lundi 31 juillet 2017
Cosplay au centre-ville de Trois-Rivières
Le cosplay est un loisir qui consiste à jouer le rôle d'un personnage en adoptant son costume, sa coupe de cheveux et ses manières.
Je suis à des années-lumière de ce loisir, peut-être parce que je suis trop vieux. Mais il m'arrive de marcher au centre-ville de Trois-Rivières le samedi soir. Et samedi soir, au parc portuaire, il était impossible de les manquer.
Il y avait un stormtrooper de Star Wars, Deadpool, Spider-Man , Batman, Wonder Woman, Edward aux mains d'argent, Luigi, Ace Ventura et j'en passe compte tenu de ma relative ignorance des personnages dépassée cette limite.
Les curieux prenaient évidemment des selfies avec l'homme araignée, la femme chat ou Mickey la souris.
Parfois je me demandais si telle personne était déguisée ou bien si c'était son air naturel...
***
Tout à coup mon regard se porta sur Lucien.
Appelons-le ainsi puisque son prénom m'est encore inconnu.
Il portait un accoutrement qui semblait sorti de Mad Max. Il avait enfilé deux pantalons, l'un par-dessus l'autre. Ce qui frappait l'oeil c'était surtout le pantalon élimé de surface. Élimé est un bien grand mot. À la limite d'être éliminé qu'il était, ce pantalon. Une vraie loque déchirée de partout qui ne tenait que par la ceinture.
Lucien, évidemment, n'est pas un personnage tout en étant un à temps plein, et pas seulement lors d'un party de cosplay au centre-ville de Trois-Rivières.
Lucien parcourt les rues et les parcs avec ses sacs de vidanges verts remplis de canettes vides.
Samedi soir, Lucien se faufilait parmi les Spider-Man, les Cat-Woman et les curieux pour ramasser des canettes consignées.
J'ai eu comme le flash de prendre un selfie avec lui. Comme si Lucien était mon super-héros. Mais il aurait pu mal l'interpréter.
Alors je n'ai rien fait.
Je me suis contenté de le regarder se promener d'une poubelle à l'autre, comme une guêpe.
Les policiers sur les lieux avaient l'air plus heureux que d'habitude.
Batman, c'est quelque chose.
Même qu'ils prenaient des selfies avec lui.
Vous auriez dû tous les voir.
De vrais enfants.
***
Le soleil se couchait sur la rue des Forges. Et pas n'importe quel soleil. On avait l'impression que tout était en feu. Toutes les têtes brillaient. Tous les immeubles. Tous les humains.
Un enterrement de vie de garçon fonça sur nous à la croisée de la rue Badeaux. Le futur marié était attaché et déguisé en prisonnier. De joyeux lurons déjà saouls le faisaient marcher parmi les badauds de la rue des Forges devenue piétonnière à cette heure-là.
On croisa aussi un enterrement de vie de fille dans le secteur de la cathédrale. Une future mariée entourée de coquines copines s'en allaient sur la rue avec un énorme pénis gonflé. Quelque chose de la taille d'une bûche qu'elles brandissaient au-dessus de leurs têtes en jetant des cris d'extase. C'était un signe des temps qui se produisait à moins de trois mètres de notre auguste cathédrale.
Oui, c'était un samedi soir païen au centre-ville de Trois-Rivières.
***
J'oubliais de dire que j'ai croisé un type gelé raide avant d'aller me promener au centre-ville. Il courait sur la rue Royale en remontant vers la rue Laviolette. Il lui a pris l'idée de grimper sur une voiture et de percuter son crâne dans le pare-brise d'une voiture garée là. Difficile d'identifier le type. Il continua sa course en zigzagant, percutant la Place Royale, le Couche-Tard ou le Manège militaire. Si ça se trouve il court encore ce matin. Quand il s'arrêtera les citoyens auront dû débourser plus de 50 000$ pour tout ce qu'il aura détruit sur son passage.
Je ne crois pas qu'il jouait un rôle, lui.
Je ne sais pas qui c'est.
Et je ne sais pas ce qu'il a pris. Ni ce qui lui prend.
Je suis à des années-lumière de ce loisir, peut-être parce que je suis trop vieux. Mais il m'arrive de marcher au centre-ville de Trois-Rivières le samedi soir. Et samedi soir, au parc portuaire, il était impossible de les manquer.
Il y avait un stormtrooper de Star Wars, Deadpool, Spider-Man , Batman, Wonder Woman, Edward aux mains d'argent, Luigi, Ace Ventura et j'en passe compte tenu de ma relative ignorance des personnages dépassée cette limite.
Les curieux prenaient évidemment des selfies avec l'homme araignée, la femme chat ou Mickey la souris.
Parfois je me demandais si telle personne était déguisée ou bien si c'était son air naturel...
***
Tout à coup mon regard se porta sur Lucien.
Appelons-le ainsi puisque son prénom m'est encore inconnu.
Il portait un accoutrement qui semblait sorti de Mad Max. Il avait enfilé deux pantalons, l'un par-dessus l'autre. Ce qui frappait l'oeil c'était surtout le pantalon élimé de surface. Élimé est un bien grand mot. À la limite d'être éliminé qu'il était, ce pantalon. Une vraie loque déchirée de partout qui ne tenait que par la ceinture.
Lucien, évidemment, n'est pas un personnage tout en étant un à temps plein, et pas seulement lors d'un party de cosplay au centre-ville de Trois-Rivières.
Lucien parcourt les rues et les parcs avec ses sacs de vidanges verts remplis de canettes vides.
Samedi soir, Lucien se faufilait parmi les Spider-Man, les Cat-Woman et les curieux pour ramasser des canettes consignées.
J'ai eu comme le flash de prendre un selfie avec lui. Comme si Lucien était mon super-héros. Mais il aurait pu mal l'interpréter.
Alors je n'ai rien fait.
Je me suis contenté de le regarder se promener d'une poubelle à l'autre, comme une guêpe.
Les policiers sur les lieux avaient l'air plus heureux que d'habitude.
Batman, c'est quelque chose.
Même qu'ils prenaient des selfies avec lui.
Vous auriez dû tous les voir.
De vrais enfants.
***
Le soleil se couchait sur la rue des Forges. Et pas n'importe quel soleil. On avait l'impression que tout était en feu. Toutes les têtes brillaient. Tous les immeubles. Tous les humains.
Un enterrement de vie de garçon fonça sur nous à la croisée de la rue Badeaux. Le futur marié était attaché et déguisé en prisonnier. De joyeux lurons déjà saouls le faisaient marcher parmi les badauds de la rue des Forges devenue piétonnière à cette heure-là.
On croisa aussi un enterrement de vie de fille dans le secteur de la cathédrale. Une future mariée entourée de coquines copines s'en allaient sur la rue avec un énorme pénis gonflé. Quelque chose de la taille d'une bûche qu'elles brandissaient au-dessus de leurs têtes en jetant des cris d'extase. C'était un signe des temps qui se produisait à moins de trois mètres de notre auguste cathédrale.
Oui, c'était un samedi soir païen au centre-ville de Trois-Rivières.
***
J'oubliais de dire que j'ai croisé un type gelé raide avant d'aller me promener au centre-ville. Il courait sur la rue Royale en remontant vers la rue Laviolette. Il lui a pris l'idée de grimper sur une voiture et de percuter son crâne dans le pare-brise d'une voiture garée là. Difficile d'identifier le type. Il continua sa course en zigzagant, percutant la Place Royale, le Couche-Tard ou le Manège militaire. Si ça se trouve il court encore ce matin. Quand il s'arrêtera les citoyens auront dû débourser plus de 50 000$ pour tout ce qu'il aura détruit sur son passage.
Je ne crois pas qu'il jouait un rôle, lui.
Je ne sais pas qui c'est.
Et je ne sais pas ce qu'il a pris. Ni ce qui lui prend.
dimanche 30 juillet 2017
vendredi 28 juillet 2017
Morte Adèle
Ça lui prenait toujours vers dix ou onze heures du soir. Peut-être avant mais les témoins manquent à l'appel. Alors qu'il est indubitable que Mortadelle appelait ses amies vers ces heures-là, fin saoule, pour leur répéter toujours la même rengaine.
-Appelle mes parents... dis-leur que j'su's une bonne fille...
Évidemment, personne n'appelait ses parents.
Et tous avaient fini par lui raccrocher la ligne au nez.
Tant et si bien qu'il n'y avait plus d'amis autour de Mortadelle.
Elle avait maintenant soixante-trois ans. Elle gémissait encore dans les bars en imitant une poule que l'on égorge. Elle appelait ça une performance.
Ses parents étaient morts. Et elle savait qu'ils savaient qu'elle était une bonne fille.
Mortadelle avait fait la paix avec elle-même.
Elle n'avait pas dessoûlé pour autant.
Et elle criait dans le même bar de poètes maudits depuis au moins vingt-cinq ou trente-huit ans.
Ses prestations de poules que l'on égorge commençaient à gêner un peu les nouveaux propriétaires. Ce n'est pas qu'ils étaient méprisants envers l'art. C'est juste qu'ils trouvaient gênants que tous les spectacles soient bousillés par l'art en direct de Mortadelle qui prêtait sa voix et son corps filiforme à toutes sortes de distorsions et de contorsions. Elle agressait même les clients en collant son nez dans leurs yeux tout en simulant la poule que l'on égorge. C'était devenu trop.
Pourtant, les proprios ne firent rien. Ils se dirent qu'ils devaient vivre avec Mortadelle.
-On leur vend de quoi pour les assommer... On est quand même pas pour être regardants sur ceux qu'on assomme...
C'était une morale qui se tenait. Elle fut approuvée par le conseil d'administration du bar.
Ah oui! le bar s'appelait L'Assommoir. Comme dans le roman de Zola. Il avait été fondé par des étudiants du Cégep qui avaient eu à lire L'Assommoir de Émile Zola pour leur cours de français.
Mortadelle, c'était Mortadelle.
Elle devait bien sûr avoir un autre prénom.
Mais c'est le seul qu'elle nous donnait.
Et elle nous le donnait comme si c'était un privilège alors que, bien honnêtement, on s'en contrefoutait.
-Je m'ap-pel-le-heu Mor-ta-del-leuh! nous disait-elle en prenant des poses avec ses bras comme si elle se croyait devenue une divinité hindoue.
Oui, oui. C'était une bonne fille.
La vieille toujours accoudée au bar de L'Assommoir depuis presque des siècles.
Morte Adèle.
-Appelle mes parents... dis-leur que j'su's une bonne fille...
Évidemment, personne n'appelait ses parents.
Et tous avaient fini par lui raccrocher la ligne au nez.
Tant et si bien qu'il n'y avait plus d'amis autour de Mortadelle.
Elle avait maintenant soixante-trois ans. Elle gémissait encore dans les bars en imitant une poule que l'on égorge. Elle appelait ça une performance.
Ses parents étaient morts. Et elle savait qu'ils savaient qu'elle était une bonne fille.
Mortadelle avait fait la paix avec elle-même.
Elle n'avait pas dessoûlé pour autant.
Et elle criait dans le même bar de poètes maudits depuis au moins vingt-cinq ou trente-huit ans.
Ses prestations de poules que l'on égorge commençaient à gêner un peu les nouveaux propriétaires. Ce n'est pas qu'ils étaient méprisants envers l'art. C'est juste qu'ils trouvaient gênants que tous les spectacles soient bousillés par l'art en direct de Mortadelle qui prêtait sa voix et son corps filiforme à toutes sortes de distorsions et de contorsions. Elle agressait même les clients en collant son nez dans leurs yeux tout en simulant la poule que l'on égorge. C'était devenu trop.
Pourtant, les proprios ne firent rien. Ils se dirent qu'ils devaient vivre avec Mortadelle.
-On leur vend de quoi pour les assommer... On est quand même pas pour être regardants sur ceux qu'on assomme...
C'était une morale qui se tenait. Elle fut approuvée par le conseil d'administration du bar.
Ah oui! le bar s'appelait L'Assommoir. Comme dans le roman de Zola. Il avait été fondé par des étudiants du Cégep qui avaient eu à lire L'Assommoir de Émile Zola pour leur cours de français.
Mortadelle, c'était Mortadelle.
Elle devait bien sûr avoir un autre prénom.
Mais c'est le seul qu'elle nous donnait.
Et elle nous le donnait comme si c'était un privilège alors que, bien honnêtement, on s'en contrefoutait.
-Je m'ap-pel-le-heu Mor-ta-del-leuh! nous disait-elle en prenant des poses avec ses bras comme si elle se croyait devenue une divinité hindoue.
Oui, oui. C'était une bonne fille.
La vieille toujours accoudée au bar de L'Assommoir depuis presque des siècles.
Morte Adèle.
jeudi 27 juillet 2017
Les utopies font avancer le monde
Les scénarios catastrophes nous viennent naturellement à l'esprit puisque nous y avons été conditionnés dès l'enfance. À la menace nucléaire se sont ajoutées d'autres menaces tout aussi terribles et génératrices d'anxiété. Si ce n'est pas la bombe atomique qui vient à bout de nos vains efforts, ce sera le climat, la guerre, la peste ou le choléra.
Quoi que nous fassions nous semblons d'ores et déjà coincés. Et, par dépit, nous adoptons la philosophie des classes supérieures du Titanic, croyant qu'il y aura toujours un bateau de sauvetage pour une milady ou bien un gentleman.
Je ne m'avancerai pas plus loin sur le sujet. D'autres que moi l'approfondiront avec plus de justesse.
Ce qui m'intéresse, maintenant, ce sont les utopies.
N'allez pas croire que j'aie raison d'envisager l'hypothèse d'un monde meilleur. Je ne ressens même pas le besoin d'y croire moi-même. C'est l'été. Prendre une respiration à la fois est bien suffisant. Le monde tourne, avec ou sans moi.
Pourtant, je me surprends à rêver.
Il y a de plus en plus de voitures électriques et il est probable que ce soit une tendance qui pourrait modifier nos transports.
Nikola Tesla était convaincu de pouvoir transmettre une énergie libre et gratuite par le biais des ondes radio ou gravitationnelles. Ce qui mettrait fin aux guerres pour le contrôle de l'énergie. Tout le monde aurait accès à un maximum d'énergie pour sweet nothing.
Westinghouse, qui finançait ses travaux, ne le voyait pas ainsi. Il préférait ses barrages hydroélectriques. «Je ne donnerais pas un sou à une énergie sur laquelle je ne pourrais pas mettre un compteur», aurait-il répondu à Tesla.
Un peu plus tard Tesla prétendit avoir découvert une arme absolue qui pourrait fendre la Terre en deux. Il voulut transmettre le secret de son invention à tous les dirigeants de la Terre pour les forcer à s'entendre les uns les autres sous peine de tous y passer.
On ne sait pas ce qui est advenue de son «invention». Par contre, l'usage de l'arme nucléaire relève de la même logique. Tous les fous de la Terre possèdent le secret pour la faire éclater. Ils doivent s'entendre ou disparaître.
***
Je me suis écarté de mon sujet pour mieux y revenir.
Il serait donc possible de concentrer nos efforts sur la recherche d'une énergie libre, gratuite et accessible pour tout un chacun.
Je me doute bien qu'elle existe, cette énergie, même si mes cours de physique remontent à plus de trente ans.
On pourrait rouler gratuitement, où que nous voulons, sur des véhicules autonomes, pas bruyants et qui pourraient même voler, tiens.
Il y aurait plus de rues piétonnières. Plus de pistes cyclables. Plus d'arbres.
Comme il y aura toujours de moins en moins boulot pour tout le monde, il y aurait plus de partage.
Il va de soi qu'il n'y aurait plus de criminalité et c'est là que mon rêve faiblit.
Comment mettre un terme à la corruption, à la fraude, au vol et à tout le reste?
Certainement pas en faisant toujours la même chose.
Cela va tomber ça aussi. Comment? Je n'en sais rien. Peut-être par ennui. La lassitude des criminels sera telle qu'ils préféreront les arts et la philosophie. Ça s'est déjà vu avec des empereurs romains. Pourquoi pas avec des petits caïds faiseurs d'élections?
***
Tout est possible.
Le meilleur comme le pire.
Le pire, ça s'est déjà vu.
On pourrait aller encore plus loin dans la fange, mais c'est vain comme une guêpe qui se laisserait mourir au fond d'une canette de boisson gazeuse.
Le meilleur, ça c'est original.
Ça change de la routine.
Ça met un peu de couleurs dans nos vies fades.
***
Évidemment, si rien ne change peut-être faudra-t-il faire comme Nikola Tesla.
Il est mort à New-York en nourrissant les pigeons dans les parcs.
C'était mieux que rien.
Plus besoin de se fendre le crâne.
Ou bien de fendre la Terre en deux.
mercredi 26 juillet 2017
Le King Can des ramasseux d'canettes
Il y a une hiérarchie dans tout, même chez les ramasseux de canettes.
On croirait que ces gens vivent au-delà de ce monde, loin de nos traîtrises et de nos conventions. Ils se contentent pourtant de peu. Une canette par-ci par-là. Et parfois, ô miracle! une cruche d'eau de source consignée à 10 dollars.
Il y eut pourtant des années plus fastes que les autres pour Rémi.
Rémi est ramasseux de canettes depuis des lustres. Je le croise souvent tôt le matin, depuis au moins deux décades.
C'est un gros et grand gaillard dans la soixantaine. Il a déjà été journalier dans une usine. Il a fait une dépression après avoir perdu sa job, sa femme, ses enfants, son char et sa maison. Il est tombé sur l'aide sociale. Puis, pour joindre les deux bouts, il s'est mis à ramasser des canettes.
Rémi se trouvait ce matin près d'une poubelle de pharmacie, au centre-ville encore désert de Trois-Rivières.
Le soleil était étincelant et j'étais de fort bonne humeur.
-Salut Rémi comment ça va?
-Bof! Y'a trop d'monde qui ramasse des canettes au centre-ville. Avant c'était payant. Aujourd'hui on dirait que je repasse après vingt autres...
-Y'a de la concurrence...
-Mets-en... Bon bin j'continue ma run... Peut-être que j'va's en trouver dans les poubelles, au Parc... Y'a personne qui fait l'Parc... C'est trop loin à pédaler pis à marcher pour eux autres...
Rémi était monté sur un vélo. Il a poursuivi son chemin tandis que je déambulais dans la même direction.
Tant et si bien que j'ai revu Rémi au Parc.
Il fouillait dans les poubelles et ne trouvait rien.
-Salut Rémi? La cueillette est roffe?
-Mets-en! Tout l'monde est en vacances... La ville est vide... C'est comme si y'avait p'us d'canettes... Rien mon homme! Rien! El' marché d'la canette est roffe en tabarnak c't'année...
Vous auriez sans doute délié les cordons de votre bourse pour ce pauvre Rémi. Aussi, je ne me vanterai pas de l'avoir fait.
Nous avons poursuivi notre conversation.
-Peut-être que ce serait meilleur le ramassage de canettes à l'Île?
-À l'Île? Faut même pas y penser. C'est Normand qui est là depuis 30 ans. Même que son nom était dans Le Nouvelliste y'a pas longtemps... C'était écrit bonne fête Normand qui ramasse des canettes à l'Île depuis 30 ans...
-Ah bon? Vous avez vos territoires entre ramasseux d'canettes?
-Certain. À part le centre-ville qui est le free-for-all. On sait pas quoi est à qui. C'est premier arrivé premier servi. Mais l'Île, minute... C'est pour Normand. Pis tu sais comment on l'surnomme nous autres? El King Can... Le King Can des ramasseux d'canettes de l'Île: Normand lui-même!
-Pis el' Parc, Rémi? Y'appartient-tu à quelqu'un el' Parc pour les ramasseux d'canettes?
-Non. C'est encore en zone libre...
-Tu devrais devenir le King Can du Parc Rémi. Comme Normand qui est l'King Can de l'Île...
-Ouin pis dans trente ans j'aurais un bonne fête imprimé dans Le Nouvelliste de la part des gens du Parc! Arf! Arf! Arf!
Évidemment, Le Nouvelliste ne sera plus imprimé d'ici trente ans, voire l'année prochaine. Tout va si vite.
Aujourd'hui Rémi devait aider un ami à ramener de la viande d'un endroit où des âmes charitables t'en vendent pour 5 dollars. Du congelé. Plein de sacs. Miam.
-On va s'bourrer la panse aujourd'hui mon chum pis moé! Arf! Arf! Arf! Si l'premier peut arriver!
J'ai laissé Rémi à ses canettes et à ses affaires.
Elles sont plutôt maigres par les temps qui courent.
En dépit de la viande congelée.
Et de la menue monnaie refilée par les quidams.
***
Post-scriptum:
Rémi m'a aussi mentionné, ironiquement, qu'il ne ramasse jamais de canettes de format «king can». Elles prennent trop de place dans son sac à dos et ne sont pas payantes en fonction de l'espace et du temps qu'il alloue à son activité de ramasseur de canettes vides. Je ne savais pas comment intégrer ça dans l'histoire. D'où ce post-scriptum fort utile.
mardi 25 juillet 2017
Fragments
Il y a des jours comme ça où le soleil vous frappe en pleine face.
Vous marchez sur un trottoir au petit matin et voilà que notre étoile perce le ciel et vous aveugle.
Vous y voyez un signe, bien entendu.
-Il va faire beau aujourd'hui.
Et s'il ne fait pas beau, ça ne fait rien.
Il vous restera le souvenir de ce soleil qui vous frappait en pleine face.
Ce qui permet de se nettoyer l'esprit des mesquineries propres à notre espèce.
***
Quand on lui demandait tout va bien il répondait tout le temps qu'il allait mal.
Finalement, plus personne ne lui demandait rien.
Et du coup, il se mit à aller mieux.
Il était devenu anonyme.
Fondu dans la foule.
Hors du temps.
***
Baptiste était un ivrogne qui faisait aussi profession de sorcier et de ramancheur pour gagner son boire.
Il vivait dans un taudis, un genre de hangar transformé en studio avec une toilette et un lavabo.
Le monde allait le voir pour la grippe, pour un pied reviré, un torticolis.
Puis un jour Baptiste est disparu.
Son logement aussi.
Il ne m'est resté que son souvenir.
Que je traîne comme un idiot.
Comme si je me souciais tant de Baptiste l'ivrogne...
***
Des fragments de pensée.
Des petits riens.
Des amusettes.
Des texticules.
Mes propos sont décousus de fil blanc.
***
Et coetera.
Vous marchez sur un trottoir au petit matin et voilà que notre étoile perce le ciel et vous aveugle.
Vous y voyez un signe, bien entendu.
-Il va faire beau aujourd'hui.
Et s'il ne fait pas beau, ça ne fait rien.
Il vous restera le souvenir de ce soleil qui vous frappait en pleine face.
Ce qui permet de se nettoyer l'esprit des mesquineries propres à notre espèce.
***
Quand on lui demandait tout va bien il répondait tout le temps qu'il allait mal.
Finalement, plus personne ne lui demandait rien.
Et du coup, il se mit à aller mieux.
Il était devenu anonyme.
Fondu dans la foule.
Hors du temps.
***
Baptiste était un ivrogne qui faisait aussi profession de sorcier et de ramancheur pour gagner son boire.
Il vivait dans un taudis, un genre de hangar transformé en studio avec une toilette et un lavabo.
Le monde allait le voir pour la grippe, pour un pied reviré, un torticolis.
Puis un jour Baptiste est disparu.
Son logement aussi.
Il ne m'est resté que son souvenir.
Que je traîne comme un idiot.
Comme si je me souciais tant de Baptiste l'ivrogne...
***
Des fragments de pensée.
Des petits riens.
Des amusettes.
Des texticules.
Mes propos sont décousus de fil blanc.
***
Et coetera.
lundi 24 juillet 2017
Martial le gars qui ressentait tout
Martial portait mal son prénom. Il n'avait rien d'un agressif, Martial. C'était une soie. Un gars tout en murmures qui ne disait pas un mot si vous voyez ce que je ne sais pas dire.
Martial ressemblait un peu à Tintin s'il avait perdu son toupet. Il avait le nez du Capitaine Haddock. Et l'air malingre du Professeur Tournesol. Finalement, il ne ressemblait à rien d'autre que lui-même. On le savait à sa démarche que c'était Martial qui s'en venait. Hergé pouvait aller se rhabiller.
Et sa démarche était tellement singulière que c'est une honte que de comparer Martial à qui que ce soit.
Il avait l'air contristé, replié sur lui-même, les yeux rivés sur ses chaussures.
Chaque fois que Martial passait près de quelqu'un, il se mettait à gémir comme un veau.
-Oh...v...vo....vooooo.... Vooooo...
Nous fûmes longtemps à nous demander pourquoi Martial gémissait autant.
Jusqu'à ce que l'on se saoule avec Martial.
-Pourquoi tu gémis quand tu passes devant el' monde? lui demanda l'insolent Ti-Luc, membre de notre tournée des bars.
-Je ressens la misère des gens... Dès qu'ils sont près d'moé, j'sens leur maladie, leurs souffrances... Ça m'fait gémir comme un veau.
-Pis moé, Martial? Tu gémis pas pour moé?
-J'suis saoul. Quand j'suis saoul ej' gémis pas. C'est bin l'seul temps où j'ai la sainte paix!
-Ça doit pas être facile de ressentir les souffrances de tout un chacun...
-Ej' souhaiterais pas ça à mon pire ennemi!
Et la soirée se termina devant une poutine au Café de la Gare, affectueusement surnommé le Café d'la Bagarre. On s'y battait surtout avec son ombre puisque tout le monde y était fin saoul à quatre heures du matin.
Martial n'y était pas. Il était rentré chez-lui.
On le croise souvent en allant travailler à l'atelier.
Il gémit encore comme un veau chaque fois qu'il vous croise, que ça soit vous, eux ou bien moi.
-Oh...v...vo....vooooo.... Vooooo...
Et il souffre, Martial.
Il souffre de tout ressentir.
Ça ne doit pas être facile.
Tu croises un itinérant et tu fais vo...voooo...
Tu fais vo... vooo... même pour un homme d'affaires parce qu'il a le cancer ou l'envie de se pendre.
Finalement, tu fais vo... voooo... tout le temps. Comme le fait si bien Martial, l'ultrasensible.
Ça en prend des fous comme lui.
Dites-moi que ça ne vous arrive pas de passer devant les gens en se foutant d'eux?
Martial ne se fout jamais des gens.
Ils lui rentrent dans le ventre, dans l'esprit, dans l'âme.
Il ne veut pas vous voir souffrir, Martial, parce que ça lui fait mal, très mal.
-Maudite misère humaine! finit parfois par lâcher Martial. J'aimerais tant qu'elle me lâche!
dimanche 23 juillet 2017
Quidams au Zoo de Saint-Barnabé
Elle avait les cheveux roux, la soixantaine dépassée, et portait un ensemble en acrylique rouge écarlate et démodé. On ne voyait pas ses yeux sous ses verres fumés qui lui prenaient la moitié de la figure. Elle était petite, un peu rabougrie, et tremblotait avec sa cigarette en main.
-Je fume. Tantôt, on pourra pas dans l'train.
Celui qui semblait être son époux ne lui répondit pas. Il demeura à ses côtés, à moitié chauve, teint en noir, stoïque et emballé dans un survêtement de sport au cas où le vent serait frais. Ce n'était pourtant pas le cas. Il faisait chaud et humide. Et l'époux suait déjà à grosses gouttes comme s'il était obligé de porter son jacket.
Un autre couple attendait que le train arrive.
C'était un couple dans la quarantaine, entre bedonnant et athlétique, qui portaient tous deux leur casque de vélo comme s'ils craignaient de tomber. On ne pouvait pas embarquer de vélo dans le train. Et ces deux-là traînaient tout de même leur casque. De plus, ils ne se parlaient pas. Comme s'ils se demandaient ce qu'ils faisaient là.
Puis il y avait Superman. Enfin, ce n'était pas Superman mais il arborait un tee-shirt avec le célèbre sigle du surhomme. Évidemment, il n'avait pas la gueule de l'emploi. C'était un rouquin dans la cinquantaine. Il ne lui restait plus que des gencives. Et il arborait une coupe de cheveux Longueuil.
Superman parlait un peu tout seul. À moins qu'il n'en était à compter son argent à voix haute.
Quoi qu'il en soit, le train arriva.
En fait, ce n'était pas un train. C'était une vieille camionnette remodelée en petit train tchoutchou pour les enfants et les visiteurs du site. Il fallait absolument prendre ce train pour rentrer au zoo voyez-vous.
Donc, les deux couples et Superman ont pris leur siège à bord du ti-train-va-loin et on annonça le départ par-dessus la musique d'une quelconque station de radio rock-matante.
-Et c'est un départ! Demeurez bien à vos sièges durant le trajet. Il est interdit de fumer. Toute l'équipe vous souhaite la bienvenue au Zoo de St-Barnabé!
Cinq minutes plus tard, tout le monde débarquait au Zoo. Le train passait à toutes les demies heures pour ramener les visiteurs au stationnement. Et en avant l'aventure!
L'éléphant avait l'air malade.
L'ours blanc crevait de chaleur et le vieux qui portait un survêtement de sport aussi. Il avait fini par l'ôter se l'enrouler autour de la taille.
Les oiseaux étaient en cage.
Les fauves aussi.
Même les lamas ne voulaient rien savoir des touristes.
Superman parlait tout seul avec un orang-outan qui ne lui répondait pas.
Le couple qui portait des casques de vélo regardait leur cellulaire.
-Qu'est-ce qu'on fait ici?
Le vieux couple en avait déjà assez. Ils attendaient déjà le train. Mais séparément. La vieille rousse était dans son coin avec sa cigarette et son air constipé. Le vieux chauve teint en noir ne fumait pas. Il suait et regardait parfois vers ce qui devait être son épouse avec un zeste d'inquiétude.
Le couple avec leurs casques de vélo étaient derrière et ne disaient rien.
Superman marmonnait quelque chose. Comme s'il regrettait lui aussi d'être allé au Zoo de St-Barnabé.
Le petit train tchoutchou revint prendre tout le monde.
-Veuillez demeurer bien assis à vos sièges... Toute l'équipe du Zoo de St-Barnabé vous remercie pour votre visite! Revenez nous voir seul ou en famille pour profiter d'une ambiance digne de la jungle!
La vieille rousse semblait être redevenue parlable.
Elle reposait sa tête sur l'épaule de celui qui ne pouvait être que son amoureux.
Il sentait mauvais l'Aqua Velva mais c'était mieux que de sentir mauvais tout court.
Superman avait faim et il le disait bien fort.
-Y'a pas un dépanneur icitte, què'que part? J'ai faim en calvâsse moé!
-À l'arrêt d'autobus où t'as débarqué, y'a un dépanneur... lui répondit le chauffeur du ti-train.
-Merci m'sieur... J'ai faim. Pis quand j'ai faim faut qu'j'mange, philosopha le rouquin en postillonnant amplement.
-Je fume. Tantôt, on pourra pas dans l'train.
Celui qui semblait être son époux ne lui répondit pas. Il demeura à ses côtés, à moitié chauve, teint en noir, stoïque et emballé dans un survêtement de sport au cas où le vent serait frais. Ce n'était pourtant pas le cas. Il faisait chaud et humide. Et l'époux suait déjà à grosses gouttes comme s'il était obligé de porter son jacket.
Un autre couple attendait que le train arrive.
C'était un couple dans la quarantaine, entre bedonnant et athlétique, qui portaient tous deux leur casque de vélo comme s'ils craignaient de tomber. On ne pouvait pas embarquer de vélo dans le train. Et ces deux-là traînaient tout de même leur casque. De plus, ils ne se parlaient pas. Comme s'ils se demandaient ce qu'ils faisaient là.
Puis il y avait Superman. Enfin, ce n'était pas Superman mais il arborait un tee-shirt avec le célèbre sigle du surhomme. Évidemment, il n'avait pas la gueule de l'emploi. C'était un rouquin dans la cinquantaine. Il ne lui restait plus que des gencives. Et il arborait une coupe de cheveux Longueuil.
Superman parlait un peu tout seul. À moins qu'il n'en était à compter son argent à voix haute.
Quoi qu'il en soit, le train arriva.
En fait, ce n'était pas un train. C'était une vieille camionnette remodelée en petit train tchoutchou pour les enfants et les visiteurs du site. Il fallait absolument prendre ce train pour rentrer au zoo voyez-vous.
Donc, les deux couples et Superman ont pris leur siège à bord du ti-train-va-loin et on annonça le départ par-dessus la musique d'une quelconque station de radio rock-matante.
-Et c'est un départ! Demeurez bien à vos sièges durant le trajet. Il est interdit de fumer. Toute l'équipe vous souhaite la bienvenue au Zoo de St-Barnabé!
Cinq minutes plus tard, tout le monde débarquait au Zoo. Le train passait à toutes les demies heures pour ramener les visiteurs au stationnement. Et en avant l'aventure!
L'éléphant avait l'air malade.
L'ours blanc crevait de chaleur et le vieux qui portait un survêtement de sport aussi. Il avait fini par l'ôter se l'enrouler autour de la taille.
Les oiseaux étaient en cage.
Les fauves aussi.
Même les lamas ne voulaient rien savoir des touristes.
Superman parlait tout seul avec un orang-outan qui ne lui répondait pas.
Le couple qui portait des casques de vélo regardait leur cellulaire.
-Qu'est-ce qu'on fait ici?
Le vieux couple en avait déjà assez. Ils attendaient déjà le train. Mais séparément. La vieille rousse était dans son coin avec sa cigarette et son air constipé. Le vieux chauve teint en noir ne fumait pas. Il suait et regardait parfois vers ce qui devait être son épouse avec un zeste d'inquiétude.
Le couple avec leurs casques de vélo étaient derrière et ne disaient rien.
Superman marmonnait quelque chose. Comme s'il regrettait lui aussi d'être allé au Zoo de St-Barnabé.
Le petit train tchoutchou revint prendre tout le monde.
-Veuillez demeurer bien assis à vos sièges... Toute l'équipe du Zoo de St-Barnabé vous remercie pour votre visite! Revenez nous voir seul ou en famille pour profiter d'une ambiance digne de la jungle!
La vieille rousse semblait être redevenue parlable.
Elle reposait sa tête sur l'épaule de celui qui ne pouvait être que son amoureux.
Il sentait mauvais l'Aqua Velva mais c'était mieux que de sentir mauvais tout court.
Superman avait faim et il le disait bien fort.
-Y'a pas un dépanneur icitte, què'que part? J'ai faim en calvâsse moé!
-À l'arrêt d'autobus où t'as débarqué, y'a un dépanneur... lui répondit le chauffeur du ti-train.
-Merci m'sieur... J'ai faim. Pis quand j'ai faim faut qu'j'mange, philosopha le rouquin en postillonnant amplement.
samedi 22 juillet 2017
Un travailleur, pas un artiste
On le disait artiste. Et on le disait presque sincèrement artiste. Il se dégageait de ce gars-là cette sensation qu'on avait affaire à un artiste. On l'aurait dit des autres en se moquant d'eux. On le disait artiste, tout en se moquant de lui comme de tous les autres, mais il y demeurait un zeste de respect et d'émerveillement. Ce gars-là avait en somme le droit de se proclamer artiste même s'il était bien le dernier à abuser de cette épithète.
D'abord, il me faudrait vous présenter ce gars-là. On pourrait dire que c'est moi mais je suis bien trop rusé pour avoir recours à un subterfuge. Aussi, ce gars-là ce n'était pas moi. Pas du tout. N'y pensez même pas.
Ce gars-là c'était Simon Veilleux que ses vieux chums appelaient encore Sifflet Veilleux parce qu'il était né avec un bec de lièvre qui fut opéré et dissimulé sous une grosse barbe lorsqu'il atteignit la puberté. Il faut dire que Sifflet Veilleux avait une voix douce et agréable, qu'il ne sifflait nullement et que même l'histoire du bec de lièvre n'était que des racontars. Il était né sans bec de lièvre, Sifflet Veilleux. Il ne sifflait même pas. Et il avait une voix radio-canadienne capable de prononcer convenablement un moi et un toi. Il n'en employait pas moins les moé et les toé dans l'intimité, parce qu'il considérait de n'être pas toujours en représentation. Il avait le droit à ses coulisses.
Parlant de coulisses, Sifflet Veilleux était artiste-peintre, spécialisé dans l'art de la faune, des ours, des aigles et des trucs comme toutes sortes d'arbres dont personne ne connaît les noms: tilleuls, frênes, hêtres, bouleaux, érables, merisiers et autres conifères. Il peignait la nature à même la nature, comme un artiste-peintre de l'ancien temps. Il traînait son attirail dans les bois et, hop!, il peignait un ours. Des ours noirs. Les bois étaient près du dépotoir municipal. C'est là que se tiennent les ours noirs et les artistes-peintres animaliers.
Cela dit, puisqu'il faut bien le dire, Sifflet Veilleux ne se considérait pas un artiste. Il disait de lui qu'il était un travailleur. Un besogneux.
-Y'a rien qu'du travail là-d'dans.
Et c'est tout.
Pourquoi en rajouter?
D'abord, il me faudrait vous présenter ce gars-là. On pourrait dire que c'est moi mais je suis bien trop rusé pour avoir recours à un subterfuge. Aussi, ce gars-là ce n'était pas moi. Pas du tout. N'y pensez même pas.
Ce gars-là c'était Simon Veilleux que ses vieux chums appelaient encore Sifflet Veilleux parce qu'il était né avec un bec de lièvre qui fut opéré et dissimulé sous une grosse barbe lorsqu'il atteignit la puberté. Il faut dire que Sifflet Veilleux avait une voix douce et agréable, qu'il ne sifflait nullement et que même l'histoire du bec de lièvre n'était que des racontars. Il était né sans bec de lièvre, Sifflet Veilleux. Il ne sifflait même pas. Et il avait une voix radio-canadienne capable de prononcer convenablement un moi et un toi. Il n'en employait pas moins les moé et les toé dans l'intimité, parce qu'il considérait de n'être pas toujours en représentation. Il avait le droit à ses coulisses.
Parlant de coulisses, Sifflet Veilleux était artiste-peintre, spécialisé dans l'art de la faune, des ours, des aigles et des trucs comme toutes sortes d'arbres dont personne ne connaît les noms: tilleuls, frênes, hêtres, bouleaux, érables, merisiers et autres conifères. Il peignait la nature à même la nature, comme un artiste-peintre de l'ancien temps. Il traînait son attirail dans les bois et, hop!, il peignait un ours. Des ours noirs. Les bois étaient près du dépotoir municipal. C'est là que se tiennent les ours noirs et les artistes-peintres animaliers.
Cela dit, puisqu'il faut bien le dire, Sifflet Veilleux ne se considérait pas un artiste. Il disait de lui qu'il était un travailleur. Un besogneux.
-Y'a rien qu'du travail là-d'dans.
Et c'est tout.
Pourquoi en rajouter?
vendredi 21 juillet 2017
Le point de vue du dépressif
-C'est facile pour les autres, mais c'est pas facile pour moé...
Il disait ça tous les jours, tout le temps, inlassablement.
Et ça finissait par devenir vrai.
Tout était difficile pour lui.
Même se laver.
Ou récurer son bol de toilettes aux six mois.
***
Il passait de longues journées à bayer aux corneilles tout en s'étirant les bras.
Plus il renâclait un peu et se rendormait aussitôt.
Il dormait au moins vingt-deux heures par jour.
Le reste du temps, soit il mangeait, soit il évacuait.
C'est rare qu'il faisait quoi que ce soit.
Respirer lui demandait un effort surhumain.
Travailler c'était trop dur.
***
«J'étranglerais quiconque voudrait me faire travailler!» avait-il coutume de philosopher.
«J'ai travaillé dans une shop de sacs à surveiller une machine qui découpait pis collait des sacs. Pis j'ai fait une dépression. Après ma dépression, je me suis promis de ne plus jamais travailler. Pis vous savez quoi? J'ai bien fait parce que je suis encore en dépression.»
La dépression résumait assez bien son caractère.
Ça expliquait la saleté autour de lui.
Et le fait qu'il sentait le petit pied.
***
Un jour, il est mort.
Personne ne s'en est rendu compte.
Sauf son propriétaire.
Il était en beau fusil.
Le logement du dépressif avait l'air d'un dépotoir à ciel ouvert. Ça lui coûterait encore des centaines de dollars pour tout rénover et tout peinturer. Tout ça pour loger ces pauvres qui le faisaient vivre, lui le proprio.
Et au milieu de tout ce désordre, on le voyait, le dépressif, le pas vaillant, étendu à demi-nu sur un divan recouvert de bouteilles de plastique, de mégots de cigarette et de détritus. Un couteau gisait à ses pieds et baignait dans son sang coagulé.
Non, ça n'avait jamais été facile pour lui.
Et peut-être qu'il avait raison de son point de vue...
jeudi 20 juillet 2017
La rédemption de Jean Valjean
Victor Hugo a jeté dans Les Misérables les fondements de sa justice naturelle.
On sent que le romancier y a mis à l'honneur l'idée de la rédemption. L'idée qu'un criminel comme Jean Valjean puisse changer d'un bout à l'autre et devenir une personne engagée dans sa communauté sachant répandre le bien tout en grandissant en sagesse.
On trouve aussi dans Les Misérables toute la misère du monde. La petite Cosette est devenue la petite esclave des Thénardier. Sa famille d'accueil la fait travailler jusqu'à l'épuisement. Jean Valjean va finalement la racheter aux Thénardier tout en leur signifiant qu'ils sont méprisables.
Et puis il y a l'inspecteur Javert. Il applique la justice à la lettre, au risque d'y sacrifier la justice. L'inspecteur Javert découvre que Monsieur Madeleine, le maire de Montreuil, n'est nul autre que Jean Valjean. Il se met à le traquer et à lui empoisonner la vie. Qu'importe ce qu'il est devenu, qu'il fasse le bien ou pas: c'est Jean Valjean, un criminel recherché pour vol. On doit le renvoyer aux galères.
Le génie de Victor Hugo finit par nous faire détester franchement l'inspecteur Javert.
On veut bien croire avec lui en la rédemption de Jean Valjean.
Comme l'on veut croire que la petite Cosette a été retirée de sa famille d'accueil qui en font une enfant maltraitée.
***
Il me semble parfois que l'inspecteur Javert a obtenu sa revanche récemment.
Jamais il n'y eut autant de gens soucieux de l'ordre et de la sécurité, au détriment de la justice.
On voudrait pendre le voleur de gomme.
C'est à qui tiendra les propos les plus durs envers les réprouvés.
De plus, on tient des discours où l'on voudrait faire passer pour un luxe les programmes sociaux.
Comme si l'on disait à la petite Cosette de retourner chez les Thénardier qui ne demandent pas un sou à l'État pour rendre service aux orphelines...
C'est bien l'ignominie de notre temps.
Cette indifférence abyssale envers les misérables.
Cette manie de jouer aux anges exterminateurs, de reproduire la connerie de l'inspecteur Javert, de vouloir punir et sévir, au risque de tout transformer en tas de cendres.
Au lieu de regarder ce monde avec les yeux du coeur, il faudrait se balancer des statistiques à la gueule, des rapports, des doctrines, des idéologies. Il faudrait se détester les uns les autres. Il faudrait s'inspecter...
***
Oui, je crois en la rédemption.
Je pense que le roi des abrutis peut devenir un monsieur gentil qui nourrit les pigeons et ne fait plus de mal à une mouche.
Je n'ai pas cette rancoeur de l'inspecteur Javert en moi.
Je n'ai pas ce dégoût absolu de l'être humain qui finit par nous faire considérer l'humanité comme de la matière fécale.
***
Prenons un jeune Afghan élevé par des Afghans à balancer des grenades sur ceux qui envahissent son pays. Il tue un soldat américain. On le ramène dans une prison située dans une zone de non-droit qui échappe aux traités internationaux sur les enfants-soldats et les prisonniers de guerre. On le maintient en détention, dans des conditions tout à fait arbitraires, pendant quelques années. Puis on le libère. Et il veut devenir infirmier, sauver des vies plutôt que de lancer des grenades sur des soldats qui envahissent son pays. N'est-ce pas un bel exemple de rédemption?
***
Raisonner n'est pas si difficile.
Pourtant, beaucoup se contentent de résonner.
Faire le plus de bruit possible.
Lire les règlements.
Vivre selon le manuel.
Juger sans entendre l'explication.
mercredi 19 juillet 2017
mardi 18 juillet 2017
El Père Arnold statisticien de baseball de la P'tite Pologne
Arnold connaissait toutes les statistiques des clubs de baseball et de balle-molle qui avaient défilé dans la P'tite Pologne depuis les temps immémoriaux.
La P'tite Pologne, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, est ce quartier de Trois-Rivières qui était jadis regroupé autour de l'Église Saint-François-d'Assise, au Nord de l'usine de textile Wabasso. Elle a été démolie puisqu'elle avait été bâtie sur un marécage. Plus personne n'y allait. L'investissement n'était plus rentable. Une succursale de moins avec toujours le même forfait clef du paradis en mains.
Mais ne nous emballons pas dans le propos.
Arnold vivait à deux pas du temple englouti par l'ancienne swamp. Comme si toujours les eaux retrouvaient leurs cours. Ou quelque truc du genre.
Il avait vu ça, la démolition de l'église Saint-François-d'Assise. Il vivait tout près, sur la rue Gingras. Et même qu'il y était né. Il s'y trouvait depuis maintenant cent huit ans, Arnold, et les gens l'appelaient d'ailleurs El Père Arnold, ce qui lui faisait toujours un petit velours, comme si l'on reconnaissait son exceptionnelle mémoire, bref son talent.
-C'était en 1952... Au Parc des Pins... Une game entre les Bouledogues de Sainte-Cécile contre les Tigres de Saint-François-d'Assise. Les Bouledogues avaient gagné 9 à 0. El monde d'la P'tite Pologne se sont tétaient mis z'à dire que c'était par tricherie d'l'arbitre... Oui mesieur. J'y étais. El Père Arnold y était et a tout vu!
Évidemment, on l'encourageait à vider son sac.
On y remettait toujours une lampée de Chemineaud dans son café.
Il nous faisait le coup de l'index sur les lèvres pour signifier son humilité face à son péché mignon. Un petit café avec du Chemineaud. El Père Arnold aimait don' ça.
Toujours est-il qu'El Père Arnold nous emberlificotait inlassablement avec ses parties de baseball. Cela ne nous intéressait pas du tout. Nous aimions boire. Boire dans le Parc des Pins. Et El Père Arnold itou. Ô blasphème!
N'empêche que les adolescents que nous étions n'avons rien retenu des précieuses statistiques d'El Père Arnold, récoltées pour rien, dans l'intérêt de personne, puisqu'il était mort saoul, pauvre, seul, vierge et célibataire... C'est pour ça qu'il avait cent huit ans. Ou peut-être moins.
Je suis repassé récemment au Parc des Pins.
Il ne s'appelle plus le Parc des Pins.
Je ne me souviens pas du nom du nouveau parc.
Le Parc Vladislav Tretiak peut-être... Il était peigné sur le côté... Hum...
Quoi qu'il en soit, El Père Arnold n'était plus là.
Et moi non plus d'ailleurs.
J'y vais rarement au Parc des Pins.
La P'tite Pologne, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, est ce quartier de Trois-Rivières qui était jadis regroupé autour de l'Église Saint-François-d'Assise, au Nord de l'usine de textile Wabasso. Elle a été démolie puisqu'elle avait été bâtie sur un marécage. Plus personne n'y allait. L'investissement n'était plus rentable. Une succursale de moins avec toujours le même forfait clef du paradis en mains.
Mais ne nous emballons pas dans le propos.
Arnold vivait à deux pas du temple englouti par l'ancienne swamp. Comme si toujours les eaux retrouvaient leurs cours. Ou quelque truc du genre.
Il avait vu ça, la démolition de l'église Saint-François-d'Assise. Il vivait tout près, sur la rue Gingras. Et même qu'il y était né. Il s'y trouvait depuis maintenant cent huit ans, Arnold, et les gens l'appelaient d'ailleurs El Père Arnold, ce qui lui faisait toujours un petit velours, comme si l'on reconnaissait son exceptionnelle mémoire, bref son talent.
-C'était en 1952... Au Parc des Pins... Une game entre les Bouledogues de Sainte-Cécile contre les Tigres de Saint-François-d'Assise. Les Bouledogues avaient gagné 9 à 0. El monde d'la P'tite Pologne se sont tétaient mis z'à dire que c'était par tricherie d'l'arbitre... Oui mesieur. J'y étais. El Père Arnold y était et a tout vu!
Évidemment, on l'encourageait à vider son sac.
On y remettait toujours une lampée de Chemineaud dans son café.
Il nous faisait le coup de l'index sur les lèvres pour signifier son humilité face à son péché mignon. Un petit café avec du Chemineaud. El Père Arnold aimait don' ça.
Toujours est-il qu'El Père Arnold nous emberlificotait inlassablement avec ses parties de baseball. Cela ne nous intéressait pas du tout. Nous aimions boire. Boire dans le Parc des Pins. Et El Père Arnold itou. Ô blasphème!
N'empêche que les adolescents que nous étions n'avons rien retenu des précieuses statistiques d'El Père Arnold, récoltées pour rien, dans l'intérêt de personne, puisqu'il était mort saoul, pauvre, seul, vierge et célibataire... C'est pour ça qu'il avait cent huit ans. Ou peut-être moins.
Je suis repassé récemment au Parc des Pins.
Il ne s'appelle plus le Parc des Pins.
Je ne me souviens pas du nom du nouveau parc.
Le Parc Vladislav Tretiak peut-être... Il était peigné sur le côté... Hum...
Quoi qu'il en soit, El Père Arnold n'était plus là.
Et moi non plus d'ailleurs.
J'y vais rarement au Parc des Pins.
lundi 17 juillet 2017
Trop d'amour: pourquoi moi?
J'aime les étrangers. D'abord parce qu'ils m'aiment bien eux aussi. Mon destin croise invariablement celui des étrangers, partout où je traîne mes pieds. Et c'est tant mieux puisque j'adore que l'on me surprenne. Connaître un étranger, c'est voyager à peu de frais. Qu'importe que tout soit vrai, soupesé et référencé. L'essentiel c'est l'étranger devant soi, avec son accent comique, ses gestes apparentés à son étrangeté, ses manières de dire c'est chaud, c'est froid, ayaye j'ai mal à la tête. Tout ce qui me porte à croire qu'il faut être con pour ne pas aimer les étrangers. Ou bien raciste.
Il y en a, des cons, et comme les fous ils sont toujours à croire qu'ils ne le sont pas.
Heureusement que je ne croise que des fous. Dont moi-même. Je suis d'une espèce de fou toute particulière. Un genre de fou heureux. Naïf et authentique, comme dans ma publicité... Un christ de fou, dit-on de moi sans méchanceté. Parce que voyez-vous, je suis devenu trop vieux. Je ne trouve plus personne pour me haïr autour de moi.
Tout le monde m'aime sacrament! Même les étrangers, imaginez-vous donc.
***
L'art a ceci de particulier qu'il englobe un si vaste univers que le dessinateur de souris, de lapins ou de petits chats peut rapidement développer le syndrome de l'imposteur.
-Suis-je vraiment un artiste avec mes souris, mes lapins et mes petits chats?
Moi, je veux bien dire pourquoi pas. Pourquoi pas des souris, des lapins et des petits chats, hein? Ça ne ferait pas de mal à une mouche. C'est joli. N'est-ce pas suffisant? Faut-il que l'artiste soit aussi encadré dans son oeuvre, avec sa démarche, ses sources d'inspiration, ses études?
Vous avez là une souris.
Et là, un lapin.
Et pourquoi pas ce petit chat?
Eh bien, moi j'ai peint une fresque remplie de gens de toutes origines qui vivent dans un décor plutôt urbain: une rue principale, une ruelle, un terrain de baseball.
C'est mon truc. Le lapin que je sors de mon chapeau d'artiste. Rien que pour vos yeux. Et pour les miens aussi, même si je dois parfois céder mes visions à un étranger soucieux de rapporter chez-lui une partie de mon modeste, naïf et authentique talent.
N'y voyez pas là une démonstration de mon narcissisme.
Je conviens que l'on est souvent mauvais juge de soi-même.
Pourtant, je n'ai pas la grosse tête. J'en suis sûr.
J'ai la certitude que la vie n'est qu'un passage.
Ce n'est pas une course, ni un défi, ni une compétition.
***
Et l'art, c'est le miroir de la vie.
Un passage.
Un morceau de musique saisi au vol.
Un oiseau qui s'envole.
Un gros nez au milieu d'une figure.
Des gros seins.
Des chauves.
Des pauvres.
Des gens qui rient pour rien.
D'autres qui mangent des hot-dogs.
D'autres qui avancent et reculent d'un pas.
***
Revenons aux étrangers.
Ce sont les premiers à vouloir me gonfler de vanité.
Imaginez-vous donc qu'ils m'appellent Monsieur L'Artiste ou Maestro long comme le bras.
Quand ils me disent ça mon visage devient pourpre de gêne.
-Mais non, voyons, je ne suis qu'un plaisantin... Arrêtez-moi ça!
Et puis, finalement, je ne dis plus rien.
Je les laisse m'appeler Monsieur L'Artiste ou Maestro.
-Si tu étais dans pays à moi, toi faire appeler toi Maestrooo! Artiste important pour nous! Vivre sans artiste est catastro-ooo-phe! de dire un étranger de Bosnie-Herzégovine en me parlant ensuite du peintre Ivan Generalic.
-Monsieur L'Artis-teuh! C'est que vous êtes vr-r-raiment un artis-teuh! C'est un don, êtr-r-e un artis-teuh! me dit un Sénégalais. Vous ser-r-riez vu comme Monsieur L'Artis-teuh au Sénégal mon cher ami. Les gens raffolent de faire de l'art naïf au Sénégal. Tout le monde est arrrtiste et r-r-rrespecte les artis-teuhs...
***
Trop de gens aiment ce que je fais.
Ça commence à m'enfler la tête.
Il y en a même qui vantent mes écrits.
Comme si je dessinais aussi des mots.
C'est trop de reconnaissance en même temps.
Que deviendra cette aura d'artiste maudit que je traîne depuis si longtemps si tout le monde se met à m'aimer en même temps, comme si j'était Monsieur L'Artiste, Maestro ou je ne sais trop quel divinité des Arts et des Lettres?
Vais-je devenir un faux-cul?
Non. Ce serait vraiment au-dessus de mes forces.
Naïf et authentique, c'est bien plus qu'une publicité.
Je suis aussi naïf et authentique que je le prétends.
Tout le monde m'aime.
Et j'aime tout le monde.
Pourquoi moi?
Hein?
Pourquoi moi?
Il y en a, des cons, et comme les fous ils sont toujours à croire qu'ils ne le sont pas.
Heureusement que je ne croise que des fous. Dont moi-même. Je suis d'une espèce de fou toute particulière. Un genre de fou heureux. Naïf et authentique, comme dans ma publicité... Un christ de fou, dit-on de moi sans méchanceté. Parce que voyez-vous, je suis devenu trop vieux. Je ne trouve plus personne pour me haïr autour de moi.
Tout le monde m'aime sacrament! Même les étrangers, imaginez-vous donc.
***
L'art a ceci de particulier qu'il englobe un si vaste univers que le dessinateur de souris, de lapins ou de petits chats peut rapidement développer le syndrome de l'imposteur.
-Suis-je vraiment un artiste avec mes souris, mes lapins et mes petits chats?
Moi, je veux bien dire pourquoi pas. Pourquoi pas des souris, des lapins et des petits chats, hein? Ça ne ferait pas de mal à une mouche. C'est joli. N'est-ce pas suffisant? Faut-il que l'artiste soit aussi encadré dans son oeuvre, avec sa démarche, ses sources d'inspiration, ses études?
Vous avez là une souris.
Et là, un lapin.
Et pourquoi pas ce petit chat?
Eh bien, moi j'ai peint une fresque remplie de gens de toutes origines qui vivent dans un décor plutôt urbain: une rue principale, une ruelle, un terrain de baseball.
C'est mon truc. Le lapin que je sors de mon chapeau d'artiste. Rien que pour vos yeux. Et pour les miens aussi, même si je dois parfois céder mes visions à un étranger soucieux de rapporter chez-lui une partie de mon modeste, naïf et authentique talent.
N'y voyez pas là une démonstration de mon narcissisme.
Je conviens que l'on est souvent mauvais juge de soi-même.
Pourtant, je n'ai pas la grosse tête. J'en suis sûr.
J'ai la certitude que la vie n'est qu'un passage.
Ce n'est pas une course, ni un défi, ni une compétition.
***
Et l'art, c'est le miroir de la vie.
Un passage.
Un morceau de musique saisi au vol.
Un oiseau qui s'envole.
Un gros nez au milieu d'une figure.
Des gros seins.
Des chauves.
Des pauvres.
Des gens qui rient pour rien.
D'autres qui mangent des hot-dogs.
D'autres qui avancent et reculent d'un pas.
***
Revenons aux étrangers.
Ce sont les premiers à vouloir me gonfler de vanité.
Imaginez-vous donc qu'ils m'appellent Monsieur L'Artiste ou Maestro long comme le bras.
Quand ils me disent ça mon visage devient pourpre de gêne.
-Mais non, voyons, je ne suis qu'un plaisantin... Arrêtez-moi ça!
Et puis, finalement, je ne dis plus rien.
Je les laisse m'appeler Monsieur L'Artiste ou Maestro.
-Si tu étais dans pays à moi, toi faire appeler toi Maestrooo! Artiste important pour nous! Vivre sans artiste est catastro-ooo-phe! de dire un étranger de Bosnie-Herzégovine en me parlant ensuite du peintre Ivan Generalic.
-Monsieur L'Artis-teuh! C'est que vous êtes vr-r-raiment un artis-teuh! C'est un don, êtr-r-e un artis-teuh! me dit un Sénégalais. Vous ser-r-riez vu comme Monsieur L'Artis-teuh au Sénégal mon cher ami. Les gens raffolent de faire de l'art naïf au Sénégal. Tout le monde est arrrtiste et r-r-rrespecte les artis-teuhs...
***
Trop de gens aiment ce que je fais.
Ça commence à m'enfler la tête.
Il y en a même qui vantent mes écrits.
Comme si je dessinais aussi des mots.
C'est trop de reconnaissance en même temps.
Que deviendra cette aura d'artiste maudit que je traîne depuis si longtemps si tout le monde se met à m'aimer en même temps, comme si j'était Monsieur L'Artiste, Maestro ou je ne sais trop quel divinité des Arts et des Lettres?
Vais-je devenir un faux-cul?
Non. Ce serait vraiment au-dessus de mes forces.
Naïf et authentique, c'est bien plus qu'une publicité.
Je suis aussi naïf et authentique que je le prétends.
Tout le monde m'aime.
Et j'aime tout le monde.
Pourquoi moi?
Hein?
Pourquoi moi?
samedi 15 juillet 2017
vendredi 14 juillet 2017
Vive la révolution!
On trouve les meilleurs défenseurs de l'ordre et de la sécurité chez ceux qui se remplissent les poches. Il n'y a qu'à écouter les clowns à la télé ou bien à la radio, voire dans les journaux pour ceux qui se rappellent le bon vieux temps de la presse écrite. La plupart des commentateurs de l'actualité se comportent comme une écrasante minorité qui parle par-dessus le silence de la majorité écrasée. Ils ont à peu près tous la morale de leur portefeuille et s'étonnent que vous n'ayez jamais fait une croisière en Argentine ou bien traversé la Russie à bord du Transsibérien. Dites-leur, pour voir, que vous en arrachez dans la vie, et cela leur rentrera par une oreille pour leur sortir par l'autre. Ils vous trouveront illico des tas de conseils pour que vous cessiez de les embêter avec cet argent que vous n'avez pas. Ils vous diront d'économiser un café par jour. Ou bien de cesser de fumer la cigarette. Voire de faire du ski dans les Alpes.
Il n'y aurait jamais de révolution si les bourgeois n'étaient pas aussi cons...
Il y a bien sûr quelques excentriques parmi les aristocrates, les bourgeois, les fonctionnaires et autres repus. Il y en a même parmi eux qui croient que la juste répartition de la richesse collective est loin d'être assurée. Et pire encore, on en trouve pour penser qu'il faudrait une bonne révolution.
Chez ceux qui ont les poches vides, on est généralement plus pragmatique. Lorsqu'on est en mode survie, on a peu de temps pour thésauriser, et moins encore pour théoriser. On ne se fait pas d'illusions sur l'ordre, la sécurité et même la révolution. Pour tout dire, on se dit que la vie c'est de la marde. Et on en mange un peu, comme d'habitude, jusqu'à ce que la soupape saute.
La soupape saute rarement. Varlam Chalamov, qui a rapporté ses expériences de prisonnier dans les Récits de la Kolyma, racontait que l'homme est une créature qui s'adapte encore mieux à la souffrance que tous les animaux. Un cheval finirait par refuser d'obéir. Un âne aussi. Mais l'homme, mal nourri, mal vêtu, mal logé, obéira encore, ne serait-ce qu'un peu, parce qu'il se laisse facilement manger la laine sur le dos.
Ils avaient pourtant fait sauter la soupape en Russie. Il y a cent ans, les Russes sont descendus dans les rues pour réclamer du pain, l'abdication du Tsar, la république et des logements gratuits.
Il y a 228 ans, les Français faisaient aussi sauter la soupape.
C'était un 14 juillet, en 1789. Ils ont pris la Bastille. Puis ils ont mis des têtes sur des piques. Ce n'était pas très esthétique, ni très éthique, mais bon il faut dire que la monarchie ne valait guère mieux.
Les bons aristos qui prêchèrent le retour à l'ordre, à la monarchie et à la sécurité furent pendus aux lanternes.
La révolution aurait eu des airs bon enfant si les aristos n'avaient pas tenté d'étriper le peuple à coups de mousquets et de baïonnettes pour lui rappeler qu'il était né pour un petit pain.
Mais non! Il fallait qu'ils complotent contre le peuple.
Comme les banquiers l'ont fait en Russie en finançant la contre-révolution bolchevique.
L'ordre, la sécurité et la «phynance» pour tous les Pères Ubu du monde.
***
Pourtant, la soupape finira par sauter, ici comme ailleurs.
J'ai l'air du sapeur-pompier qui appelle au feu.
J'ai l'air du type qui mène un travail de sape contre l'ordre et la sécurité.
C'est pourtant mal me connaître.
Je ne suis pas tant un agitateur séditieux qu'un observateur minutieux de notre histoire et de nos moeurs.
Je sais que ça va sauter. Je ne saurais vous dire quand. Varlam Chalamov pourrait tout aussi bien me faire accroire que l'homme est capable d'en endurer pas mal plus que ça. Néanmoins, je nous crois moins patients, moins soumis et sans doute plus indignés que les Russes ne l'étaient eux-mêmes.
Les médias traditionnels n'arrivent même plus à vendre leur camelote. Les commentateurs sont traînés dans cette boue où il méritent de patauger. On ne croit plus aux sornettes des spécialistes, des professeurs et autres juges déshonorables. On change de poste. On les écoute avec encore plus de dédain que de résignation.
On s'en remet de plus en plus à la révolte.
Elle gronde chaque jour un peu plus.
Parce que chaque jour les repus en veulent un peu plus, prêchant par l'orgie et la démesure tandis que tout un chacun souffre de ne pas posséder le minimum vital.
Elle viendra donc, la révolution.
Quand? Je n'en sais rien.
Je sais qu'elle viendra lorsque je ne l'attendrai pas.
Un beau matin, je serai étonné de voir que tout le monde est dans la rue, que le parlement est encerclé par les manifestants, que la police et l'armée n'obéissent plus aux ordres des aristocrates. Un peu plus et on y était en 2012, lors du Printemps Érable.
Vous croyez que je rêve?
Eh bien vous avez tort.
J'entends le couvercle danser sur la marmite sociale où l'huile bout à gros bouillons.
J'entends l'écho de la révolution.
J'entends les sans-dents, les sans-culottes et les sans-le-sou.
Et j'attends que ça saute, moi aussi, comme tout le monde.
Il n'y aurait jamais de révolution si les bourgeois n'étaient pas aussi cons...
Il y a bien sûr quelques excentriques parmi les aristocrates, les bourgeois, les fonctionnaires et autres repus. Il y en a même parmi eux qui croient que la juste répartition de la richesse collective est loin d'être assurée. Et pire encore, on en trouve pour penser qu'il faudrait une bonne révolution.
Chez ceux qui ont les poches vides, on est généralement plus pragmatique. Lorsqu'on est en mode survie, on a peu de temps pour thésauriser, et moins encore pour théoriser. On ne se fait pas d'illusions sur l'ordre, la sécurité et même la révolution. Pour tout dire, on se dit que la vie c'est de la marde. Et on en mange un peu, comme d'habitude, jusqu'à ce que la soupape saute.
La soupape saute rarement. Varlam Chalamov, qui a rapporté ses expériences de prisonnier dans les Récits de la Kolyma, racontait que l'homme est une créature qui s'adapte encore mieux à la souffrance que tous les animaux. Un cheval finirait par refuser d'obéir. Un âne aussi. Mais l'homme, mal nourri, mal vêtu, mal logé, obéira encore, ne serait-ce qu'un peu, parce qu'il se laisse facilement manger la laine sur le dos.
Ils avaient pourtant fait sauter la soupape en Russie. Il y a cent ans, les Russes sont descendus dans les rues pour réclamer du pain, l'abdication du Tsar, la république et des logements gratuits.
Il y a 228 ans, les Français faisaient aussi sauter la soupape.
C'était un 14 juillet, en 1789. Ils ont pris la Bastille. Puis ils ont mis des têtes sur des piques. Ce n'était pas très esthétique, ni très éthique, mais bon il faut dire que la monarchie ne valait guère mieux.
Les bons aristos qui prêchèrent le retour à l'ordre, à la monarchie et à la sécurité furent pendus aux lanternes.
La révolution aurait eu des airs bon enfant si les aristos n'avaient pas tenté d'étriper le peuple à coups de mousquets et de baïonnettes pour lui rappeler qu'il était né pour un petit pain.
Mais non! Il fallait qu'ils complotent contre le peuple.
Comme les banquiers l'ont fait en Russie en finançant la contre-révolution bolchevique.
L'ordre, la sécurité et la «phynance» pour tous les Pères Ubu du monde.
***
Pourtant, la soupape finira par sauter, ici comme ailleurs.
J'ai l'air du sapeur-pompier qui appelle au feu.
J'ai l'air du type qui mène un travail de sape contre l'ordre et la sécurité.
C'est pourtant mal me connaître.
Je ne suis pas tant un agitateur séditieux qu'un observateur minutieux de notre histoire et de nos moeurs.
Je sais que ça va sauter. Je ne saurais vous dire quand. Varlam Chalamov pourrait tout aussi bien me faire accroire que l'homme est capable d'en endurer pas mal plus que ça. Néanmoins, je nous crois moins patients, moins soumis et sans doute plus indignés que les Russes ne l'étaient eux-mêmes.
Les médias traditionnels n'arrivent même plus à vendre leur camelote. Les commentateurs sont traînés dans cette boue où il méritent de patauger. On ne croit plus aux sornettes des spécialistes, des professeurs et autres juges déshonorables. On change de poste. On les écoute avec encore plus de dédain que de résignation.
On s'en remet de plus en plus à la révolte.
Elle gronde chaque jour un peu plus.
Parce que chaque jour les repus en veulent un peu plus, prêchant par l'orgie et la démesure tandis que tout un chacun souffre de ne pas posséder le minimum vital.
Elle viendra donc, la révolution.
Quand? Je n'en sais rien.
Je sais qu'elle viendra lorsque je ne l'attendrai pas.
Un beau matin, je serai étonné de voir que tout le monde est dans la rue, que le parlement est encerclé par les manifestants, que la police et l'armée n'obéissent plus aux ordres des aristocrates. Un peu plus et on y était en 2012, lors du Printemps Érable.
Vous croyez que je rêve?
Eh bien vous avez tort.
J'entends le couvercle danser sur la marmite sociale où l'huile bout à gros bouillons.
J'entends l'écho de la révolution.
J'entends les sans-dents, les sans-culottes et les sans-le-sou.
Et j'attends que ça saute, moi aussi, comme tout le monde.
jeudi 13 juillet 2017
Abattons les clôtures, les barrières et les murs!
Il n'y a pas moyen de pêcher nulle part sans se faire dire que l'on se trouve sur un terrain privé. C'est du moins ce que me disait l'un de mes amis Bosniaques l'autre jour. Il se trouvait à Shawinigan, sur une île, aux abords de la rivière Tapiskwan Sipi (anciennement Saint-Maurice) quand un type vint l'avertir qu'il ne pouvait ni pêcher ni circuler sur ce terrain privé.
Où pouvait-il donc pêcher? Peut-être à un quelconque débarcadère public, comme il s'en trouve toujours un ou deux par ville pour donner l'illusion au peuple que la rivière lui appartient.
Quoi qu'il en soit, cette anecdote aura soulevé une fois de plus mon indignation. D'autant plus que l'ami Bosniaque me rappelait que l'accès aux rives est public et gratuit dans la majorité des pays européens. Ce qui est une bonne idée qu'on aurait dû appliquer ici depuis longtemps.
Le culte de l'argent et de la propriété privée auront contribué à dresser toujours plus de barrières entre les hommes. C'est d'autant plus absurde, en ce qui concerne notre pays, qu'il n'appartenait pas à ceux qui se sont permis d'accorder des seigneuries, des concessions et des terrains au mépris des Autochtones contenus dans des réserves pour qu'ils n'osent plus franchir la barrière.
Savons-nous que les Inuits ne barrent jamais leurs portes? Ce serait mal vu que de les barrer aux yeux de la communauté. Cela signifierait que l'on est un avare qui a quelque chose à cacher et qui ne veut surtout pas le partager.
Le savoir-vivre s'est sans doute perdu au Sud de la banquise.
Tout est clôturé, barré, barricadé. Le cadenas est le premier objet laissé par le colonisateur européen. La barrière vint ensuite.
À Trois-Rivières, où j'habite, il n'y a pas moyen d'avoir accès au fleuve ou à la rivière sans risquer de se faire dire de circuler. Le port est souvent fermé lors des événements publics comme le Festivoix ou bien lorsque l'on y accueille un bateau de croisière. La Ville tient à ne pas faire honte à ces précieux touristes en lui montrant nos pauvres. On établit donc un périmètre de sécurité. Et pour le Festivoix, eh bien on fait payer les citoyens plutôt trois fois qu'une.
Au début des années 2000 le Festival international de l'art vocal, l'ancêtre du Festivoix, était gratuit. Normal, nous l'avions payé via nos taxes et nos impôts, puisqu'il recevait de généreuses subventions en plus des commandites.
Ensuite, les choses se sont gâtées. On a fini par clôturer la moitié du centre-ville pour faire payer les curieux. La gratuité, c'était pour les Trifluviens soviétiques d'antan, ces pauvres qui n'avaient jamais un sou vaillant sur eux et profitaient des spectacles et autres événements gratuits comme s'il ne fallait jamais payer royalement nos Gentils Organisateurs. Trois-Rivières fit son entrée dans le 21e siècle en sacrifiant la gratuité, en multipliant les clôtures ainsi que les interdictions. Les chanteurs locaux ont été remplacés par des groupes de punk-rock internationaux conformistes et apolitiques... Il y a maintenant des espaces VIP pour bien distinguer l'élite des culs-terreux. Ce n'est plus un festival d'été, c'est un show privé qui prive les citoyens de l'accès à leur propriété publique. Rien de bien démocratique. Un festival à l'image de ce que nous sommes devenus: RIEN.
Il y a peu d'espaces verts gratuits qui vaillent le coup d'une visite à Trois-Rivières. Il faut payer pour aller voir la plage de l'Île Saint-Quentin, une plage que j'aurai fréquentée gratuitement dans les années '70 avec tous les enfants pauvres de mon quartier. Le site des Vieilles Forges est lui aussi payant. Il reste bien quelques parcs, quelques bancs, mais les plus beaux sites sont inaccessibles sans montrer un signe de piastre.
Le Mont-Royal et les Plaines d'Abraham sont deux sites naturels en milieu urbain où l'accès est gratuit. À Trois-Rivières, on a bien un parc ici et là, un bout de plage à Pointe-du-Lac, un débarcadère au Canadian Tire de Cap-de-la-Madeleine, mais tout le reste est privé, barré, clôturé. Les golfeurs se sont emparés des plus beaux terrains et, comme de raison, ne songez pas à y aller sans sortir de l'argent de vos poches. C'est privé. Les pauvres n'y seront jamais les bienvenus, d'autant plus s'ils ne portent pas l'uniforme approprié. Cela prend du standing pour déverser des tonnes d'insecticide dans nos cours d'eau et notre nappe phréatique tout en regardant le beau gazon vert tendre.
Oui, on aime ça les barrières, les frontières, les limites.
Le culte de la propriété privée et l'obsession de la sécurité nuisent considérablement à la qualité de vie de l'ensemble des citoyens. L'argent finit par tuer la démocratie autant que la communauté.
La logique implacable de la barrière s'impose.
L'hurluberlu de la Maison Blanche songe à élever un mur entre le Mexique et les États-Unis. Un mur comme celui qui existe entre Israël et la Palestine. Un mur comme on en voit d'autres pour établir la limite entre les vainqueurs et les vaincus.
Un mur pour nous faire accroire que ce continent que les Autochtones appellent encore l'Île de la Tortue est devenu un stationnement payant à 20$ la journée qui que nous soyons.
***
J'avais douze ou treize ans. C'était l'été. Je n'avais pas un sou et je m'amusais du mieux que je pouvais.
Cette année-là, il suffisait de payer à l'entrée de l'Exposition agricole de Trois-Rivières pour avoir accès gratuitement à tous les manèges. Malheureusement, nous n'avions pas ces dix dollars pour entrer.
Moi, mon jeune frère et deux de mes amis décidèrent donc de sauter par-dessus la clôture, sur le boulevard des Forges, pour entrer clandestinement sur le terrain de l'Expo et profiter des manèges gratuits.
C'était une grille en fer forgé avec des piques d'au moins un pouce de diamètre.
Il venait de pleuvoir. J'étais moins agile que les trois autres. Mes pieds ont glissé le long des piques et je me suis empalé sur les tiges qui pénétrèrent dans mon ventre pour y laisser deux grands cercles rouge sang. J'ai quand même réussi à me déprendre de cette fâcheuse position. Puis j'ai couru avec mes compagnons sous les aboiements des chiens bergers allemands tenus en laisse par des agents de sécurité à la mine non moins patibulaire.
Nous ne nous sommes pas faits prendre, heureusement. Je n'avais pas nécessairement le goût de faire des tours de manège avec les trous dans mon ventre, mais bon, je l'ai fait par défi, pour justifier mes stigmates. Je n'avais tout de même pas souffert pour rien.
***
Je suis bien sûr moins casse-cou aujourd'hui. Et moins agile aussi...
Pourtant, je m'efforce de ne jamais payer pour me rendre là où je veux bien aller.
Je vais sur les terrains payants avant l'ouverture de la guérite.
Je dois bien sûr me lever tôt, mais c'est un compromis d'autant plus acceptable que j'apprécie la solitude.
Je finis par circuler gratuitement un peu partout, entre six heures et huit heures du matin.
Je ne vous dirai pas où: je perdrais ce privilège.
Encore une fois, je trouve les moyens de justifier ma pingrerie.
Je ne veux pas payer pour me rendre dans des parcs déjà subventionnés par l'argent de mes taxes et de mes impôts.
Je ne veux pas payer pour circuler librement sur les lacs, les rivières, le fleuve ou les plages.
Mon pays, en tant que Métis d'ascendance française et anishnabeg, c'est l'Île de la Tortue.
On ne me fera pas le coup de me tenir attaché après un sapin, dans une réserve, à regarder la croisière s'amuse ou les golfeurs heureux.
Comme le chantait si bien Woody Guthrie, this land is our land. Ce pays nous appartient. Il faudra bien un jour revendiquer nos droits sur nos plages, nos espaces verts et nos eaux.
Il faudra bien abattre des clôtures, des barrières et des murs.
Il faudra bien un jour se donner une démocratie digne de ce nom.
Où pouvait-il donc pêcher? Peut-être à un quelconque débarcadère public, comme il s'en trouve toujours un ou deux par ville pour donner l'illusion au peuple que la rivière lui appartient.
Quoi qu'il en soit, cette anecdote aura soulevé une fois de plus mon indignation. D'autant plus que l'ami Bosniaque me rappelait que l'accès aux rives est public et gratuit dans la majorité des pays européens. Ce qui est une bonne idée qu'on aurait dû appliquer ici depuis longtemps.
Le culte de l'argent et de la propriété privée auront contribué à dresser toujours plus de barrières entre les hommes. C'est d'autant plus absurde, en ce qui concerne notre pays, qu'il n'appartenait pas à ceux qui se sont permis d'accorder des seigneuries, des concessions et des terrains au mépris des Autochtones contenus dans des réserves pour qu'ils n'osent plus franchir la barrière.
Savons-nous que les Inuits ne barrent jamais leurs portes? Ce serait mal vu que de les barrer aux yeux de la communauté. Cela signifierait que l'on est un avare qui a quelque chose à cacher et qui ne veut surtout pas le partager.
Le savoir-vivre s'est sans doute perdu au Sud de la banquise.
Tout est clôturé, barré, barricadé. Le cadenas est le premier objet laissé par le colonisateur européen. La barrière vint ensuite.
À Trois-Rivières, où j'habite, il n'y a pas moyen d'avoir accès au fleuve ou à la rivière sans risquer de se faire dire de circuler. Le port est souvent fermé lors des événements publics comme le Festivoix ou bien lorsque l'on y accueille un bateau de croisière. La Ville tient à ne pas faire honte à ces précieux touristes en lui montrant nos pauvres. On établit donc un périmètre de sécurité. Et pour le Festivoix, eh bien on fait payer les citoyens plutôt trois fois qu'une.
Au début des années 2000 le Festival international de l'art vocal, l'ancêtre du Festivoix, était gratuit. Normal, nous l'avions payé via nos taxes et nos impôts, puisqu'il recevait de généreuses subventions en plus des commandites.
Ensuite, les choses se sont gâtées. On a fini par clôturer la moitié du centre-ville pour faire payer les curieux. La gratuité, c'était pour les Trifluviens soviétiques d'antan, ces pauvres qui n'avaient jamais un sou vaillant sur eux et profitaient des spectacles et autres événements gratuits comme s'il ne fallait jamais payer royalement nos Gentils Organisateurs. Trois-Rivières fit son entrée dans le 21e siècle en sacrifiant la gratuité, en multipliant les clôtures ainsi que les interdictions. Les chanteurs locaux ont été remplacés par des groupes de punk-rock internationaux conformistes et apolitiques... Il y a maintenant des espaces VIP pour bien distinguer l'élite des culs-terreux. Ce n'est plus un festival d'été, c'est un show privé qui prive les citoyens de l'accès à leur propriété publique. Rien de bien démocratique. Un festival à l'image de ce que nous sommes devenus: RIEN.
Il y a peu d'espaces verts gratuits qui vaillent le coup d'une visite à Trois-Rivières. Il faut payer pour aller voir la plage de l'Île Saint-Quentin, une plage que j'aurai fréquentée gratuitement dans les années '70 avec tous les enfants pauvres de mon quartier. Le site des Vieilles Forges est lui aussi payant. Il reste bien quelques parcs, quelques bancs, mais les plus beaux sites sont inaccessibles sans montrer un signe de piastre.
Le Mont-Royal et les Plaines d'Abraham sont deux sites naturels en milieu urbain où l'accès est gratuit. À Trois-Rivières, on a bien un parc ici et là, un bout de plage à Pointe-du-Lac, un débarcadère au Canadian Tire de Cap-de-la-Madeleine, mais tout le reste est privé, barré, clôturé. Les golfeurs se sont emparés des plus beaux terrains et, comme de raison, ne songez pas à y aller sans sortir de l'argent de vos poches. C'est privé. Les pauvres n'y seront jamais les bienvenus, d'autant plus s'ils ne portent pas l'uniforme approprié. Cela prend du standing pour déverser des tonnes d'insecticide dans nos cours d'eau et notre nappe phréatique tout en regardant le beau gazon vert tendre.
Oui, on aime ça les barrières, les frontières, les limites.
Le culte de la propriété privée et l'obsession de la sécurité nuisent considérablement à la qualité de vie de l'ensemble des citoyens. L'argent finit par tuer la démocratie autant que la communauté.
La logique implacable de la barrière s'impose.
L'hurluberlu de la Maison Blanche songe à élever un mur entre le Mexique et les États-Unis. Un mur comme celui qui existe entre Israël et la Palestine. Un mur comme on en voit d'autres pour établir la limite entre les vainqueurs et les vaincus.
Un mur pour nous faire accroire que ce continent que les Autochtones appellent encore l'Île de la Tortue est devenu un stationnement payant à 20$ la journée qui que nous soyons.
***
J'avais douze ou treize ans. C'était l'été. Je n'avais pas un sou et je m'amusais du mieux que je pouvais.
Cette année-là, il suffisait de payer à l'entrée de l'Exposition agricole de Trois-Rivières pour avoir accès gratuitement à tous les manèges. Malheureusement, nous n'avions pas ces dix dollars pour entrer.
Moi, mon jeune frère et deux de mes amis décidèrent donc de sauter par-dessus la clôture, sur le boulevard des Forges, pour entrer clandestinement sur le terrain de l'Expo et profiter des manèges gratuits.
C'était une grille en fer forgé avec des piques d'au moins un pouce de diamètre.
Il venait de pleuvoir. J'étais moins agile que les trois autres. Mes pieds ont glissé le long des piques et je me suis empalé sur les tiges qui pénétrèrent dans mon ventre pour y laisser deux grands cercles rouge sang. J'ai quand même réussi à me déprendre de cette fâcheuse position. Puis j'ai couru avec mes compagnons sous les aboiements des chiens bergers allemands tenus en laisse par des agents de sécurité à la mine non moins patibulaire.
Nous ne nous sommes pas faits prendre, heureusement. Je n'avais pas nécessairement le goût de faire des tours de manège avec les trous dans mon ventre, mais bon, je l'ai fait par défi, pour justifier mes stigmates. Je n'avais tout de même pas souffert pour rien.
***
Je suis bien sûr moins casse-cou aujourd'hui. Et moins agile aussi...
Pourtant, je m'efforce de ne jamais payer pour me rendre là où je veux bien aller.
Je vais sur les terrains payants avant l'ouverture de la guérite.
Je dois bien sûr me lever tôt, mais c'est un compromis d'autant plus acceptable que j'apprécie la solitude.
Je finis par circuler gratuitement un peu partout, entre six heures et huit heures du matin.
Je ne vous dirai pas où: je perdrais ce privilège.
Encore une fois, je trouve les moyens de justifier ma pingrerie.
Je ne veux pas payer pour me rendre dans des parcs déjà subventionnés par l'argent de mes taxes et de mes impôts.
Je ne veux pas payer pour circuler librement sur les lacs, les rivières, le fleuve ou les plages.
Mon pays, en tant que Métis d'ascendance française et anishnabeg, c'est l'Île de la Tortue.
On ne me fera pas le coup de me tenir attaché après un sapin, dans une réserve, à regarder la croisière s'amuse ou les golfeurs heureux.
Comme le chantait si bien Woody Guthrie, this land is our land. Ce pays nous appartient. Il faudra bien un jour revendiquer nos droits sur nos plages, nos espaces verts et nos eaux.
Il faudra bien abattre des clôtures, des barrières et des murs.
Il faudra bien un jour se donner une démocratie digne de ce nom.
mercredi 12 juillet 2017
Angéline au cou mou
Angéline avait le cou mou. Elle trouvait que son cou était tout mou.
-Il est mou, mon cou, gémissait-elle sur une moue de dédain.
Était-il mou, son cou?
Angéline croyait qu'il était mou, son cou.
Mais il n'était pas mou, son cou.
Elle avait un cou normal, comme tous les autres cous.
Mais dans sa tête, son cou était mou.
Et ça ne se remarquait pas, ce cou mou.
Personne n'aurait pu dire qu'il était mou, son cou.
Il était ferme, charnu et soyeux. Mais mou? Pas du tout.
Angéline n'en démordait pas.
Elle avait le cou mou.
***
Un jour Angéline tombe sur Frèdo Frédette, de son vrai nom Jean-Frédérique Frédette, lequel la charme en lui murmurant son prénom à l'oreille: an-gééé-li-ne-euh! en détachant bien les syllabes.
Elle avait un fond de narcissisme, Angéline. Et elle aimait son prénom. C'était normal que les autres l'aime aussi et surtout le remarque. C'était normal.
Son cou n'en était pas moins mou.
Mais Frèdo Frédette lui-même, qui le vit de près, ce cou, ne le remarqua pas. Y eut-il meilleurs yeux qui puissent en témoigner à ce jour, sinon des médecins ou dentistes tenus sous le silence du secret professionnel?
Frèdo Frédette était catégorique: Angéline n'avait pas le cou mou.
***
Les années passèrent.
Angéline vivait avec Frèdo Frédette qui se faisait maintenant appeler Monsieur Jean-Frédérique Frédette pour des questions d'argent quelconque.
Angéline pensait de moins en moins à son cou mou.
Elle finit par le trouver normal, ce cou qu'elle avait cru mou.
Et même qu'il n'était pas mou, son cou.
Pas du tout.
***
Entre temps elle eut une vie plus passionnante que cette simple histoire de cou mou.
On ne saurait juger une personne qu'en ne visant qu'un point. Angéline était bien plus qu'un cou qui se croyait mou. Elle était très drôle, entre autres.
Mais bon, on n'a pas toutes ces vies à nous raconter.
Il faut bien prendre des raccourcis.
Faire de l'art là où il n'y en a pas.
Comme si ça se pouvait qu'une femme soit si dévastée par l'idée qu'elle se fait faussement sur la texture de son cou... Vous en avez entendu, vous, des histoires semblables à propos d'un cou mou?
Je n'ai pourtant pas rêvé cette histoire.
Vous savez bien que l'invention ce n'est pas mon fort.
Je ramasse tout ce qui traîne dans mes paysages sonores.
Et je transforme ça en récits.
Et l'histoire d'Angéline au cou mou c'est un peu ça.
Je l'ai entendue quelque part.
Et c'est tout.
Si je m'explique plus longtemps je ne deviendrai jamais un artiste.
Donc je termine d'écrire ici. Là. Oui. Point.
mardi 11 juillet 2017
Chauffer sans permis de conduire
«Un anarchiste est quelqu'un qui respecte scrupuleusement de marcher sur les passages cloutés afin de traverser la rue.» Je vous cite de mémoire une parole que l'on attribue, de mémoire, à Georges Brassens. N'allez pas courir toutes les rues en répétant ce que j'attribue à Georges Brassens sans vérifier parce que je me dis que vous le ferez à ma place. Quitte à me le reprocher ensuite. Si j'ai raison, cela m'aura évité du temps à le gougueler. Je suis en train de vous parler les amis. Devrais-je interrompre cette conversation que j'ai avec mes lecteurs pour aller vérifier mes références? Ce serait vous manquer de respect. Au demeurant vous pourrez toujours me traiter de bougre d'idiot pour cette citation tronquée ou ne reposant sur rien de bien sérieux. On a beau marcher sur les passages cloutés autant qu'on veut que le piéton ne fait pas l'anarchiste. Au fond, je n'aurais jamais dû vous en parler.
Pourtant, cela sert d'introduction pour une anecdote qui m'est revenue à la mémoire tandis que je pédalais calmement dans mes souvenirs.
Il serait ridicule de ramener Billy Létourneau au niveau d'une simple anecdote. Cet homme a une personnalité si compliquée, si éloignée des normes considérées acceptables, qu'il est devenu pour moi une source inépuisable de récits déjantés. N'allez pas croire que je soutienne et cautionne tout ce qu'il fait. Ce n'est pas mon rôle. Ce n'est pas celui d'un écrivain à tout le moins. Donc, concluons que mon rôle consiste à rapporter aussi suavement que possible des réalités qui ne méritent pas d'exister.
On les exprime qu'elles doivent tout de suite être réprimées pour que les choses ne soient pas corrompues par des outrages aux bonne moeurs sans lesquelles les fraises ne se vendent plus dix dollars le panier.
Billy Létourneau n'est pas anarchiste. Il est loin de ce système de pensée qui vous propose l'autogestion, la démocratie directe et des bacs bruns pour ramasser les matières organiques. Il serait plutôt anarchique. Aucune doctrine n'adhère à ce gars-là. Il n'est pas sans morale, mais il n'en fait pas l'étalage, ce qui le rend d'autant plus sympathique aux oreilles d'un écrivain, comme moi par exemple.
-Ça fait dix ans que j'chauffe pas d'permis... me lança-t-il tout de go, la première fois que je le vis, Billy Létourneau.
J'oubliais de vous dire que Billy Létourneau portait une casquette de baseball. Tout ce qui était en-dessous de cette calotte était un gars moyen, le visage rasé de près, qui s'aspergeait d'Aqua Velva et portait des Tee-Shirts sans logo ni discours. Seulement des tee-shirts noirs ou bleu marine. Jamais des blancs. Ça laissait paraître les taches de café et de sauce à spaghetti. Billy Létourneau avait vingt-six ans, qui plus est, et m'allait aux épaules. Ce qui veut dire qu'il devait faire dans les cinq pieds six pouces.
Billy Létourneau n'était pas jasant. Mais il avait l'envie de me jaser ça ce matin-là. C'était d'autant plus apprécié que j'étais à ses côtés. Billy m'avait embarqué sur le pouce, quelque part sur la 40 dans le coin de Charlemagne, village natal de Céline Dion.
-C'est pas un char volé... continua-t-il. J'ai pas d'permis. J'en ai jamais eu. Pourquoi j'en aurais d'besoin? Si j'me fais arrêter, j'perdrai pas mon permis: j'en n'ai pas! Ils vont me donner une amende pour conduite d'un véhicule sans permis de conduire... Pis j'vas payer l'amende pis chauffer encore sans permis el' lendemain... Comprends-tu l'astuce?
Sa logique me semblait un peu tortueuse.
Pourtant, je n'avais jamais vu une personne respecter aussi scrupuleusement le code de la route.
Il roulait toujours selon les vitesses permises, regardait à gauche et à droite avant de tourner, laissait passer les piétons et les personnes handicapées, ne faisait jamais crisser ses pneus et ne partait jamais en trombe... C'était un as de conduite, Billy Létourneau, le gars qui chauffait sans permis.
Tout au long du trajet qui séparait Charlemagne de Trois-Rivières, ma destination, Billy m'a raconté toutes ses fourberies avec le sentiment étrange qu'il se donnait l'air de m'apprendre à me débrouiller dans la vie.
-Moé j'gagne bin ma vie parce que j'fais c'que j'veux. En seulement que j'me fais pas prendre. J'calcule mes affaires. Ej' chauffe pas de permis mais j'respecte el' code d'la route. Ej' vole du fil de cuivre dans les poteaux, mais j'le vends pas à 'a police... Toutte c'que j'fais c'est calculé, man. Faut s'débrouiller man. Ces hosties-là y'auront pas ma peau.
Qui étaient ces hosties-là? C'était peut-être vous, moi ou bien eux, là-bas, qui nous regarde du haut de leur hélicoptère. Je comprenais que Billy Létourneau était un renégat qui roulait sans permis de conduire. Et que j'aurais pu passer pour son complice si par malheur on nous avait arrêtés.
-Je n'le connais pas monsieur! Je suis un auto-stoppeur! aurais-je dit à la force constabulaire.
Je pouvais à tout le moins me rassurer du fait que Billy Létourneau était un bandit professionnel, rasé de près, le clin d'oeil complice, prêt à partager une moitié de sa sandwiche au jambon avec un pur inconnu. Ce que j'ai d'ailleurs refusé, par principe. Un pouçeux n'est pas un pique-assiette. Son rôle doit se limiter à faire la conversation pour tenir le chauffeur éveillé sur la route.
Je n'ai jamais revu Billy Létourneau bien entendu.
Il m'a fait débarquer aux cinq coins, l'entrée mythique de Trois-Rivières, avec Le restaurant aux 5 coins qui est depuis devenu La rôtisserie Ti-Coq. Dans le temps c'était encore Le restaurant aux 5 coins. Dans le temps où je faisais du pouce. Dans le temps où j'avais 20 ans. On va dire en 1990 pour faire une histoire courte.
Je n'en fais plus, du pouce.
Je pédale ou je marche. Ou bien je me laisse conduire par ma blonde. J'ai les yeux astigmates et le focus ne se fait pas au bon moment. Les paysages défilent comme sous l'effet d'un stroboscope lorsque ma vue doit s'ajuster à la haute vitesse. Je ferais donc un très mauvais conducteur. Même si l'on trouvait le moyen de me doter d'un permis pour conduire une voiturette de golf, voire une tondeuse à gazon.
Je vous parle encore de moi...
Je dois être anarchique moi aussi.
Je commence quelque chose et me perds illico en digressions.
Ou bien je me mets à me rappeler de Billy Létourneau.
Ah oui! J'oubliais... J'ai finalement gouguelé à propos de la citation attribuée à Georges Brassens. Ma référence c'est le site Le Monde. C'est mieux que rien, n'est-ce pas?
Et voilà ce qu'aurait dit Georges Brassens:
Il n'y a pas de référence exacte. Le doute subsiste...
Et c'est dans Le Monde!!!
Mais où s'en va Le Monde, hein?
Ça joue à l'écrivain, comme ce blogueur qui vous a raconté un truc sur Billy Létourneau.
Mais lui, au moins, n'est pas Le Monde!