C'est en marchant que je trouve la plupart des thèmes, contes et fabliaux qui forment le contenu de mon blogue. Il m'arrive souvent de n'avoir rien en tête et de me demander quelle connerie je devrai encore vous raconter pour tout simplement exercer mes doigts sur le clavier. Exercice que j'ai peut-être le tort d'apparenter à de la littérature.
Si je n'écrivais pas comme ça, à la bonne franquette, la source finirait par se tarir. En m'y mettant à tous les jours, comme je le fais en ce moment, il se produit parfois un miracle: un bon texte, une bonne phrase, un mot d'esprit.
Je n'exclue pas qu'il y ait aussi beaucoup de gangue autour de ce que je considère comme étant un diamant brut par manque bien involontaire d'humilité.
Néanmoins, je me pardonne d'en dire ou d'en faire trop en me disant que ceux qui ne font rien ne s'exposent jamais à la critique. Aussi peuvent-ils s'enfoncer profondément dans le cul leurs critiques. Cela ne me donnera pas plus raison pour autant. Et cela ne m'empêchera pas de poursuivre ma voie, aussi tortueuse soit-elle.
***
J'ai toujours aimé marcher. J'ai parcouru de long en large les rues de Vancouver, Montréal et Québec, pour ne nommer que celles-là, pour les découvrir mieux que ne le ferait n'importe quel sociologue. Maintenant que je suis revenu hanter ma ville natale, Trois-Rivières, je poursuis mon étude de ce vieux sujet que j'avais laissé tomber jadis. Et je n'ai jamais fini de m'étonner, croyez-moi.
J'ai bifurqué de mon chemin habituel ce matin pour me promener dans un coin plutôt glauque du centre-ville. Malgré qu'il y ait une école de musique dans ce coin-là, tout y transpire la déchéance sociale. Surtout cette maison de chambres située au coin des rues X et Y. Cet immeuble accueille tous ceux et celles que plus personne ne veut recevoir. Il s'y est produit toutes les misères du monde au cours des dernières années: prostitution pour deux mégots de cigarettes, drogues coupées avec de la poussière de verre, agressions physiques, tapages de toutes sortes, suicides et même un meurtre. C'est un peu l'hôtel de la dernière chance. Un dépotoir pour les personnes touchées par l'exclusion sociale.
Cela fait des mois qu'il y avait une affiche sur la devanture de cette maison délabrée sur laquelle on pouvait lire qu'elle était à vendre. Il semble bien que cet immeuble pourri ait été vendu. Ce matin, l'affiche À vendre a été remplacée par une autre bien plus comique: Chambres à louer, secteur tranquille, près de toutes les commodités...
Secteur tranquille!!!
Sacrament! Ça prend un hostie de crosseur pour écrire quelque chose du genre.
C'est un immeuble insalubre. Un authentique taudis. Un coupe-gorge. Un "nique-à-feu" comme mon père l'aurait dit.
***
En poursuivant ma promenade, j'ai remarqué que les feuilles avaient commencé à jaunir. Cela me rappelle que nous sommes l'automne. Et puisque nous abordons cette saison, aussi bien en profiter pour faire une bonne soupe. Je vais donc me cuisiner un borscht, une bonne soupe slave composée de betteraves, de chou, de saucisses sans gluten et de tomates...
Quand j'en suis à parler de recettes de cuisine, c'est que je dois m'arrêter d'écrire.
Tout est accompli.
Je peux abandonner ce clavier avec l'âme en paix.
vendredi 30 septembre 2016
jeudi 29 septembre 2016
Je suis multiculturaliste
-Paix et longue vie! -Longue vie et prospérité! Sagesse du salut vulcain... |
Je suis indépendantiste parce que je suis humaniste. L'humanisme ne peut pas se conjuguer avec de grands ensembles impersonnels et des statistiques ronflantes où tout le monde est dépossédé dans l'intérêt des banquiers et de leurs serviteurs.
Cela dit, je suis tout aussi en faveur du multiculturalisme que ne peut l'être un certain Justin Trudeau. Je ne vois pas de mal à célébrer la différence et à laisser à tout un chacun la possibilité de vivre sa vie et de définir sa culture comme il l'entend, dans les limites imposées par la loi et l'attachement à des valeurs de base comme la liberté et l'égalité des sexes. Le Code criminel punit un certain nombre de délits, dont la lapidation. Il n'est pas nécessaire de greffer des lois par-dessus des lois déjà existantes. Il est même contre-productif de s'inventer des scandales en les puisant dans les journaux jaunes et autres média de bas étage.
Ma culture n'est pas québécoise. Elle est universelle. Diogène le cynique y est tout aussi vivant que La Bolduc, Louis Armstrong ou William Shakespeare. Ma culture est un work in progress. Je ne l'ai pas définie pour toujours et il s'y ajoute tous les jours de nouveaux éléments auxquels je me rattache par goût et affinités. Je ne laisse pas les ayatollahs décider ce qui est bon ou mauvais pour moi. Ni les prêtres. Ni les sociologues du Journal de Montréal. Ni les politiciens.
Défendre le crucifix, les bines au lard ou le déménagement le premier juillet m'est tout à fait indifférent.
S'attaquer aux étrangers me semble un échappatoire au vrai combat contre l'injustice sociale. Seuls des lâches peuvent s'en prendre à des naufragés ou des immigrés. D'autant plus que nous sommes tous des naufragés et des immigrés dans le contexte d'une économie disgracieuse et inhumaine qui nous traite comme des indigènes que l'on peut déposséder et piller à volonté, où que l'on se trouve sur cette misérable et pitoyable planète.
***
Je reviens souvent à Roméo et Juliette pour illustrer mon propos quant à mon refus d'accorder une préséance à l'histoire sur l'amour.
Les Montaigu et les Capulet se tapent sur la gueule depuis des années. Roméo Montaigu et Juliette Montaigu devraient se détester. L'histoire leur enseigne qu'il doit en être ainsi.
Pourtant, ils s'aiment, en dépit de l'avis et des leçons des vieux cons.
Que les vieux cons s'étouffent avec leur dentier.
Laissons Roméo et Juliette s'aimer, tout simplement.
Laissons la vie suivre son cours.
La haine ne profite qu'aux tortionnaires du genre humain.
mercredi 28 septembre 2016
Le surhomme, le monstre et la politique
"La cité est au nombre des réalités qui existent naturellement et (...) l'homme est par nature un animal politique. et celui qui est sans cité, naturellement et non par suite des circonstances, est ou un être dégradé ou au-dessus de l'humanité."
Aristote, Politique I, 2 (traduction Jean Tricot)
Aristote disait de l'homme qu'il est un animal politique.
Selon ce philosophe, celui qui vit en-dehors du groupe est soit un monstre, soit un surhomme.
On trouve bien sûr des monstres parmi les hommes. Tous ceux qui méprisent l'humanité en font partie. Encore qu'ils ne peuvent s'empêcher d'adhérer à une communauté, aussi restreinte soit-elle, pour mettre en pratique leurs monstruosités.
Pour ce qui est de la définition de surhomme, je n'ai rien trouvé de mieux dans mes souvenirs qu'un certain Ernie Moses, un trappeur Eeyou (Cri) de la Baie-James qui, à soixante-dix ans bien sonnés, s'enfonçait dans la forêt six mois par année pour y vivre seul dans la digne tradition de ses ancêtres. Néanmoins, l'homme communiquait tout de même avec ses camarades depuis sa cabane de bois perdue dans l'immensité. Un radio-émetteur le rattachait à sa communauté.
***
***
Jack London fut le premier auteur de ma jeunesse. J'eus tôt fait de dévorer tous ses livres. Il y avait en lui quelque chose qui tenait du surhomme et de l'animal politique. Jack London représentait une forme de triomphe de la volonté pour cet enfant d'un quartier pauvre que j'étais. En trimant dur, comme il l'avait fait, rien ne me serait impossible. Jack London vantait ce surhomme nietzschéen qui venait à bout de tout, qui se faisait un jour pilleur d'huîtres et le lendemain chercheur d'or au Klondike. N'était-il pas devenu l'écrivain le plus lu et le plus riche de son temps, lui qui était parti de rien?
J'ai cru à tort que rien ne viendrait entraver ma volonté puisque l'orgueil et l'innocence de ma jeunesse m'ont fait croire que je pouvais jouer le rôle du plus fort. J'étais grand et gros avec une tête bien construite. Qu'est-ce qui viendrait à bout de moi?
Puis je suis tombé moi aussi, comme bien d'autres. parce que notre système politique et économique fait aussi en sorte que même ceux qui se croient les plus forts puissent sombrer dans ce que London appelait le "peuple de l'abîme".
Jack London lui-même fut frappé par la crise économique de 1893. Lui qui avait toujours cru s'en tirer par l'affirmation de sa volonté individuelle se retrouva sans emploi et sans le sou. Il se joignit à l'armée de Kelly, une troupe formée de cent milles chômeurs qui marchèrent sur Washington pour réclamer des investissements dans les travaux publics. C'est alors qu'il devint socialiste et acquit la conviction que le capitalisme est injuste, inique et, disons-le, chaotique. Jack London comprit que seul il n'arriverait à rien. Il sut désormais que la lutte était politique, que même les meilleurs peuvent être broyés par le capitalisme.
***
Qu'on le veuille ou pas, l'homme est un animal grégaire qui n'est rien sans le soutien de la communauté. Tous ceux qui cherchent à la détruire se placent nécessairement en marge de la cité et accèdent au statut de monstres puisqu'il n'y a pas de surhommes, seulement des hommes et des femmes qui ne méritent pas de souffrir pour satisfaire les folles ambitions d'une poignée de scélérats.
La communauté, c'est nous tous et nous toutes, ici et maintenant.
La politique se fait tous les jours, dans tous les milieux, et pas seulement au parlement.
Faire signer une pétition et porter une pancarte font aussi partie de l'univers politique.
La démocratie n'est pas ce jeu stupide où des êtres fats se croient accorder un chèque en blanc pour quatre ans. Elle ne réside pas dans le silence et la résignation des masses, mais dans l'expression de tout un chacun face à tout le monde.
Nous ne sommes pas seuls sur ce globe.
Nous ne luttons pas que pour notre maison, notre chalet, notre automobile et notre piscine...
Comme nous ne sommes ni des monstres ni des surhommes, nous luttons avec nos frères et soeurs humains pour une vie meilleure.
Cela semble un mythe pour certains.
Pourtant, tout nous renvoie vers ce mythe: la culture, la religion et même la politique.
L'homme est un animal politique.
On n'a pas besoin d'Aristote pour savoir ça.
Mais ça part bien une conversation... N'est-ce pas?
mardi 27 septembre 2016
Qu'est-cé qu'tu veux qu'on fasse...
Un politicien célébré par les médias me disait sans rire qu'il n'avait jamais signé une pétition.
-Ça donne quoi d'signer une pétition, hein? Ç'a-t-y déjà changé què'que chose? Moé, j'ai jamais signé une pétition de ma vie!
Cet homme en profitait aussi pour dénigrer les chialeux, les gens qui cherchent la chicane, les maudits syndicalistes, les étudiants qui feraient mieux d'étudier, bref tous ceux qui tentaient tant bien que mal de lui barrer la route en se réclamant de beaux principes qui ne s'appliqueront jamais.
Évidemment, il méprisait profondément les consultations populaires et tenait la démocratie pour un jeu où le gagnant peut faire tout ce qu'il veut pendant quatre ans, au mépris de tout et de tous.
Cet homme vénérait le pouvoir et parlait de lui-même à la troisième personne du singulier, comme Jules César.
-Yvan Langlois (appelons-le ainsi pour la démonstration) est un gars qui a fait ceci et cela! Yvan Langlois est un gars qui a toujours travaillé dur! Yvan Langlois est un homme pro-actif qui a du leadership!
Évidemment, j'avais osé l'interrompre en lui rétorquant que seuls les fous parlent d'eux-mêmes à la troisième personne du singulier. Comme il était au téléphone, je ne peux pas vous dire quelle était l'expression sur son visage lorsque je lui ai dit ça. Il devait se sentir vexé et devait avoir l'envie de m'écraser comme une punaise.
-Ce Bouchard! Je vais lui rabattre le caquet! Sale crotté! Y'a même pas d'char! I' roule en vélo pis i' prend l'autobus!!! Moé j'connais des millionnaires pis mon beau-frère parle anglais!
Quelques semaines plus tard, j'étais devant son bureau pour manifester. Les pétitions ne suffisaient plus. L'hurluberlu avait manigancé pour saboter un processus démocratique. Ses concitoyens avaient obtenu le quorum nécessaire pour exiger un référendum selon les termes prévus par la loi. Il ne voulait pas que son projet domiciliaire soit stoppé par une poignée de crottés. Il avait compris qu'il avait le pouvoir de faire et de défaire les lois. J'avais compris que nous ne vivions pas dans une démocratie.
Ça brassait ce jour-là devant son bureau. Tous les médias s'étaient déplacés pour nous entendre réclamer symboliquement sa démission.
Cela dit, nous manifestions pacifiquement.
Un type parmi les manifestants s'approcha de moi pour me reprocher de ne pas entrer dans le bureau de Yvan Langlois pour le défenestrer manu militari.
-Moi, lui avais-je répondu, je fais ce que je dis. J'ai dit que je viendrais manifester pacifiquement ici. Et je manifeste pacifiquement ici. Toi tu me dis que tu veux le défenestrer et tu ne le fais pas... Tu viens me reprocher en plus d'être trop pacifique... Je suis pourtant en accord avec mes idées. Pas toi.
Sans tomber dans la paranoïa, ce type aurait pu être un indicateur de police. Parce que le pouvoir peut imiter plus facilement la violence qu'il ne peut imiter la paix...
***
-Qu'est-cé qu'tu veux qu'on fasse... Ça sera toujours de même...
J'aurai souvent entendu ça chaque fois que je remettais en question une forme ou l'autre d'injustice.
Je ne serai pas méchant envers ces gens qui préfèrent ne rien faire. Je ne leur en voudrai même pas de ne pas s'indigner qu'un manifestant pacifique soit tabassé par le pouvoir politique. À vrai dire, je ne saurais que les prendre en pitié.
Ils ne peuvent rien faire contre l'injustice. Ils ne voient pas comment ils arrêteraient une guerre. Comment ils pourraient freiner la pollution. Comment ils feraient pour empêcher les gouvernements de s'emparer de nos ordinateurs et de nos cellulaires pour nous espionner plus que ne l'aurait souhaité un membre de la Gestapo ou du KGB.
Ils perçoivent parfois les manifestants comme des fanatiques, des fous furieux, des gens qui feraient mieux de se calmer et d'accepter l'inacceptable comme ils prétendent le faire en se donnant même de l'importance.
-J'manifeste-tu moé? Non. Donc, qu'i' z'arrêtent de s'plaindre pis qu'i' travaillent comme tout l'monde!
Ils ne comprennent pas que l'on n'ait pas ce courage de plier les genoux et de lécher les bottes.
Ils ne comprennent pas que l'on pense que la démocratie n'est pas un chèque en blanc pour quatre ans.
***
J'ai compris que le système tel qu'il est conçu ne peut favoriser que ceux qui haussent facilement les épaules devant l'injustice.
J'ai compris que le pouvoir est naturellement violent, menteur et assassin.
Et, finalement, je crois aussi avoir compris que l'on ne peut pas combattre la violence du pouvoir avec les méthodes dans lesquelles il excelle.
Tout mouvement violent est condamné à être noyauté et instrumentalisé par le pouvoir.
On peut déguiser un policier pour qu'il imite des révolutionnaires, des terroristes, des preneurs d'otages.
Mais on ne peut pas imiter Martin Luther King.
Ni Léon Tolstoï.
Ni John Lennon.
-Ça donne quoi d'signer une pétition, hein? Ç'a-t-y déjà changé què'que chose? Moé, j'ai jamais signé une pétition de ma vie!
Cet homme en profitait aussi pour dénigrer les chialeux, les gens qui cherchent la chicane, les maudits syndicalistes, les étudiants qui feraient mieux d'étudier, bref tous ceux qui tentaient tant bien que mal de lui barrer la route en se réclamant de beaux principes qui ne s'appliqueront jamais.
Évidemment, il méprisait profondément les consultations populaires et tenait la démocratie pour un jeu où le gagnant peut faire tout ce qu'il veut pendant quatre ans, au mépris de tout et de tous.
Cet homme vénérait le pouvoir et parlait de lui-même à la troisième personne du singulier, comme Jules César.
-Yvan Langlois (appelons-le ainsi pour la démonstration) est un gars qui a fait ceci et cela! Yvan Langlois est un gars qui a toujours travaillé dur! Yvan Langlois est un homme pro-actif qui a du leadership!
Évidemment, j'avais osé l'interrompre en lui rétorquant que seuls les fous parlent d'eux-mêmes à la troisième personne du singulier. Comme il était au téléphone, je ne peux pas vous dire quelle était l'expression sur son visage lorsque je lui ai dit ça. Il devait se sentir vexé et devait avoir l'envie de m'écraser comme une punaise.
-Ce Bouchard! Je vais lui rabattre le caquet! Sale crotté! Y'a même pas d'char! I' roule en vélo pis i' prend l'autobus!!! Moé j'connais des millionnaires pis mon beau-frère parle anglais!
Quelques semaines plus tard, j'étais devant son bureau pour manifester. Les pétitions ne suffisaient plus. L'hurluberlu avait manigancé pour saboter un processus démocratique. Ses concitoyens avaient obtenu le quorum nécessaire pour exiger un référendum selon les termes prévus par la loi. Il ne voulait pas que son projet domiciliaire soit stoppé par une poignée de crottés. Il avait compris qu'il avait le pouvoir de faire et de défaire les lois. J'avais compris que nous ne vivions pas dans une démocratie.
Ça brassait ce jour-là devant son bureau. Tous les médias s'étaient déplacés pour nous entendre réclamer symboliquement sa démission.
Cela dit, nous manifestions pacifiquement.
Un type parmi les manifestants s'approcha de moi pour me reprocher de ne pas entrer dans le bureau de Yvan Langlois pour le défenestrer manu militari.
-Moi, lui avais-je répondu, je fais ce que je dis. J'ai dit que je viendrais manifester pacifiquement ici. Et je manifeste pacifiquement ici. Toi tu me dis que tu veux le défenestrer et tu ne le fais pas... Tu viens me reprocher en plus d'être trop pacifique... Je suis pourtant en accord avec mes idées. Pas toi.
Sans tomber dans la paranoïa, ce type aurait pu être un indicateur de police. Parce que le pouvoir peut imiter plus facilement la violence qu'il ne peut imiter la paix...
***
-Qu'est-cé qu'tu veux qu'on fasse... Ça sera toujours de même...
J'aurai souvent entendu ça chaque fois que je remettais en question une forme ou l'autre d'injustice.
Je ne serai pas méchant envers ces gens qui préfèrent ne rien faire. Je ne leur en voudrai même pas de ne pas s'indigner qu'un manifestant pacifique soit tabassé par le pouvoir politique. À vrai dire, je ne saurais que les prendre en pitié.
Ils ne peuvent rien faire contre l'injustice. Ils ne voient pas comment ils arrêteraient une guerre. Comment ils pourraient freiner la pollution. Comment ils feraient pour empêcher les gouvernements de s'emparer de nos ordinateurs et de nos cellulaires pour nous espionner plus que ne l'aurait souhaité un membre de la Gestapo ou du KGB.
Ils perçoivent parfois les manifestants comme des fanatiques, des fous furieux, des gens qui feraient mieux de se calmer et d'accepter l'inacceptable comme ils prétendent le faire en se donnant même de l'importance.
-J'manifeste-tu moé? Non. Donc, qu'i' z'arrêtent de s'plaindre pis qu'i' travaillent comme tout l'monde!
Ils ne comprennent pas que l'on n'ait pas ce courage de plier les genoux et de lécher les bottes.
Ils ne comprennent pas que l'on pense que la démocratie n'est pas un chèque en blanc pour quatre ans.
***
J'ai compris que le système tel qu'il est conçu ne peut favoriser que ceux qui haussent facilement les épaules devant l'injustice.
J'ai compris que le pouvoir est naturellement violent, menteur et assassin.
Et, finalement, je crois aussi avoir compris que l'on ne peut pas combattre la violence du pouvoir avec les méthodes dans lesquelles il excelle.
Tout mouvement violent est condamné à être noyauté et instrumentalisé par le pouvoir.
On peut déguiser un policier pour qu'il imite des révolutionnaires, des terroristes, des preneurs d'otages.
Mais on ne peut pas imiter Martin Luther King.
Ni Léon Tolstoï.
Ni John Lennon.
lundi 26 septembre 2016
Comment l'on devient un maître zen
L'attrait pour le zen est proportionnel aux contraintes que peut rencontrer une personne au cours de sa vie. Le zen est une philosophie particulièrement attrayante par les temps qui courent et c'est sans doute attribuable au fait que nous vivons comme des esclaves sous le joug.
Je tiens pour preuve Jérémie Samson qui, par un malheureux hasard de circonstances, devint une sorte de maître zen à sa manière.
Tout commença il y a plusieurs années lorsque Jérémie fût embauché par une compagnie de trous du cul dirigée par d'authentiques rats d'égouts. Dont Gérald Racine, son supérieur immédiat qui passait son temps à leur casser du sucre sur le dos.
Jérémie était un gars plutôt robuste qui avait du coeur à l'ouvrage et un peu trop de jugeotte pour les incultes de la Canadian Eh Workshop Inc. On y fabriquait toutes sortes de trucs en bois pour l'entreposage ou quoi que ce soit. On lui reprochait d'ailleurs de lire pendant sa pause au lieu de discuter de seins et de pénis avec ses collègues de travail.
-T'es pas très sociab'e, Samson... Faut qu'tu parles avec el' monde... Tu dis jama' rien! lui avait un jour reproché Gérald Racine, ce gros plein d'marde d'innocent comme mille qui était tout aussi raciste que sexiste, ce qui déplaisait à Jérémie Samson, un Métis qui avait toujours détesté que son père batte sa mère à coups de bâton de baseball. Ce qui l'avait, en quelque sorte, transformé en féministe.
-J'fais bien ma job? J'produis pas assez? avait ironisé Jérémie Samson, le gars le plus travaillant de cette hostie de sweat shop où tout le monde était sous-payé.
-C'pas ça... lui avait répliqué le gros Racine. Mais moé, là, moé j'su's un gars qui... Moé, là, moé... Pis moé... Moé là... Moé... Pis moé j'su's qué'qu'un qui... Moé, là, moé... Moé... Moé... Pis les nègs... les nègs... les Sauvages... les hosties d'lasbiennes... Moé, moé, moé... les crisses de turbans sales... les nègs... moé, là, moé... les nègs... les juifs... les musulmans... les nègs... moé....
Tout se rapportait à lui, évidemment, parce que cette grosse pourriture interprétait le monde qu'en fonction de son nombril pour ensuite tyranniser tout le monde qui se devait, évidemment, de lire dans sa tête pleine de marde.
-Comment ça s'fait que t'as pas fait ça, hein? s'indignait souvent cette grosse plogue.
-Tu m'en as jamais parlé... lui répliquait-on, d'un air dubitatif.
-Vas-tu falloir qu'ej' vous fasse un dessin mes tabarnaks? répondait-il.
-On n'fait pas de télépathie Gérald... rétorqua Jérémie Samson.
-Tu vas m'vouvoyer ok toé-là!
-Est-ce que tu m'tutoies, toé?
-On n'est pas du même monde toé pis moé! Moé, là, moé ej' connais des millionnaires! Moé j'su's un gars qui... moé... pis moé... pis encore moé... les nègs... les juifs... les hosties d'lasbiennes...
Évidemment, Jérémie Samson péta sa coche. Il souleva d'une seule main le gros Racine en le tenant par la gorge. Puis il le secoua plusieurs fois de sorte que la tête de l'animal finit par percuter le mur.
Jérémie perdit son emploi, évidemment.
Mais il devint énormément zen par la suite.
Ses maux de ventre disparurent ainsi que ses maux de tête.
Son stress tomba.
Il pouvait maintenant passer de longues journées à regarder pousser les pissenlits sans avoir à subir cet environnement malsain composé d'êtres infatués d'eux-mêmes qui se croyaient au-dessus des hommes et des lois.
Il tombait fréquemment dans des états de grâce même s'il vivait de prestations d'assurance-chômage puis ensuite d'aide sociale.
-Le premier qui voudra me r'faire travailler, j'pense que j'va's l'étrangler... Hostie que j'su's bien... Un bon livre dans les mains... Pas d'niaiseux qui m'crient après en parlant de leur nombril comme si ça intéressait quelqu'un... Il fait beau... Que demander de plus? C'est comme si j'étais au Nirvana!
Je tiens pour preuve Jérémie Samson qui, par un malheureux hasard de circonstances, devint une sorte de maître zen à sa manière.
Tout commença il y a plusieurs années lorsque Jérémie fût embauché par une compagnie de trous du cul dirigée par d'authentiques rats d'égouts. Dont Gérald Racine, son supérieur immédiat qui passait son temps à leur casser du sucre sur le dos.
Jérémie était un gars plutôt robuste qui avait du coeur à l'ouvrage et un peu trop de jugeotte pour les incultes de la Canadian Eh Workshop Inc. On y fabriquait toutes sortes de trucs en bois pour l'entreposage ou quoi que ce soit. On lui reprochait d'ailleurs de lire pendant sa pause au lieu de discuter de seins et de pénis avec ses collègues de travail.
-T'es pas très sociab'e, Samson... Faut qu'tu parles avec el' monde... Tu dis jama' rien! lui avait un jour reproché Gérald Racine, ce gros plein d'marde d'innocent comme mille qui était tout aussi raciste que sexiste, ce qui déplaisait à Jérémie Samson, un Métis qui avait toujours détesté que son père batte sa mère à coups de bâton de baseball. Ce qui l'avait, en quelque sorte, transformé en féministe.
-J'fais bien ma job? J'produis pas assez? avait ironisé Jérémie Samson, le gars le plus travaillant de cette hostie de sweat shop où tout le monde était sous-payé.
-C'pas ça... lui avait répliqué le gros Racine. Mais moé, là, moé j'su's un gars qui... Moé, là, moé... Pis moé... Moé là... Moé... Pis moé j'su's qué'qu'un qui... Moé, là, moé... Moé... Moé... Pis les nègs... les nègs... les Sauvages... les hosties d'lasbiennes... Moé, moé, moé... les crisses de turbans sales... les nègs... moé, là, moé... les nègs... les juifs... les musulmans... les nègs... moé....
Tout se rapportait à lui, évidemment, parce que cette grosse pourriture interprétait le monde qu'en fonction de son nombril pour ensuite tyranniser tout le monde qui se devait, évidemment, de lire dans sa tête pleine de marde.
-Comment ça s'fait que t'as pas fait ça, hein? s'indignait souvent cette grosse plogue.
-Tu m'en as jamais parlé... lui répliquait-on, d'un air dubitatif.
-Vas-tu falloir qu'ej' vous fasse un dessin mes tabarnaks? répondait-il.
-On n'fait pas de télépathie Gérald... rétorqua Jérémie Samson.
-Tu vas m'vouvoyer ok toé-là!
-Est-ce que tu m'tutoies, toé?
-On n'est pas du même monde toé pis moé! Moé, là, moé ej' connais des millionnaires! Moé j'su's un gars qui... moé... pis moé... pis encore moé... les nègs... les juifs... les hosties d'lasbiennes...
Évidemment, Jérémie Samson péta sa coche. Il souleva d'une seule main le gros Racine en le tenant par la gorge. Puis il le secoua plusieurs fois de sorte que la tête de l'animal finit par percuter le mur.
Jérémie perdit son emploi, évidemment.
Mais il devint énormément zen par la suite.
Ses maux de ventre disparurent ainsi que ses maux de tête.
Son stress tomba.
Il pouvait maintenant passer de longues journées à regarder pousser les pissenlits sans avoir à subir cet environnement malsain composé d'êtres infatués d'eux-mêmes qui se croyaient au-dessus des hommes et des lois.
Il tombait fréquemment dans des états de grâce même s'il vivait de prestations d'assurance-chômage puis ensuite d'aide sociale.
-Le premier qui voudra me r'faire travailler, j'pense que j'va's l'étrangler... Hostie que j'su's bien... Un bon livre dans les mains... Pas d'niaiseux qui m'crient après en parlant de leur nombril comme si ça intéressait quelqu'un... Il fait beau... Que demander de plus? C'est comme si j'étais au Nirvana!
dimanche 25 septembre 2016
Ti-Pit
Attendre et entendre ne vont pas toujours de pair. Voilà pourquoi Thérèse préférait parler. Cette bonne femme dans la soixantaine avancée ne pouvait tout simplement pas se fermer la boîte. Courte sur pattes, un peu ronde et le nez en forme de fraise, Thérèse trouvait toujours le mot pour dire quitte à employer des formules qui n'en finissaient plus. C'était un moulin à paroles. Comme on s'attend d'en trouver chez les personnes originaires du Lac Saint-Jean.
Gaston Langevin, quant à lui, ne demandait pas mieux qu'à passer le temps en silence. Le malheur voulut qu'il soit seul avec Thérèse qui le choisit comme nouvelle victime de sa logorrhée. Langevin était sans doute trop poli pour lui signifier qu'elle lui tapait sur les nerfs. C'était un gars dans la quarantaine pas très loquace qui portait une calotte de baseball et des bottes de travail de marque Kodiak. Il avait une barbe de trois jours et un air de rien. On aurait pu le confondre avec tout homme moyen que l'on croise dans la rue. Il n'en fallait guère plus pour que Thérèse lui ouvre son sac en attendant que l'infirmière l'appelle.
-J'suis venu ici avec mon Ti-Pit... lui confia-t-elle d'entrée de jeu.
-Hum? fit Langevin en se tournant vers elle.
-J'suis venu avec Ti-Pit en seulement qu'lui y'aime pas ça perdre son temps dans les salles d'attente... Ça fait qu'i' y'est parti faire des commissions... Ça nous prenait des épices à steak pis d'la moutarde sèche pour s'faire cuire un roastbeef à soir... On r'çoit d'la visite... Solange pis son mari, Alfredo, qui a été bien malade depuis l'printemps... Y'a eu un pontage pis y'a pogné l'cancer par-dessus ça... Alfredo y'a travaillé avec Ti-Pit y'a vingt ans... I' vidaient ensemble des fosses septiques... Pis Solange est bénévole avec moé pour l'église pis la fondation du cors aux pieds... Y'a trop d'gens qui souffrent toute la misère du monde à cause des cors aux pieds, on n'a pas idée... La tante à Solange s'appelle Mireille. A' reste en bas d'la côte à deux fesses. J'dis A reste mais A reste p'us là. Est à Pital. À l'hôpital des trois S que'que chose... On sait même p'us comment s'appelle la Pital ma foi du bon 'ieu.
-Le centre régional de soins de santé et services sociaux adaptés de la MRC de Machin-Chouette... J'pense qu'i' z'appellent ça le CRSSSMRCMCRGMSSSTRMOPQTRWER-04....
-Què'que chose de même... M'a dire comme Ti-Pit: on sait p'us y'ousqu'on s'en va avec toutes ces affaires-là qu'on comprend p'us rien de c'qu'i' veulent dire bonyenne d'la vie! En tous 'es cas! Tout ça pour dire que Ti-Pit mange rarement du roastbeef par rapport qu'i' suit une diète strictement très stricte... C'est parce qu'i' a failli mourir... Y'a toutte pogné en peu de temps, Ti-Pit. Y'a pogné el' diabète, el' coeur, el' fistule du foie, les hémorouites, la goutte pis même une poumonie. Y'a failli y passer Ti-Pit après sa poumonie... Pis ça 'a coûté cher! Sainte-Viârge qu'i' faut avouère les moyens d'être malade... Paye pour ci, paye pour ça: ça arrête jamais! Pis i' disent qu'les soins de santé sont gratis au Québec!!! Mon oeil! Me d'mande comment ceusses qui ont rien font pour se soigner... Pour moé i' doivent mourir ou què'que chose de même... En tous 'es cas!
-Hum, fit Langevin en se raclant la gorge.
-Ti-Pit dormait p'us... Y'était fatigué pis toutte! I' buvait six bouteilles d'eau par nuitte... Pis c'est qui la crisse de folle qui achetait des bouteilles d'eau? C'est moé parce que Ti-Pit était tellement fatigué qui était p'us capable de forcer... J'te faisais rentrer trois quatre caisses de vingt-quatre bouteilles d'eau par semaine... J'forçais à en avouère la face rouge comme une farçure! Sainte-Bénite que c't'ait p'us possible... Ça fait qu'j'ai dit à mon Ti-Pit: bois l'eau de la champlure parce que moé, Ti-Pit, j'su's juste p'us capable!!! Ça va faire l'eau en bouteille! Pis là, comme de raison, on apprend qu'Ti-Pit buvait comme une outre pas d'fond parce qu'i' y'avait el' diabète! Pis en plus, comme si c'tait pas déjà assez, Ti-Pit faisait d'l'apnée du sommeil pis perdait tous ses poils su' 'es jambes pis su' es bras... Veux-tu bien m'dire Ti-Pit pourquoi qu'tu perds tous tes poils, hein? "El' sais pas!" qu'i' m'a dit... D'mande-lé au docteur bonyenne t'es pas pour passer ta vie pas d'poils ma foi!!!
-Ahem... ajouta presque Langevin.
-Tout ça pour dire que j'l'aime pareil mon Ti-Pit... On s'chicane jamais... I' m'fa' à manger parce que j'travaille tout l'temps pis qu'lui peut p'us rien faire avec toutes ses maladies... Ti-Pit y'est p'us capable de faire ci pis ça. J'y dis: Ti-Pit, j't'aime, en seulement qu'tu vas arrêter d'brailler su' ta vie pis toutte! On est-tu bien pareil mon Ti-Pit, hein? On mène une bonne vie pis on n'est pas achalés... On fait c'qu'on veut... On va icitte pis là pis même si Ti-Pit peut p'us marcher trop, trop on s'en fait pas pour ça.
Comme Thérèse continuait de déblatérer à propos de Ti-Pit, Ti-Pit lui-même pénétra dans la salle d'attente.
-Ah b'en! V'là-ti pas mon Ti-Pit... Celui que j'vous parle d'pu' tantôt!
Ti-Pit était une armoire à glace. Un bonhomme de six pieds cinq pouces avec un tour de taille de soixante-six. Il devait peser cinq cents livres au bas mot, soit un quart de tonne.
-Y'est pas p'tit mon Ti-Pit hein? Mais j'l'appelle Ti-Pit parce que je l'aime. Pas vrai que j't'aime mon Ti-Pit?
-A' d'vrait m'appeler Gros-Pit mais ça i' rentre pas dans 'a tête... ajouta Ti-Pit.
-Bonjour m'sieur... dit Langevin.
-B'jour... J'suppose qu'A' vous a raconté toute ma vie? Combien d'fois qu'ej' chie par jour, hein?
-Voyons don' Ti-Pit! Pour voir si j'dirais ça!!!
-Sacrée Thérèse... Tu parles trop baptême!!! répliqua Ti-Pit.
L'infirmière n'était pas encore venu les voir. Et Thérèse n'avait pas fini de vider son sac. Elle parla, parla et parla encore tandis que Ti-Pit et Gaston Langevin regardait le plafond de la salle d'attente avec l'air de se dire: quand est-ce qu'elle va s'arrêter?
Gaston Langevin, quant à lui, ne demandait pas mieux qu'à passer le temps en silence. Le malheur voulut qu'il soit seul avec Thérèse qui le choisit comme nouvelle victime de sa logorrhée. Langevin était sans doute trop poli pour lui signifier qu'elle lui tapait sur les nerfs. C'était un gars dans la quarantaine pas très loquace qui portait une calotte de baseball et des bottes de travail de marque Kodiak. Il avait une barbe de trois jours et un air de rien. On aurait pu le confondre avec tout homme moyen que l'on croise dans la rue. Il n'en fallait guère plus pour que Thérèse lui ouvre son sac en attendant que l'infirmière l'appelle.
-J'suis venu ici avec mon Ti-Pit... lui confia-t-elle d'entrée de jeu.
-Hum? fit Langevin en se tournant vers elle.
-J'suis venu avec Ti-Pit en seulement qu'lui y'aime pas ça perdre son temps dans les salles d'attente... Ça fait qu'i' y'est parti faire des commissions... Ça nous prenait des épices à steak pis d'la moutarde sèche pour s'faire cuire un roastbeef à soir... On r'çoit d'la visite... Solange pis son mari, Alfredo, qui a été bien malade depuis l'printemps... Y'a eu un pontage pis y'a pogné l'cancer par-dessus ça... Alfredo y'a travaillé avec Ti-Pit y'a vingt ans... I' vidaient ensemble des fosses septiques... Pis Solange est bénévole avec moé pour l'église pis la fondation du cors aux pieds... Y'a trop d'gens qui souffrent toute la misère du monde à cause des cors aux pieds, on n'a pas idée... La tante à Solange s'appelle Mireille. A' reste en bas d'la côte à deux fesses. J'dis A reste mais A reste p'us là. Est à Pital. À l'hôpital des trois S que'que chose... On sait même p'us comment s'appelle la Pital ma foi du bon 'ieu.
-Le centre régional de soins de santé et services sociaux adaptés de la MRC de Machin-Chouette... J'pense qu'i' z'appellent ça le CRSSSMRCMCRGMSSSTRMOPQTRWER-04....
-Què'que chose de même... M'a dire comme Ti-Pit: on sait p'us y'ousqu'on s'en va avec toutes ces affaires-là qu'on comprend p'us rien de c'qu'i' veulent dire bonyenne d'la vie! En tous 'es cas! Tout ça pour dire que Ti-Pit mange rarement du roastbeef par rapport qu'i' suit une diète strictement très stricte... C'est parce qu'i' a failli mourir... Y'a toutte pogné en peu de temps, Ti-Pit. Y'a pogné el' diabète, el' coeur, el' fistule du foie, les hémorouites, la goutte pis même une poumonie. Y'a failli y passer Ti-Pit après sa poumonie... Pis ça 'a coûté cher! Sainte-Viârge qu'i' faut avouère les moyens d'être malade... Paye pour ci, paye pour ça: ça arrête jamais! Pis i' disent qu'les soins de santé sont gratis au Québec!!! Mon oeil! Me d'mande comment ceusses qui ont rien font pour se soigner... Pour moé i' doivent mourir ou què'que chose de même... En tous 'es cas!
-Hum, fit Langevin en se raclant la gorge.
-Ti-Pit dormait p'us... Y'était fatigué pis toutte! I' buvait six bouteilles d'eau par nuitte... Pis c'est qui la crisse de folle qui achetait des bouteilles d'eau? C'est moé parce que Ti-Pit était tellement fatigué qui était p'us capable de forcer... J'te faisais rentrer trois quatre caisses de vingt-quatre bouteilles d'eau par semaine... J'forçais à en avouère la face rouge comme une farçure! Sainte-Bénite que c't'ait p'us possible... Ça fait qu'j'ai dit à mon Ti-Pit: bois l'eau de la champlure parce que moé, Ti-Pit, j'su's juste p'us capable!!! Ça va faire l'eau en bouteille! Pis là, comme de raison, on apprend qu'Ti-Pit buvait comme une outre pas d'fond parce qu'i' y'avait el' diabète! Pis en plus, comme si c'tait pas déjà assez, Ti-Pit faisait d'l'apnée du sommeil pis perdait tous ses poils su' 'es jambes pis su' es bras... Veux-tu bien m'dire Ti-Pit pourquoi qu'tu perds tous tes poils, hein? "El' sais pas!" qu'i' m'a dit... D'mande-lé au docteur bonyenne t'es pas pour passer ta vie pas d'poils ma foi!!!
-Ahem... ajouta presque Langevin.
-Tout ça pour dire que j'l'aime pareil mon Ti-Pit... On s'chicane jamais... I' m'fa' à manger parce que j'travaille tout l'temps pis qu'lui peut p'us rien faire avec toutes ses maladies... Ti-Pit y'est p'us capable de faire ci pis ça. J'y dis: Ti-Pit, j't'aime, en seulement qu'tu vas arrêter d'brailler su' ta vie pis toutte! On est-tu bien pareil mon Ti-Pit, hein? On mène une bonne vie pis on n'est pas achalés... On fait c'qu'on veut... On va icitte pis là pis même si Ti-Pit peut p'us marcher trop, trop on s'en fait pas pour ça.
Comme Thérèse continuait de déblatérer à propos de Ti-Pit, Ti-Pit lui-même pénétra dans la salle d'attente.
-Ah b'en! V'là-ti pas mon Ti-Pit... Celui que j'vous parle d'pu' tantôt!
Ti-Pit était une armoire à glace. Un bonhomme de six pieds cinq pouces avec un tour de taille de soixante-six. Il devait peser cinq cents livres au bas mot, soit un quart de tonne.
-Y'est pas p'tit mon Ti-Pit hein? Mais j'l'appelle Ti-Pit parce que je l'aime. Pas vrai que j't'aime mon Ti-Pit?
-A' d'vrait m'appeler Gros-Pit mais ça i' rentre pas dans 'a tête... ajouta Ti-Pit.
-Bonjour m'sieur... dit Langevin.
-B'jour... J'suppose qu'A' vous a raconté toute ma vie? Combien d'fois qu'ej' chie par jour, hein?
-Voyons don' Ti-Pit! Pour voir si j'dirais ça!!!
-Sacrée Thérèse... Tu parles trop baptême!!! répliqua Ti-Pit.
L'infirmière n'était pas encore venu les voir. Et Thérèse n'avait pas fini de vider son sac. Elle parla, parla et parla encore tandis que Ti-Pit et Gaston Langevin regardait le plafond de la salle d'attente avec l'air de se dire: quand est-ce qu'elle va s'arrêter?
vendredi 23 septembre 2016
Les honneurs, les diplômes & la réussite...
Boèce se consolait par la philosophie. Il faut dire qu'il ne trouvait rien de mieux à faire dans la cellule de sa prison après une ou deux séances de torture. Il y avait été enfermé par Théodoric, un Ostrogoth qui régnait sur Rome au début du VIe siècle de notre ère. L'empereur soupçonnait Boèce de lui jouer dans le dos et de pratiquer la magie. À l'époque, comme à toute autre d'ailleurs, il n'en fallait pas plus pour condamner un homme à mort. Boèce eut tout juste le temps d'écrire De consolatione philosophiae avant qu'on ne lui décolle la tête de ses épaules.
Je ne sais pas pourquoi j'aborde ce billet en vous ramenant Boèce sous les yeux. J'aurais pu tout aussi bien vous ennuyer avec le Manuel d'Épictète, un philosophe devenu boiteux après s'être fait péter la jambe par son maître, un ami de Néron qui traitait ses esclaves comme de la crotte. On doit à Épictète de belles phrases sur l'art de supporter l'insupportable. Un art d'autant plus commun de nos jours que tout le monde aspire à devenir zen. Le zen étant une philosophie apparemment près du stoïcisme, l'école de pensée à laquelle appartenait Épictète. Comme si tout le monde était menacé de se faire péter les jambes dans notre beau monde...
Où veux-je en venir avec tout ça?
Vous le verrez bien assez vite.
Nous ne sommes pas pressés, n'est-ce pas?
Tant mieux, parce que j'en aurais long à raconter.
Si long que je vais couper court.
***
Boèce et Épictète avaient échoué. Comme bien d'autres. Être condamné à mort ou bien réduit à l'esclavage n'est certes pas un exemple de réussite. Ce ne sont pas des titres de noblesse. C'est plutôt humiliant, dégradant et réducteur.
Pendant que l'un est menacé de mort et que l'autre se fait casser la jambe, le monde abonde de précieux exemples de réussite.
Le maître d'Épictète, par exemple, était un esclave affranchi par l'empereur Néron qui sut sans doute le couvrir d'or. Il s'appelait Épaphrodite. Je ne saurais l'imaginer autrement qu'en renifleur de pets de l'empereur, en type qui léchait tellement le cul de César qu'il en avait mauvaise haleine. Ça lui valut la liberté et les honneurs. Il fût bientôt entouré d'esclaves dont il pouvait disposer comme il l'entendait. De quoi lui faire oublier son passé dans l'asservissement.
J'imagine Épaphrodite déballant les cadeaux que lui faisaient Néron: une lyre, un poème écrit sur une feuille d'or, un domaine en Campanie, un vignoble, un buste de marbre, etc. Ce devait être le bonheur le plus parfait qui soit.
Parallèlement on peut s'imaginer Épictète en train de philosopher. Il porte toujours le même vieux vêtement. Il boite depuis que ce satané Épaphrodite lui a broyé la jambe. Pourtant, il réussira à obtenir son affranchissement. Probablement à la mort de son maître.
***
Mon vieux professeur de philosophie, Alexis Klimov, s'étonnait vers la fin de sa vie d'être couvert d'honneurs. Il disait souvent, en rigolant, qu'il doutait de lui-même depuis qu'on lui remettait des médailles. Il considérait que l'on n'attribuait des honneurs qu'aux médiocres, aux larves et aux lèche-bottes.
Évidemment, les gens qui figurent sur le podium ont d'autres vues sur le sujet. Remettre en question la valeur de leurs décorations ne saurait être que de la jalousie ou, pire encore, du ressentiment.
Ils ont réussi. Ils en ont la preuve en espèces sonnantes. Ils figurent au panthéon. Ils forment l'élite de la nation. Comment peut-on les remettre en question?
***
Plusieurs voies mènent à la réussite et ce ne sont pas nécessairement les meilleures.
La duplicité, le mensonge, la trahison, la veulerie, la lâcheté, la manipulation, la servilité, la complaisance, la luxure, le népotisme, le copinage politique et bien d'autres moyens vils semblent une voie toute tracée vers les plus hauts sommets. Il ne pourrait en être autrement.
Si c'est ça la réussite, il vaut mieux échouer.
Si réussir implique que l'on soit une merde fumante, il est sans doute préférable de se tenir à l'écart et d'échouer.
La voie de l'échec est aussi une posture morale.
Pourquoi devrions-nous devenir des médiocres, d'ignobles narcissiques qui manquent de noblesse d'âme et d'empathie?
C'est parce qu'il ne faut pas échouer sa vie qu'il faut parfois ne pas la réussir.
Personnellement, je refuse de réussir en adoptant des moyens qui me puent au nez.
Je refuse de devenir ce que je déteste et méprise profondément.
C'est ma manière de devenir plus zen et de faire moins de zèle.
Je ne vaux pas mieux qu'Épictète, le philosophe boiteux.
Je n'ai pas choisi cette situation.
Je n'ai pas inventé l'injustice sociale.
Fuck toutte, comme dirait l'autre...
Je ne sais pas pourquoi j'aborde ce billet en vous ramenant Boèce sous les yeux. J'aurais pu tout aussi bien vous ennuyer avec le Manuel d'Épictète, un philosophe devenu boiteux après s'être fait péter la jambe par son maître, un ami de Néron qui traitait ses esclaves comme de la crotte. On doit à Épictète de belles phrases sur l'art de supporter l'insupportable. Un art d'autant plus commun de nos jours que tout le monde aspire à devenir zen. Le zen étant une philosophie apparemment près du stoïcisme, l'école de pensée à laquelle appartenait Épictète. Comme si tout le monde était menacé de se faire péter les jambes dans notre beau monde...
Où veux-je en venir avec tout ça?
Vous le verrez bien assez vite.
Nous ne sommes pas pressés, n'est-ce pas?
Tant mieux, parce que j'en aurais long à raconter.
Si long que je vais couper court.
***
Boèce et Épictète avaient échoué. Comme bien d'autres. Être condamné à mort ou bien réduit à l'esclavage n'est certes pas un exemple de réussite. Ce ne sont pas des titres de noblesse. C'est plutôt humiliant, dégradant et réducteur.
Pendant que l'un est menacé de mort et que l'autre se fait casser la jambe, le monde abonde de précieux exemples de réussite.
Le maître d'Épictète, par exemple, était un esclave affranchi par l'empereur Néron qui sut sans doute le couvrir d'or. Il s'appelait Épaphrodite. Je ne saurais l'imaginer autrement qu'en renifleur de pets de l'empereur, en type qui léchait tellement le cul de César qu'il en avait mauvaise haleine. Ça lui valut la liberté et les honneurs. Il fût bientôt entouré d'esclaves dont il pouvait disposer comme il l'entendait. De quoi lui faire oublier son passé dans l'asservissement.
J'imagine Épaphrodite déballant les cadeaux que lui faisaient Néron: une lyre, un poème écrit sur une feuille d'or, un domaine en Campanie, un vignoble, un buste de marbre, etc. Ce devait être le bonheur le plus parfait qui soit.
Parallèlement on peut s'imaginer Épictète en train de philosopher. Il porte toujours le même vieux vêtement. Il boite depuis que ce satané Épaphrodite lui a broyé la jambe. Pourtant, il réussira à obtenir son affranchissement. Probablement à la mort de son maître.
***
Mon vieux professeur de philosophie, Alexis Klimov, s'étonnait vers la fin de sa vie d'être couvert d'honneurs. Il disait souvent, en rigolant, qu'il doutait de lui-même depuis qu'on lui remettait des médailles. Il considérait que l'on n'attribuait des honneurs qu'aux médiocres, aux larves et aux lèche-bottes.
Évidemment, les gens qui figurent sur le podium ont d'autres vues sur le sujet. Remettre en question la valeur de leurs décorations ne saurait être que de la jalousie ou, pire encore, du ressentiment.
Ils ont réussi. Ils en ont la preuve en espèces sonnantes. Ils figurent au panthéon. Ils forment l'élite de la nation. Comment peut-on les remettre en question?
***
Plusieurs voies mènent à la réussite et ce ne sont pas nécessairement les meilleures.
La duplicité, le mensonge, la trahison, la veulerie, la lâcheté, la manipulation, la servilité, la complaisance, la luxure, le népotisme, le copinage politique et bien d'autres moyens vils semblent une voie toute tracée vers les plus hauts sommets. Il ne pourrait en être autrement.
Si c'est ça la réussite, il vaut mieux échouer.
Si réussir implique que l'on soit une merde fumante, il est sans doute préférable de se tenir à l'écart et d'échouer.
La voie de l'échec est aussi une posture morale.
Pourquoi devrions-nous devenir des médiocres, d'ignobles narcissiques qui manquent de noblesse d'âme et d'empathie?
C'est parce qu'il ne faut pas échouer sa vie qu'il faut parfois ne pas la réussir.
Personnellement, je refuse de réussir en adoptant des moyens qui me puent au nez.
Je refuse de devenir ce que je déteste et méprise profondément.
C'est ma manière de devenir plus zen et de faire moins de zèle.
Je ne vaux pas mieux qu'Épictète, le philosophe boiteux.
Je n'ai pas choisi cette situation.
Je n'ai pas inventé l'injustice sociale.
Fuck toutte, comme dirait l'autre...
jeudi 22 septembre 2016
Un gars qui se sentait si bien
Joseph Laflamme n'avait pas de nom ni d'identité pour la majeure partie des gens qui le croisaient dans la rue.
Il se promenait soirs et matins avec des sacs de plastiques débordants de bouteilles et de canettes consignées. Il portait deux paires de pantalons l'une par-dessus l'autre. Celle du dessous était plutôt convenable tandis que celle du dehors était totalement en loques pour une raison qui m'échappe. Était-ce pour avoir l'air encore plus pauvre qu'un pauvre? Ou bien pour tout simplement s'essuyer les mains après avoir fouillé dans les poubelles pour en extirper les objets de sa pathétique convoitise? À vrai dire, on n'en savait rien. On spéculait sur sa deuxième paire de pantalons qui ne tenait que par quelques coutures.
Joseph Laflamme ressemblait vaguement à Socrate. Sauf qu'il était moins loquace. Il ne disait pas un mot et n'avait rien à enseigner et encore moins à prouver. Aurait-il voulu le faire que cela n'aurait pas sonner très bien puisqu'il était totalement édenté. Pourtant, l'animal était capable de croquer une pomme avec ses gencives. Difficile de dire ce qu'il en était de son bilan de santé. Il ne buvait pas d'alcool et ne fumait pas. Comme il marchait beaucoup, il avait des mollets gros comme des troncs d'arbre. Par contre, il s'alimentait mal. Il mangeait surtout des sandwiches de dépanneur et du fromage en crottes. Rien de très gastronomique.
Les agents des services sociaux s'étonnaient de ne l'avoir jamais rencontré. Il y avait une bonne raison à ça. Joseph Laflamme ne demandait rien à l'État et vivait uniquement du produit de la vente de canettes et bouteilles vides. Ça ne lui faisait pas une grosse paie. À peu près trente dollars par jour. Il n'en avait pas besoin de plus pour survivre.
Joseph Laflamme n'avait pas de résidence connue. Il squattait des immeubles désaffectés et autres espaces oubliés. Il dormait sur des piles de carton qui le protégeaient de l'humidité. Il s'enveloppait sous des couvertures crasseuses qu'il trouvait ça et là en faisant ses cueillettes.
À la nuit tombée, après avoir marché des kilomètres et des kilomètres, Joseph Laflamme pouvait enfin se mériter le repos du guerrier.
Seul sous ses draps crasseux, couché sur plusieurs piles de carton, il souriait de penser à la belle vie qu'il menait et en remerciait son créateur.
-Mon Dieu que je mène une belle vie! Mon Dieu que je suis bien, si bien! Pas de télévision, pas de radio, pas de problème... Juste la sainte Paix! Je vais encore dormir comme un bébé... Maudit que j'su's bien! Ça s'peut pas de se sentir bien d'même...
Comme il se félicitait de la vie qu'il menait, comme il le faisait toutes les nuits, il entendit des voix résonner dans le logement désaffecté qu'il occupait alors. C'était de grosses voix d'hommes. Ils avaient des torches électriques et cherchaient visiblement quelque chose ou quelqu'un.
-Tiens! Y'est là el' tabarnak! dit l'un des gros hommes en lui pointant sa lumière dans la figure.
-Heu... dit Joseph Laflamme.
-Qu'est-cé tu fais icitte mon tabarnak? Hein?
Joseph Laflamme n'eut pas le temps de répondre. Il reçut une volée de coups de pieds dans les côtes. Ces hommes étaient méchants et enragés.
-Décrisse mon tabarnak de pouilleux! Décrisse pis r'vient p'us icitte si tu veux pas qu'on t'achève hostie d'trou d'cul!!!
Joseph Laflamme se leva péniblement en tenant ses côtes endolories. Il prit ses jambes à son cou et s'en alla aussi loin que possible pour ne plus avoir affaire à ces brutes.
Cette nuit-là était un peu plus froide que d'habitude. Il lui restait quelques dollars. Il décida de les investir sur un café qu'il but bien au chaud dans une quelconque beignerie du coin ouverte vingt-quatre heures.
-Ça va-tu m'sieur? lui demanda poliment la serveuse en le voyant tenir ses côtes.
-Moui... Moui... répondit-il sans étirer plus longtemps la conversation.
Joseph Laflamme débuta sa cueillette un peu plus tôt que d'habitude. Il n'avait pas le coeur à l'ouvrage ce matin-là d'autant plus qu'il pleuvait. Mais il fallait bien faire avec.
Il se fit un poncho avec un sac vert. Il en traînait toujours sur lui. Il les achetait au Dollarama. C'était, pour tout dire, son seul outil de travail.
Un type bien habillé se sentit un peu triste de le voir si piteux. On aurait dit un comptable ou bien un professeur dans la jeune quarantaine.
-M'sieur... M'sieur... J'ai d'quoi pour vous... Prenez!
Joseph Laflamme tendit sa main et fût étonné d'y voir tomber un billet de vingt dollars.
-C'est beaucoup trop ça m'sieur...
-C'est rien... Bonne journée m'sieur...
La journée ne commençait pas si mal après tout.
Joseph Laflamme remercia le Seigneur de pourvoir une fois de plus à ses besoins sans qu'il n'ait à demander quoi que ce soit.
Sa cueillette fût d'autant plus excellente qu'il trouva cinq grosses cruches d'eau de source vides dans un bac de recyclage. Ces grosses cruches lui firent toucher une consigne de 50$. À la fin de la journée, Joseph Laflamme compta plus de cent vingt-trois dollars et quarante-cinq cents: une fortune pour tout dire.
Il se souvint qu'il y avait une église désaffectée dans le secteur de Cap-de-la-Madeleine. Il arracha un panneau de bois qui barricadait l'une des fenêtres puis pénétra dans l'église en prenant soin de tout refermer derrière lui pour que personne ne soupçonne sa présence.
Il se fit une couche avec des boîtes de carton. Et trouva même de vieux rideaux dans lesquels il s'enveloppa pour la nuit.
Il était fatigué. Il avait mal aux côtes. Mais il se sentait toujours tout aussi reconnaissant envers la vie et envers son Dieu.
-Merci mon Dieu... Quelle belle vie je mène... Jamais de tracas... Maudit que j'suis chanceux de vivre une vie d'même... C'est pas créyable... Merci mon Dieu... Merci...
Puis il s'endormit sur cette pensée et ronfla comme un loir sans se soucier des souris qui se promenaient autour de lui.
***
Post-scriptum:
Ce récit est inspiré d'une nouvelle de Tchekhov dont le titre m'échappe. Je l'en remercie où qu'il soit ou ne soit pas.
Il se promenait soirs et matins avec des sacs de plastiques débordants de bouteilles et de canettes consignées. Il portait deux paires de pantalons l'une par-dessus l'autre. Celle du dessous était plutôt convenable tandis que celle du dehors était totalement en loques pour une raison qui m'échappe. Était-ce pour avoir l'air encore plus pauvre qu'un pauvre? Ou bien pour tout simplement s'essuyer les mains après avoir fouillé dans les poubelles pour en extirper les objets de sa pathétique convoitise? À vrai dire, on n'en savait rien. On spéculait sur sa deuxième paire de pantalons qui ne tenait que par quelques coutures.
Joseph Laflamme ressemblait vaguement à Socrate. Sauf qu'il était moins loquace. Il ne disait pas un mot et n'avait rien à enseigner et encore moins à prouver. Aurait-il voulu le faire que cela n'aurait pas sonner très bien puisqu'il était totalement édenté. Pourtant, l'animal était capable de croquer une pomme avec ses gencives. Difficile de dire ce qu'il en était de son bilan de santé. Il ne buvait pas d'alcool et ne fumait pas. Comme il marchait beaucoup, il avait des mollets gros comme des troncs d'arbre. Par contre, il s'alimentait mal. Il mangeait surtout des sandwiches de dépanneur et du fromage en crottes. Rien de très gastronomique.
Les agents des services sociaux s'étonnaient de ne l'avoir jamais rencontré. Il y avait une bonne raison à ça. Joseph Laflamme ne demandait rien à l'État et vivait uniquement du produit de la vente de canettes et bouteilles vides. Ça ne lui faisait pas une grosse paie. À peu près trente dollars par jour. Il n'en avait pas besoin de plus pour survivre.
Joseph Laflamme n'avait pas de résidence connue. Il squattait des immeubles désaffectés et autres espaces oubliés. Il dormait sur des piles de carton qui le protégeaient de l'humidité. Il s'enveloppait sous des couvertures crasseuses qu'il trouvait ça et là en faisant ses cueillettes.
À la nuit tombée, après avoir marché des kilomètres et des kilomètres, Joseph Laflamme pouvait enfin se mériter le repos du guerrier.
Seul sous ses draps crasseux, couché sur plusieurs piles de carton, il souriait de penser à la belle vie qu'il menait et en remerciait son créateur.
-Mon Dieu que je mène une belle vie! Mon Dieu que je suis bien, si bien! Pas de télévision, pas de radio, pas de problème... Juste la sainte Paix! Je vais encore dormir comme un bébé... Maudit que j'su's bien! Ça s'peut pas de se sentir bien d'même...
Comme il se félicitait de la vie qu'il menait, comme il le faisait toutes les nuits, il entendit des voix résonner dans le logement désaffecté qu'il occupait alors. C'était de grosses voix d'hommes. Ils avaient des torches électriques et cherchaient visiblement quelque chose ou quelqu'un.
-Tiens! Y'est là el' tabarnak! dit l'un des gros hommes en lui pointant sa lumière dans la figure.
-Heu... dit Joseph Laflamme.
-Qu'est-cé tu fais icitte mon tabarnak? Hein?
Joseph Laflamme n'eut pas le temps de répondre. Il reçut une volée de coups de pieds dans les côtes. Ces hommes étaient méchants et enragés.
-Décrisse mon tabarnak de pouilleux! Décrisse pis r'vient p'us icitte si tu veux pas qu'on t'achève hostie d'trou d'cul!!!
Joseph Laflamme se leva péniblement en tenant ses côtes endolories. Il prit ses jambes à son cou et s'en alla aussi loin que possible pour ne plus avoir affaire à ces brutes.
Cette nuit-là était un peu plus froide que d'habitude. Il lui restait quelques dollars. Il décida de les investir sur un café qu'il but bien au chaud dans une quelconque beignerie du coin ouverte vingt-quatre heures.
-Ça va-tu m'sieur? lui demanda poliment la serveuse en le voyant tenir ses côtes.
-Moui... Moui... répondit-il sans étirer plus longtemps la conversation.
Joseph Laflamme débuta sa cueillette un peu plus tôt que d'habitude. Il n'avait pas le coeur à l'ouvrage ce matin-là d'autant plus qu'il pleuvait. Mais il fallait bien faire avec.
Il se fit un poncho avec un sac vert. Il en traînait toujours sur lui. Il les achetait au Dollarama. C'était, pour tout dire, son seul outil de travail.
Un type bien habillé se sentit un peu triste de le voir si piteux. On aurait dit un comptable ou bien un professeur dans la jeune quarantaine.
-M'sieur... M'sieur... J'ai d'quoi pour vous... Prenez!
Joseph Laflamme tendit sa main et fût étonné d'y voir tomber un billet de vingt dollars.
-C'est beaucoup trop ça m'sieur...
-C'est rien... Bonne journée m'sieur...
La journée ne commençait pas si mal après tout.
Joseph Laflamme remercia le Seigneur de pourvoir une fois de plus à ses besoins sans qu'il n'ait à demander quoi que ce soit.
Sa cueillette fût d'autant plus excellente qu'il trouva cinq grosses cruches d'eau de source vides dans un bac de recyclage. Ces grosses cruches lui firent toucher une consigne de 50$. À la fin de la journée, Joseph Laflamme compta plus de cent vingt-trois dollars et quarante-cinq cents: une fortune pour tout dire.
Il se souvint qu'il y avait une église désaffectée dans le secteur de Cap-de-la-Madeleine. Il arracha un panneau de bois qui barricadait l'une des fenêtres puis pénétra dans l'église en prenant soin de tout refermer derrière lui pour que personne ne soupçonne sa présence.
Il se fit une couche avec des boîtes de carton. Et trouva même de vieux rideaux dans lesquels il s'enveloppa pour la nuit.
Il était fatigué. Il avait mal aux côtes. Mais il se sentait toujours tout aussi reconnaissant envers la vie et envers son Dieu.
-Merci mon Dieu... Quelle belle vie je mène... Jamais de tracas... Maudit que j'suis chanceux de vivre une vie d'même... C'est pas créyable... Merci mon Dieu... Merci...
Puis il s'endormit sur cette pensée et ronfla comme un loir sans se soucier des souris qui se promenaient autour de lui.
***
Post-scriptum:
Ce récit est inspiré d'une nouvelle de Tchekhov dont le titre m'échappe. Je l'en remercie où qu'il soit ou ne soit pas.
mercredi 21 septembre 2016
La fois où j'ai rencontré Ti-Poil
J'ai rencontré René Lévesque en 1984. C'était lors d'une visite à l'Assemblée Nationale. Flèche, notre professeur d'histoire, avait emmené un groupe d'étudiants de ma polyvalente à Québec. J'en faisais partie. Flèche nous servait de guide touristique. Il devait son surnom au fait qu'il était hémiplégique. Méchants comme nous l'étions, on laissait entendre que le prof d'histoire avait reçu une flèche dans le bras en combattant les Iroquois avec Dollard des Ormeaux. Quoi qu'il en soit, c'était un bon prof. D'autant plus bon qu'il payait de son temps pour éduquer des morveux qui l'appelaient Flèche.
Flèche avait la même coupe de cheveux que René Lévesque. Il rabattait ses rares cheveux sur son crâne dégarni. C'était une manière bien insolite de dissimuler sa calvitie. D'où le surnom de Ti-Poil qui était presque étampé dans le front du Premier Ministre du Québec de l'époque.
Yvon Picotte, député libéral et whip de l'opposition officielle, nous avait accueilli à l'Assemblée Nationale. On lui avait accolé un surnom lui aussi: la maladie de la Mauricie. Parce qu'il s'appelait Picotte et qu'il était le seul élu libéral de la région.
Après qu'il nous eut expliqué le fonctionnement du parlement, nous nous étions déplacés dans les coulisses de ce grand théâtre qu'est l'Assemblée Nationale pour rencontrer Ti-Poil.
Cela brassait au parlement en 1984. Parizeau avait démissionné. Lévesque parlait d'une alliance avec les Progressistes-Conservateurs de Brian Mulroney. Un beau risque qui faisait en sorte que tout foutait le camp pour le Parti Québécois. La social-démocratie avait été troquée pour l'autonomisme provincial. C'était la crise économique. Rien n'allait plus.
C'est dans ce contexte que nous rencontrâmes René Lévesque.
À l'époque, il n'était pas encore interdit de fumer dans les lieux publics et notre Premier Ministre ne se gênait pas pour en griller une par-dessus l'autre.
-Vous savez, kof, kof... nous avait-il dit en toussotant sa boucane. Vous savez, kof, kof, c'est un peu broche à foin le parlement...
Ce n'est pas ce que nous voulions savoir.
-Auriez-vous, kof, kof... Auriez-vous des questions? nous demanda-t-il.
L'un de mes amis, surnommé Frank Bill Bull, lui posa la seule question qui nous tracassait tous l'esprit.
-Heu... Pourquoi fumez-vous autant?
René Lévesque était resté un moment interloqué. Puis il avait baratiné une réponse dont je ne me souviens guère. Pourtant, jamais je n'allais oublier cette seule et unique question que nous avions osé lui poser lors de notre visite au parlement avec Flèche, notre prof d'histoire.
Les années passèrent. René Lévesque quitta la politique et se remit au journalisme avec plus ou moins d'entrain j'imagine. Pierre-Marc Johnson lui succéda avec un programme plutôt fade et peu enlevant. Gérald Godin mena une cabale contre Johnson puis ce fût le retour de Jacques Parizeau avec un programme nettement plus indépendantiste.
René Lévesque décéda en 1987. Il n'était même plus la belle-mère du Parti Québécois. On l'avait enterré bien avant qu'il ne meure, comme c'était arrivé à un certain Lénine. L'annonce de sa mort secoua le Québec. Tout le monde ressentit un choc de perdre son Ti-Poil. Ti-Poil, ce bonhomme de New-Carlisle un peu bourru qui avait refusé le nationalisme victimaire dans son jeune âge pour se joindre à l'Armée américaine à titre de correspondant de guerre. À l'époque où Trudeau vantait Salazar, Franco ou Mussolini, Lévesque était au front à combattre le fascisme à sa façon. Tout le contraire d'un Bleu. Oui, Lévesque était un Rouge.
Il n'aura jamais été un nationaliste primaire. Lévesque se sera toujours méfié des tribuns comme Pierre Bourgault et autres ultranationalistes. Ce n'est pas lui qui s'échauffait devant un public. Et je dirais même que ça lui puait au nez de jouer au porte-voix.
On lui doit la nationalisation de l'électricité et l'affirmation tant nationale que sociale des Québécois.
Je ne suis pas du genre à bander devant une statue. Surtout devant une statue représentant un homme politique.
Pourtant, celle de René Lévesque, alias Ti-Poil, a quelque chose de sympathique.
Cette statue, que l'on a pu voir à hauteur d'homme devant l'Assemblée Nationale du Québec. Elle n'était pas posée sur un socle de vingt pieds de hauteur. Aucune plaque, aucun poème patriotique ne l'accompagnaient.
C'était bien notre Ti-Poil. Celui que nous aimions. Celui qui ne se prêtait pas au culte de la personnalité. Celui qui parlait pour nous tous en toussotant, cigarette au bec. Dommage qu'on l'ait mise sur un piédestal par la suite...
Peu de politiciens auront marqué autant leur époque et leur peuple.
Peu de politiciens lui arrivent à la cheville lui qui, pourtant, était plutôt petit.
Je suis donc reconnaissant envers Flèche de m'avoir permis de le rencontrer, ne fût-ce que le temps de griller une cigarette...
Flèche avait la même coupe de cheveux que René Lévesque. Il rabattait ses rares cheveux sur son crâne dégarni. C'était une manière bien insolite de dissimuler sa calvitie. D'où le surnom de Ti-Poil qui était presque étampé dans le front du Premier Ministre du Québec de l'époque.
Yvon Picotte, député libéral et whip de l'opposition officielle, nous avait accueilli à l'Assemblée Nationale. On lui avait accolé un surnom lui aussi: la maladie de la Mauricie. Parce qu'il s'appelait Picotte et qu'il était le seul élu libéral de la région.
Après qu'il nous eut expliqué le fonctionnement du parlement, nous nous étions déplacés dans les coulisses de ce grand théâtre qu'est l'Assemblée Nationale pour rencontrer Ti-Poil.
Cela brassait au parlement en 1984. Parizeau avait démissionné. Lévesque parlait d'une alliance avec les Progressistes-Conservateurs de Brian Mulroney. Un beau risque qui faisait en sorte que tout foutait le camp pour le Parti Québécois. La social-démocratie avait été troquée pour l'autonomisme provincial. C'était la crise économique. Rien n'allait plus.
C'est dans ce contexte que nous rencontrâmes René Lévesque.
À l'époque, il n'était pas encore interdit de fumer dans les lieux publics et notre Premier Ministre ne se gênait pas pour en griller une par-dessus l'autre.
-Vous savez, kof, kof... nous avait-il dit en toussotant sa boucane. Vous savez, kof, kof, c'est un peu broche à foin le parlement...
Ce n'est pas ce que nous voulions savoir.
-Auriez-vous, kof, kof... Auriez-vous des questions? nous demanda-t-il.
L'un de mes amis, surnommé Frank Bill Bull, lui posa la seule question qui nous tracassait tous l'esprit.
-Heu... Pourquoi fumez-vous autant?
René Lévesque était resté un moment interloqué. Puis il avait baratiné une réponse dont je ne me souviens guère. Pourtant, jamais je n'allais oublier cette seule et unique question que nous avions osé lui poser lors de notre visite au parlement avec Flèche, notre prof d'histoire.
Les années passèrent. René Lévesque quitta la politique et se remit au journalisme avec plus ou moins d'entrain j'imagine. Pierre-Marc Johnson lui succéda avec un programme plutôt fade et peu enlevant. Gérald Godin mena une cabale contre Johnson puis ce fût le retour de Jacques Parizeau avec un programme nettement plus indépendantiste.
René Lévesque décéda en 1987. Il n'était même plus la belle-mère du Parti Québécois. On l'avait enterré bien avant qu'il ne meure, comme c'était arrivé à un certain Lénine. L'annonce de sa mort secoua le Québec. Tout le monde ressentit un choc de perdre son Ti-Poil. Ti-Poil, ce bonhomme de New-Carlisle un peu bourru qui avait refusé le nationalisme victimaire dans son jeune âge pour se joindre à l'Armée américaine à titre de correspondant de guerre. À l'époque où Trudeau vantait Salazar, Franco ou Mussolini, Lévesque était au front à combattre le fascisme à sa façon. Tout le contraire d'un Bleu. Oui, Lévesque était un Rouge.
Il n'aura jamais été un nationaliste primaire. Lévesque se sera toujours méfié des tribuns comme Pierre Bourgault et autres ultranationalistes. Ce n'est pas lui qui s'échauffait devant un public. Et je dirais même que ça lui puait au nez de jouer au porte-voix.
On lui doit la nationalisation de l'électricité et l'affirmation tant nationale que sociale des Québécois.
Je ne suis pas du genre à bander devant une statue. Surtout devant une statue représentant un homme politique.
Pourtant, celle de René Lévesque, alias Ti-Poil, a quelque chose de sympathique.
Cette statue, que l'on a pu voir à hauteur d'homme devant l'Assemblée Nationale du Québec. Elle n'était pas posée sur un socle de vingt pieds de hauteur. Aucune plaque, aucun poème patriotique ne l'accompagnaient.
C'était bien notre Ti-Poil. Celui que nous aimions. Celui qui ne se prêtait pas au culte de la personnalité. Celui qui parlait pour nous tous en toussotant, cigarette au bec. Dommage qu'on l'ait mise sur un piédestal par la suite...
Peu de politiciens auront marqué autant leur époque et leur peuple.
Peu de politiciens lui arrivent à la cheville lui qui, pourtant, était plutôt petit.
Je suis donc reconnaissant envers Flèche de m'avoir permis de le rencontrer, ne fût-ce que le temps de griller une cigarette...
mardi 20 septembre 2016
Survivre à la fin du monde sans se fatiguer
Albrecht Dürer, Apocalypse de Saint-Jean |
Tout jeune, j'étais sensible aux discours de fin du monde. Les années '70 abondaient en scénarios apocalyptiques. Il faut dire aussi que la culture judéo-chrétienne dans laquelle nous baignons se prête bien à l'idée de fin du monde. Elle viendra, cette fin, avec la peste bubonique, le choléra et les quatre cavaliers de l'Apocalypse de Saint-Jean. Sans compter la bombe atomique, la dernière trouvaille en date de l'histoire humaine. Une découverte qui fait en sorte que la fin du monde n'est plus seulement spéculative.
Et si ce n'était que des bombes! Tout prête à discourir à tort ou à raison sur la fin du monde. Le climat pourrait se dérégler. Un astéroïde pourrait frapper la Terre. Des volcans pourraient se réveiller et raréfier tout cet oxygène que nous respirons. Nous pourrions aussi être happés par un événement cosmique à grande échelle. Andromède qui nous rentrerait dedans ou bien la disparition de notre monde dans un quelconque trou noir créé par Dieu sait quoi.
Plus on en sait sur tout, plus on se rend bien compte que nous ne sommes rien. La vie est extrêmement fragile. Cela semble un phénomène plutôt rare dans notre système solaire. Je ne parlerai pas pour les autres étoiles que je n'ai pas visitées. Ce serait ridicule que l'univers n'ait pu produire que des singes et des écureuils sur un quelconque grain de poussière perdu dans une petite galaxie ordinaire du superamas de la Vierge. Remarquez que nous sommes tellement ridicules que l'univers pourrait tout aussi bien l'être.
Tout pourrait sauter du jour au lendemain. Tout. Et nous vivons comme si de rien n'était. Parce que nous ne saurions faire autrement.
Un type vend de la crème glacée en ce moment quelque part dans le monde. Un autre s'allume une cigarette après avoir fait l'amour. Un enfant est tombé en bas de sa bicyclette et s'est éraflé le genou. Une vieille dame subit son traitement de dialyse rénale dans un hôpital miteux du Québec. Des gens qui fuient la guerre se noient dans la Méditerranée.
La vie continue même si le monde ne tourne pas rond. Comment pourrait-il en être autrement?
L'écureuil se prépare pour l'hiver même s'il devait tomber dans les serres d'un aigle dans les secondes qui suivront. On ne s'arrête pas de vivre parce que la mort nous menace. On vit justement parce qu'elle tient à nous rayer de la carte.
***
En fin de semaine, je me suis amusé à regarder un vieux film des années '70. Damnation Alley de Jack Smight. C'est un film post-apocalyptique. Le scénario est plutôt mauvais. On y retrouve cependant tous les clichés de ce genre de films. Des survivants de la Troisième guerre mondiale qui font face à des créatures mutantes ou bien à des hommes irradiés et méchants. Cela se termine avec un peu d'espoir. Ils ne sont pas seuls sur Terre: ils finissent par rentrer en contact avec une petite communauté de survivants via les ondes radio. La civilisation, ou ce qu'il en reste, est sauvée.
Omega Man, un film de Boris Sagal mettant en vedette Charlton Heston, raconte sensiblement la même histoire. Elle a aussi été reprise pour I Am Legend (2007), un film de Francis Lawrence avec Will Smith dans le rôle principal.
Il y a tellement de films et de romans de cette mouture que je ne saurais vous présenter une vision exhaustive de ce sujet sans m'y désintéresser en cours d'écriture.
Ceux qui me lisent régulièrement se souviennent peut-être de mon billet à propos du roman The Road de Cormac McCarthy. On en a même fait un film honnête que j'aimerais bien revoir en streaming. Dans le genre post-apocalyptique, c'est ce que j'ai trouvé de mieux. Si vous avez du temps à perdre, il vous est possible de lire ou de relire mon billet en cliquant ici.
***
Après vous avoir tous déprimés avec la fin du monde, je dois bien vous laisser sur une note joyeuse. Rire et chanter sont des défis lancés à la face de ceux qui souhaiteraient plonger ce monde dans une fournaise de glaives chauffés à blanc. La désinvolture et la dérision sont des armes puissantes. John Lennon l'avait compris même si l'on s'est gaussé de son pacifisme et de son tambourin.
Ilya Prigogine, un scientifique de renom, prêchait le réenchantement du monde. Je lui vole cette idée qu'il souhaitait appliquer à la science pour la délivrer de son caractère froid et prosaïque.
Aussi con que cela puisse paraître, se dégager de cet esprit de sérieux que vilipendait Nietzsche est une nécessité vitale. Le monde va de mal en pis? Nous changerons le monde, nah! Ceux qui n'y croient pas pourront tout de même jouer avec nous lorsqu'ils verront que nous avons du plaisir.
***
Post-scriptum pour les paresseux:
Liste de films post-apocalyptiques
Liste des oeuvres de science-fiction post-apocalyptique
Science-fiction post-apocalyptique
Eschatologie
lundi 19 septembre 2016
Originaux et détraqués (Louis Fréchette)
"Il avait donc trouvé ce après quoi il soupirait depuis
si longtemps : la paix !
La paix, avec le droit de vivre au soleil comme tout
le monde, sans entendre le mot méchant, la sanglante
ironie, le maudit sobriquet, retentir à ses oreilles !
Une nouvelle existence lui souriait.
Il trouvait les rues belles, la vie bonne.
Il lui prenait des envies de sauter au cou des
passants."
Louis Fréchette, Originaux et détraqués, édition en ligne p. 74
Évidemment, le fou a cette faculté de dire à voix haute ce qu'on ne dirait même pas à voix basse.
Qui dirait, par exemple, viens ici saucisse que je t'attrape? Personne ou si peu que seul un fou est en mesure de vous le dire.
Rolande est une vieille folle. On le voit tout de suite à son chapeau recouvert de badges, de médailles et de boutons colorés. On le devine aux trois épaisseurs de bas de nylon qu'elle porte les uns par-dessus les autres. On en est sûr à la voir chanter à tue-tête en toutes circonstances. On a l'impression qu'elle est restée accrochée sur un trip de LSD après le concert de Genesis à Montréal en 1974...
Pour une raison qui m'échappe, les fous m'aiment bien. Les folles aussi.
On pourrait croire que je les attire comme des mouches.
Peut-être parce que je leur parle au lieu de faire semblant de les ignorer comme tout le monde.
Ou bien parce que je suis tout simplement fou et que je ne m'en rends pas compte.
Il est vrai que je considère Originaux et détraqués de Louis Fréchette comme son chef d'oeuvre, celui qui surclasse ses poésies ronflantes et autres texticules patriotiques. Ces douze types québecquois (sic!) sont un fleuron de notre littérature parce que sa grandeur se trouve dans son expression orale tant dénigrée par ceux qui se tournent vers l'Europe pour renier tout intérêt à nos originaux.
La littérature russe ne serait pas devenue ce qu'elle est sans laisser parler le Russe lui-même.
Voilà pourquoi j'aime tant nos fous, je l'avoue. Sans eux, notre littérature ne serait qu'insipide. Elle ne parlerait jamais. Elle réciterait. Elle ferait de la démonstration. Bref, elle serait platement didactique.
***
***
Rolande n'est pas seulement folle. Elle est la fierté de notre nation, aussi déconnectée qu'elle puisse être. Tout étranger qui entre en contact avec Rolande en sort marqué à vie. Il retourne dans sa patrie en emportant cette vie en souvenir plus que toute autre. Rolande devient pour lui la quintessence du Québec.
-I've met a woman in Quebec who was singing on the street, downtown Trois-Rivieres... She was so crazy, man, that you wouldn't believe... Her first name was Roll-Ann I guess and she put a flower in my hair for any reason, just like it, sayin' that I was something like a son of Love or whatever... Jeez! She was just so fuckin' weird with her hat full of badges, pins and all that kind of stuff... I'm sure she's still over there... Remember her: Roll-Ann...
C'est vrai que Rolande fesse dans le dash, comme on dit. C'est tout aussi vrai de dire que les fous sont une matière abondante à Trois-Rivières pour ma plus grande joie d'historien de l'extraordinaire.
Rolande croit que je suis un être de lumière habité par l'amour divin. Elle me disait l'autre jour de ne pas mettre les pieds à l'église parce qu'elle est remplie de gens méchants qui s'efforcent de tuer Dieu en faisant semblant de le servir.
Rolande était dans le parc, près de cette église, et elle sirotait un café en écoutant une émission de radio où l'on parlait de santé naturelle. Elle prenait des notes dans un cahier spirale.
-J'écoute toujours cette émission-là parce que j'apprends à me soigner par les plantes... La racine de pissenlit c'est très bon pour les reins et ça permet à tout un chacun de devenir un être de lumière délivré des radicaux libres qui intoxiquent l'organisme... Le monde travaille trop... Tout le monde court... Moi, j'étais professeur de chimie et j'ai tout lâché... Tout... Comment vivre en paix si l'on ne trouve pas la paix de vivre simplement, hein? La comprends-tu Gaétan? Hein? La vie t'aime! Oui la vie t'aime!!!
-Oui, oui... Bien sûr...
Puis, aussi fou que cela puisse paraître, je me surprends à lui parler comme si elle était normale. Et elle me répond, somme toute, normalement. Jusqu'à ce qu'elle pète une bulle et se mette à imiter le vol d'un papillon en chantant un air improvisé.
-Le papillon doit ouvrir ses ailes! Lalala! Il a été larve pendant mille ans et ne volera qu'un jour seulement! Turlututu! Libre, libre comme la liberté! Tatata! Que ses ailes battent, battent, battent! Batman! Hahaha! Batman!!! La comprends-tu? Chapeau pointu!
C'est là que je décroche prétextant comme un faux-cul avoir autre chose à faire.
-Prends soin d'toé Rolande... Bonne journée...
-Je t'envoie de l'énergie positive! Tiens plein d'énergie!!! Plein!!! Prends-la toute y'en a pour les fous pis les fins! I' va même en rester pour les pas fins!!! Lalala!!!
***
Il est rare que je prenne l'autobus. Je préfère marcher ou faire du vélo. Les autobus ont quelque chose de déprimant qui ne me convient pas du tout.
Pourtant, il m'arrive de prendre l'autobus pour me rendre du point A au point B. Quand je ne veux pas arriver en sueur pour un rendez-vous médical par exemple.
J'avais donc pris l'autobus cette fois-là. J'étais monté à bord de l'autobus qui faisait le circuit numéro 2 pour me mener à l'hôpital Cloutier dans le secteur de Cap-de-la-Madeleine.
J'étais debout puisqu'il n'y avait pas de place pour s'asseoir. Rolande était assise dans le fond de l'autobus et quand elle m'aperçut elle se mit à crier de toutes ses forces.
-Gaétan! Ga-é-tan!!!! G-A-É-T-A-N!!!
-SALUT ROLANDE! dus-je lui hurler par politesse en interrompant les conversations d'une cinquantaine de passagers.
-HEILLE GAÉTAN VAS-TU VENIR À LA MANIFESTATION POUR LA MALADIE MENTALE SAMEDI? C'EST AU PORT! FAUT QU'TU SOIS LÀ... ON VA MANIFESTER POUR LES DROITS DES MALADES MENTAUX! LES MALADES MENTAUX ONT DES DROITS! IL FAUT ÊTRE SOLIDAIRE AVEC LES MALADES MENTAUX! TOUT LE MONDE, M'ENTENDEZ-VOUS, TOUT LE MONDE DEVRAIT VENIR À LA MANIFESTATION POUR LA MALADIE MENTALE SAMEDI!!!
-Je n'y manquerai pas... que je lui ai dit discrètement, un peu gêné.
-OUI? EMMÈNE TOUT L'MONDE QUE TU CONNAIS GAÉTAN! TOUS LES ÊTRES D'AMOUR ET DE LUMIÈRE QUI ONT À COEUR LA MALADIE MENTALE! VENEZ VOUS AUSSI, MESDAMES ET MESSIEURS! VENEZ PARTICIPER À LA GRANDE MANIFESTATION POUR LA M-A-L-A-D-I-E M-E-N-T-A-A-A-A-A-A-A-A-A-A-L-E-!-!-!
dimanche 18 septembre 2016
Roger Bontemps
Ma mère disait souvent de moi que j'étais un roger-bontemps.
Je comprenais vaguement qu'elle voulait dire que je ne me souciais de rien, que j'étais léger comme l'air, que je vivais d'amour et d'eau fraîche. Je devais être un peu comme le Survenant de Germaine Guèvremont, un homme qui dérange par son comportement libertaire et sa désinvolture. Un bon gars qu'on peut trouver ivre mort dans un coin en train de chanter des chansons grivoises ou de jouer de l'harmonica.
Roger-bontemps comme je le suis, je n'ai jamais investigué sur ce thème. Jusqu'à tout récemment. C'est-à-dire il y a quelques minutes.
Je croyais que c'était une expression du terroir. Cela venait sans doute de mes ancêtres. Roger-bontemps faisait partie des expressions comme quétaine, bécosse, dégréyez-vous enlevez vos botterlots pis votre capot, tabarnak, hostie toastée et combien d'autres paroles truculentes...
Qu'elle ne fût pas ma surprise de découvrir l'origine purement académique de l'expression!
En fouillant sur l'Internet, on me renvoie à la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1932-1935) qui me dit ceci d'un roger-bontemps.
Je suis d'abord étonné que roger-bontemps s'écrive ainsi. Je croyais bien faire en écrivant Roger Bontemps.
En grattant un peu plus pour découvrir son étymologie, j'apprends via le douteux wiktionnaire que l'expression roger-bontemps serait le surnom donné à Roger de Collerye (1468-1536), secrétaire de l'évêque d'Auxerre. C'était, semble-t-il, un homme d'humeur joviale ayant présidé à Auxerre une société facétieuse sous le sobriquet d'abbé des fous. On lui doit, entre autres, des pièces de théâtre et des poésies obscènes. Ce qui n'est pas sans me ravir de porter la marque de roger-bontemps.
***
J'en sais déjà plus sur ce roger-bontemps qui me chicote depuis si longtemps.
Je comprenais vaguement qu'elle voulait dire que je ne me souciais de rien, que j'étais léger comme l'air, que je vivais d'amour et d'eau fraîche. Je devais être un peu comme le Survenant de Germaine Guèvremont, un homme qui dérange par son comportement libertaire et sa désinvolture. Un bon gars qu'on peut trouver ivre mort dans un coin en train de chanter des chansons grivoises ou de jouer de l'harmonica.
Roger-bontemps comme je le suis, je n'ai jamais investigué sur ce thème. Jusqu'à tout récemment. C'est-à-dire il y a quelques minutes.
Je croyais que c'était une expression du terroir. Cela venait sans doute de mes ancêtres. Roger-bontemps faisait partie des expressions comme quétaine, bécosse, dégréyez-vous enlevez vos botterlots pis votre capot, tabarnak, hostie toastée et combien d'autres paroles truculentes...
Qu'elle ne fût pas ma surprise de découvrir l'origine purement académique de l'expression!
En fouillant sur l'Internet, on me renvoie à la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1932-1935) qui me dit ceci d'un roger-bontemps.
"ROGER-BONTEMPS. n. m. Il se dit d'une Personne de belle humeur et qui vit sans aucune espèce de souci. Un gros Roger-Bontemps. C'est un vrai Roger-Bontemps. Il est familier."
Je suis d'abord étonné que roger-bontemps s'écrive ainsi. Je croyais bien faire en écrivant Roger Bontemps.
En grattant un peu plus pour découvrir son étymologie, j'apprends via le douteux wiktionnaire que l'expression roger-bontemps serait le surnom donné à Roger de Collerye (1468-1536), secrétaire de l'évêque d'Auxerre. C'était, semble-t-il, un homme d'humeur joviale ayant présidé à Auxerre une société facétieuse sous le sobriquet d'abbé des fous. On lui doit, entre autres, des pièces de théâtre et des poésies obscènes. Ce qui n'est pas sans me ravir de porter la marque de roger-bontemps.
***
J'en sais déjà plus sur ce roger-bontemps qui me chicote depuis si longtemps.
Être un roger-bontemps, pour moi, c'est suivre l'exemple de personnages réels ou imaginaires comme le Survenant, Alexandre le bienheureux, Georges Brassens.
Cela ne me semble pas une insulte.
Bien au contraire.
C'est même un compliment, foi de gros roger-bontemps.
samedi 17 septembre 2016
Une odeur d'humus
Une odeur d'humus est venue flatter mes narines ce matin dès que j'ai ouvert la porte. Cela sent l'automne, même en plein centre-ville. Les feuilles vont prendre des couleurs plus vives. La nature va s'endormir tout doucement. L'eau du robinet deviendra bientôt froide comme de la glace.
Avec l'automne reviennent aussi les activités de saison. On va enlever et nettoyer les airs climatisés. On va faire mijoter de la soupe. On va ranger le linge d'été et sortir le linge d'hiver.
L'air étant plus frais les promenades seront d'autant plus agréables.
Jusque là, je ne dis rien que vous ne saviez pas déjà.
Ces lieux communs ont parfois quelque chose de réconfortant. Comme de dormir au frais enfoui sous les draps. Comme de souffler sur une cuillère débordante de bortsch trop chaud.
C'est aussi la saison des champignons. Je n'en ramasse pas mais l'un de mes amis le fait. Je me souviens d'une année où Robob, cet ami en question, avait ramené un sac vert débordant de champignons qui puaient la moisissure. Un peu plus et je ne mangeais plus jamais de champignons de ma vie! Par contre, je me dois d'ajouter que les vesses de loup sont des champignons plus que succulents. Cela ressemble à une grosse guimauve et ça goûte les noisettes sans aucun arrière-goût.
On dit aussi que c'est la rentrée scolaire, la rentrée littéraire, la rentrée culturelle, bref la rentrée de n'importe quoi,
Pour ce qui est de l'école, je ne trouve rien à redire. C'est un passage obligé. Passage que je faisais à la bibliothèque aussi souvent que possible pour soigner mon esprit des cours magistraux soporifiques.
Je ne voudrais pas être écolier de nos jours. Avec toute la technologie dont on dispose, je serais rapidement devenu un décrocheur.
La rentrée culturelle n'est pas pour moi. Je m'intéresse à la culture, moins aux tapis rouges. À vrai dire, je ne suis pas le guide suprême du bon goût et laisse les gens aimer ce qu'ils veulent. Moi, j'aime surtout les vieilleries. Je suis un tantinet vintage. Je fréquente encore Maupassant, Tchekhov et John Lee Hooker. J'écoute de la musique carrément rétro. Bref, je me fais vieux depuis toujours.
Je suis trop cheap pour porter du neuf.
Les livres neufs sont trop chers. Je n'ai pas de budget pour m'en acheter aussi souvent que je le souhaiterais. Peut-être que ma culture adhère aux vieilleries par souci d'économie.
Encore qu'en anglais la littérature soit plus accessible. Vous obtiendrez les oeuvres complètes de Shakespeare pour douze dollars en anglais. En français, vous ne vous en sortirez pas en bas de soixante dollars. On paie l'imprimé trois à quatre fois plus cher en français. Ce qui devrait être une honte nationale. Comme de payer notre connexion Internet sept fois plus cher qu'aux États-Unis pour un service tout aussi pourri que limité. C'est même moins cher en Libye qu'ici au Canada. La culture est malheureusement dans l'objectif des arnaqueurs.
L'automne ramène aussi à Trois-Rivières le Festival international de la poésie. J'ai fait la paix avec cet événement même s'il y a lieu de s'indigner que les prébendes, les per diem et les subventions reviennent souvent, selon moi, aux membres de la culture dite officielle. Les professeurs de Cégep reçoivent plus que leur part au pro-rata des artistes. Comme si la culture ne pouvait vivre que dans un bocal, comme les poissons rouges.
La culture n'étant pas une science exacte on s'entend pour établir des gardiens du goût qui choisissent et financent avec l'argent de tout le monde. Les idées les plus confuses et les plus abstraites sont mises à l'avant-plan pour correspondre à la vacuité intérieure de nos élites. Malgré tout, c'est mieux qu'un Grand Prix de Formule Un. Ce n'est pas parfait mais ça laisse entrevoir un idéal plus ou moins bien servi. Un poème ennuyeux vaut mieux qu'une belle mécanique grondante.
Les plus grands artistes de tous les temps étaient plus ou moins marginaux et asociaux. On ne les imagine pas au sein d'une association en train de téter des subventions ou des faveurs du pouvoir. Ils faisaient ce que leur dictait leur conscience pour sauver leur âme des conventions établies. C'est du moins ce que je ressens. Peut-être parce que je ne fréquente que des artistes sulfureux, farouchement individualistes et cyniques comme un tonneau vide abandonné dans le dépotoir de la vieille Athènes.
C'est l'automne sous peu et je déblatère, comme toujours, au lieu de gonfler mes narines d'humus.
C'est aussi le temps des courges. le temps des pommes, bref le temps des récoltes.
Au lieu de maugréer envers et contre tout, je ferais mieux de faire une bonne salade de cerises de terre avec des courges farcies et gratinées au four.
Je ne changerai pas le monde aujourd'hui ni demain.
Je ne le dis pas par fatalité ni par réalisme.
Je vais tenter de le changer, encore et encore, même si je n'y réussis pas.
Bref, j'accepte et assume pleinement ma naïveté.
Sans elle, je parlerais des cotes de la Bourse au lieu de chanter l'humus qui flatte mes narines.
Au fait, j'ai écrit un petit poème à ce sujet. Il va comme suit:
L'humus flatte mes narines
Oh! le bon humus...
Je suis content, si content!
Houba! Houba!
Comme le marsupilami
L'ami de Spirou et Fantasio
Ah! poésie quand tu nous tiens!!!
Fin du poème. Je sais que c'est nul à chier. J'ai pris exemple sur ce qui se publie et se finance le mieux. La subvention peut être déposée dans mon compte bancaire pour me rappeler aux choses sérieuses.
Avec l'automne reviennent aussi les activités de saison. On va enlever et nettoyer les airs climatisés. On va faire mijoter de la soupe. On va ranger le linge d'été et sortir le linge d'hiver.
L'air étant plus frais les promenades seront d'autant plus agréables.
Jusque là, je ne dis rien que vous ne saviez pas déjà.
Ces lieux communs ont parfois quelque chose de réconfortant. Comme de dormir au frais enfoui sous les draps. Comme de souffler sur une cuillère débordante de bortsch trop chaud.
C'est aussi la saison des champignons. Je n'en ramasse pas mais l'un de mes amis le fait. Je me souviens d'une année où Robob, cet ami en question, avait ramené un sac vert débordant de champignons qui puaient la moisissure. Un peu plus et je ne mangeais plus jamais de champignons de ma vie! Par contre, je me dois d'ajouter que les vesses de loup sont des champignons plus que succulents. Cela ressemble à une grosse guimauve et ça goûte les noisettes sans aucun arrière-goût.
On dit aussi que c'est la rentrée scolaire, la rentrée littéraire, la rentrée culturelle, bref la rentrée de n'importe quoi,
Pour ce qui est de l'école, je ne trouve rien à redire. C'est un passage obligé. Passage que je faisais à la bibliothèque aussi souvent que possible pour soigner mon esprit des cours magistraux soporifiques.
Je ne voudrais pas être écolier de nos jours. Avec toute la technologie dont on dispose, je serais rapidement devenu un décrocheur.
La rentrée culturelle n'est pas pour moi. Je m'intéresse à la culture, moins aux tapis rouges. À vrai dire, je ne suis pas le guide suprême du bon goût et laisse les gens aimer ce qu'ils veulent. Moi, j'aime surtout les vieilleries. Je suis un tantinet vintage. Je fréquente encore Maupassant, Tchekhov et John Lee Hooker. J'écoute de la musique carrément rétro. Bref, je me fais vieux depuis toujours.
Je suis trop cheap pour porter du neuf.
Les livres neufs sont trop chers. Je n'ai pas de budget pour m'en acheter aussi souvent que je le souhaiterais. Peut-être que ma culture adhère aux vieilleries par souci d'économie.
Encore qu'en anglais la littérature soit plus accessible. Vous obtiendrez les oeuvres complètes de Shakespeare pour douze dollars en anglais. En français, vous ne vous en sortirez pas en bas de soixante dollars. On paie l'imprimé trois à quatre fois plus cher en français. Ce qui devrait être une honte nationale. Comme de payer notre connexion Internet sept fois plus cher qu'aux États-Unis pour un service tout aussi pourri que limité. C'est même moins cher en Libye qu'ici au Canada. La culture est malheureusement dans l'objectif des arnaqueurs.
L'automne ramène aussi à Trois-Rivières le Festival international de la poésie. J'ai fait la paix avec cet événement même s'il y a lieu de s'indigner que les prébendes, les per diem et les subventions reviennent souvent, selon moi, aux membres de la culture dite officielle. Les professeurs de Cégep reçoivent plus que leur part au pro-rata des artistes. Comme si la culture ne pouvait vivre que dans un bocal, comme les poissons rouges.
La culture n'étant pas une science exacte on s'entend pour établir des gardiens du goût qui choisissent et financent avec l'argent de tout le monde. Les idées les plus confuses et les plus abstraites sont mises à l'avant-plan pour correspondre à la vacuité intérieure de nos élites. Malgré tout, c'est mieux qu'un Grand Prix de Formule Un. Ce n'est pas parfait mais ça laisse entrevoir un idéal plus ou moins bien servi. Un poème ennuyeux vaut mieux qu'une belle mécanique grondante.
Les plus grands artistes de tous les temps étaient plus ou moins marginaux et asociaux. On ne les imagine pas au sein d'une association en train de téter des subventions ou des faveurs du pouvoir. Ils faisaient ce que leur dictait leur conscience pour sauver leur âme des conventions établies. C'est du moins ce que je ressens. Peut-être parce que je ne fréquente que des artistes sulfureux, farouchement individualistes et cyniques comme un tonneau vide abandonné dans le dépotoir de la vieille Athènes.
C'est l'automne sous peu et je déblatère, comme toujours, au lieu de gonfler mes narines d'humus.
C'est aussi le temps des courges. le temps des pommes, bref le temps des récoltes.
Au lieu de maugréer envers et contre tout, je ferais mieux de faire une bonne salade de cerises de terre avec des courges farcies et gratinées au four.
Je ne changerai pas le monde aujourd'hui ni demain.
Je ne le dis pas par fatalité ni par réalisme.
Je vais tenter de le changer, encore et encore, même si je n'y réussis pas.
Bref, j'accepte et assume pleinement ma naïveté.
Sans elle, je parlerais des cotes de la Bourse au lieu de chanter l'humus qui flatte mes narines.
Au fait, j'ai écrit un petit poème à ce sujet. Il va comme suit:
L'humus flatte mes narines
Oh! le bon humus...
Je suis content, si content!
Houba! Houba!
Comme le marsupilami
L'ami de Spirou et Fantasio
Ah! poésie quand tu nous tiens!!!
Fin du poème. Je sais que c'est nul à chier. J'ai pris exemple sur ce qui se publie et se finance le mieux. La subvention peut être déposée dans mon compte bancaire pour me rappeler aux choses sérieuses.
vendredi 16 septembre 2016
Soeur Matamain
Marylin Manson dans le film Conjuring 2 |
Sous les artifices de la majesté divine, on y découvre souvent les plus sombres passions de l'humain en regard desquels les péchés des laïcs peuvent facilement passer pour des vertus.
Évidemment, ce n'est que mon interprétation, celle d'un écrivain mineur qui mélange un peu trop facilement l'opinion et la littérature.
Pourtant, chers lecteurs et lectrices, je m'en voudrais de passer sous silence la biographie de Germaine Martineau, alias Soeur Germaine, mieux connue sous le quolibet de Soeur Matamain.
Germaine Martineau est bien vieille pour lui casser du sucre sur le dos, j'en conviens. Elle est devenue une vieille rabougrie qui déplace peu d'air en égrenant son chapelet et en faisant ses incantations quotidiennes pour se donner une raison d'être.
Ceux qui l'ont connue sont unanimes pour dire que c'était une vieille vache obscène qui avait les mains un peu trop longues avec les jeunes filles du Collège Marie-Réparatrice.
En fouillant un peu chez les Martineau, qui l'ont bien connue, on peut entrevoir que Germaine avait été une fille laide bourrée de ressentiments envers ses semblables. La religion n'avait pas tant été pour elle une planche de salut qu'une occasion de se venger de tous ceux qui n'avaient pas la détermination, la discipline et le stoïcisme de sa laideur. Petite, osseuse avec des yeux de chauve-souris anorexique, Germaine faisait autant pitié que peur à voir. Elle n'aimait pas les garçons qui, d'ailleurs, ne pensaient qu'à ça. Elle préférait les filles, mais ça ne se disait pas dans la société à l'époque où elle entra dans les ordres.
Ce qui fait qu'elle devint religieuse puis surveillante des jeunes filles de bonne famille qui fréquentaient le Collège Marie-Réparatrice.
Rien ne lui était plus familier que de repérer chez ces jeunes filles tous les manquements aux bonnes moeurs catholiques. Dans les années '40 et '50, au début de sa vocation, elle usa et abusa de corrections envers ses jeunes victimes. Elle frappait, griffait et humiliait les jeunes filles. Soeur Germaine prétendait que c'était pour les conduire vers le droit chemin. En fait, elle éprouvait beaucoup de délectation à les frapper. Tant et si bien que la religieuse finissait par inonder de cyprine sa culotte. Et comme la vache jouissait, le lendemain elle recommençait avec encore plus de fascination morbide pour le Bien avec un grand B.
Les jeunes filles avaient fini par la surnommer Soeur Matamain (Soeur Mets-ta-main-dans-mon-cul disaient-elles aussi) non seulement parce qu'elle les frappait, mais aussi pour ses attouchements impudiques tandis qu'elle les frappait. Les jeunes filles se sentaient impuissantes à combattre le Bien avec un grand B. Elles se laissaient faire avec une certaine résignation qui se métamorphosa en juste colère pour certaines d'entre elles à la sortie du collège.
Plusieurs jeunes filles devenues jeunes femmes refusèrent d'aller à l'église, jetèrent leur chapelet aux ordures, écoutèrent la musique d'Elvis Presley et des Beatles, couchèrent avec des tas de mecs, eurent même du plaisir à jouer aux fesses, et se jurèrent de cracher sur l'Église aussi longtemps qu'elles vivraient en souvenir de l'ignoble Soeur Matamain.
Soeur Matamain continua de se nourrir de pensées perverses tout en se croyant une épouse du Christ.
Dans la foulée de la Révolution tranquille on sépara progressivement l'Église de l'État pour protéger les jeunes gens des pervers religieux et autres vieilles tabarnaks.
Soeur Matamain se recycla en organisatrice de la charité. Elle s'engagea dans la distribution de pain moisi aux pauvres.
Il n'y avait pas personne plus suspicieuse que Soeur Matamain. Chaque pauvre qui se présentait devant elle avait à ses yeux inquisiteurs quelque chose de vulgaire et de profondément démoniaque.
Cette femme avec six enfants sous les bras changeait de conjoint tous les six mois. Et cet homme au regard torve venait tout juste de sortir de prison pour avoir vendu de la drogue. Tous ces pauvres étaient habités par le péché et pas besoin de vous dire que Soeur Matamain se sentait investie d'une mission divine. Il fallait leur apprendre à marcher droit, à ne pas sacrer ni blasphémer le nom de Notre Seigneur.
Après avoir enquêté sur leur pauvreté, leurs actifs, leurs passifs et tout le saint-frusquin, Soeur Matamain leur remettait des médailles du Frère André, de Mère Térésa ou de Padré Pouilleux en les enjoignant de prier pour améliorer leur vie. Elle ne donnait pas un seul pain moisi sans leur faire la morale. Elle aurait bien voulu planter ses ongles dans leur peau, rentrer ses doigts dans leurs orifices, les obliger à se nourrir de ses propres déjections corporelles. Enfin, elle aurait souhaité vivre pleinement l'horreur de sa sexualité dépravée et dégoûtante. Mais il fallait bien sauver les apparences. Il fallait bien nier sa vraie nature fêlée. Soeur Germaine était la Main de Dieu. Elle était la Servante du Seigneur. Elle était aussi, avouons-le, une obsédée sexuelle.
Soeur Matamain a beaucoup vieilli depuis tout ce temps. Elle n'a pas encore renoncé à Dieu, à ses anges et à tous les seins. Elle est toujours tout aussi convaincue de servir le Bien avec un grand B alors que la liste de ses victimes est longue à n'en plus finir.
Il serait bien sûr plus convenable d'ajouter que tous les religieux n'étaient pas, ne sont pas et ne seront pas comme elle. Pourtant, je ne crois pas tromper personne en affirmant qu'il y a une proportion anormalement élevée de coquins et de coquines chez les religieux. C'est la faute d'un peu tout le monde me direz-vous. Si l'on n'avait pas ostracisé tant de filles laides et de garçons efféminés à une époque où tout était cloisonné, sans doute qu'il n'y aurait pas eu tant de viols au sein des établissements gérés par des gens bourrés de ressentiments envers le genre humain. Toute chasteté précoce engendre des perversions sexuelles qui répugnent aux valeurs des laïcs ordinaires.
L'État n'avait qu'à se séparer plus tôt de l'Église...
Il y a un peu de vrai là-dedans.
Mais il est difficile d'oublier que Soeur Matamain était vraiment une vieille chienne lubrique qui jouissait à l'idée de faire souffrir les gens.
Quelques vieilles pantoufles et punaises de sacristie vous diront le contraire, bien entendu. Elles vous diront que l'on n'est rien sans Dieu, la religion, le chapelet, les médailles et les médaillons.
Remettre l'Église en question leur semble un péché bien pire que de fesser une jeune fille en lui rentrant un doigt dans le cul.
Heureusement que toutes les églises ferment les unes après les autres. Heureusement que la mauvaise foi est en ruines.
Heureusement que tout le monde se fout de la dévotion, de la vocation et de la prétendue sainteté de Soeur Matamain.
jeudi 15 septembre 2016
L'enseignement de la magie à l'école
L’enseignement religieux à l’école m’a toujours semblé d’aucune
utilité.
Je me souviens de mes cours de catéchèse au secondaire. Sous
prétexte de nous enseigner Jésus ou le Saint-Esprit, on nous balançait n’importe
quoi pour faire régner la paix dans la classe : des films sur des jeunes
aux prises avec la drogue, des grilles de mots mystères, des sessions de chants
religieux nasillards de piètre qualité. Les professeurs de catéchèse
éprouvaient d’énormes difficultés à garder le calme dans la classe. Ils se
faisaient plus ridiculiser que tous leurs autres collègues. Tant et si bien que
je finissais par prendre en pitié les catéchumènes et par croire que mes
compagnons de classe étaient d’authentiques possédés du démon…
Un jour, le responsable de la pastorale, un abbé quelconque,
vint nous voir pendant le cours de catéchèse avec une pile de disques sous le
bras : Kiss, Led Zeppelin, les Beatles. Il tenait à nous faire la
démonstration que ces musiciens étaient des serviteurs de Satan : rien de
moins!
Il nous a fait écouter Stairway to Heaven à l’endroit pour
ensuite nous livrer la version à l’envers où l’on croyait entendre quelque
chose comme Joins-toi à Satan en
forçant énormément la note. On appellerait ça une hallucination auditive en des
termes plus prosaïques…
Heureusement qu’il y avait des cours de mathématiques, d’histoire,
de chimie, de physique, de biologie et de littérature pour nous délivrer de ces
billevesées qui, de toutes façons, ne réussissaient pas à nous tromper. Plutôt
que de nous rapprocher de Dieu, les cours de catéchèse avaient l’heur de nous
en éloigner.
On ne peut pas mettre sur un pied d’égalité les baguettes
magiques et les baguettes de pain.
J’en viens à penser que ce n’est pas le rôle de l’école de
nous apprendre à porter sur soi des pattes de lapin porte-bonheur pour éloigner
la malchance. Ce n’est pas son rôle de nous dire que Led Zeppelin sert les
intérêts de Satan.
Les Immortels
Le champagne coulait à flots. Les Immortels, comme ils s'appelaient entre eux, étaient tous réunis pour célébrer une nouvelle réussite financière.
On venait d'écraser une révolution sociale dans un quelconque pays du globe et tout un chacun des Immortels y avait trouvé son compte.
Des mercenaires se chargeaient de terminer le travail en nettoyant le terrain de tous ceux qui pouvaient compromettre les affaires des Immortels. Journalistes, syndicalistes, parlementaires et militants des droits de l'homme allaient être plongés dans la géhenne du feu pour laisser passer les capitaux.
Les Immortels mettraient fin aux dépenses publiques frivoles comme l'éducation et la santé en plus d'avoir la mainmise sur l'argent des contribuables pour développer leurs projets miniers, pétroliers et industriels.
-On les a bien eus hein? disait l'Honorable Edwige L. Badminton tout en demandant aux musiciens de jouer quelque air entraînant comme In the Mood de Glenn Miller, son préféré.
-Oui, ajouta Daniel W. Bronstein. En contrôlant cette république rebelle, nous aurons de plus accès à toute la région. Nous mettrons fin à leurs foutues politiques protectionnistes qui nuisent tant aux intérêts des Immortels... Nous avons des familles, des employés à faire vivre!
-Puis-je profiter de la présence d'une dame de compagnie dans ma suite? ironisa Jean-Michel De La Grange. J'aurais bien besoin d'un peu d'exercice...
-Ha! Ha! Ha! rigolèrent-ils tous ensemble.
Soudain, un halo de lumière apparut au-dessus de l'hôtel où les Immortels s'étaient rassemblés.
On entendit un bruit métallique entrecoupé de sons stridents.
-Qwtzrtz! Rwzzztgq!
-Qu'est-ce que c'est que ce bordel? hurla De La Grange en ajustant son costume trois pièces.
-Qwtzrtz!
Une créature apparue dans ce qui s'apparentait à un hologramme.
-Qui êtes-vous? Qu'est-ce que vous faites ici? demanda Badminton.
-Qwtzrtz! Terriens, je me permets d'interrompre votre rencontre... Vous êtes en communication avec Zorg, secrétaire de la ligue de la galaxie que vous appelez Andromède. Je ne suis pas ici en ami. Je viens vous annoncer que nous prenons le contrôle de la Terre sur décision unanime du Conseil de sécurité intergalactique. J'ai été mandaté pour vous faire connaître vos devoirs et vos obligations en tant que membres de la communauté intergalactique.
Badminton tomba mystérieusement au sol, les yeux révulsés. Puis Bronstein aussi. De La Grange et les autres ne comprenaient pas ce qui se passait.
-Qu'est-ce que c'est que ce bordel? demanda-t-il à la créature.
-C'est ce qui vous attend si vous ne nous obéissez pas. Vos amis sont morts parce qu'ils étaient habités de pensées révoltantes. Nous pouvons tous vous tuer à distance, sans même que vous sachiez où nous sommes.
-Et que voulez-vous? Une participation aux profits? On peut s'arranger... ajouta De La Grange.
-Nous voulons éliminer chez votre espèce les comportements antisociaux, le mensonge et la corruption généralisée de vos institutions qui menacent non seulement la Terre mais insultent tout l'univers connu. Cela fait longtemps qu'on vous observe et nous tenons à rétablir la vertu au sein de votre communauté fondée sur l'iniquité. Il nous peine de vous tuer l'un après l'autre, comme nous venons de le faire, mais nous nous verrons dans l'obligation de le faire si vous n'appliquez pas nos lois.
-Et que sont vos lois?
-La démocratie directe sans système de partis politiques. La reconnaissance de l'unicité de chaque être humain. L'accès à la connaissance, à la santé et aux loisirs pour tous. Bref, tout ce que l'on applique déjà dans la galaxie d'Andromède et bientôt partout dans la Voie Lactée et ailleurs dans tout l'univers.
-Êtes-vous fous? Vous allez...
De La Grange ne put poursuivre sa phrase. Il s'écrasa au sol, lui aussi, les yeux révulsés.
La Terre était envahie par des extra-terrestres d'Andromède qui nous traitaient comme si nous étions des Sauvages.
L'hologramme disparut. Puis les Immortels sentirent que quelqu'un fouillait dans leurs pensées et leur répondait...
-J'essaie de changer! Je vous jure que j'essaie vraiment de penser à autre chose! Pitié! se dit en lui-même Bronstein pour dire à ceux qui occupaient son esprit qu'il était un bon gars.
Personne ne sut que les extra-terrestres nous avaient visités.
Les Immortels furent dissous en tant qu'association.
Ceux qui n'étaient pas morts convinrent qu'il fallait mieux marcher les fesses serrées avec ces maudits communistes d'Andromède.
Ils rétablirent les programmes sociaux et favorisèrent une meilleure distribution des richesses partout dans le monde.
Personne n'y comprenait rien. Les brutes tombaient comme des mouches, les yeux révulsés, sans que personne ne leur ait fait quoi que ce soit.
Certains crurent que Dieu était bon.
D'autres pensèrent que c'était quelque chose dans l'eau qui faisait en sorte que toute pensée violente affectait l'organisme par la sécrétion d'une hormone parasitée par un quelconque virus...
Quoi qu'il en soit, tout se mit à mieux aller sur Terre.
Et personne ne s'en plaignait.
***
Post-scriptum
Fin alternative
La fin de cette histoire est un peu trop positive. Elle suppose que l'univers est rempli de créatures aux bonnes intentions.
Cette histoire, tirée de mon esprit siphonné, aurait pu se terminer sur une toute autre note...
Après une période de paix relative succédant à la disparition des anciennes élites, les créatures d'Andromède installèrent des roitelets dévoués à leurs nouveaux maîtres venus de l'espace pour instaurer sur Terre une dictature encore pire que tout ce que l'on avait connu auparavant. Cette dictature était maquillée sous des tonnes de bons mots et de beaux sentiments. Pourtant, on veillait en hauts lieux à ce que toute personne susceptible de s'opposer à l'ordre régnant soit éliminée en douceur sans laisser de soupçons sur une quelconque intervention étrangère. Les gens qui témoignaient de velléités de rébellion mourraient tous subitement d'une mort que l'on disait naturelle.
Les extra-terrestres, ceux-là même dont le commun des mortels ignoraient l'existence, continuaient de marchander avec les roitelets pour progressivement programmer les humains à la servitude la plus totale qui soit. Les bandits d'Andromède pillaient notre eau, notre pétrole, notre or et toutes nos ressources naturelles pour les revendre aux quatre coins de l'univers.
L'éducation gratuite, la santé et tout le reste n'avaient été que des prétextes pour mener à bien leur plan de domination totale. Ils comprirent assez vite qu'ils valaient mieux revenir à l'ordre ancien et continuer de traiter l'humanité comme le faisaient les Immortels puisque certains aspects de notre culture et de nos soi-disant religions leur avaient échappé.
***
Post-scriptum
Fin alternative
La fin de cette histoire est un peu trop positive. Elle suppose que l'univers est rempli de créatures aux bonnes intentions.
Cette histoire, tirée de mon esprit siphonné, aurait pu se terminer sur une toute autre note...
Après une période de paix relative succédant à la disparition des anciennes élites, les créatures d'Andromède installèrent des roitelets dévoués à leurs nouveaux maîtres venus de l'espace pour instaurer sur Terre une dictature encore pire que tout ce que l'on avait connu auparavant. Cette dictature était maquillée sous des tonnes de bons mots et de beaux sentiments. Pourtant, on veillait en hauts lieux à ce que toute personne susceptible de s'opposer à l'ordre régnant soit éliminée en douceur sans laisser de soupçons sur une quelconque intervention étrangère. Les gens qui témoignaient de velléités de rébellion mourraient tous subitement d'une mort que l'on disait naturelle.
Les extra-terrestres, ceux-là même dont le commun des mortels ignoraient l'existence, continuaient de marchander avec les roitelets pour progressivement programmer les humains à la servitude la plus totale qui soit. Les bandits d'Andromède pillaient notre eau, notre pétrole, notre or et toutes nos ressources naturelles pour les revendre aux quatre coins de l'univers.
L'éducation gratuite, la santé et tout le reste n'avaient été que des prétextes pour mener à bien leur plan de domination totale. Ils comprirent assez vite qu'ils valaient mieux revenir à l'ordre ancien et continuer de traiter l'humanité comme le faisaient les Immortels puisque certains aspects de notre culture et de nos soi-disant religions leur avaient échappé.