Le Canada a battu un triste record du monde cette semaine. Un tireur d'élite des Forces Armées canadiennes a tué un être humain à plus de 3000 mètres de distance...
Le Premier ministre Justin Trudeau a déclaré que c'était une prouesse à célébrer.
Un être humain est mort. C'était bien sûr un djihadiste, un méchant qui n'hésiterait pas à tuer des infidèles, voire des fidèles. On ne devrait même pas penser à verser une larme sur un tel barbare.
Pourtant, cela ne me revient pas de célébrer la mort.
Cela ne me revient pas d'en faire un sport qui permet d'établir des records du monde.
Nous serions gênés de dire qu'un rhinocéros a été tué à plus de 3000 mètres de distance par un chasseur expérimenté. Surtout si ce n'était que pour établir un record du monde...
***
J'ai entendu dire que certains aborigènes de l'Océan Indien avaient coutume de manger la chair de leurs ennemis tombés au combat. Cela dit, ils évitaient de tuer plus d'humains qu'ils ne pouvaient en manger.
Lorsque les Britanniques sont arrivés dans leur patelin, ils leur ont appris la civilisation en tuant mille fois plus de bipèdes que les aborigènes ne l'avaient jamais fait.
Les aborigènes considéraient les Britanniques comme des gens qui ne savaient pas vivre.
Jamais il ne leur serait venu à l'idée de laisser pourrir autant de viande sur un champ de bataille... Quel gaspillage!
***
Léonard de Vinci n'était pas qu'un peintre. C'était aussi un inventeur. On trouve de tout dans ses carnets, dont un croquis de quelque chose qui ressemble à une mitraillette.
Lorsqu'il vint proposer cette invention au roi François 1er, son mécène, ce dernier s'en offusqua.
-Vous n'y pensez pas! De quoi aurais-je l'air avec cette invention grotesque qui ne laisserait aucune chance à l'ennemi? Je deviendrais la damnation de tous les royaumes chrétiens! Un être encore plus ignoble que l'Antéchrist! Retournez plutôt à vos pinceaux, mon cher Léonard. Représentez-moi en monarque magnanime sur un beau cheval blanc... Vous n'avez donc que le sang en tête Léonard? Soyez plutôt un gentilhomme sacredieu!
Autres temps, autres moeurs. À l'ère de la bombe atomique, on ne se soucie plus des morts et des massacres. On en raffole. On en établit même des records du monde.
***
Le Canada bat aussi un autre record du monde. Celui du pays qui vend le plus d'armes à l'Arabie Saoudite, un pays qui a un triste bilan envers les droits de la personne en plus d'être une dictature.
C'est sans doute une autre «prouesse à célébrer» pour Justin Trudeau. Mais pas pour moi. Cela me semble un comble d'ignominie. Voire de cynisme. Nous armons une idéologie qui n'hésitera pas à se revirer contre les pauvres gars que l'on envoie se battre au Moyen-Orient sous le faux prétexte de défendre la démocratie et d'établir des records mondiaux.
Ces pauvres gars-là vont tirer sur d'autres pauvres gars, à 3000 mètres de distance et moins. Ils reviendront anxieux, bouffis de chocs post-traumatiques d'avoir tué pour tuer. On passera des années à traiter ces pauvres gars qui se seront battus pour que les banksters exploitent de nouveaux territoires. Personne ne les traitera en héros, ou si peu que ça ne vaudra pas la peine d'en parler. Les banksters eux-mêmes se débarrasseront d'eux comme d'une vieille chaussette. Des mercenaires, il n'en manque jamais. Il ne suffit que de payer. On pourra même les faire passer pour des djihadistes ou bien des défenseurs de la démocratie: rien de bien compliqué.
La démocratie sera encore moins démocratique et la dictature toujours plus dure.
La prouesse à célébrer sera d'avoir fait passer une invasion pour une guerre juste.
L'économie continuera à passer comme un rouleau compresseur sur les corps meurtris des civils du monde entier. Le capitalisme profitera de la division pour régner.
***
Il y a quelques années, un ours s'est égaré à deux pas de chez-moi, en plein centre-ville de Trois-Rivières. Il n'y avait pas eu de discours contre les ours. On avait seulement fait venir des agents de la faune qui ont endormi l'ours avec une fléchette pour ensuite le renvoyer dans sa forêt.
Ce qui fonctionne pour les ours n'a pas lieu d'être pour les humains.
Les humains, il faut nécessairement leur faire exploser la tronche, les découper en rondelles, les éviscérer, les brûler, les traiter comme on ne traiterait même pas un ours ou bien un rhinocéros.
D'aucuns me reprocheront mon manque de pragmatisme. J'y suis habitué.
Pourtant, je ne me ferai jamais à l'idée qu'il faille répandre le sang de mes frères et soeurs humains, quels qu'ils soient.
Surtout en 2017 avec toutes nos innovations technologiques, nos armes non-létales et j'en passe.
Je veux bien donner une chance à la paix.
On dira que je suis un rêveur.
Mais comme le chantait John Lennon, je ne suis certainement pas le seul.
jeudi 29 juin 2017
mercredi 28 juin 2017
J'ai rêvé au Centre Landry
Centre Landry de Trois-Rivières (Image: Google Maps) |
Je me trouvais assis à une table dans le stationnement du Centre Landry, un centre de loisirs situé dans un quartier ouvrier de Trois-Rivières. Le stationnement était désert. Il n'y avait que ma table sur laquelle était posée une cafetière européenne, une tasse de café et un déjeuner.
Les voisins me dévisageaient.
-Qu'est-ce qu'il fait là, lui, à déjeuner dans le stationnement du Centre Landry?
Je m'en souciais peu. Je continuais de déjeuner en contemplant les habitations du faubourg.
Un cellulaire sonna. Ce n'était pas le mien. J'avais pris celui de ma blonde par inadvertance. Je n'ai donc pas répondu.
J'ai poursuivi mon déjeuner.
Le temps était couvert mais il ne pleuvait pas.
Puis je me suis réveillé.
-Qu'est-ce que ce foutu rêve peut bien vouloir dire?
Je n'ai toujours pas de réponse.
Les rêves sont aussi absurdes que la vie peut l'être.
Je ne suis pas passé dans le coin du Centre Landry depuis un bon moment.
Peut-être que je devrais aller faire un tour de ce côté-là...
mardi 27 juin 2017
L'histoire d'un sans-dents
C'est l'histoire d'un gars qui était trop pauvre pour aller chez le dentiste.
Il s'appelait Richard Groleau et n'avait pas un sou vaillant.
Ce gars-là était manutentionnaire dans un entrepôt.
Il était payé au salaire minimum, sans assurance-santé, sans assurance-dentaire, sans avantages sociaux, sans rien...
Il faisait parfois 30 heures par semaine. Parfois moins. Rarement plus.
Il en avait assez d'avoir mal aux dents. Même qu'il ne mangeait plus que de l'Ensure. Mâcher lui était devenu tellement souffrant qu'il buvait ses repas.
Il s'était donc dit qu'il fallait aux grands maux de grands remèdes.
Muni d'une paire de pince-grippe, Groleau passa tous les soirs du mois de juillet à desserrer la racine de ses dents en les faisant valser de droite à gauche.
Il réussit à s'enlever une dent, puis deux, puis trois.
À la fin du mois, il ne lui restait plus une seule dent en bouche.
Il attendit quelques semaines pour guérir les plaies de ses gencives.
Puis il prit rendez-vous avec un denturologiste qui prit l'empreinte de sa bouche pour lui fabriquer un dentier.
Richard Groleau a maintenant un beau sourire. Il est bien sûr un peu trop large et son dentier ne tient pas toujours bien en place.
Pourtant, il vante sans cesse le triomphe de sa volonté auprès de ses camarades.
-Fuck les dentistes! Si t'as pas trois milles piastres à mettre sur tes dents, tu fais comme moé pis tu t'les arraches toi-même avec des pince-grippe sacrament!
Il s'appelait Richard Groleau et n'avait pas un sou vaillant.
Ce gars-là était manutentionnaire dans un entrepôt.
Il était payé au salaire minimum, sans assurance-santé, sans assurance-dentaire, sans avantages sociaux, sans rien...
Il faisait parfois 30 heures par semaine. Parfois moins. Rarement plus.
Il en avait assez d'avoir mal aux dents. Même qu'il ne mangeait plus que de l'Ensure. Mâcher lui était devenu tellement souffrant qu'il buvait ses repas.
Il s'était donc dit qu'il fallait aux grands maux de grands remèdes.
Muni d'une paire de pince-grippe, Groleau passa tous les soirs du mois de juillet à desserrer la racine de ses dents en les faisant valser de droite à gauche.
Il réussit à s'enlever une dent, puis deux, puis trois.
À la fin du mois, il ne lui restait plus une seule dent en bouche.
Il attendit quelques semaines pour guérir les plaies de ses gencives.
Puis il prit rendez-vous avec un denturologiste qui prit l'empreinte de sa bouche pour lui fabriquer un dentier.
Richard Groleau a maintenant un beau sourire. Il est bien sûr un peu trop large et son dentier ne tient pas toujours bien en place.
Pourtant, il vante sans cesse le triomphe de sa volonté auprès de ses camarades.
-Fuck les dentistes! Si t'as pas trois milles piastres à mettre sur tes dents, tu fais comme moé pis tu t'les arraches toi-même avec des pince-grippe sacrament!
lundi 26 juin 2017
Le nationalisme est mort en 1945
La politique pervertit presque toujours notre vision d'autrui. Nous devrions tous nous considérer comme frères et soeurs si nous avions un peu plus de coeur et moins de raisons pour se détester. Cela suppose aussi que nous devrions témoigner du respect envers tout un chacun.
Je me dois de reconnaître qu'il m'arrive d'être un abruti quand j'entame une discussion politique. Cette mise en garde est d'autant plus nécessaire que je vais pointer du doigt ceux qui embrassent une Grande Idée qui voudrait passer la moitié de leur communauté sous le rouleau compresseur.
Je ne suis pas meilleur qu'un autre. Néanmoins, je crois avoir cette lucidité de décrire la maladie qui nous ronge tous: l'idéologie.
Je ne prétends pas être en mesure de nous soigner de quoi que ce soit. Cela dit, il me semble que les idées ne se valent pas toutes. Il y an a des bonnes et des mauvaises. Ce n'est pas une question de relativité. De même que l'on juge un arbre à ses fruits, on devrait juger les idées politiques aux bienfaits qu'elles suscitent dans la vie d'une communauté humaine.
***
Commençons par le nationalisme. Beaucoup s'en réclament au Québec. Les plus rusés lui donnent un vernis philosophique dont savent très bien se passer les rustres qui affichent sans fard leur chauvinisme et leur xénophobie.
Les nationalistes les mieux éduqués vous diront que le nationalisme d'une nation asservie, comme le sont les Québécois par exemple, ne peut pas être réactionnaire. Dans le même souffle, ils vous diront aussi qu'il ne faut pas mettre de conditions à l'indépendance du Québec. Les conservateurs, les traditionalistes et autres identitaires racistes ne peuvent pas être tenus de côté dans le combat pour l'indépendance. On doit afficher une solidarité discrète entre indépendantistes, à moins qu'ils ne soient trop à gauche évidemment... La gauche, on le sait trop bien, est vendue aux islamistes, aux lesbiennes, aux transgenres, aux Autochtones, aux détenus et autres cosmopolites libéraux qui revendiquent des droits irréalistes dans le but inavoué de faire oublier le combat pour libérer la nation du joug canadien... Le nationalisme oui. Mais la gauche cosmopolite, multiculturaliste, qui sent l'ail et promeut la charia, le bolchevisme, la peste bubonique et le choléra? Jamais!
***
Le nationalisme est mort en 1945. Cela me semble tellement une évidence que je me demande pourquoi je vous en parle.
Cela n'a pas échappé à plusieurs de nos intellectuels québécois, dont René Lévesque, Michel Chartrand et Pierre Elliott Trudeau. Lévesque l'avait compris bien avant 1945 en s'engageant comme correspondant de guerre à une époque où l'élite canadienne-française affichait un faible pour le nationalisme européen. Franco, Salazar, Mussolini et Hitler ont été perçus au Québec comme des chefs qui redonnaient espoir à leur nation en les délivrant du péril communiste. Trudeau a fini par douter de ce nationalisme-là en renonçant au modèle d'une société tribale qui porte un chef sur un bouclier. Chartrand a bifurqué vers l'anarcho-syndicalisme en s'éloignant lui aussi de ces formes de nationalisme tout aussi primaire que désolant. Le combat contre le cosmopolitisme propre aux nationalismes des années '30 a fait place aux luttes pour les droits civiques: émancipation des ouvriers, des femmes, des homosexuels, etc. Bref, le nationalisme québécois est devenu civilisé en excluant progressivement le nationalisme de son discours...
***
Au fond, qu'est-ce que le nationalisme? C'est Nous, moins lui, lui et surtout pas lui... Qu'est-ce qu'une société fondée sur un modèle libéral? C'est l'idée d'une communauté qui inclue lui, lui et même lui. Le nationalisme québécois a tenté tant bien que mal de reprendre des éléments de libéralisme. Il a fini par plier pour accorder le droit de vote aux femmes, la reconnaissance des syndicats sans affiliation catholique-canadienne-française, la citoyenneté aux immigrés et des formes de multiculturalisme...
Tout progrès au sein de la communauté québécoise s'est fait au détriment du nationalisme qui, d'une décennie à l'autre, s'est réduit comme peau de chagrin au point de devenir une caricature de lui-même.
Évidemment, il faut savoir dissocier la philosophie libérale de l'idéologie du Parti libéral du Québec. Cela va de soi mais il faut tout de même bien se faire comprendre.
***
J'ai voté Oui au référendum de 1995. J'ai voté Oui sans enthousiasme. Parce que l'indépendance du Québec me semblait et me semble encore un moyen de mieux contrôler nos destinées et d'accoucher d'une société ouverte enfin débarrassée du nationalisme... Ce n'est pas la panacée à tous nos problèmes. C'est un levier pour passer à autre chose. Une fois que le Québec sera indépendant peut-être que l'on cessera de nous gosser avec le nationalisme, non?
J'ai tout de même ressenti un malaise en 1995. Ce n'était pas après le discours de Jacques Parizeau suite à la défaite. Le vieux monsieur était saoul et j'ai pris avec un grain de sel ses reproches envers l'argent et le vote ethnique. Les fédéralistes ont dépensé sans compter en 1995. On peut même se demander si les résultats du référendum n'ont pas été faussés. Ça donnait le goût de boire et de pisser au ciel «en criant dieu est mort une dernière fois» (Jacques Brel).
Cela dit, j'ai plutôt ressenti un malaise pendant le discours télévisé que Lucien Bouchard a présenté pour le camp du Oui. Un discours où il brandissait un vieil exemplaire de 1982 du Journal de Montréal. On y voyait Trudeau et Chrétien sous le titre ILS ONT TRAHI LE QUÉBEC!
C'était ça le projet de société de Lucien Bouchard?
Cette vulgaire attaque ad hominem a provoqué chez-moi des montées d'anarchisme.
Ce n'est pas tant de salir Trudeau et Chrétien qui m'indignait. C'était d'être rendu aussi bas...
Pas un mot sur le Québec qui attendrait les Québécois et les Québécoises en cas d'accession à l'indépendance. Seulement cette attaque infantile contre les traîtres et les vendus qui ne faisait pas honneur à l'intelligence des Québécois. Pourquoi faire l'indépendance? Parce qu'ils ont trahi le Québec, imaginez-vous donc... Quelle puérilité!
Quelques années plus tard, Lucien Bouchard allait devenir Premier Ministre du Québec. Il allait pratiquer des politiques d'austérité comme le pire traître et le pire vendu fédéraliste ne l'auraient jamais espéré. Il en vint même à traiter les Québécois de paresseux et à créer les soi-disant «lucides» avec nul autre qu'André Pratte, le larbin de Power Corporation.
Le malaise ne venait pas de Jacques Parizeau puisque sous les propos de cet ivrogne il y avait une volonté réelle d'avancer vers une société plus juste, plus égalitaire et plus libre. Parizeau pleurait devant les femmes qui se pointèrent devant l'Assemblée Nationale pour chanter Du pain et des roses. Lucien Bouchard leur aurait ri en pleine face...
Mon malaise venait donc de ce nationalisme rampant qui rêve de célébrer la langue française en laissant crever de faim ceux qui la parlent. De ce nationalisme de bourgeois pleins d'marde d'aujourd'hui qui font les gorges chaudes sur les bourgeois pleins d'marde d'autrefois, pour paraphraser la célèbre formule tirée du Temps des bouffons de Pierre Falardeau.
***
Nous devrions tous nous aimer, dis-je.
Je suis loin d'être parfait.
Mais mon humanisme socialiste, non moins chargé de défauts, n'exclue personne.
Il ne traite personne en valet de pied.
Il n'y a pas de traîtres et de vendus.
Seulement des pauvres cons, comme moi, qui méritent de mieux-vivre ensemble sans se donner des claques sur la gueule.
Évidemment, la discussion est inutile avec celui qui est convaincu que l'idéologie du Ku-klux-klan est philosophiquement tenable.
Elle est difficile avec les nationalistes ultraconservateurs.
Et non moins un dialogue de sourds avec les nationalistes dits progressistes.
Cela dit, vive la révolution!
Je me dois de reconnaître qu'il m'arrive d'être un abruti quand j'entame une discussion politique. Cette mise en garde est d'autant plus nécessaire que je vais pointer du doigt ceux qui embrassent une Grande Idée qui voudrait passer la moitié de leur communauté sous le rouleau compresseur.
Je ne suis pas meilleur qu'un autre. Néanmoins, je crois avoir cette lucidité de décrire la maladie qui nous ronge tous: l'idéologie.
Je ne prétends pas être en mesure de nous soigner de quoi que ce soit. Cela dit, il me semble que les idées ne se valent pas toutes. Il y an a des bonnes et des mauvaises. Ce n'est pas une question de relativité. De même que l'on juge un arbre à ses fruits, on devrait juger les idées politiques aux bienfaits qu'elles suscitent dans la vie d'une communauté humaine.
***
Commençons par le nationalisme. Beaucoup s'en réclament au Québec. Les plus rusés lui donnent un vernis philosophique dont savent très bien se passer les rustres qui affichent sans fard leur chauvinisme et leur xénophobie.
Les nationalistes les mieux éduqués vous diront que le nationalisme d'une nation asservie, comme le sont les Québécois par exemple, ne peut pas être réactionnaire. Dans le même souffle, ils vous diront aussi qu'il ne faut pas mettre de conditions à l'indépendance du Québec. Les conservateurs, les traditionalistes et autres identitaires racistes ne peuvent pas être tenus de côté dans le combat pour l'indépendance. On doit afficher une solidarité discrète entre indépendantistes, à moins qu'ils ne soient trop à gauche évidemment... La gauche, on le sait trop bien, est vendue aux islamistes, aux lesbiennes, aux transgenres, aux Autochtones, aux détenus et autres cosmopolites libéraux qui revendiquent des droits irréalistes dans le but inavoué de faire oublier le combat pour libérer la nation du joug canadien... Le nationalisme oui. Mais la gauche cosmopolite, multiculturaliste, qui sent l'ail et promeut la charia, le bolchevisme, la peste bubonique et le choléra? Jamais!
***
Le nationalisme est mort en 1945. Cela me semble tellement une évidence que je me demande pourquoi je vous en parle.
Cela n'a pas échappé à plusieurs de nos intellectuels québécois, dont René Lévesque, Michel Chartrand et Pierre Elliott Trudeau. Lévesque l'avait compris bien avant 1945 en s'engageant comme correspondant de guerre à une époque où l'élite canadienne-française affichait un faible pour le nationalisme européen. Franco, Salazar, Mussolini et Hitler ont été perçus au Québec comme des chefs qui redonnaient espoir à leur nation en les délivrant du péril communiste. Trudeau a fini par douter de ce nationalisme-là en renonçant au modèle d'une société tribale qui porte un chef sur un bouclier. Chartrand a bifurqué vers l'anarcho-syndicalisme en s'éloignant lui aussi de ces formes de nationalisme tout aussi primaire que désolant. Le combat contre le cosmopolitisme propre aux nationalismes des années '30 a fait place aux luttes pour les droits civiques: émancipation des ouvriers, des femmes, des homosexuels, etc. Bref, le nationalisme québécois est devenu civilisé en excluant progressivement le nationalisme de son discours...
***
Au fond, qu'est-ce que le nationalisme? C'est Nous, moins lui, lui et surtout pas lui... Qu'est-ce qu'une société fondée sur un modèle libéral? C'est l'idée d'une communauté qui inclue lui, lui et même lui. Le nationalisme québécois a tenté tant bien que mal de reprendre des éléments de libéralisme. Il a fini par plier pour accorder le droit de vote aux femmes, la reconnaissance des syndicats sans affiliation catholique-canadienne-française, la citoyenneté aux immigrés et des formes de multiculturalisme...
Tout progrès au sein de la communauté québécoise s'est fait au détriment du nationalisme qui, d'une décennie à l'autre, s'est réduit comme peau de chagrin au point de devenir une caricature de lui-même.
Évidemment, il faut savoir dissocier la philosophie libérale de l'idéologie du Parti libéral du Québec. Cela va de soi mais il faut tout de même bien se faire comprendre.
***
J'ai voté Oui au référendum de 1995. J'ai voté Oui sans enthousiasme. Parce que l'indépendance du Québec me semblait et me semble encore un moyen de mieux contrôler nos destinées et d'accoucher d'une société ouverte enfin débarrassée du nationalisme... Ce n'est pas la panacée à tous nos problèmes. C'est un levier pour passer à autre chose. Une fois que le Québec sera indépendant peut-être que l'on cessera de nous gosser avec le nationalisme, non?
J'ai tout de même ressenti un malaise en 1995. Ce n'était pas après le discours de Jacques Parizeau suite à la défaite. Le vieux monsieur était saoul et j'ai pris avec un grain de sel ses reproches envers l'argent et le vote ethnique. Les fédéralistes ont dépensé sans compter en 1995. On peut même se demander si les résultats du référendum n'ont pas été faussés. Ça donnait le goût de boire et de pisser au ciel «en criant dieu est mort une dernière fois» (Jacques Brel).
Cela dit, j'ai plutôt ressenti un malaise pendant le discours télévisé que Lucien Bouchard a présenté pour le camp du Oui. Un discours où il brandissait un vieil exemplaire de 1982 du Journal de Montréal. On y voyait Trudeau et Chrétien sous le titre ILS ONT TRAHI LE QUÉBEC!
C'était ça le projet de société de Lucien Bouchard?
Cette vulgaire attaque ad hominem a provoqué chez-moi des montées d'anarchisme.
Ce n'est pas tant de salir Trudeau et Chrétien qui m'indignait. C'était d'être rendu aussi bas...
Pas un mot sur le Québec qui attendrait les Québécois et les Québécoises en cas d'accession à l'indépendance. Seulement cette attaque infantile contre les traîtres et les vendus qui ne faisait pas honneur à l'intelligence des Québécois. Pourquoi faire l'indépendance? Parce qu'ils ont trahi le Québec, imaginez-vous donc... Quelle puérilité!
Quelques années plus tard, Lucien Bouchard allait devenir Premier Ministre du Québec. Il allait pratiquer des politiques d'austérité comme le pire traître et le pire vendu fédéraliste ne l'auraient jamais espéré. Il en vint même à traiter les Québécois de paresseux et à créer les soi-disant «lucides» avec nul autre qu'André Pratte, le larbin de Power Corporation.
Le malaise ne venait pas de Jacques Parizeau puisque sous les propos de cet ivrogne il y avait une volonté réelle d'avancer vers une société plus juste, plus égalitaire et plus libre. Parizeau pleurait devant les femmes qui se pointèrent devant l'Assemblée Nationale pour chanter Du pain et des roses. Lucien Bouchard leur aurait ri en pleine face...
Mon malaise venait donc de ce nationalisme rampant qui rêve de célébrer la langue française en laissant crever de faim ceux qui la parlent. De ce nationalisme de bourgeois pleins d'marde d'aujourd'hui qui font les gorges chaudes sur les bourgeois pleins d'marde d'autrefois, pour paraphraser la célèbre formule tirée du Temps des bouffons de Pierre Falardeau.
***
Nous devrions tous nous aimer, dis-je.
Je suis loin d'être parfait.
Mais mon humanisme socialiste, non moins chargé de défauts, n'exclue personne.
Il ne traite personne en valet de pied.
Il n'y a pas de traîtres et de vendus.
Seulement des pauvres cons, comme moi, qui méritent de mieux-vivre ensemble sans se donner des claques sur la gueule.
Évidemment, la discussion est inutile avec celui qui est convaincu que l'idéologie du Ku-klux-klan est philosophiquement tenable.
Elle est difficile avec les nationalistes ultraconservateurs.
Et non moins un dialogue de sourds avec les nationalistes dits progressistes.
Cela dit, vive la révolution!
dimanche 25 juin 2017
À vélo jusqu'au village de Champlain
J'ai peu de mots à vous offrir chers lecteurs et lectrices. J'ai profité de ma fin de semaine pour faire du vélo en compagnie de ma douce. Hier, nous avons fait environ 35 km. Aujourd'hui, nous sommes allés du côté de Champlain en empruntant le Chemin du Roy. Ce qui représente environ 45 km aller-retour. Le vent est toujours un peu traître pour revenir compte tenu que les vents prédominants sont du Sud-Ouest dans mon patelin. Nous sommes partis tôt ce matin pour éviter les vents qui se lèvent généralement autour de neuf heures. J'avais les mains engourdies et l'entre-jambes échauffé. Ce fut tout de même une belle randonnée. Je me sens épuisé mais heureux. Heureux d'avoir vécu ce beau moment avec ma blonde. Heureux d'avoir vu la campagne avec ma compagne...
J'ai pris quelques photos. Je ne sais pas si elles valent le coup. Mais bon, tant qu'à les avoir prises aussi bien les partager.
En ce moment, j'ai faim. Et après avoir mangé, je sens qu'une bonne sieste devrait suivre. Le corps est fatigué mais l'âme est rassérénée. L'activité physique apporte son lot de bienfaits. Un esprit sain dans un corps vieillissant...
Youppi.
J'ai pris quelques photos. Je ne sais pas si elles valent le coup. Mais bon, tant qu'à les avoir prises aussi bien les partager.
En ce moment, j'ai faim. Et après avoir mangé, je sens qu'une bonne sieste devrait suivre. Le corps est fatigué mais l'âme est rassérénée. L'activité physique apporte son lot de bienfaits. Un esprit sain dans un corps vieillissant...
Youppi.
Champlain vu du quai. |
Le fleuve Magtogoek (anciennement Saint-Laurent sous le régime colonial) |
Encore le fleuve Magtogoek |
Soleil, soleil... |
L'ombre de moi-même. |
samedi 24 juin 2017
jeudi 22 juin 2017
Conversation entendue dans une salle d'attente
Un vieux et une vieille étaient assis près de moi et discutaient ensemble. Ils ne se connaissaient visiblement pas puisqu'ils se vouvoyaient l'un l'autre.
Tous les deux avaient plus de soixante-dix ans. Le vieux était de Saint-Ubalde, près de Sainte-Anne-de-la-Pérade. La vieille était de Montréal mais était venue s'établir à Trois-Rivières où c'est beaucoup moins cher pour vivre sa retraite à l'abri des soucis financiers.
Le vieux avait la face ridée comme une vieille pomme séchée. Par contre, il avait l'air encore solide. Des nerfs jaillissaient de ses bras, de son cou. On voyait qu'il avait travaillé dur dans sa jeunesse. Je sus qu'il avait livré des patates la majeure partie de sa vie, en plus d'avoir travaillé un peu à Vancouver et à Détroit, aux États-Unis.
-Mon père a accouché lui-même ma mère de ses sept enfants... On n'était pas riche, même si mon père faisait des bons salaires pour l'époque... El monde n'avait pas les moyens d'faire venir le médecin dans les années '30... Ça coûtait cher un docteur... Ça fait qu'mon père s'est débrouillé pour aider ma mère à accoucher, comme tout l'monde el' faisait au village... Y'étaient pas les seuls qui faisaient d'même...
-C'était la misère noire! ajouta la dame qui n'était pas fripée du tout pour son âge. Peut-être parce qu'elle accusait un léger excès de poids. Ce qui est toujours bon pour la peau.
-La misère noire? Oui... En seulement qu'el' monde s'entraidait... Personne avait rien mais personne ignorait l'autre quand y'avait besoin d'aide...
-Aujourd'hui, quand un bébé est malade, il suffit d'aller à l'urgence ou au CLSC pis tout est gratis...
-Ouin... C'est vrai... Par contre el monde est malade dans 'a tête... la psychologie... y'ont des bobos psychologiques...
-J'ai entendu dire, monsieur, que Québec c'est là où y'a l'plus de suicides dans l'monde...
-J'ai entendu ça aussi... Tout l'monde s'ignore... Tout l'monde crève tout seul dans son coin sans s'faire aider... Tout l'monde a peur d'tout un chacun... C'est pire que dans notre temps même si ç'a l'air mieux...
-Vous dites que vous avez resté aux États-Unis? Pourquoi vous êtes revenus?
-J'vivais à Détroit... C'était beau Détroit dans l'temps... Mais quand les shops d'automobiles ont fermé, c'est devenu une ville fantôme... J'me sentais plus en sécurité rien qu'à marcher dans la rue... Ça fait que j'suis r'venu icitte...
-Moé 'ssi... À Montréal c'était trop cher... On est bien à Trois-Rivières...
-On en a vécu d'la misère... C'était encore pire pour nos parents... Mon père avait pas d'autos... rien qu'un bicycle... I' faisait toutte en bicycle... Pis fallait pas toucher à son bicycle, oh non! c'était comme la prunelle de ses yeux comme i' disent...
-J'cré bin...
-Les jeunes savent pas la chance qui z'ont... Moé, j'aurais aimé ça aller école pis apprendre à compter... Peut-être que j's'rais riche aujourd'hui au lieu d'vivre de ma pension d'la compagnie... Maudite affaire. J'ai fini en septième année... Fallait travailler... Pas l'temps d'apprendre que l'Afrique c'est pas un pays, mais un continent... J'dis ça parce que ma fille a travaillé en Afrique...
-Moé 'ssi m'sieur. J'aimais surtout l'français pis les dictées... Mais fallait travailler comme vous dites... J'ai fini en huitième année... Pis j'ai tout d'suite travaillé dans une shop de couture à Lachine...
-El pire, c'est qu'on avançait dans l'temps... Même dans l'temps d'Duplessis l'avenir devenait mieux... Les salaires augmentaient... les conditions s'amélioraient... on a pu s'acheter un char, une maison... avoir une retraite...
-On sait même pas si les jeunes vont avoir une retraite...
-Ouin... C'est comme si on r'venait au temps de nos grands-parents... Ma fille est monoparentale, pas d'char, pas d'maison... Elle a deux enfants... J'essaye de l'aider comme ej' peux... Elle a eu ses enfants à 40 ans... Deux jumeaux... Cré poireau... Est r'venu d'Afrique, travailleuse d'l'humanitaire, pis là j'pense qu'elle a une subvention pour travailler dans une friperie d'vieux linge...
Le vieux et la vieille ouvrirent leur portefeuille pour s'échanger des photos de leurs petits enfants. Ils avaient le regard qui brille.
-On est heureux quand i' sont heureux, hein madame?
-Certain... Si seulement ça pouvait aller mieux pour eux autres que pour nous autres... Quel parent voudrait que ce soit pire pour ses enfants, hein? Maudit monde de fous!
***
Mon numéro apparut sur l'afficheur de la salle d'attente du Centre de prélèvements sanguins. A-006 guichet 10. Je n'ai pas pu entendre le reste de leur conversation. Néanmoins, elle s'est poursuivie dans ma tête. Je remercie ces vieux inconnus de m'avoir fait voyager dans leur monde et dans leur temps.
mercredi 21 juin 2017
Deux nouvelles toiles
Fête du soleil
C'est aujourd'hui la Journée nationale des Autochtones qui coïncide avec la Journée internationale des Aborigènes ainsi qu'avec le solstice d'été.
Il était coutume chez les Sioux que des membres de la tribu se prêtent à un exercice tout à fait singulier pour souligner la fête du soleil. Ils se rentraient des flèches dans la poitrine et reliaient celles-ci à une corde qui était attachée autour d'un arbre. Puis ils dansaient jusqu'à l'épuisement au son des tambours qui imitaient le rythme cardiaque pour provoquer une forme de transe. On suppose que les participants étaient drogués: datura, psilocybe, etc.
Lorsqu'ils tombaient, les flèches arrachaient la peau de leur poitrine et leur laissent à jamais des marques de scarification.
Sitting Bull, homme-médecine et chef religieux des Sioux Lakotas, se fit traiter de barbare pour avoir célébrer le soleil selon cette coutume pratiquée depuis des milliers d'années. Cela servit même de justification à l'intervention de l'armée pour mater les Sioux de cette réserve placée sous le contrôle du gouvernement des États-Unis. Cela mena, ultimement, au massacre de Wounded Knee.
Plus question que Sitting Bull excite les Sioux avec la danse du soleil, la danse du Grand Esprit, la danse des fantômes et la danse de la lune.
On priva les Sioux de leur territoire et de leurs coutumes comme le gouvernement israëlien l'a fait avec les Palestiniens pour favoriser la colonisation. Dans un cas comme dans l'autre, la religion d'autrui passa pour barbare. Comme si les «Sauvages» méritaient d'être traités comme des sous-hommes...
***
Revenons à la Fête du soleil.
Je ne la fêterai probablement pas en me rentrant des flèches dans la poitrine.
Je ne risque pas plus de danser pieds nus sur la terre sacrée.
Bref, je ne ferai probablement rien de spécial pour l'occasion.
Je vais boire de l'eau. Et je vais être à jeun jusqu'à demain matin puisque j'ai une prise de sang au programme pour un examen de routine.
Que me reste-t-il de mes racines autochtones? Pas grand chose. Un vague souvenir entretenu par des livres. L'écho déformé des Robes noires qui ont rédigé les Relations des Jésuites.
Je m'en veux de ne pas parler une langue autochtone.
Je me reproche de ne connaître que superficiellement la culture d'un monde auquel je suis pourtant génétiquement relié.
Pourquoi ne nous a-t-on rien enseigné à l'école?
***
C'était en 1997. J'étais à bord du train panoramique de la ligne Quebec North Shore and Labrador qui relie Schefferville à Sept-Îles via Labrador City.
La vue était splendide. Des paysages à couper le souffle, évidemment. On voyait de temps à autres des ours et des structures de wigwams abandonnés.
Des Innus étaient à bord du train et discutaient entre eux.
Je leur ai d'abord adressé la parole en anglais.
-Good morning! How're you doin'?
Pas un mot.
Je leur ai donc parlé en français.
-Bonjour, comment ça va?
Ils se regardèrent les uns et les autres sans me répondre en continuant de parler innu.
-They don't speak French or English, finit par me dire l'un d'entre eux pour répondre à mon désarroi. They only speak Innu...
Je ne croyais pas que c'était encore possible de trouver des Autochtones qui ne parlaient aucune des deux langues officielles du pays à l'aube de l'an 2000. Je pensais qu'ils devaient plutôt parler leur langue ancestrale comme les Cajuns de la Louisiane baragouinent le français. Je me trompais. Il y avait encore des Innus dans ce pays qui avaient échappé à l'école où l'on apprend à désapprendre ses coutumes, sa culture et sa religion. Je ne saurais vous dire comment. Peut-être sont-ils demeurés cachés dans le bois, sur leur trapline. tout le long de leur enfance et de leur adolescence...
Quoi qu'il en soit, cela m'a ému.
Je me suis senti petit et ignorant cette fois-là.
Et, vrai comme je suis là, j'ai eu l'envie moi aussi de m'enfoncer dans les bois pour fuir ma civilisation aliénante, mon petit monde étriqué générateur d'humiliation et d'iniquité envers les humains qui ont le malheur de ne pas devenir ce que l'on attend d'eux.
J'aurai donc une pensée pour les Innus aujourd'hui, à défaut de faire une danse du soleil.
Bonne Journée nationale des Autochtones aux guerriers de l'arc-en-ciel dont parlait la vieille prophétie transmise par William Commanda. Bonne journée aux aborigènes ainsi qu'à tous les Blancs, Noirs ou Jaunes qui s'associent aux Autochtones pour ne former qu'une seule tribu de vrais humains.
mardi 20 juin 2017
Écrivain public
Je mets ma plume à la disposition du public pour une durée limitée. Profitez de mes 20 années d'expérience à titre de rédacteur technique. Rabais de 20% pour les 10 premiers clients. Prix d'ami. Mon courriel: bouchard.gaetan@gmail.com
Les Landry étaient pauvres comme d'la gale
Les Landry vivaient dans un appartement où l'air rentrait de partout. C'était suffocant l'hiver comme l'été. L'hiver parce que les Landry chauffaient à l'huile qui ne leur laissait qu'une alternative: soit geler comme des canards ou suffoquer.
Il était impossible de tempérer la chaleur du baril d'huile qui trônait au milieu de la cuisine. L'hiver, il fallait donc que le baril chauffe jusqu'à ce que les tuyaux noirs aient l'apparence du fer blanc.
Ginette Landry, la mère du foyer, faisait sécher le linge dans la maison. Ce qui contribuait à augmenter l'humidité. On s'y sentait toujours comme dans une serre tropicale. Les murs des chambres étaient couverts de moisissure. Ginette les désinfectait à l'eau de javel une fois par semaine mais ça revenait toujours.
L'été ce n'était guère mieux. Les Landry n'avaient pas l'air climatisé. Ils avaient l'air vicié d'une rue sans arbres située à deux pas d'une usine de textile. Les ventilateurs n'arrivaient pas à refroidir la pièce. C'était pire lorsqu'il pleuvait. D'autant plus que Ginette faisait tout de même sécher son linge à l'intérieur.
Pour tout dire, les Landry étaient pauvres. Pauvres comme de la gale. D'ailleurs, ils l'avaient déjà attrapé, la gale, et ça n'avait pas été une mince affaire que de s'en débarrasser. D'autant plus que les Landry vivaient à la «cenne» près, sans économies, sans carte de crédit. La moindre dépense imprévue devenait une calamité: le petit dernier qui avait besoin de lunettes, la télé qui ne fonctionnait plus, la laveuse qui avait rendue l'âme, les dents qui devaient être remplacées par un dentier et, bien sûr, les poux, la rougeole, la varicelle, la gale et tout le reste. Leur seul luxe était de fumer la cigarette et de boire du Kik Cola.
Gino Landry, le père, était weaver à l'usine de textile autour de laquelle s'était constitué un faubourg à la mélasse. Il ne faisait pas un gros salaire et était un peu dur de la feuille après avoir passé vingt ans à subir les bruits incessants des machines. Gino ne buvait que de l'eau et du Kik Cola parce qu'il n'avait pas les moyens de se saouler. Il ne voulait surtout pas que ses enfants manquent de lait ou de Kik Cola. Gino n'avait pas d'automobile, évidemment, mais il n'était pas tout seul dans cette situation. C'était plutôt la norme dans le quartier au début des années '70. Seulement Georges Marchand avait un char. Et encore qu'il n'était pas beau. C'était un vieux Hornet toujours brisé.
Ginette Landry était retournée travailler lorsque Éric, le petit dernier, eut dix ans. Il pouvait se faire garder par ses frères et soeurs plus âgés. Il y avait encore six enfants dans la maison, dont trois gars et trois filles. La plus vieille, Hélène, avait 17 ans. Luc 16 ans. Lucie 15 ans. Manon 14 ans. Pierre 13 ans et Éric 10 ans.
Ginette était retournée travailler au Restaurant Canada où le patron Armand Veilleux, alias le Gros Calice, ne cessait de lui pincer les fesses et de lui demander des pipes qu'elle lui refusait. Pour se consoler, le Gros Calice disait de Ginette qu'elle devait se mettre un sac sur la tête pour faire bander son mari compte tenu que ses dents étaient pourries et qu'elle avait des poches sous les yeux. Évidemment, Ginette ne parlait à personne de ces petits désagréments, surtout pas à son mari Gino, un vrai soupe au lait qui aurait tué le gros calice s'il l'avait su.
Bref, les Landry étaient raides pauvres même s'ils travaillaient tous, hormis Éric qui se faisait déjà achaler pour passer des journaux.
-On n'sera pas toujours là pour te faire vivre! lui disaient ses parents dans le souci d'en faire un homme.
-J'ai peur des chiens... J'veux pas passer les journaux! répétait Éric, alias Ti-Ric.
-Va falloir que tu t'trouves de quoi! lui ordonna son père. T'es pas pour passer encore toutte ton été sur la galerie à rien crisser! C'est pas vrai que j'va's toujours te donner d'l'argent!
-Mes amis y reçoivent une paye à chaque semaine...
-Qui ça tes amis?
-Rivard... Son père lui donne cinq piastres par semaine...
-Le gars d'Méo Rivard? Méo travaille à 'a Dompack! Sont payés el' double de c'que j'gagne... Si c'est pas l'triple... Chu pas la banque à Jos Violon mon ti-gars! Chu pauvre moé!
-C'est qui Jos Violon?
-Laisse faire... J'me comprends...
-T'aurais pas une piastre Pa?
-Pauvre ti-gars... I' m'reste même pas trente sous... J'ai dû mettre ma paye sur les lunettes de Manon... Pis en plus faut que j't'achète un K-Way la semaine prochaine... La paye est pas sitôt rentrée qu'est toutte dépensée sacrament! Mon seul plaisir c'est d'fumer pis d'boire du Kik... J'va's jamais au théâtre voir des p'tites vues... J'sors pas au resto... Rien calice de tabarnak!
Éric se résigna presque à vivre toute la semaine sans un sou.
Puis il eut comme un flash. Il pourrait voler des bouteilles vides dans le quartier et aller les revendre au dépanneur. Les voisins en laissaient souvent traîner sur leur galerie. Il suffisait de ne pas se faire prendre...
Ti-Ric partit donc voir son copain Rémi qui était tout aussi pauvre que lui, sinon plus.
-Rémi, j'ai une bonne affaire à t'proposer...
Le petit Rémi n'avait pas de surnom. Ti-Rémi ça sonnait mal. Rémi suffisait dans son cas pour le désigner. Il avait l'âge de Ti-Ric et ses parents ne travaillaient pas. Il se nourrissait essentiellement de pain passé date et de beurre d'arachides. Les seuls bonbons qu'il mangeait sont ceux que les enfants un peu plus riches jetaient sur les trottoirs. Rémi enlevait le sable et les fourmis puis, hop! un bon suçon...
-C'est quoi ton plan? lui demanda Rémi en suçant son suçon usagé.
-On va voler des bouteilles vides sur les galeries des voisins pis on va aller les revendre au dépanneur... Toé tu vas checker si quelqu'un s'en vient pendant que j'va's les voler... Ok?
-Ok, acquiesça Rémi.
Les deux voyous réussirent leur coup. Par contre, c'était aussi compliqué que de travailler. Ils avaient eu chaud et trouvaient que sept dollars et cinquante-cinq sous c'était pas cher payé pour deux heures d'ouvrage.
-Va falloir penser à autre chose, parce que j'sue comme un porc Rémi!
-Moé 'ssi... C'est trop de job voler des bouteilles vides... J'me sens plus les mains ni les pieds...
-Faudrait arracher une patente de parking pis la démolir pour prendre les trente sous qu'i' y a d'dans...
-Comment tu veux qu'on fasse ça?
-J'sais pas... Ça doit s'dévisser...
-On sera jamais capable rien qu'no's deux.
-J'va's aller chercher des renforts...
Le soir même, une dizaine de jeunes garçons s'activaient autour d'une borne de stationnement qu'ils réussirent finalement à dévisser et à rapporter dans un terrain vague loin des regards indiscrets. Ils passèrent au moins deux heures à la frapper avec de grosses pierres dans l'espoir de récupérer les pièces de monnaie. Rien à faire! C'était fait solide. Tous les jeunes avaient chaud et commençaient à se décourager.
-C'est pas faisable tabarnak!!! hurla Rémi.
-J'ai un plan! annonça Ti-Ric.
-C'est quoi ton plan? demanda le gros Martel.
-On va monter su' l'pont de l'autoroute pis on va laisser tomber la patente de parking en bas su' l'asphalte...
Ils firent comme Ti-Ric disait et, fort heureusement, la borne éclata pour libérer quelques pièces de monnaie sur la chaussée.
Il n'y avait pas de quoi s'acheter une pizza. C'était encore moins payant que les bouteilles consignées, à peine quatre dollars qu'il fallait séparer en dix...
Ti-Ric revint à la maison. Il avait la mine déconfite. Il se mit même à penser qu'il devrait passer des journaux... Peut-être qu'il pourrait de munir d'un bâton pour se protéger des chiens pendant sa distribution...
-Non! Calice c'est pas vrai que j'va's faire une job de cul! s'indigna Ti-Ric. Sinon comment une fille va un jour s'intéresser à moé?
Ce moment, aussi banal soit-il, fut celui qui l'emmena à devenir un vrai criminel.
***
Les années passèrent.
Ti-Ric Landry contrôlait la distribution de drogue dans tout l'Est de la province. Rémi était devenu son bras droit. Une centaine de gars travaillaient pour lui.
Ses frères et soeurs étaient toujours aussi pauvres. Ses parents étaient morts en reniant leur petit dernier pour deux ou trois meurtres que Ti-Ric avait commis à l'époque où il avait pris le contrôle de l'Est.
Ti-Ric avait pourtant réussi dans la vie.
Il vivait dans une maison spacieuse, un vrai château pour tout dire, quelque part dans le coin de Rougemont. Il avait une grosse piscine, plusieurs autos, plusieurs motos et même un chalet dans les Laurentides. Les politiciens venaient le visiter pour manger dans sa main.
C'était le seul des Landry qui avait mis fin au cycle de la pauvreté. Et les Landry, plutôt que de lui rendre hommage, ne cessaient de lui cracher dessus et de le mépriser.
-On n'en veut pas de ton argent! lui avait dit Manon le jour où il lui avait tendu quelques milliers de dollars pour le fun.
Comme si l'argent ne valait rien... Ti-Ric se promit de ne plus jamais les revoir, les Landry.
-Qu'i' crèvent les tabarnaks! C'est vraiment une famille de caves... J'me demande comment ça s'fait que j'suis né dans c'te famille-là! Vont toujours être des trous d'cul... Manon qu'y'a même pas de dents en avant... Luc qui gratte sa guitare avec une gang de crottés pas d'vie... Pis les autres qui sont encore à loyer, pas d'char pis pas d'maison... Une vraie gang de trous d'cul...
Un jour où Ti-Ric se promenait en limousine dans la ville qui l'avait vu naître, il demanda à son chauffeur de le conduire dans le faubourg à la mélasse. C'était toujours et même beaucoup plus glauque. Les drogues que vendaient Ti-Ric dans le quartier avaient tué cette pauvreté vécue dignement pour la remplacer par la misère noire qui porte un fusil dans son pantalon et vous menace de vous faire passer out.
Ti-Ric se disait que l'argent ne pousse pas dans les arbres et qu'il y en aura toujours qui ne feront rien pour s'aider...
-Décolle d'icitte Rémi! J'veux p'us voir c't'hostie d'quartier sale! On devrait raser ça avec des bulldozers pis bâtir un amphithéâtre par-dessus!
lundi 19 juin 2017
Balade dans la pauvreté sale de la P'tite Pologne
La ruelle de mon enfance (Google Street View) |
Ce n'est pas tant que j'en veuille à Jean Béliveau. Je trouve que l'on n'honore pas suffisamment la nature. De plus, je m'insurge contre l'idée d'allouer des noms et des prénoms d'êtres humains à notre toponymie. Cela contrevient à l'esprit des Autochtones qui furent les premiers occupants du territoire. Cela ne se faisait pas, chez les aborigènes, que de souiller les lieux avec de la vanité humaine.
On dira encore que je fais une montagne avec rien. Et je m'en foutrai pas mal, comme d'habitude. D'autres se tairont mieux que moi pour toutes sortes de raisons qui, d'ailleurs, ne m'intéressent pas.
Revenons plutôt à la fête de quartier qui avait lieu dans le district... Marie-de-l'Incarnation. Marie-Quelque-Chose, une autre sainte bien plus importante que tous ces Sauvages qui vivaient ici depuis quelques millénaires et qu'on a oubliés dans la préhistoire de notre histoire préfabriquée de colons. Heureusement que les Autochtones se souciaient peu d'accoler leurs noms à des édifices, des rues ou des districts. La vanité a toujours été une affaire de Visages Pâles...
Je crains de ne jamais revenir sur cette fête de quartier si je m'abandonne à toutes sortes de digressions... Arrêtez-moi, quelqu'un!
***
Bon. La fête de quartier avait lieu au Parc des Pins. Il y avait autour d'une centaine de personnes rassemblés là. Il faisait chaud et humide. On transpirait sous les bras. Les enfants pouvaient profiter de jeux gonflables mais la pataugeoire était fermée. On a dû la vider parce qu'un vandale avait balancé une bouteille dans la pataugeoire la veille.
C'était d'autant plus dommage que l'entrée de la pataugeoire était gratuite ce jour-là. Le conseil municipal a décidé dans son infinie insignifiance de faire payer les pauvres cet été pour aller s'y tremper les orteils. Ce n'est pas un petit 2,75$ par-ci par-là qui va leur faire du tort. Ils n'ont qu'à cesser de boire du Pepsi. Ou bien à faire comme les bourgeois et à gagner honorablement leur vie. J'en connais même qui ont des piscines dans leur cour. Les pauvres n'ont qu'à faire comme eux au lieu de chialer que tout leur est dû...
Le conseiller municipal du district et candidat à la mairie Jean-François Aubin était sur les lieux pour mousser sa campagne. Il portait un complet sous cette chaleur suffocante. Ce qui m'a fait prendre conscience des énormes sacrifices que doivent faire les politiciens pour devenir calife à la place du calife.
Le lama, les poules, les lapins et les canards avaient chaud eux aussi même s'ils étaient tout nus. Ils limitaient leurs mouvements dans leurs cages tandis que les curieux s'attroupaient autour d'eux pour leur caresser le cabochon. Il y avait même des lézards et des serpents, dont un anaconda.
Ce qui m'a le plus frappé, cela dit, c'est la pauvreté et la misère. Elle suintait de partout. Jusque dans cette vente de garage organisée dans le même parc qui attirait bien plus de curieux que d'acheteurs.
Tant qu'à me trouver dans le quartier de mon enfance, quelque part entre la P'tite Pologne et Notre-Dame-des-Sept-Allégresses, j'en ai profité pour revisiter les lieux qui m'ont vu grandir, rire et pleurer.
Cela m'a donné un choc. C'était pauvre dans les années '70. Il y avait des sniffeux de colle dans le Parc des Pins et des motards trop pauvres pour s'acheter une moto, dont les Réincarnés qui régnaient dans le ghetto du haut de leur vélo aux poignées relevées. De temps à autres résonnait l'écho d'une fusillade à la mitraillette dans un bar malfamé. Cependant, une certaine forme de capitalisme rudimentaire donnait au quartier des allures un peu plus animées. On trouvait un dépanneur à tous les coins de rue, des barbiers, des restaurants, des épiceries, une boulangerie, une pâtisserie, une quincaillerie et j'en passe. Tous ces commerces ont fermé dans le tournant des années '80 avec l'arrivée du Super Calice et, bien sûr, la fermeture des usines qui faisaient vivre la plupart de mes frères et soeurs de misère.
Il n'est demeuré que des fenêtre placardées de panneaux de bois pressé, des logements qui n'ont pas été rénovés depuis 1981, des consommateurs de crystal meth, des assistés sociaux à vie, des candidats au suicide, etc.
C'était pauvre dans mon temps. Ça l'est encore aujourd'hui. Est-ce mieux ou pire? Pire, je dirais. On a pu croire, dans les années '50, '60 et même '70 que les choses allaient en s'améliorant. On a cessé d'y croire dans les années '80. L'espoir est disparu. Il n'y avait plus de futur. Il n'est resté que la pauvreté la plus glauque, l'absence de rêves auxquels s'accrocher, une vie de ghetto toujours plus misérable où les voisins peinent à se parler et à se regarder. On ne veille plus sur les perrons. On s'enferme dans son taudis à double tour de crainte de se faire voler par son voisin.
Vous direz sans doute que j'exagère. C'est vrai que j'exagère. Je ne devrais pas me promener dans la P'tite Pologne pour avoir les idées plus claires sur les progrès de notre belle société. Quand on quitte le nez des statistiques officielles on finit par avoir les idées noires. Ce n'est pas pour rien qu'on préfère voter pour un politicien qui porte un complet et, si possible, une cravate. On ne confierait tout de même pas son avenir à un sniffeux de colle. Ou, pire encore, à un poète. Ne devient pas Gérald Godin qui le veut bien.
Il y avait donc une fête de quartier en fin de semaine dans le district Marie-de-l'Incarnation. Il faisait chaud. La sueur me coulait dans la raie du cul.
Le IGA où j'étais commis d'épicerie abrite maintenant Moisson Mauricie.
Les dépanneurs sont devenus des logements chauds, humides et probablement pas trop cher. De quoi payer l'hypothèque des proprios qui habitent à Montréal et s'achètent l'Avenue de la Baltique au Monopoly pour 50$.
On trouve beaucoup de marchés aux puces et de bazars du n'importe quoi qui ouvrent pendant un mois ou deux avant de faire faillite, comme tout le reste autour.
Le logement où j'ai grandi n'est plus en papier-brique. Il est en revêtement de vinyle. On peut dire que c'est un progrès. Mais le bloc a toujours l'air aussi pauvre et misérable. Je me demande si les murs sont encore recouverts de moisissure comme dans mon temps, si les planchers sont toujours aussi croches, si les souris et les rats s'amusent encore dans la cave en terre battue.
Ma ruelle, le terrain de jeu de mon enfance, me pogne aux tripes. Les enfants qui y jouent me bouleversent comme si je me revoyais, jeune, pauvre, à préférer jouer à l'Indien plutôt qu'au cow-boy. Rêvent-ils de devenir cosmonautes ou bien de braquer une banque?
Une chance qu'il y avait la pêche sur la rivière et le fleuve quand j'étais jeune. Une chance que j'avais un vélo pour ne pas limiter ma connaissance du monde à ma petite ruelle.
Ont-ils seulement des vélos les enfants qui grandissent dans le quartier de mon enfance?
Peuvent-ils se permettre d'aller à la pataugeoire sans débourser un sou?
Est-ce que leurs parents travaillent?
Je n'en sais rien.
Mais tout concourt à me faire croire qu'on est plus dans la marde aujourd'hui qu'on ne l'était de mon temps dans la P'tite Pologne.
C'était la Fête de quartier dans le district de mon enfance. Et, franchement, je ne me sentais pas le coeur à la fête.
samedi 17 juin 2017
vendredi 16 juin 2017
Chez l'opticien en bottes de skidoo
Grégoire se trouvait avec sa fiancée chez l'opticien. C'était l'été et les oiseaux gazouillaient dans les arbres. Cependant, on ne les entendait pas gazouiller dans la salle d'attente puisque toutes les fenêtres étaient fermées. Il faisait chaud et on avait cru bon de partir le système d'air climatisé.
Grégoire était un gros et grand gaillard qui aimait boire du thé. On n'en servait pas chez l'opticien et ça ne le perturbait pas outre mesure. Il prenait son mal en patience en compagnie de sa douce qui en profitait pour feuilleter des revues de l'année dernière, dont le palmarès des écoles de la revue L'Actualité.
La fiancée de Grégoire s'appelait Brigitte. Ce n'était pas vraiment sa fiancée puisqu'ils n'avaient pas l'intention de se marier. L'amour, pour eux, n'avait rien à voir avec les institutions. C'était justement pour les oublier qu'ils s'aimaient.
Brigitte aimait bien boire un café par jour et comme elle l'avait déjà pris ce matin-là elle ne songeait pas à en boire un autre même s'il y avait une machine à café chez l'opticien. Elle était jolie avec son teint café et ses lobes d'oreille. Son père était Écossais et sa mère Sénégalaise. Ça expliquait aussi cette manie qu'elle avait de siffler Scotland The Brave le matin.
Grégoire portait des bottes de motoneigiste ce jour-là. D'autres auraient dit des bottes de skidoo mais c'est moi qui décide comment les choses doivent se nommer. Et moi seul, nah!
N'empêche qu'on pouvait se demander pourquoi ce sacré Grégoire portait des bottes de skidoo en plein été. Peut-être n'avait-il pas d'autres chaussures?
Quoi qu'il en soit, la secrétaire de l'opticien, Luce Dumont, une petite dame d'un certain âge, vint le trouver pour lui prier de la suivre. Ce qu'il fit sans rechigner parce que c'est toujours comme ça que ça se passe avec ceux qui traînent dans les salles d'attente.
-Monsieur, vous allez vous étendre ici sur le sofa. Je vais prendre vos bottes...
-Bien sûr, dit Grégoire en s'étendant de tout son long.
La secrétaire lui ôta ses bottes de skidoo. Elle retira les pantoufles de feutre et, à la grande stupeur de Grégoire, les fit tremper dans une solution gélatineuse.
-Pourquoi faites-vous tremper mes feutres?
-C'est pour l'examen de la vue... répondit la secrétaire.
Grégoire ne comprit pas tout à fait le but de l'opération mais la laissa faire. Peut-être qu'il finirait par y voir clair.
Elle ôta ensuite les chaussettes de Grégoire qui se retrouva pieds nus sur le carrelage puisqu'elle lui ordonna de regagner la salle d'attente.
-Mais je suis pieds nus... madame...
-Ce ne sera pas long monsieur... Retourner dans la salle d'attente et on va vous appeler...
Brigitte ne comprenait pas ce que Grégoire faisait pieds nus.
-Où sont tes bottes de skidoo? Et tes chaussettes? lui demanda-t-elle.
-Elle les fait tremper dans une sorte de gélatine... Je ne sais pas pourquoi.
Au bout d'une heure, la secrétaire n'était toujours pas venue chercher Grégoire et le nombre de personnes qui attendaient n'avait cesser de s'accroître.
-Veux-tu bien m'dire c'qu'ils font? J'suis nus pieds! J'veux mes bottes!
Il alla donc voir la secrétaire et lui réclama ses bottes, ses feutres et ses chaussettes.
-Je veux mes bottes de skidoo madame! Je les veux tout de suite! s'indigna Grégoire.
-Encore quelques instants... Je vous les ramène...
-Faites vites car j'ai frette aux pieds!
Grégoire retourna à la salle d'attente. Il y avait toujours plus de patients dont une vieille paysanne coiffée d'un fichu bleu pâle qui tenait une poule entre ses bras et un petit panier d'oeufs à la coquille brune.
-Qu'est-ce qu'on fout ici? lui demanda Brigitte. Qu'ils te rapportent tes bottes de skidoo et qu'on s'en aille! J'ai jamais vu ça, voyons don'! Avoir à inspecter une paire de bottes de skidoo avant un examen de la vue...
Comme elle disait cela, Luce Dumont, la secrétaire, revint avec les chaussettes, les feutres et les bottes de skidoo de Grégoire. Ils étaient étrangement propres, sentaient bon et étaient bien secs.
-Je n'y comprends rien... murmura Grégoire.
-Et moi donc, susurra Brigitte.
-Il est important que les patients qui doivent passer un examen de la vue aient toujours des bottes de skidoo bien propres, expliqua la secrétaire en pointant le plafond avec son index.
Grégoire et Brigitte, incapables d'attendre plus longtemps, quittèrent le bureau de l'opticien.
C'était la canicule dehors.
Les bottes de skidoo de Grégoire semblaient fondre au soleil.
-Veux-tu bien m'dire pourquoi tu portes des bottes de skidoo l'été? lui demanda Brigitte. Tu as pourtant plusieurs paires de chaussures et même des sandales...
-J'sais pas, répondit-il.
Puis Grégoire se réveilla.
Ce n'était qu'un rêve.
Brigitte dormait encore à ses côtés.
Et il avait un peu mal à la tête...
Grégoire était un gros et grand gaillard qui aimait boire du thé. On n'en servait pas chez l'opticien et ça ne le perturbait pas outre mesure. Il prenait son mal en patience en compagnie de sa douce qui en profitait pour feuilleter des revues de l'année dernière, dont le palmarès des écoles de la revue L'Actualité.
La fiancée de Grégoire s'appelait Brigitte. Ce n'était pas vraiment sa fiancée puisqu'ils n'avaient pas l'intention de se marier. L'amour, pour eux, n'avait rien à voir avec les institutions. C'était justement pour les oublier qu'ils s'aimaient.
Brigitte aimait bien boire un café par jour et comme elle l'avait déjà pris ce matin-là elle ne songeait pas à en boire un autre même s'il y avait une machine à café chez l'opticien. Elle était jolie avec son teint café et ses lobes d'oreille. Son père était Écossais et sa mère Sénégalaise. Ça expliquait aussi cette manie qu'elle avait de siffler Scotland The Brave le matin.
Grégoire portait des bottes de motoneigiste ce jour-là. D'autres auraient dit des bottes de skidoo mais c'est moi qui décide comment les choses doivent se nommer. Et moi seul, nah!
N'empêche qu'on pouvait se demander pourquoi ce sacré Grégoire portait des bottes de skidoo en plein été. Peut-être n'avait-il pas d'autres chaussures?
Quoi qu'il en soit, la secrétaire de l'opticien, Luce Dumont, une petite dame d'un certain âge, vint le trouver pour lui prier de la suivre. Ce qu'il fit sans rechigner parce que c'est toujours comme ça que ça se passe avec ceux qui traînent dans les salles d'attente.
-Monsieur, vous allez vous étendre ici sur le sofa. Je vais prendre vos bottes...
-Bien sûr, dit Grégoire en s'étendant de tout son long.
La secrétaire lui ôta ses bottes de skidoo. Elle retira les pantoufles de feutre et, à la grande stupeur de Grégoire, les fit tremper dans une solution gélatineuse.
-Pourquoi faites-vous tremper mes feutres?
-C'est pour l'examen de la vue... répondit la secrétaire.
Grégoire ne comprit pas tout à fait le but de l'opération mais la laissa faire. Peut-être qu'il finirait par y voir clair.
Elle ôta ensuite les chaussettes de Grégoire qui se retrouva pieds nus sur le carrelage puisqu'elle lui ordonna de regagner la salle d'attente.
-Mais je suis pieds nus... madame...
-Ce ne sera pas long monsieur... Retourner dans la salle d'attente et on va vous appeler...
Brigitte ne comprenait pas ce que Grégoire faisait pieds nus.
-Où sont tes bottes de skidoo? Et tes chaussettes? lui demanda-t-elle.
-Elle les fait tremper dans une sorte de gélatine... Je ne sais pas pourquoi.
Au bout d'une heure, la secrétaire n'était toujours pas venue chercher Grégoire et le nombre de personnes qui attendaient n'avait cesser de s'accroître.
-Veux-tu bien m'dire c'qu'ils font? J'suis nus pieds! J'veux mes bottes!
Il alla donc voir la secrétaire et lui réclama ses bottes, ses feutres et ses chaussettes.
-Je veux mes bottes de skidoo madame! Je les veux tout de suite! s'indigna Grégoire.
-Encore quelques instants... Je vous les ramène...
-Faites vites car j'ai frette aux pieds!
Grégoire retourna à la salle d'attente. Il y avait toujours plus de patients dont une vieille paysanne coiffée d'un fichu bleu pâle qui tenait une poule entre ses bras et un petit panier d'oeufs à la coquille brune.
-Qu'est-ce qu'on fout ici? lui demanda Brigitte. Qu'ils te rapportent tes bottes de skidoo et qu'on s'en aille! J'ai jamais vu ça, voyons don'! Avoir à inspecter une paire de bottes de skidoo avant un examen de la vue...
Comme elle disait cela, Luce Dumont, la secrétaire, revint avec les chaussettes, les feutres et les bottes de skidoo de Grégoire. Ils étaient étrangement propres, sentaient bon et étaient bien secs.
-Je n'y comprends rien... murmura Grégoire.
-Et moi donc, susurra Brigitte.
-Il est important que les patients qui doivent passer un examen de la vue aient toujours des bottes de skidoo bien propres, expliqua la secrétaire en pointant le plafond avec son index.
Grégoire et Brigitte, incapables d'attendre plus longtemps, quittèrent le bureau de l'opticien.
C'était la canicule dehors.
Les bottes de skidoo de Grégoire semblaient fondre au soleil.
-Veux-tu bien m'dire pourquoi tu portes des bottes de skidoo l'été? lui demanda Brigitte. Tu as pourtant plusieurs paires de chaussures et même des sandales...
-J'sais pas, répondit-il.
Puis Grégoire se réveilla.
Ce n'était qu'un rêve.
Brigitte dormait encore à ses côtés.
Et il avait un peu mal à la tête...
jeudi 15 juin 2017
21 juin: pour un congé férié qui rend hommage aux Autochtones
Il est étonnant que le 21 juin, la Journée nationale des Autochtones, ne soit toujours pas un congé férié.
Il en va de même pour le 8 mars, Journée internationale des Femmes. C'est un congé férié un peu partout dans le monde, mais pas ici. Comme si le combat pour l'émancipation des femmes ne méritait pas d'être souligné.
Nous n'avons pourtant pas trop de congés fériés. Nous en avons seulement huit et nous faisons même piètre figure à ce titre. La France, le Japon, l'Inde, la Russie, la Chine et même les États-Unis nous dépassent à cet effet.
Pourquoi devrait-on faire du 21 juin un congé férié en l'honneur des Autochtones? Pour la même raison qu'il y a le Martin Luther King Day aux États-Unis. Pour souligner le combat des Autochtones pour la pleine reconnaissance de leur souveraineté et de leurs droits civiques. Pour rappeler à notre mémoire collective le génocide dont ils ont été victimes. Pour réconcilier notre État avec les Premières Nations.
***
Je ne vous cacherai pas que je suis moi-même Métis. Ma grand-mère paternelle, Adrienne Létourneau, était une Anishnabeg liée à la réserve de Saint-Régis qui s'appelle maintenant Akwesasne. C'est une réserve attribuée aux Mohawks mais quelques Anishnabegs en font aussi partie.
Mon statut de Métis signifie aussi que j'ai une ascendance européenne. Une ascendance que je ne renie pas, d'autant plus que ce que vous lisez en ce moment est écrit en français standard.
Par contre, je suis conscient que les Québécois sont des colonisateurs qui se plaignent d'avoir été colonisés. Et qui jouent encore sur les deux tableaux.
Nous devrions avoir cette sensibilité supplémentaire pour nous permettre de promouvoir la pleine reconnaissance de droits et de l'histoire des Autochtones. Louis Riel n'était-il pas un Métis francophone? Notre sort ne fut-il pas parfois le même que celui de nos frères et soeurs autochtones?
Malheureusement, beaucoup de Québécois sont encore sourds et aveugles face aux revendications des Autochtones. La situation a tendance à changer avec les plus jeunes d'entre nous qui n'ont pas grandi dans la peur et le mépris des «Sauvages». Les brumes du colonialisme européen s'estompent autant ici qu'en Algérie ou bien au Congo. Les vérités qui apparaissent ne sont pas toujours belles à voir. Et on comprend que ce qui est arrivé aux Autochtones du continent ressemble étrangement à ce qui est arrivé aux Palestiniens et aux Congolais. On les a dépouillés de leur territoire de façon brutale pour y installer des colonies. On a même prétendu que c'était pour les civiliser qu'on les dépossédait. Ici comme ailleurs, on a dit qu'il n'y avait rien avant que le colonisateur ne vienne détruire leurs villages.
Sitting Bull était avant tout un chef religieux. Les Sioux se sont reconnus en lui parce que le désespoir était tel que Kitché Manitou semblait le dernier recours pour arrêter les déportations et les massacres.
Sitting Bull et les siens ont passé pour des terroristes, des voyous qui ne laissaient pas passer la civilisation, la chasse sportive des bisons et le christianisme. N'est-ce pas ce qui se produit encore et encore dans le monde actuel? Des peuples déportés, spoliés, humiliés, réduits à vivre dans des réserves surpeuplées où les conditions de vie sont exécrables? Se poser la question c'est y répondre. La réconciliation avec les Autochtones est le premier pas à faire pour aussi se réconcilier avec l'ensemble de l'humanité.
***
En plus de faire de la Journée nationale des Autochtones un congé férié, nous pourrions aussi songer à changer notre toponymie pour nous redonner à tous une occasion de retrouver la mémoire perdue de ce génocide culturel dont on commence à peine à parler.
D'abord, l'Amérique ne devrait plus s'appeler l'Amérique. Vous croyez que j'exagère? Leopoldville, au Congo, s'appelle maintenant Kinsasha. Léopold II, cet infâme personnage de l'histoire du colonialisme belge, ne méritait aucun hommage. Pourquoi l'Amérique devrait rendre hommage à Amerigo Vespucci? Devrait-on effacer plusieurs millénaires d'histoire humaine pour saluer la mémoire d'un obscur marin qui rêvait d'or facile à voler? Ce continent s'appelait et s'appelle encore l'Île de la Tortue pour les Autochtones. Il serait bien d'y revenir pour nous laver un peu la mémoire des exactions des conquistadors.
C'est d'autant plus ironique que jamais les Autochtones n'utilisaient de noms d'êtres humains pour désigner des lieux. Il ne leur serait jamais venu à l'idée de souiller la Terre Sacrée avec le nom d'un être humain. Il n'y avait pas de lac Bouchard, de rivière Saint-Maurice ou de fleuve Saint-Laurent pour eux. Mais le lac de la ouananiche, la rivière de l'enfilée d'aiguilles (Tapiskwan Sipi), le fleuve aux grandes eaux (Magtogoek)... Leur conception de la toponymie était essentiellement poétique, au contraire de la toponymie européenne qui sanctifie les conquérants, les maîtres de guerre, les rois, les seigneurs et autres personnages qui se croyaient au-dessus de tout un chacun, dont l'inspecteur général de la maréchaussée... L'humilité autochtone face à la nature nous est malheureusement étrangère. Pourtant, le monde change et nous constatons à tous les jours que nous avons souillé la Terre et qu'il faudra bien y remédier pour sauver la seule planète habitable que nous connaissions à ce jour.
***
D'aucuns diront que j'exagère. J'y suis habitué. Tant et si bien que je suis devenu imperméable à cette tradition toujours tenace de minimiser les revendications des Autochtones qui ne sont pourtant pas toutes d'ordre financier. Ils aimeraient entendre des excuses. Entendre que le monde a changé pour le mieux et qu'on n'étouffera plus leur histoire sous celle de Christophe Colomb, Amerigo Vespucci, Jacques Cartier ou Samuel de Champlain.
Une partie de moi-même est intimement liée à l'histoire de mes frères et soeurs autochtones. C'est bien plus qu'une raison génétique. C'est par humanité que je m'y sens relié. Tout comme je me sens relié à tous ceux et celles qui subissent et combattent l'injustice sociale partout sur la planète.
Les Autocthones ont été victimes de grandes injustices.
Ce serait justement leur rendre justice que de faire du 21 juin, qui est aussi la Journée internationale des Aborigènes, un congé férié pour tous les citoyens de l'Île de la Tortue, de l'Alaska jusqu'à la Terre de Feu.
Cela vaut bien une danse du soleil, n'est-ce pas?
Il en va de même pour le 8 mars, Journée internationale des Femmes. C'est un congé férié un peu partout dans le monde, mais pas ici. Comme si le combat pour l'émancipation des femmes ne méritait pas d'être souligné.
Nous n'avons pourtant pas trop de congés fériés. Nous en avons seulement huit et nous faisons même piètre figure à ce titre. La France, le Japon, l'Inde, la Russie, la Chine et même les États-Unis nous dépassent à cet effet.
Pourquoi devrait-on faire du 21 juin un congé férié en l'honneur des Autochtones? Pour la même raison qu'il y a le Martin Luther King Day aux États-Unis. Pour souligner le combat des Autochtones pour la pleine reconnaissance de leur souveraineté et de leurs droits civiques. Pour rappeler à notre mémoire collective le génocide dont ils ont été victimes. Pour réconcilier notre État avec les Premières Nations.
***
Je ne vous cacherai pas que je suis moi-même Métis. Ma grand-mère paternelle, Adrienne Létourneau, était une Anishnabeg liée à la réserve de Saint-Régis qui s'appelle maintenant Akwesasne. C'est une réserve attribuée aux Mohawks mais quelques Anishnabegs en font aussi partie.
Mon statut de Métis signifie aussi que j'ai une ascendance européenne. Une ascendance que je ne renie pas, d'autant plus que ce que vous lisez en ce moment est écrit en français standard.
Par contre, je suis conscient que les Québécois sont des colonisateurs qui se plaignent d'avoir été colonisés. Et qui jouent encore sur les deux tableaux.
Nous devrions avoir cette sensibilité supplémentaire pour nous permettre de promouvoir la pleine reconnaissance de droits et de l'histoire des Autochtones. Louis Riel n'était-il pas un Métis francophone? Notre sort ne fut-il pas parfois le même que celui de nos frères et soeurs autochtones?
Malheureusement, beaucoup de Québécois sont encore sourds et aveugles face aux revendications des Autochtones. La situation a tendance à changer avec les plus jeunes d'entre nous qui n'ont pas grandi dans la peur et le mépris des «Sauvages». Les brumes du colonialisme européen s'estompent autant ici qu'en Algérie ou bien au Congo. Les vérités qui apparaissent ne sont pas toujours belles à voir. Et on comprend que ce qui est arrivé aux Autochtones du continent ressemble étrangement à ce qui est arrivé aux Palestiniens et aux Congolais. On les a dépouillés de leur territoire de façon brutale pour y installer des colonies. On a même prétendu que c'était pour les civiliser qu'on les dépossédait. Ici comme ailleurs, on a dit qu'il n'y avait rien avant que le colonisateur ne vienne détruire leurs villages.
Sitting Bull était avant tout un chef religieux. Les Sioux se sont reconnus en lui parce que le désespoir était tel que Kitché Manitou semblait le dernier recours pour arrêter les déportations et les massacres.
Sitting Bull et les siens ont passé pour des terroristes, des voyous qui ne laissaient pas passer la civilisation, la chasse sportive des bisons et le christianisme. N'est-ce pas ce qui se produit encore et encore dans le monde actuel? Des peuples déportés, spoliés, humiliés, réduits à vivre dans des réserves surpeuplées où les conditions de vie sont exécrables? Se poser la question c'est y répondre. La réconciliation avec les Autochtones est le premier pas à faire pour aussi se réconcilier avec l'ensemble de l'humanité.
***
En plus de faire de la Journée nationale des Autochtones un congé férié, nous pourrions aussi songer à changer notre toponymie pour nous redonner à tous une occasion de retrouver la mémoire perdue de ce génocide culturel dont on commence à peine à parler.
D'abord, l'Amérique ne devrait plus s'appeler l'Amérique. Vous croyez que j'exagère? Leopoldville, au Congo, s'appelle maintenant Kinsasha. Léopold II, cet infâme personnage de l'histoire du colonialisme belge, ne méritait aucun hommage. Pourquoi l'Amérique devrait rendre hommage à Amerigo Vespucci? Devrait-on effacer plusieurs millénaires d'histoire humaine pour saluer la mémoire d'un obscur marin qui rêvait d'or facile à voler? Ce continent s'appelait et s'appelle encore l'Île de la Tortue pour les Autochtones. Il serait bien d'y revenir pour nous laver un peu la mémoire des exactions des conquistadors.
C'est d'autant plus ironique que jamais les Autochtones n'utilisaient de noms d'êtres humains pour désigner des lieux. Il ne leur serait jamais venu à l'idée de souiller la Terre Sacrée avec le nom d'un être humain. Il n'y avait pas de lac Bouchard, de rivière Saint-Maurice ou de fleuve Saint-Laurent pour eux. Mais le lac de la ouananiche, la rivière de l'enfilée d'aiguilles (Tapiskwan Sipi), le fleuve aux grandes eaux (Magtogoek)... Leur conception de la toponymie était essentiellement poétique, au contraire de la toponymie européenne qui sanctifie les conquérants, les maîtres de guerre, les rois, les seigneurs et autres personnages qui se croyaient au-dessus de tout un chacun, dont l'inspecteur général de la maréchaussée... L'humilité autochtone face à la nature nous est malheureusement étrangère. Pourtant, le monde change et nous constatons à tous les jours que nous avons souillé la Terre et qu'il faudra bien y remédier pour sauver la seule planète habitable que nous connaissions à ce jour.
***
D'aucuns diront que j'exagère. J'y suis habitué. Tant et si bien que je suis devenu imperméable à cette tradition toujours tenace de minimiser les revendications des Autochtones qui ne sont pourtant pas toutes d'ordre financier. Ils aimeraient entendre des excuses. Entendre que le monde a changé pour le mieux et qu'on n'étouffera plus leur histoire sous celle de Christophe Colomb, Amerigo Vespucci, Jacques Cartier ou Samuel de Champlain.
Une partie de moi-même est intimement liée à l'histoire de mes frères et soeurs autochtones. C'est bien plus qu'une raison génétique. C'est par humanité que je m'y sens relié. Tout comme je me sens relié à tous ceux et celles qui subissent et combattent l'injustice sociale partout sur la planète.
Les Autocthones ont été victimes de grandes injustices.
Ce serait justement leur rendre justice que de faire du 21 juin, qui est aussi la Journée internationale des Aborigènes, un congé férié pour tous les citoyens de l'Île de la Tortue, de l'Alaska jusqu'à la Terre de Feu.
Cela vaut bien une danse du soleil, n'est-ce pas?
mercredi 14 juin 2017
Le dentier de Jack London et autres propos décousus
Ce matin je renonce à écrire un texte qui pourrait changer le monde...
Vous ne m'entendrez pas vous parler de colonialisme, d'impérialisme, de socialisme ou bien de terrorisme.
C'est presque l'été et la vie est douce. Les poissons sautent dans les rivières. Les fraises des champs arrivent sur les comptoirs.
Vais-je me taire pour autant? Vous savez bien que non. Je suis un vrai moulin à paroles. Plus j'écris et plus je me rends compte que je n'ai encore rien dit. Pourquoi tant parler, tant écrire? Parce qu'à force d'avoir fait mes gammes je veux composer des symphonies. Seraient-elles pathétiques qu'elles auraient au moins le mérite d'exister. Comme si cette vie que je prêtais aux mots prolongeait ma propre existence ou lui conférait à tout le moins plus de densité.
Et maintenant, qu'en est-il du dentier de Jack London? Soyez patients, je vous en prie, chers lecteurs et lectrices. Nous y viendrons bien assez vite.
***
Avant que de vous parler du dentier de Jack London, l'écrivain le plus célèbre et probablement le plus riche du vingtième siècle, avec peut-être Léon Tolstoï, je me dois de vous rapporter des propos décousus sur mes dernières vingt-quatre heures.
Il faisait chaud et humide hier. Je m'en allais au soleil sans casquette.
-Qu'est-ce que tu fais en plein soleil pas de casquette? me signifia une personne que j'ai connue dans mon enfance.
-Je ne porte jamais de casquette.
-Tu ne te mets pas de lotion à bronzage contre les coups de soleil?
-Non.
-Tu pourrais attraper le cancer.
-J'ai l'impression que j'attraperais le cancer si je me mettais de la lotion composée de je ne sais trop quelle merde chimique...
J'ai poursuivi ma route en plein soleil et sans casquette.
J'ai failli me faire écraser au moins trois fois par des automobilistes qui croient que les piétons devraient seulement emprunter la piste cyclable. Je suis demeuré zen autant que faire se peut avec ces abrutis. Il faut les comprendre. Ils sont tellement pressés, assis dans leur boîte de conserve à l'air climatisé. Comment un piéton peut-il se permettre de traverser la rue quand ces seigneurs du progrès sont sur la voie asphaltée? Pourquoi, d'ailleurs, y'a-t-il des passages piétonniers alors que le virage à droite sur feu rouge est autorisé? Quelques coups de klaxon et les abrutis de la droite jambon vous font savoir que vous êtes de trop dans leur monde de hyènes où les valeurs humaines ne comptent pour rien du tout.
***
Parlant de valeurs humaines, je ressens profondément la misère des gens. Je n'y trouve pas nécessairement de solutions. Mais cela me prend au coeur, puisque j'en ai un, justement.
En poursuivant ma promenade de bipède j'ai croisé une jeune dame noire. Elle avait les cheveux teints en blond. Les traits de son visage étaient jolis mais ses yeux étaient perdus dans les vapes.
Je scattais un air de jazz lorsque je l'ai croisée.
-Doubidou bidou bidouwap! faisais-je.
-Tu m'as-tu dit què'que chose? me demanda la Noire avec un fort accent québécois.
-Non. Je chantonnais.
-Aurais-tu trois piastres à m'donner?
-Non. Je n'ai rien. Désolé.
Et c'était vrai. Je n'avais pas de monnaie. Rien.
-Ouin bin j'entends d'quoi résonner dans tes poches... continua-t-elle.
-Ce sont mes clés...
-Voudrais-tu que j'te suce icitte dans l'fond d'la cour pour un paquet d'cigarettes? me dit-elle tout de go.
-Non merci, j'essaie d'arrêter...
Elle poursuivit son chemin en quête de trois dollars ou bien d'un paquet de cigarettes.
Une vie de misère parmi tant d'autres qui traîne sur les trottoirs de Trois-Rivières.
***
J'ai reçu en soiré la visite de l'un de mes meilleurs amis.
C'est un gars qui n'a rien d'une personne institutionnalisée qui viendrait vous écorcher les oreilles avec sa croyance en quelque chose qui vous écrase et vous rend la vie insupportable.
Je lui ai d'ailleurs signifié qu'aucune personne institutionnalisée ne fait partie de mon cercle d'amis, lequel n'est pas très large pour tout dire. Le contraire eut étonné...
Tous mes amis ont ceci en commun d'être des marginaux, des personnes qui cherchent une manière de vivre qui ne cadrent pas avec la norme socialement reconnue. S'ils ne sont pas des artistes, ils les tiennent en haute estime. Ce sont tous des gens qui vous donneraient leur chemise même si elle est sale et décousue. Ils ont tous en commun cette ironie et ce goût de vivre par-delà les discours creux des donneurs de leçons.
Cet ami, appelons-le Robert Rebselj, alias Robbob, n'est pas seulement qu'un musicien parmi tant d'autres. Ce Winnipégois d'origine judéo-serbo-croate est aussi un solide lecteur doté d'une mémoire exceptionnelle.
C'est là qu'intervient, bien entendu, le dentier de l'écrivain Jack London.
C'est que Robbob est en train de lire une biographie à propos de cet écrivain qui fut d'ailleurs mon premier coup de coeur littéraire. C'est le premier auteur dont j'aie lu les oeuvres complètes.
Ne me demandez pas quel est le nom du biographe ni le titre de cette biographie. Robbob me l'a dit mais je ne m'en souviens plus. Par contre, son anecdote était savoureuse.
Cela se passe en Corée lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905. La guerre vient d'être déclarée et Jack London y voit une occasion d'écrire un reportage pour faire un coup d'argent. Il s'achète donc un bateau et s'y rend tout fin seul pour en avoir le coeur net.
Il s'installe dans un hôtel, quelque part en Corée, non loin du front j'imagine.
Or, sa réputation le précède. Jack London est l'un des écrivains les plus lus de son temps. C'est une célébrité pour tout dire. Nous sommes encore à l'époque où l'on ne possède ni radio ni téléviseur pour se distraire.
Trois milles Coréens se sont rassemblés devant la chambre d'hôtel de Jack London.
London se dit que c'est la rançon de la gloire et se présente sur le balcon, devant la foule. Il en profite pour leur faire un long discours sur le socialisme.
-Et patati le socialisme, et patata la révolution prolétarienne...
Personne ne réagit dans la foule. Tout le monde semble indifférent à son discours.
Puis un Coréen s'approche de London pour lui expliquer pourquoi 3000 Coréens se trouvent debout devant lui.
C'est qu'ils ont entendu dire que Jack London aurait un partiel dans la bouche, ce qu'ils n'ont jamais vu et aimeraient bien voir au moins une fois dans leur vie.
Jack London, bon prince, cesse son discours socialiste et brandit fièrement son râtelier après l'avoir extirpé de sa bouche.
Tous les Coréens se mettent à l'applaudir à tout rompre!
Jack London brandit son partiel plusieurs fois du haut de son balcon, comme si c'était un appel à la révolution, et toujours les Coréens l'applaudissent et en redemandent!
Voilà le genre d'anecdotes que collectionne Robbob et lui vaut le malheur d'être mon ami.
Je ne serais pas surpris que ce soit pour lui le passage le plus important de la biographie de Jack London. Ça l'est déjà pour moi aussi.
Ce genre d'histoire insensée a, somme toute, une plus grande portée philosophique que les tenants et aboutissants de la guerre russo-japonaise de 1904-1905.
Vous pourrez croire que nous sommes insignifiants.
Sans doute que nous nous en moquerons puisque nous le sommes tous, insignifiants...
Nous nous sommes ensuite moqués de la politique québécoise, canadienne et états-unienne après avoir bien rigolé à propos de cette anecdote tirée de la vie de Jack London, l'écrivain le plus lu de son temps qui avait un beau partiel en bouche pour ne pas avoir l'air d'un édenté.
Vous ne m'entendrez pas vous parler de colonialisme, d'impérialisme, de socialisme ou bien de terrorisme.
C'est presque l'été et la vie est douce. Les poissons sautent dans les rivières. Les fraises des champs arrivent sur les comptoirs.
Vais-je me taire pour autant? Vous savez bien que non. Je suis un vrai moulin à paroles. Plus j'écris et plus je me rends compte que je n'ai encore rien dit. Pourquoi tant parler, tant écrire? Parce qu'à force d'avoir fait mes gammes je veux composer des symphonies. Seraient-elles pathétiques qu'elles auraient au moins le mérite d'exister. Comme si cette vie que je prêtais aux mots prolongeait ma propre existence ou lui conférait à tout le moins plus de densité.
Et maintenant, qu'en est-il du dentier de Jack London? Soyez patients, je vous en prie, chers lecteurs et lectrices. Nous y viendrons bien assez vite.
***
Avant que de vous parler du dentier de Jack London, l'écrivain le plus célèbre et probablement le plus riche du vingtième siècle, avec peut-être Léon Tolstoï, je me dois de vous rapporter des propos décousus sur mes dernières vingt-quatre heures.
Il faisait chaud et humide hier. Je m'en allais au soleil sans casquette.
-Qu'est-ce que tu fais en plein soleil pas de casquette? me signifia une personne que j'ai connue dans mon enfance.
-Je ne porte jamais de casquette.
-Tu ne te mets pas de lotion à bronzage contre les coups de soleil?
-Non.
-Tu pourrais attraper le cancer.
-J'ai l'impression que j'attraperais le cancer si je me mettais de la lotion composée de je ne sais trop quelle merde chimique...
J'ai poursuivi ma route en plein soleil et sans casquette.
J'ai failli me faire écraser au moins trois fois par des automobilistes qui croient que les piétons devraient seulement emprunter la piste cyclable. Je suis demeuré zen autant que faire se peut avec ces abrutis. Il faut les comprendre. Ils sont tellement pressés, assis dans leur boîte de conserve à l'air climatisé. Comment un piéton peut-il se permettre de traverser la rue quand ces seigneurs du progrès sont sur la voie asphaltée? Pourquoi, d'ailleurs, y'a-t-il des passages piétonniers alors que le virage à droite sur feu rouge est autorisé? Quelques coups de klaxon et les abrutis de la droite jambon vous font savoir que vous êtes de trop dans leur monde de hyènes où les valeurs humaines ne comptent pour rien du tout.
***
Parlant de valeurs humaines, je ressens profondément la misère des gens. Je n'y trouve pas nécessairement de solutions. Mais cela me prend au coeur, puisque j'en ai un, justement.
En poursuivant ma promenade de bipède j'ai croisé une jeune dame noire. Elle avait les cheveux teints en blond. Les traits de son visage étaient jolis mais ses yeux étaient perdus dans les vapes.
Je scattais un air de jazz lorsque je l'ai croisée.
-Doubidou bidou bidouwap! faisais-je.
-Tu m'as-tu dit què'que chose? me demanda la Noire avec un fort accent québécois.
-Non. Je chantonnais.
-Aurais-tu trois piastres à m'donner?
-Non. Je n'ai rien. Désolé.
Et c'était vrai. Je n'avais pas de monnaie. Rien.
-Ouin bin j'entends d'quoi résonner dans tes poches... continua-t-elle.
-Ce sont mes clés...
-Voudrais-tu que j'te suce icitte dans l'fond d'la cour pour un paquet d'cigarettes? me dit-elle tout de go.
-Non merci, j'essaie d'arrêter...
Elle poursuivit son chemin en quête de trois dollars ou bien d'un paquet de cigarettes.
Une vie de misère parmi tant d'autres qui traîne sur les trottoirs de Trois-Rivières.
***
J'ai reçu en soiré la visite de l'un de mes meilleurs amis.
C'est un gars qui n'a rien d'une personne institutionnalisée qui viendrait vous écorcher les oreilles avec sa croyance en quelque chose qui vous écrase et vous rend la vie insupportable.
Je lui ai d'ailleurs signifié qu'aucune personne institutionnalisée ne fait partie de mon cercle d'amis, lequel n'est pas très large pour tout dire. Le contraire eut étonné...
Tous mes amis ont ceci en commun d'être des marginaux, des personnes qui cherchent une manière de vivre qui ne cadrent pas avec la norme socialement reconnue. S'ils ne sont pas des artistes, ils les tiennent en haute estime. Ce sont tous des gens qui vous donneraient leur chemise même si elle est sale et décousue. Ils ont tous en commun cette ironie et ce goût de vivre par-delà les discours creux des donneurs de leçons.
Cet ami, appelons-le Robert Rebselj, alias Robbob, n'est pas seulement qu'un musicien parmi tant d'autres. Ce Winnipégois d'origine judéo-serbo-croate est aussi un solide lecteur doté d'une mémoire exceptionnelle.
C'est là qu'intervient, bien entendu, le dentier de l'écrivain Jack London.
C'est que Robbob est en train de lire une biographie à propos de cet écrivain qui fut d'ailleurs mon premier coup de coeur littéraire. C'est le premier auteur dont j'aie lu les oeuvres complètes.
Ne me demandez pas quel est le nom du biographe ni le titre de cette biographie. Robbob me l'a dit mais je ne m'en souviens plus. Par contre, son anecdote était savoureuse.
Cela se passe en Corée lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905. La guerre vient d'être déclarée et Jack London y voit une occasion d'écrire un reportage pour faire un coup d'argent. Il s'achète donc un bateau et s'y rend tout fin seul pour en avoir le coeur net.
Il s'installe dans un hôtel, quelque part en Corée, non loin du front j'imagine.
Or, sa réputation le précède. Jack London est l'un des écrivains les plus lus de son temps. C'est une célébrité pour tout dire. Nous sommes encore à l'époque où l'on ne possède ni radio ni téléviseur pour se distraire.
Trois milles Coréens se sont rassemblés devant la chambre d'hôtel de Jack London.
London se dit que c'est la rançon de la gloire et se présente sur le balcon, devant la foule. Il en profite pour leur faire un long discours sur le socialisme.
-Et patati le socialisme, et patata la révolution prolétarienne...
Personne ne réagit dans la foule. Tout le monde semble indifférent à son discours.
Puis un Coréen s'approche de London pour lui expliquer pourquoi 3000 Coréens se trouvent debout devant lui.
C'est qu'ils ont entendu dire que Jack London aurait un partiel dans la bouche, ce qu'ils n'ont jamais vu et aimeraient bien voir au moins une fois dans leur vie.
Jack London, bon prince, cesse son discours socialiste et brandit fièrement son râtelier après l'avoir extirpé de sa bouche.
Tous les Coréens se mettent à l'applaudir à tout rompre!
Jack London brandit son partiel plusieurs fois du haut de son balcon, comme si c'était un appel à la révolution, et toujours les Coréens l'applaudissent et en redemandent!
Voilà le genre d'anecdotes que collectionne Robbob et lui vaut le malheur d'être mon ami.
Je ne serais pas surpris que ce soit pour lui le passage le plus important de la biographie de Jack London. Ça l'est déjà pour moi aussi.
Ce genre d'histoire insensée a, somme toute, une plus grande portée philosophique que les tenants et aboutissants de la guerre russo-japonaise de 1904-1905.
Vous pourrez croire que nous sommes insignifiants.
Sans doute que nous nous en moquerons puisque nous le sommes tous, insignifiants...
Nous nous sommes ensuite moqués de la politique québécoise, canadienne et états-unienne après avoir bien rigolé à propos de cette anecdote tirée de la vie de Jack London, l'écrivain le plus lu de son temps qui avait un beau partiel en bouche pour ne pas avoir l'air d'un édenté.