80% des téléspectateurs du monde entier n'aiment pas les Jeux Olympiques. Les seuls qui aiment les JO sont les politiciens et les journalistes qui se font payer des voyages avec prébendes et per diem en Corée du Sud. Les autres sont ceux qui accordent de l'importance aux niaiseries des drapeaux, des politiciens et des commentateurs sportifs.
De plus, ces JO sont extrêmement coûteux. Parlez-en aux Brésiliens. Ou bien aux Québécois qui paient encore pour le stade et les installations olympiques de 1976.
D'aucuns me reprocheront ceci ou cela.
Je ne leur reprocherai rien.
Seulement de ne pas comprendre qu'un homme comme moi peut se crisser totalement des Jeux Olympiques, du hockey télévisé et autres spectacles de la mi-temps du Superbowl.
Je n'en ai rien à crisser, effectivement.
Je n'ai jamais aimé et je n'aimerai jamais ça.
mercredi 14 février 2018
Sans solutions physiques aux problèmes métaphysiques
La chute d'Icare, Pieter Brueghel l'Ancien |
L'amour ne s'achète pas plus que la haine poussée à son paroxysme.
Ce que j'exprime semble un peu confus.
Et ça l'est sans doute. La métaphysique n'est pas tant une histoire de mots qu'un cumul d'expériences existentielles.
Mon vieux professeur de philosophie, feu Alexis Klimov, liait la métaphysique à la révolte contre l'objectivation, au refus de plier devant une réalité laide et avilissante.
Son cours de métaphysique débutait avec une lecture tirée des Métamorphoses d'Ovide, c'est-à-dire le chapitre où il est question du mythe de Dédale et Icare.
Dédale et son fils Icare sont prisonniers du labyrinthe où les tient prisonniers le roi Minos. Une créature mi-homme mi-taureau, le Minotaure, habite ce labyrinthe et menace du pire le père et le fils. Que peuvent-ils faire? Ils n'ont pas d'armes, rien. Il ne leur reste que la voie du ciel pour s'enfuir.
Dédale fabrique donc des ailes avec des plumes et de la cire d'abeilles. Lui et son fils réussissent finalement à s'envoler grâce à ces ailes. Cependant, Icare, enivré par son vol, s'approche trop près du soleil et plante dans la mer.
Klimov nous montrait ensuite le tableau La chute d'Icare de Pieter Brueghel l'Ancien. On peut y voir la vie de tout un chacun suivre son petit train-train quotidien. La chute d'Icare s'est réalisée dans l'indifférence générale.
L'air de rien, cette petite démonstration m'aura réconcilié avec la spiritualité à une époque où je la vomissais sincèrement.
J'ai d'abord répondu à mon professeur, en parfait militant anarchiste que j'étais alors, que si l'on se sent menacé par le Minotaure, le mieux reste encore de lui péter la gueule.
Il m'a probablement souri et a poursuivi son cours.
Au fil des ans, j'ai souvent revisité ce mythe.
Je ne prétends pas y avoir compris quoi que ce soit, sinon qu'il est légitime de se tourner vers le ciel pour s'extirper d'une situation tout à fait désespérée.
Il est légitime de se poser des questions sur Dieu, l'amour, la haine, l'amitié, le courage, lâcheté et j'en passe. Mais ce sont toutes des questions métaphysiques et, de par leur nature, elles me semblent insolubles.
Le positiviste vous en trouvera des raisons, bien entendu.
Et le croyant aussi: il a toutes les réponses.
Moi, à mon humble avis, je ne crois pas toutes les avoir.
Je ne suis pas sans guidance et sans principes.
Cependant, je n'ai pas ce besoin radical d'une réponse absolue à des questions qui reposent essentiellement dans le monde de l'indicible.
Quiconque aura aimé au moins une seule fois dans sa vie en saura plus long sur Dieu que tous les théologiens réunis.
C'est ma position, aussi loufoque soit-elle.
Tout le reste ne me semble que du babillage.
Quelque chose qui nous éloigne de la métaphysique pour nous ramener sur le terrain du Minotaure.
Il faut apprendre à voler entre la Terre et le Ciel pour ne pas finir comme le fils de Dédale.
Quant à Ovide, c'est un des rares auteurs latins qui ne distillent pas l'ennui.
L'ennui qui est aussi une grande question métaphysique.
Elle est parfois soluble dans le plaisir.
Mais il arrive que l'on s'ennuie même des plaisirs.
Autrement nous ne serions pas tous aussi perturbés où que nous soyons sur le globe.
mardi 13 février 2018
Régine, alias la Poule à Houde
Lorsqu'on plonge dans nos souvenirs on y prend goût. Tant et si bien que des souvenirs qu'on aurait cru engloutis finissent par remonter à la surface.
Évidemment, plus on remonte dans le temps et plus les souvenirs deviennent flous. On s'accroche immanquablement à un infime détail. Et c'est à partir de ce point infinitésimal que l'on retrouve tout le reste.
Pour Jean-Baptiste le ramancheur, c'était son pot de chambre. S'il n'y avait pas eu ce pot de chambre, je ne me serais même pas souvenu de son nom. C'était comme si le pot de chambre était indissociable du ramancheur.
Et c'est idoine pour Régine, alias la Poule à Houde. Je ne sais pas pourquoi nous la surnommions ainsi. Mais j'ai le souvenir d'une grande et grosse madame qui allait boire avec les gars à la taverne Au petit Tonnet. La Poule à Houde était du genre Tom Boy, les cheveux courts, les épaules larges et le langage débordant de sacres et autres blasphèmes. On disait qu'elle était le doorman de la taverne Au Petit Tonnet. Ce n'était pas le cas. Mais c'est vrai qu'elle pouvait te sortir deux gars en même temps en les empoignant par le chignon du cou.
La Poule à Houde nous faisait aussi peur que Moéneau Sicotte mais pour d'autres raisons. On voyait rarement Moéneau Sicotte dans la ruelle. Cependant, on voyait tout le temps la Poule à Houde qui nous criait d'aller jouer ailleurs que dans sa cour. Mes amis, qui étaient mal embouchés, la traitaient de grosse torche. Évidemment, ça la mettait en colère. Et elle courait après nous en menaçant de nous arracher la tête.
Généralement, on courrait beaucoup plus vite qu'elle. Je dois avouer, à mon corps défendant, que je ne la traitais pas de grosse torche. J'avais un petit côté curé qui m'empêchait de développer cet aspect de ma personne. J'étais pourtant parmi tous les jeunes voyous et je devais fuir tout comme eux lorsqu'ils se moquaient de la Poule à Houde.
Un jour, elle réussit à se saisir de l'un d'entre nous et se met à lui tordre les ouïes.
Je pense que c'était mon jeune frère ou un autre.
Je ne sais plus.
Mais je sais qu'il criait quelque chose comme «Lâche-moé grosse folle!»
S'est-il passé d'autres événements impliquant la Poule à Houde?
Sans doute, mais je ne m'en souviens plus.
Je me souviens d'une grosse madame qui buvait avec les gars à la taverne, en sortait deux en même temps en les empoignant par le chignon du cou et vous tirait les ouïes quand on la traitait de grosse torche.
J'irai replonger dans mes souvenirs, un jour ou l'autre.
Et peut-être que je trouverai de quoi rallonger ce récit qui, pour l'instant, semble bien maigre.
Ainsi va la vie. Ainsi naissent les légendes.
Un détail.
Un petit rien.
Et voilà bientôt une ode, un hymne, un opéra, une pièce de théâtre, un roman, une télésérie, une bande dessinée, un jeu vidéo...
J'aurai au moins l'insigne honneur d'avoir jeté les bases de ce personnage singulier, Régine Houde, alias la Poule à Houde, force de la nature au regard sombre, buveuse de fin de soirée et ultime espoir amoureux de vieux poivrots désabusés.
***
Post-scriptum: La bd ci-dessus intitulée la Grosse Bertha est inspirée de la Poule à Houde...
Évidemment, plus on remonte dans le temps et plus les souvenirs deviennent flous. On s'accroche immanquablement à un infime détail. Et c'est à partir de ce point infinitésimal que l'on retrouve tout le reste.
Pour Jean-Baptiste le ramancheur, c'était son pot de chambre. S'il n'y avait pas eu ce pot de chambre, je ne me serais même pas souvenu de son nom. C'était comme si le pot de chambre était indissociable du ramancheur.
Et c'est idoine pour Régine, alias la Poule à Houde. Je ne sais pas pourquoi nous la surnommions ainsi. Mais j'ai le souvenir d'une grande et grosse madame qui allait boire avec les gars à la taverne Au petit Tonnet. La Poule à Houde était du genre Tom Boy, les cheveux courts, les épaules larges et le langage débordant de sacres et autres blasphèmes. On disait qu'elle était le doorman de la taverne Au Petit Tonnet. Ce n'était pas le cas. Mais c'est vrai qu'elle pouvait te sortir deux gars en même temps en les empoignant par le chignon du cou.
La Poule à Houde nous faisait aussi peur que Moéneau Sicotte mais pour d'autres raisons. On voyait rarement Moéneau Sicotte dans la ruelle. Cependant, on voyait tout le temps la Poule à Houde qui nous criait d'aller jouer ailleurs que dans sa cour. Mes amis, qui étaient mal embouchés, la traitaient de grosse torche. Évidemment, ça la mettait en colère. Et elle courait après nous en menaçant de nous arracher la tête.
Généralement, on courrait beaucoup plus vite qu'elle. Je dois avouer, à mon corps défendant, que je ne la traitais pas de grosse torche. J'avais un petit côté curé qui m'empêchait de développer cet aspect de ma personne. J'étais pourtant parmi tous les jeunes voyous et je devais fuir tout comme eux lorsqu'ils se moquaient de la Poule à Houde.
Un jour, elle réussit à se saisir de l'un d'entre nous et se met à lui tordre les ouïes.
Je pense que c'était mon jeune frère ou un autre.
Je ne sais plus.
Mais je sais qu'il criait quelque chose comme «Lâche-moé grosse folle!»
S'est-il passé d'autres événements impliquant la Poule à Houde?
Sans doute, mais je ne m'en souviens plus.
Je me souviens d'une grosse madame qui buvait avec les gars à la taverne, en sortait deux en même temps en les empoignant par le chignon du cou et vous tirait les ouïes quand on la traitait de grosse torche.
J'irai replonger dans mes souvenirs, un jour ou l'autre.
Et peut-être que je trouverai de quoi rallonger ce récit qui, pour l'instant, semble bien maigre.
Ainsi va la vie. Ainsi naissent les légendes.
Un détail.
Un petit rien.
Et voilà bientôt une ode, un hymne, un opéra, une pièce de théâtre, un roman, une télésérie, une bande dessinée, un jeu vidéo...
J'aurai au moins l'insigne honneur d'avoir jeté les bases de ce personnage singulier, Régine Houde, alias la Poule à Houde, force de la nature au regard sombre, buveuse de fin de soirée et ultime espoir amoureux de vieux poivrots désabusés.
***
Post-scriptum: La bd ci-dessus intitulée la Grosse Bertha est inspirée de la Poule à Houde...
lundi 12 février 2018
Flavien est dans les patates
Flavien est un monomaniaque. Tout son monde tourne autour d'une seule chose: les patates.
D'autres auraient choisi la politique, la musique, les bibelots, les casse-têtes...
Flavien a plutôt choisi les patates.
Cultive-t-il des patates? Pas du tout. Il a toujours vécu en ville et n'a jamais mis le pied sur une ferme, sinon pour pisser.
Pourquoi les patates? Je n'en sais rien. Sinon que personne ne semblait s'intéresser aux patates. La place était libre et Flavien l'a occupée. Il est devenu, qu'on le veuille ou pas, le roi de la patate.
C'est donc qu'il est restaurateur? Non. Flavien ne travaille pas. Et il ne cuisine jamais.
Il achète de la poutine, comme tout le monde, sans en faire une maladie.
Mais il n'en abuse même pas.
Sa passion pour les patates est désintéressée. C'est une passion noble. Comme celle qu'éprouve l'apiculteur pour le monde des abeilles. Sauf que Flavien ne produit ni miel ni vodka avec les patates.
Pourtant, il peut vous parler de l'agriculture maya, des 326 variétés de patates, de la scopolamine (poison toxique) que contiennent ses germes, de l'histoire de la réception de la patate en Europe, de la patate qui avait sauvé les Russes de la famine au 18e siècle, de la patate que oui, patate que non...
De plus, il collectionne des figurines du genre Monsieur et Madame Patate. Il y a aussi grand-papa Patate et bébé Patate...
Patate, patate, patate...
Et vous ne savez toujours pas à quoi ressemble Flavien, hein?
Eh bien il ressemble à tout sauf à une patate.
Peut-être qu'il a une tête d'asperge.
Un air de potiron mou.
Un dos en farine de sarrasin.
Mais pas du tout un air de patate.
Pourtant... Je sais.
Flavien est dans les patates.
D'autres auraient choisi la politique, la musique, les bibelots, les casse-têtes...
Flavien a plutôt choisi les patates.
Cultive-t-il des patates? Pas du tout. Il a toujours vécu en ville et n'a jamais mis le pied sur une ferme, sinon pour pisser.
Pourquoi les patates? Je n'en sais rien. Sinon que personne ne semblait s'intéresser aux patates. La place était libre et Flavien l'a occupée. Il est devenu, qu'on le veuille ou pas, le roi de la patate.
C'est donc qu'il est restaurateur? Non. Flavien ne travaille pas. Et il ne cuisine jamais.
Il achète de la poutine, comme tout le monde, sans en faire une maladie.
Mais il n'en abuse même pas.
Sa passion pour les patates est désintéressée. C'est une passion noble. Comme celle qu'éprouve l'apiculteur pour le monde des abeilles. Sauf que Flavien ne produit ni miel ni vodka avec les patates.
Pourtant, il peut vous parler de l'agriculture maya, des 326 variétés de patates, de la scopolamine (poison toxique) que contiennent ses germes, de l'histoire de la réception de la patate en Europe, de la patate qui avait sauvé les Russes de la famine au 18e siècle, de la patate que oui, patate que non...
De plus, il collectionne des figurines du genre Monsieur et Madame Patate. Il y a aussi grand-papa Patate et bébé Patate...
Patate, patate, patate...
Et vous ne savez toujours pas à quoi ressemble Flavien, hein?
Eh bien il ressemble à tout sauf à une patate.
Peut-être qu'il a une tête d'asperge.
Un air de potiron mou.
Un dos en farine de sarrasin.
Mais pas du tout un air de patate.
Pourtant... Je sais.
Flavien est dans les patates.
samedi 10 février 2018
Jean-Baptiste le ramancheur
À Guy Marchamps,
poète et libraire trifluvien
Jean-Baptiste le ramancheur était un ivrogne qui vivait dans une minuscule baraque transformée en studio. Ce taudis était situé à cent pieds de la Wabasso, une usine de textile qui crachait sa suie noire toute la journée et toute la nuit. Une clôture de broche surmontée de fils barbelés séparait l'usine du reste du quartier. Et c'était un quartier pauvre, évidemment. Un quartier fortement peuplé constitué essentiellement de blocs à trois étages et de taudis comme celui où vivait Jean-Baptiste. Les chiens jappaient tout le temps et il y avait souvent des chicanes de ménage pour une tranche de baloney.
Le taudis du ramancheur était laid. Il y avait l'eau potable mais pas d'égout. Jean-Baptiste chiait dans un pot de chambre et se débarrassait de ses besoins on ne sait trop comment. Peut-être qu'il les faisait sécher...
On était pourtant en 1970. L'homme avait marché sur la Lune. Comment ne pas avoir de chiotte à la maison même si c'est un taudis, hein?
Laissons ce pot de chambre.
Jean-Baptiste le ramancheur était grand, maigre, le dos plié. Ses joues étaient flasques et vertes. Son nez était une grosse prune molle. Il avait des yeux morts. Cependant il était toujours peigné impeccablement, les cheveux gris et blancs bien lissés par derrière avec une belle raie sur le côté. Tout ce cheveu rare tenait avec du Brylcreem ou de l'huile à moteur. C'est dur à dire.
C'était tout un personnage, Jean-Baptiste. Taciturne, une bière à la main, une cigarette dans l'autre, écrasé dans son taudis à écouter la radio. Les stores étaient fermés ou pas. Tout ce qu'il voyait s'il laissait les stores ouverts c'est la Wabasso ou bindon des tannants qui se collaient la face dans l'unique grande fenêtre de sa piaule pour le faire chier.
Ces petits tannants cognaient à sa porte pour le taquiner un peu.
-Chie dans ton pot Baptiste! Ha! Ha! Ha! criaient-ils avant que de prendre la fuite.
-Mes p'tits crisses vous autres! bourassait Baptiste. M'en va's vous rammancher un coup d'pied dans l'cul si j'vous pogne!
On ne le voyait jamais à l'église, Jean-Baptiste. D'ailleurs, on ne voyait plus personne à l'église. Lui ou un autre, c'était pareil.
Il buvait pour oublier. Oublier quoi? Heu... Hum... Réfléchissez-y un peu. Invalide, ramancheur pour boire, installé devant une shop qui crache sa suie. Un décor de camp de concentration... On se saoulerait à mort pour moins que ça.
N'allons pas plus loin: Jean-Baptiste était ramancheur.
C'est lui qu'on allait voir pour se faire rammancher le dos, la jambe, le bras -alouette!
Son tarif était raisonnable, j'imagine, puisqu'il demeurait dans un taudis où il devait chier dans un pot de chambre.
Et à part ça? Rien.
Mes souvenirs s'arrêtent là.
Il chiait dans un pot de chambre.
Mais je n'en suis pas si sûr.
Je vais demander à un libraire de mes amis, collectionneur de souvenirs d'enfance, de m'éclairer à ce sujet. Peut-être que le pot de chambre est un résidus de mes souvenirs.
Quant aux petits crisses qui cognaient à sa porte, je m'en souviens.
C'était mes amis...
vendredi 9 février 2018
jeudi 8 février 2018
Méditation sans conséquence sur l'art
D'aussi loin que je me souvienne je barbouillais tout le temps. Pourquoi? Je ne le sais pas. Si j'étais né il y a 40 000 ans j'aurais peint sur les parois des cavernes. Comme je suis né en 1968, j'ai fait ça sur le papier, le carton, le bois, les murs et les toiles.
Après la passion pour le dessin, je suis passé à celle pour l'écriture. Puis à celles de la musique et de la peinture. J'ai probablement un besoin de m'exprimer qui est clairement au-dessus de la moyenne. Pourquoi? Je ne le sais pas.
Je suis comme ça.
Comme je ne peux pas parler sans arrêt pour embêter le monde, ce que je suis fort capable de faire si l'on ne me retient pas, je me rabats sur les arts et les lettres afin de poursuivre mon soliloque.
Il y en a trop dans ma tête. Beaucoup trop.
Et il faut que ça sorte.
Toujours.
mardi 6 février 2018
Les Québécois forment un nouveau peuple
On ne joue pas avec les droits des minorités et encore moins avec ceux des citoyens. La constitution, on dira ce que l'on voudra. est la somme de tous nos efforts collectifs pour vivre dans un État de droit où l'arbitraire n'a pas sa place. Bien sûr, les lois doivent servir les gens encore plus que les gens ne doivent servir les lois. Cela suppose que les gens apprennent à vivre ensemble avec leurs différences, inévitables dans une société qui, au grand dam des nationalistes identitaires, n'est plus et ne sera jamais plus ce qu'elle était.
Une nouvelle culture québécoise a émergé dans les années '60. C'était une culture déjantée, tournée vers le monde, qui se sortait lentement de la torpeur du conservatisme ambiant sous Duplessis. Déjà, on ne célébrait plus le sapin de Noël et les cabanes à sucre, mais des thèmes plus intérieurs, plus sociaux, plus fous aussi, preuve irréfutable que le Québec n'était déjà plus le Canada français des contes et légendes.
Le chef anishnabé Capitanal aurait rencontré Samuel de Champlain autour de 1634 pour l'inciter à construire un fort au village de Métabéroutin, poste de traite pour les fourrures des Atikamekw Nehirowisiw qui descendaient la rivière Tapiskwan Sipi pour les échanger avec les Français sous la protection des Anishnabeg. C'est devenu Trois-Rivières, la ville où j'habite. Samuel de Champlain aurait dit à Capitanal quelque chose comme «tes filles marieront nos fils et nous ne formerons plus qu'un seul peuple».
Je fais moi-même partie de ce nouveau peuple puisque je suis d'ascendance française et anishnabé.
Je n'irai pas plus loin dans le discours génétique qui, d'ailleurs, ne m'intéresse guère.
Ce qui est intéressant, c'est ce que nous ferons ensemble, nous tous qui occupons le territoire, ici, et aujourd'hui même. Je pense que nos fils et nos filles se marient déjà ensemble, d'où qu'ils viennent dans le monde, et qu'un nouveau peuple est déjà parmi nous. Un peuple québécois qui n'est sans doute pas le peuple tant rêvé par le chanoine Groulx. Un peuple qui n'a rien à voir avec ces tentatives de nous faire rentrer cul par-dessus tête dans la seule version autorisée par les bonzes du nationalisme québécois. Ce peuple-là, je le fréquente tous les jours: c'est le nôtre.
C'est ce peuple-là auquel doit s'adresser le PQ et la CAQ. Un peuple qui n'est pas une construction imaginaire mais une réalité qui n'échappe à personne.
Jouer dans les eaux sales de l'identité, en dénigrant les minorités, en développant la peur des étrangers et en bloquant les institutions aux membres d'une communauté, cela relève d'un autre temps, d'une autre époque. Nous allons frapper un mur si nous nous engageons dans cette voie sans issue qu'est le nationalisme identitaire. Cela tombe tellement sous le sens qu'il faut être peu patriote pour vouloir la mort du peuple qui est déjà ici pour le remplacer par le peuple du passé qui n'est plus là...
Je pense que nos moeurs politiques actuelles sont corrompues tant par des fraudeurs accoquinés à des organisations criminelles que par des laborantins qui rêvent de faire des expériences sociologiques rétrogrades avec le peuple québécois.
Je ne suis pas membre de Québec Solidaire. Et je ne le deviendrai pas.
Cependant, je vais voter pour QS aux prochaines élections.
Parce que Québec Solidaire me semble une solution à la corruption de nos moeurs sociales, politiques et économiques. Elles se sont considérablement éloignées de l'héritage de la Révolution tranquille et de l'ouverture à l'autre tant chantée par Gilles Vigneault dans sa chanson Mon Pays. Le Québec, où tous les humains sont de ma race, ne sera jamais autre chose qu'une oeuvre inachevée. Et c'est ce qui rend mon pays si exaltant, si libre, si différent sous ses meilleurs jours et ses tendres nuits.
Le Parti Libéral du Québec est risible sur à peu près tous les thèmes et marchande ses appuis.
La Coalition Avenir Québec s'embourbe dans le discours identitaire en plus de vouloir saborder les progrès de la Révolution tranquille au plan social et démocratique.
Le Parti Québécois est devenu l'ombre de lui-même et s'enlise lui aussi dans le déni du racisme et de l'islamophobie, comme la plupart des chroniqueurs des médias et journaux jaunes du Québec.
Dans les circonstances, un vote pour Québec Solidaire devient inévitablement un vote pour consolider les vrais acquis de la Révolution tranquille, un vrai État fort qui ne réduit pas les droits civiques à des caprices, sinon à des privilèges.
Québec Solidaire obtiendra mon vote.
Parce que nous sommes déjà un nouveau peuple.
Et parce que ce peuple peut désormais se libérer de son passé colonial pour mieux affronter l'avenir, c'est-à-dire une société ouverte sur le monde qui n'a pas froid aux yeux et célèbre la diversité.
D'autres gens viendront d'ailleurs. Et ils feront aussi partie de nos nouvelles aventures.
Notre peuple sera toujours plus fort parce que notre peuple sera le monde.
Ne doutons pas de pouvoir changer les choses avec un simple bulletin de vote.
Toutes nos réformes sociales sont aussi passées par la voie des urnes.
Et il y en a des réformes à mettre en oeuvre pour rétablir la confiance des Québécois et Québécoises envers leurs institutions et assurer une certaine forme d'harmonie sociale, aussi utopique qu'elle puisse sembler aux yeux de ceux qui lui préfèrent la politique de l'intolérance, de la magouille et du racisme.
Une nouvelle culture québécoise a émergé dans les années '60. C'était une culture déjantée, tournée vers le monde, qui se sortait lentement de la torpeur du conservatisme ambiant sous Duplessis. Déjà, on ne célébrait plus le sapin de Noël et les cabanes à sucre, mais des thèmes plus intérieurs, plus sociaux, plus fous aussi, preuve irréfutable que le Québec n'était déjà plus le Canada français des contes et légendes.
Le chef anishnabé Capitanal aurait rencontré Samuel de Champlain autour de 1634 pour l'inciter à construire un fort au village de Métabéroutin, poste de traite pour les fourrures des Atikamekw Nehirowisiw qui descendaient la rivière Tapiskwan Sipi pour les échanger avec les Français sous la protection des Anishnabeg. C'est devenu Trois-Rivières, la ville où j'habite. Samuel de Champlain aurait dit à Capitanal quelque chose comme «tes filles marieront nos fils et nous ne formerons plus qu'un seul peuple».
Je fais moi-même partie de ce nouveau peuple puisque je suis d'ascendance française et anishnabé.
Je n'irai pas plus loin dans le discours génétique qui, d'ailleurs, ne m'intéresse guère.
Ce qui est intéressant, c'est ce que nous ferons ensemble, nous tous qui occupons le territoire, ici, et aujourd'hui même. Je pense que nos fils et nos filles se marient déjà ensemble, d'où qu'ils viennent dans le monde, et qu'un nouveau peuple est déjà parmi nous. Un peuple québécois qui n'est sans doute pas le peuple tant rêvé par le chanoine Groulx. Un peuple qui n'a rien à voir avec ces tentatives de nous faire rentrer cul par-dessus tête dans la seule version autorisée par les bonzes du nationalisme québécois. Ce peuple-là, je le fréquente tous les jours: c'est le nôtre.
C'est ce peuple-là auquel doit s'adresser le PQ et la CAQ. Un peuple qui n'est pas une construction imaginaire mais une réalité qui n'échappe à personne.
Jouer dans les eaux sales de l'identité, en dénigrant les minorités, en développant la peur des étrangers et en bloquant les institutions aux membres d'une communauté, cela relève d'un autre temps, d'une autre époque. Nous allons frapper un mur si nous nous engageons dans cette voie sans issue qu'est le nationalisme identitaire. Cela tombe tellement sous le sens qu'il faut être peu patriote pour vouloir la mort du peuple qui est déjà ici pour le remplacer par le peuple du passé qui n'est plus là...
Je pense que nos moeurs politiques actuelles sont corrompues tant par des fraudeurs accoquinés à des organisations criminelles que par des laborantins qui rêvent de faire des expériences sociologiques rétrogrades avec le peuple québécois.
Je ne suis pas membre de Québec Solidaire. Et je ne le deviendrai pas.
Cependant, je vais voter pour QS aux prochaines élections.
Parce que Québec Solidaire me semble une solution à la corruption de nos moeurs sociales, politiques et économiques. Elles se sont considérablement éloignées de l'héritage de la Révolution tranquille et de l'ouverture à l'autre tant chantée par Gilles Vigneault dans sa chanson Mon Pays. Le Québec, où tous les humains sont de ma race, ne sera jamais autre chose qu'une oeuvre inachevée. Et c'est ce qui rend mon pays si exaltant, si libre, si différent sous ses meilleurs jours et ses tendres nuits.
Le Parti Libéral du Québec est risible sur à peu près tous les thèmes et marchande ses appuis.
La Coalition Avenir Québec s'embourbe dans le discours identitaire en plus de vouloir saborder les progrès de la Révolution tranquille au plan social et démocratique.
Le Parti Québécois est devenu l'ombre de lui-même et s'enlise lui aussi dans le déni du racisme et de l'islamophobie, comme la plupart des chroniqueurs des médias et journaux jaunes du Québec.
Dans les circonstances, un vote pour Québec Solidaire devient inévitablement un vote pour consolider les vrais acquis de la Révolution tranquille, un vrai État fort qui ne réduit pas les droits civiques à des caprices, sinon à des privilèges.
Québec Solidaire obtiendra mon vote.
Parce que nous sommes déjà un nouveau peuple.
Et parce que ce peuple peut désormais se libérer de son passé colonial pour mieux affronter l'avenir, c'est-à-dire une société ouverte sur le monde qui n'a pas froid aux yeux et célèbre la diversité.
D'autres gens viendront d'ailleurs. Et ils feront aussi partie de nos nouvelles aventures.
Notre peuple sera toujours plus fort parce que notre peuple sera le monde.
Ne doutons pas de pouvoir changer les choses avec un simple bulletin de vote.
Toutes nos réformes sociales sont aussi passées par la voie des urnes.
Et il y en a des réformes à mettre en oeuvre pour rétablir la confiance des Québécois et Québécoises envers leurs institutions et assurer une certaine forme d'harmonie sociale, aussi utopique qu'elle puisse sembler aux yeux de ceux qui lui préfèrent la politique de l'intolérance, de la magouille et du racisme.
lundi 5 février 2018
Je ne suis pas raciste et ce n'est pas de ma faute
Je n'ai aucun mérite à ne pas être raciste.
D'abord, si je ne le suis pas, ce n'est pas par conformisme idéologique.
C'est presque inné. Le racisme n'a jamais pris racine chez-moi. Tout m'a toujours porté vers les autres, surtout les plus bizarres, parce que je suis moi-même différent, pour ne pas dire étrange. Plus grand, plus gros, artiste et intellectuel, j'ai compris que je n'étais pas conforme à la moyenne qui se réclame de la moyenne pour passer à la moulinette tout ce qui dépasse.
J'ai aussi grandement profité des leçons d'humanisme d'un ancien vétéran de la Deuxième guerre mondiale qui était l'ami de mes parents et notre voisin. D'autant que je me souvienne, Irénée Pépin accueillait tout le monde avec le sourire aux lèvres: Noir, Jaune, Caucasien et j'en passe. Sa curiosité de découvrir le monde était plus forte que ses peurs. Et, sans le savoir, il m'aura transmis cette belle qualité. Je m'en rends bien compte aujourd'hui: monsieur Pépin m'a enseigné l'antiracisme. Et c'est d'autant mieux qu'il a aussi combattu les fascistes entre 1939 et 1945. Cet ancien vétéran, aussi curieux que cela puisse paraître, était un homme de paix.
Par ailleurs, les années 80 laissèrent sur nos rivages un flot de réfugiés chiliens, haïtiens, cambodgiens et vietnamiens qui tout de suite se mirent à frayer avec nous dans les ruelles et les cours d'école de Trois-Rivières. La peur de l'autre disparaissait jusqu'à devenir inexistante. On est tous pareils. No future. Fuck toutte...
Plus tard, à l'université, je me suis fait des amis de tous les horizons, dont bon nombre de Maghrébins. Puis je me suis mis à voyager. Et j'ai rencontré toutes sortes d'individus au destin unique qui firent tomber ce qu'il me restait de visières pour limiter mon angle de vue.
Je n'ai jamais été raciste, non pas parce que je suis donc fin, gentil et humain. Non. C'est moins que ça, je l'avoue. Je n'ai jamais été raciste parce que je ne le ressens pas du tout en moi. Je ressens plutôt la pulsion contraire - de l'attraction plutôt que de la répulsion envers les étrangers.
De plus, j'ai pleinement conscience d'être un «bâtard». Je suis métissé de tout ce traîne sur l'Île de la Tortue depuis 12 000 ans et plus encore: Français, Anishnabé, Wendate, Micmac, Anglais et j'en passe...
Ce n'est pas moi qui ai décidé de devenir citoyen du monde.
Ce sont mes gènes.
***
Comment peut-on être raciste?
J'imagine qu'il faut avoir grandi en vase clos, loin de tout ce qui pourrait ne pas ressembler à une norme socialement acceptable.
Ou bien avoir atteint une telle intensité dans son anticléricalisme exacerbé qu'on en vient à s'inventer des complots religieux là où il n'y a que des vieilles retraitées qui tricotent des pantoufles.
Dans un cas comme dans l'autre, les mythes rongent la vérité.
***
Lorsqu'un rat est pris dans un coin, il faut lui laisser de l'espace pour s'enfuir si nous ne voulons pas nous faire mordre.
J'imagine que c'est pareil pour les racistes.
Sauf que je ne sais pas quel espace je dois leur donner.
Difficile de vivre avec des craqueurs d'allumettes dans une poudrière sociale.
Peut-être que j'ai raison de les arroser d'un peu d'humour...
D'abord, si je ne le suis pas, ce n'est pas par conformisme idéologique.
C'est presque inné. Le racisme n'a jamais pris racine chez-moi. Tout m'a toujours porté vers les autres, surtout les plus bizarres, parce que je suis moi-même différent, pour ne pas dire étrange. Plus grand, plus gros, artiste et intellectuel, j'ai compris que je n'étais pas conforme à la moyenne qui se réclame de la moyenne pour passer à la moulinette tout ce qui dépasse.
J'ai aussi grandement profité des leçons d'humanisme d'un ancien vétéran de la Deuxième guerre mondiale qui était l'ami de mes parents et notre voisin. D'autant que je me souvienne, Irénée Pépin accueillait tout le monde avec le sourire aux lèvres: Noir, Jaune, Caucasien et j'en passe. Sa curiosité de découvrir le monde était plus forte que ses peurs. Et, sans le savoir, il m'aura transmis cette belle qualité. Je m'en rends bien compte aujourd'hui: monsieur Pépin m'a enseigné l'antiracisme. Et c'est d'autant mieux qu'il a aussi combattu les fascistes entre 1939 et 1945. Cet ancien vétéran, aussi curieux que cela puisse paraître, était un homme de paix.
Par ailleurs, les années 80 laissèrent sur nos rivages un flot de réfugiés chiliens, haïtiens, cambodgiens et vietnamiens qui tout de suite se mirent à frayer avec nous dans les ruelles et les cours d'école de Trois-Rivières. La peur de l'autre disparaissait jusqu'à devenir inexistante. On est tous pareils. No future. Fuck toutte...
Plus tard, à l'université, je me suis fait des amis de tous les horizons, dont bon nombre de Maghrébins. Puis je me suis mis à voyager. Et j'ai rencontré toutes sortes d'individus au destin unique qui firent tomber ce qu'il me restait de visières pour limiter mon angle de vue.
Je n'ai jamais été raciste, non pas parce que je suis donc fin, gentil et humain. Non. C'est moins que ça, je l'avoue. Je n'ai jamais été raciste parce que je ne le ressens pas du tout en moi. Je ressens plutôt la pulsion contraire - de l'attraction plutôt que de la répulsion envers les étrangers.
De plus, j'ai pleinement conscience d'être un «bâtard». Je suis métissé de tout ce traîne sur l'Île de la Tortue depuis 12 000 ans et plus encore: Français, Anishnabé, Wendate, Micmac, Anglais et j'en passe...
Ce n'est pas moi qui ai décidé de devenir citoyen du monde.
Ce sont mes gènes.
***
Comment peut-on être raciste?
J'imagine qu'il faut avoir grandi en vase clos, loin de tout ce qui pourrait ne pas ressembler à une norme socialement acceptable.
Ou bien avoir atteint une telle intensité dans son anticléricalisme exacerbé qu'on en vient à s'inventer des complots religieux là où il n'y a que des vieilles retraitées qui tricotent des pantoufles.
Dans un cas comme dans l'autre, les mythes rongent la vérité.
***
Lorsqu'un rat est pris dans un coin, il faut lui laisser de l'espace pour s'enfuir si nous ne voulons pas nous faire mordre.
J'imagine que c'est pareil pour les racistes.
Sauf que je ne sais pas quel espace je dois leur donner.
Difficile de vivre avec des craqueurs d'allumettes dans une poudrière sociale.
Peut-être que j'ai raison de les arroser d'un peu d'humour...
dimanche 4 février 2018
Nouvelle toile: La Binerie Chik
La Binerie Chik est le meilleur restaurant à Trois-Rivières pour un petit déjeuner. C'est aussi un petit musée Coca-Cola en soi-même. Je rends ici hommage à ses artisans. C'est au coin des rues Royale et Bonaventure, près de la cathédrale, bref au centre-ville.
samedi 3 février 2018
Un trottoir glacé de neige qui a pris froid
Mes bottes crissent et recrissent encore
Sur le trottoir glacé de neige qui a pris froid
Des oiseaux chantent même par moins vingt
S'ils ne trouvent pas à manger autant qu'ils pèsent
Ils seront morts avant la nuit sans faire cuicui
Des oiseaux morts j'en ai vus tomber
Cinquante hivers en mars
Et même les faits divers m'émerveillent encore
Les volatiles meurent et nous ne volons toujours pas
Ne me faisons pas le coup de l'avion et de la fusée
Faire comme l'oiseau, on ne me l'a fait pas
C'est pas demain la veille
Qu'il nous passera des ailes
À moins que je ne sois trop vieux
Pour comprendre là
Où nous en sommes
En somme
Enfin
Bref
Oui mes bottes crissent sur les trottoirs pas trop déglacés
Et je ne m'en plaindrai même pas
Puisque pas à pas je réalise
Que répandre des tonnes de calcium
Ça vous magane un fleuve au printemps
Tabarslaque de maudaille
Qui suis-je pour juger
Sinon ce piéton qui marche sur la chaussée
Comme s'il était de la maréchaussée
Ou de la j'en ai marre de me chausser
Et de me déchausser
Comme si l'hiver
On pouvait vivre nus pieds
En portant un pagne
En chouclaques vont les va-nus-pieds
Et en semelles à pics vont les poètes
À l'esprit pratique
La poésie qui ne sert à rien
C'est un mythe puisque je vous le dis
Si je portais un pagne l'hiver
Ce ne serait même pas pour les affaires
Juste pour provoquer
Mais j'attraperais un coup de froid
Voilà pourquoi je ne le fais pas
Et vous non plus d'ailleurs
D'ici ou d'ailleurs
L'hiver personne
Ne va pieds nus
Mes bottes sont sanglées d'une bande de caoutchouc
Des pics d'acier y sont moulés dedans
Ils pénètrent la glace sous mon poids gargantuesque
Beau temps mauvais temps je fonce à tous vents
Avec mes semelles qui mordent dans la glace
Et lorsqu'elles frottent des bouts d'asphalte vive
Ils m'arrivent de faire des étincelles sous mes pieds
Chlique chlaque
Le gros est beau à voir
Quand il fait du feu sous ses grosses bottes de sept lieues
De gros gars de Notre-Dame-des-Sept-Allégresses
Chlique chlaque pow wow
Kwey amigos
Je passe partout avec mes semelles à pics
Et ça me rend de bonne humeur
Et d'esprit plus léger
Avec mes semelles à pics
Je suis comme Vif-Argent
Je vous en passe ce papier
Virtuellement parlant
Parce que lorsque mes pas crissent
Et recrissent encore
Sur la neige qui a pris froid
Eh bien
Je
N'écris
Rien
Sur le trottoir glacé de neige qui a pris froid
Des oiseaux chantent même par moins vingt
S'ils ne trouvent pas à manger autant qu'ils pèsent
Ils seront morts avant la nuit sans faire cuicui
Des oiseaux morts j'en ai vus tomber
Cinquante hivers en mars
Et même les faits divers m'émerveillent encore
Les volatiles meurent et nous ne volons toujours pas
Ne me faisons pas le coup de l'avion et de la fusée
Faire comme l'oiseau, on ne me l'a fait pas
C'est pas demain la veille
Qu'il nous passera des ailes
À moins que je ne sois trop vieux
Pour comprendre là
Où nous en sommes
En somme
Enfin
Bref
Oui mes bottes crissent sur les trottoirs pas trop déglacés
Et je ne m'en plaindrai même pas
Puisque pas à pas je réalise
Que répandre des tonnes de calcium
Ça vous magane un fleuve au printemps
Tabarslaque de maudaille
Qui suis-je pour juger
Sinon ce piéton qui marche sur la chaussée
Comme s'il était de la maréchaussée
Ou de la j'en ai marre de me chausser
Et de me déchausser
Comme si l'hiver
On pouvait vivre nus pieds
En portant un pagne
En chouclaques vont les va-nus-pieds
Et en semelles à pics vont les poètes
À l'esprit pratique
La poésie qui ne sert à rien
C'est un mythe puisque je vous le dis
Si je portais un pagne l'hiver
Ce ne serait même pas pour les affaires
Juste pour provoquer
Mais j'attraperais un coup de froid
Voilà pourquoi je ne le fais pas
Et vous non plus d'ailleurs
D'ici ou d'ailleurs
L'hiver personne
Ne va pieds nus
Mes bottes sont sanglées d'une bande de caoutchouc
Des pics d'acier y sont moulés dedans
Ils pénètrent la glace sous mon poids gargantuesque
Beau temps mauvais temps je fonce à tous vents
Avec mes semelles qui mordent dans la glace
Et lorsqu'elles frottent des bouts d'asphalte vive
Ils m'arrivent de faire des étincelles sous mes pieds
Chlique chlaque
Le gros est beau à voir
Quand il fait du feu sous ses grosses bottes de sept lieues
De gros gars de Notre-Dame-des-Sept-Allégresses
Chlique chlaque pow wow
Kwey amigos
Je passe partout avec mes semelles à pics
Et ça me rend de bonne humeur
Et d'esprit plus léger
Avec mes semelles à pics
Je suis comme Vif-Argent
Je vous en passe ce papier
Virtuellement parlant
Parce que lorsque mes pas crissent
Et recrissent encore
Sur la neige qui a pris froid
Eh bien
Je
N'écris
Rien
vendredi 2 février 2018
Et Tiwi-Zinzoui redevint Louis St-Louis
D'aussi loin que l'on se souvienne Louis St-Louis, alias Tiwi-Zinzoui, avait toujours été un gros peureux. Ce qui fait qu'on l'appelait Tiwi-Zinzoui même s'il aurait préféré se faire appeler l'Aigle, le Chevalier Noir ou bien Maître. Tout un chacun s'entendait qu'il serait plutôt Tiwi-Zinzoui pour toujours et pour l'éternité.
Tiwi-Zinzoui s'était rendu détestable à force d'agresser verbalement et surtout physiquement des tas de personnes qui avaient le malheur d'être plus faibles que lui. Tiwi-Zinzoui, ce gros peureux, aimait lire la peur dans les yeux de ses victimes. Cette peur qui était sienne et qu'il croyait contrôler en la suscitant chez l'autre, aussi minuscule soit-il.
Tout jeune, Tiwi-Zinzoui pleurait pendant les orages et allait se cacher dans les jupes de sa mère.
Puis il s'est mis à se battre. D'abord parce qu'il avait peur. Il avait tellement peur de se faire mal qu'il vous fessait normalement à coups de bottes d'acier ou de bâton. Il devint rapidement célèbre parmi d'autres peureux comme lui qui faisaient du muscle pour tromper cette peur. Ensemble, ils pouvaient tout se permettre. Les freluquets se faisaient plumer. Les faibles se faisaient agressés. Les Tiwi-Zinzoui de ce monde, je vous jure, sont de vrais paltoquets.
Évidemment, Tiwi-Zinzoui était exalté par la violence et la célébrait sous toutes ses formes. Les films, la musique et la panoplie de la violence prirent toute leur place dans la vie de Tiwi-Zinzoui. Il se fit collectionneur de couteaux de chasse, de fusils de chasse et finalement de lance-flammes.
Il avait de plus en plus peur, Tiwi-Zinzoui, du fait même qu'il se tenait avec des peureux qui réagissaient au quart de tour sans jamais maîtriser leurs émotions.
Les amis de Tiwi-Zinzoui devenaient tous des bombes à retardement armés jusqu'aux dents.
Rien pour réduire l'anxiété de Tiwi-Zinzoui qui se mit à développer des tics.
Il clignait surabondamment des yeux. Et il crachait tout le temps en se remontant les testicules, même en présence des dames.
Aucune dame ne voulait de Tiwi-Zinzoui. Ce qui le rendait encore plus amer et plus violent avec la pauvre dame qui lui tenait lieu de défouloir social autorisé. Il en finissait par penser qu'elles étaient toutes des chiennes, Tiwi-Zinzoui, parce que c'était non seulement un peureux -mais aussi un lâche.
Alors Tiwi-Zinzoui s'est fait trimbaler d'une prison à l'autre pour toutes sortes de conjugaisons plus ou moins conjugales et autres agressions sauvages à coups de bouteille.
Le temps passa.
Et Tiwi-Zinzoui devint très, très vieux.
Il a changé depuis son dernier accident cardiovasculaire.
D'aucuns deviennent plus violent.
Mais pas lui. On pourrait croire que ça l'a calmé.
C'est vrai qu'il est maintenant paraplégique mais il voit la vie autrement Louis Saint-Louis.
Il n'a plus peur de rien.
C'est comme s'il avait fait la paix avec son passé crasseux.
Comme s'il avait (un peu) touché la lumière.
C'est dur à dire.
Et Louis Saint-Louis ne vous raconte jamais ça bien longtemps.
Ça lui prend un temps énorme pour articuler.
Mais il dit qu'il a fait la paix avec l'univers et qu'il est entouré de personnes merveilleuses.
Il regrette tout ce qu'il a été. Il ne l'oublie pas. Mais il sait maintenant que c'est parce qu'il avait peur. Cette peur qui vous ronge l'âme et vous détruit.
-Moé j'aime tout l'monde, bredouille Louis Saint-Louis, les yeux embués de larmes.
La vie est mal faite.
La sagesse devrait venir lorsqu'on est fort et en santé.
Ne soyons pas des Tiwi-Zinzoui.
jeudi 1 février 2018
Les chiens de garde
C'était le titre d'un article d'un des membres de ce couple maudit... Les chiens de garde, ça glorifiait les nonos...