jeudi 24 novembre 2016
Parce que du Robbob, c'est du Robbob
Les gens qui ont la prétention d'être objectifs me semblent justement des objets. Leur souci d'avoir raison sur tout finirait même par me faire préférer le mensonge. Le mensonge, aussi funeste soit-il, a encore quelque chose d'humain. En ceci qu'il est subjectif.
Cela dit, je ne vais pas disserter sur l'objectivité. D'autres le feront mieux que moi avec ce zeste de propos soporifiques sous lesquels ils dissimuleront leur subjectivité.
Je ne peux d'autant pas être objectif que je vais vous parler de l'un de mes amis musiciens, Robert
Rebselj, alias Robbob, qui vient de sortir un nouveau CD intitulée tout bonnement Horny-thologie.
Sa sortie remonte au mois d'avril, je le sais bien, mais je ne l'ai reçu que tout récemment par la poste, d'où mon retard pour cette recension.
Robbob n'en est pas à ses premières armes. Cela fait un bon bout de temps qu'il se cherche et se retrouve dans l'univers de la musique.
Ce chic type, qui a aussi été par deux fois mon colocataire, est originaire de Winnipeg. Ses parents sont Serbes, Croates, catholiques, orthodoxes et un peu juifs.
Je l'ai connu au début des années '90 à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il s'était inscrit à la faculté de philosophie après avoir passé une session d'été dans le programme d'immersion en langue française. Son français était d'abord hasardeux. Le chaise, le table et la chien, si vous voyez ce que je veux dire. Puis il a rencontré la famille Tousignant, une famille de trippeux qui lui ont enseigné les rudiments du joual ainsi que l'art de faire la fête. Quelques mois ont suffi pour que Robert, alias Robbob, devienne un Tousignant d'adoption. Au bout d'un an, son vocabulaire s'était enrichi de tabarnaks, de calvaires et de maudits frappe-à-bord...
Le type réservé du tout début est devenu nettement plus excentrique. Il y avait et il y a encore quelque chose du dandy chez Robbob. Ses couvre-chefs sont toujours pour le moins particuliers: tuque du Journal de Montréal, fez, sombrero, tuque péruvienne et autres objets insolites. Rien d'étonnant à ce qu'il se déguise en lutteur pour livrer ses performances lorsqu'il joue en public les pièces de son dernier album. C'est du Robbob tout craché. On ne s'attend jamais à autre chose qu'à de l'excentricité de sa part.
J'ai longtemps jammé avec lui. Au début, il jouait surtout du tamtam. Il avait tâté de la batterie un tant soit peu. Puis il est passé progressivement à la planche à laver. C'était à l'époque où je commençais à produire mes propres chansons en m'accompagnant à la guitare et à l'harmonica. Nous avions eu l'idée de former un band grâce au soutien de Mark Cavanaugh, le seul qui soit capable d'accorder une guitare dans notre groupe à l'époque.
Le destin nous a séparés. Puis nous nous sommes retrouvés après un petit moment, jammant aussi souvent que possible à propos de tout et de rien, mélangeant Oscar Thiffault, Paul Brunelle et Lee Scratch Perry.
Robbob avait probablement l'envie de composer lui aussi des chansons. Le tamtam et la planche à laver n'étaient pas l'accompagnement idéal pour donner libre cours à son lyrisme. Il a donc appris le ukulélé qui est devenu, au fil des ans, son instrument de prédilection. Il a aussi ajouté le gazou. Il peut maintenant s'afficher en tant qu'homme-orchestre.
Interprète de métier, Robbob traduit spontanément de l'anglais au français et vice versa. Il est devenu un virtuose du ukulélé. Il a repris contact avec la musique des années '20 et s'est sans doute un peu inspiré de Stompin' Tom Connors s'il avait fait un voyage psychédélique.
Après avoir joué un temps avec le groupe montréalais Lake of Stew, Robbob a déménagé à Limoilou où il est tombé sur une bande de joyeux lurons qui l'accompagnent désormais dans ses prestations. Ses chansons profitent de la présence des choristes enjouées Roxane Chabot, Marie Dubois et Julie Morneau. Samuel Poirier les accompagne à la contrebasse. D'autres musiciens se joignent à l'ensemble Limoilou libre orchestra pour donner un peu plus de panache aux chansons déjantées de Robbob.
Toutes ces chansons se passent d'explications.
Je sais qu'elles originent de Double Stuff Oreo Cookies. C'était le titre d'une chanson que me jouait mon voisin quand j'habitais dans un taudis de Montréal. Je soupçonne que cette chanson aura inspiré la carrière de Robbob mais ne m'avancerai pas plus à ce sujet. Robbob m'en parle trop souvent pour qu'il n'y ait pas une incidence. Il va probablement l'ajouter à son répertoire un jour ou l'autre. En mémoire de cet inconnu que nous avons perdu dans la brume du temps.
Subjectivement parlant, je dois aussi vous dire que Robbob est l'ami de tout le monde. Tu le rencontres une seule fois dans ta vie et il reviendra te visiter jusqu'à ta mort. Parce qu'il a cette qualité rare d'être un ami fidèle pour tout le monde, moi y inclus. Je ne suis pas comme lui, peu s'en faut, mais je n'ai pas à l'imiter. Le monde est bien fait somme toute. Robbob le dandy parcourt le monde pour répandre sa bonne humeur, au risque de vexer les gens d'un naturel froid, sérieux et sinistre.
-Pourquoi porte-t-il un sombrero mexicain l'hiver? m'avait-on demandé un jour.
-Et pourquoi n'en porterait-il pas un? fut ma réponse.
-C'est le sombrero de Ti-Oui Tousignant! m'avait répondu fièrement Robbob.
-J'aurais jamais dû lui donner mon sombrero! ironisa Ti-Oui Tousignant...
Évidemment, je préfère me promener avec une tuque l'hiver.
Mais pas Robbob. Si ce n'était pas un sombrero, ce serait une botte de pêcheur qu'il porterait sur sa tête. Ou bien une boîte de carton.
N'essayez pas de le changer. Ce monde si drabe a besoin d'artistes qui sortent de l'ordinaire.
C'en est un, sans l'ombre d'un doute.
Qui plus est, c'est un type nettement plus intelligent et cultivé qu'on ne pourrait le croire à prime abord lorsqu'on le voit déguisé en lutteur masqué. Sous ces oripeaux de saltimbanque se cache un grand intellectuel qui ne fait pas de cas de cette masse colossale de livres en toutes langues qu'il a digérés. Il fait le niais sans vraiment en être un. Il joue au clown tout en étant sérieux.
C'est du Robbob tout craché. Un personnage unique qui combine en lui Arthur Cravan, Buster Keaton et peut-être même Bobby Lapointe, pour ne nommer que ceux-là.
Attendez-vous à n'importe quoi de ce drôle d'oiseau.
Je suis sûr qu'il n'a pas fini de nous étonner et de détonner dans nos paysages.
Parce que du Robbob, c'est du Robbob...
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