Nietzsche était sur le point de devenir complètement timbré lorsqu'il écrivit Ecce homo, l'un de ses meilleurs livres selon moi. La syphilis s'apprêtait à lui ravager le cerveau. Il ne lui restait plus qu'à parler de lui-même sur un ton tout à fait déjanté.
Les formules de Ecce homo sont à elles seules des sommets: pourquoi je suis un destin, pourquoi j'écris de si bons livres, pourquoi je suis un homme si avisé, peut-être ne suis-je qu'un pitre... C'est de toutes les oeuvres de Nietzsche celle que je préfère le plus. Le ton n'y est plus celui d'un moraliste qui tient à faire de la philosophie à coups de marteau. C'est plutôt celui d'un funambule qui jongle avec des boules de feu, un céleri dans la bouche.
Je ne sais même pas pourquoi je vous parle de ça. Peut-être pour me rappeler que je dois me procurer 666, l'essai sur Nietzsche de Victor-Lévy Beaulieu, le plus prolifique de nos grands écrivains québécois.
Sinon pour vous expliquer ce processus qui mène à l'écriture de mes billets sur mon blogue.
D'abord, toutes sortes de pensées plus folles les unes que les autres tourbillonnent dans ma tête.
Ce matin, il y avait Ecce homo de Nietzsche. Il y avait aussi Method of Modern Love de Hall and Oates... Et We're Not Gonna Take It de Twisted Sisters... Je pensais aussi aux époux des femmes qui portent le niqab. Ils ne sont pas voilés lors des cérémonies d'assermentation et personne ne trouve rien à redire contre eux qui font de leurs femmes des BMO, des Black Moving Objects, comme les désignent entre eux les travailleurs étrangers de l'Arabie Saoudite. Nous nous en prenons aux victimes, les BMO, plutôt qu'à ces foutus barbus infâmes qui perpétuent une tradition d'esclavage, de sexisme et d'intolérance.
Il y a un monde entre Hall and Oates, Nietzsche et le niqab.
Et je n'arrive pas vraiment à en faire la synthèse.
Évidemment, je n'ai pas la syphilis. Et ma philosophie, si simple soit-elle, est profondément organique. Elle n'exclue pas Hall and Oates. N'allez pas croire que je sois un fan de Hall and Oates. Je ne suis pas plus un prosélyte de Nietzsche ou de Twisted Sisters.
Quelque chose me disait que je devais écrire un billet intitulé Pourquoi j'écris de si bons textes.
Je n'ai rien trouvé de mieux que ce fatras d'impressions mal digérées qui vous font perdre votre temps, je le sais bien.
Il vaudrait mieux terminer tout ça sur un air de musique.
En voici un. Savourez-le si cela vous plaît.
mardi 29 septembre 2015
samedi 26 septembre 2015
Niqab, agneaux égorgés dans les champs et tout le tralala
Neuf Québécois sur dix sont contre le port du voile intégral, appelé niqab, lors de l'assermentation des nouveaux citoyens canadiens. Cette proportion s'élève à huit sur dix pour l'ensemble du Canada. Toutes religions et idéologies politiques confondues, la grande majorité des Canadiens et des Québécois sont contre le fait de se couvrir le visage pour l'assermentation comme pour l'exercice d'une profession liée à la fonction publique. La proportion de musulmans canadiens ou québécois qui s'y oppose est probablement tout aussi grande puisque le niqab est la marque d'une interprétation rigoriste de l'Islam, exportée de l'Arabie Saoudite, dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.
Une certaine gauche, déconnectée du monde, ne veut y voir qu'une distraction. C'est plutôt un point sensible. On ne veut tout simplement pas de ça ici. Bien sûr, ces femmes voilées des pieds à la tête sont en premier lieu victimes de leurs époux et des imams de leur secte. Cela dit, il n'y a aucune raison de nous prêter au jeu de la liberté d'expression avec des sectes qui prêchent l'intolérance et la supériorité masculine sur la femme. Cela ne passe pas ici. Cela ne passera jamais.
La citoyenneté canadienne -ou québécoise- n'est pas un droit. C'est un privilège qui se mérite. Le Canada, ou le Québec, n'est pas l'assemblée générale de l'ONU. Nous vivons dans un État de droit où les citoyens ont encore un mot à dire sur la conduite des affaires de LEUR pays. Faire semblant que les frontières n'existent pas est un leurre. Elles existent ces frontières. Elles existent autant pour l'Arabie Saoudite que pour la France, pour l'Angleterre ou bien le Canada. Accepter de vivre selon les us et coutumes du pays d'accueil est la règle à suivre.
Ce n'est pourtant pas une règle très rigoriste, tant au Canada qu'au Québec. On peut largement faire ce qu'on veut ici. Cependant, il y a des limites hors desquelles tout risque de s'enflammer.
Vouloir imposer la charia est une de ces limites. Chercher à imposer le créationnisme à l'école en est une autre.
Ceux qui brandissent des grigris et des amulettes peuvent très bien le faire dans leurs foyers. Par contre, chercher à imposer leurs superstitions comme étant des vérités irréfragables devient inévitablement une question d'ordre public.
La limite à la liberté d'expression, c'est d'imposer justement des limites à l'expression de la liberté et, aussi, de la vérité. Les zélotes de telle ou telle secte peuvent bien déchirer leur chemise en doutant que la vie soit apparue sur Terre il y a quelques millions d'années. Ils peuvent dire, dans leur coin, que l'homme a été créé par Dieu et qu'il n'est nullement le produit de l'adaptation et de l'évolution d'une espèce d'hominidé. La limite, c'est d'imposer à l'école d'étudier et de faire passer leurs affabulations pour des faits. La limite c'est de dire que les pieds doivent penser à la place de la tête.
Les intégristes islamiques sont aussi représentatifs du monde musulman que les Bérets Blancs le sont pour la chrétienté. La plupart des croyants sont plus pragmatiques et moins intolérants que ne le sont les prosélytes d'une vision eschatologique du monde. On peut s'entendre entre croyants et incroyants si l'on peut se baigner hommes et femmes côte à côte dans la même piscine. Ceux qui souhaitent pratiquer une forme ou l'autre de ségrégation au nom d'une amulette méritent le mépris et l'ostracisme qu'ils inspirent.
***
Cela dit, il ne faut pas devenir fou avec cette propension que peuvent avoir les journaux jaunes et autres torchons à soulever l'indignation là où il n'y a pas lieu d'en avoir.
Si des musulmans ou des juifs demandent au propriétaire d'une érablière un menu sans porc, c'est une affaire privée entre le propriétaire et ses clients. Il peut accommoder qui il veut: juifs, musulmans ou végétariens. Comme il peut leur dire qu'il ne changera pas son menu et qu'ils peuvent aller voir ailleurs. Il n'y a pas de nouvelle là-dedans. Seulement des affaires entre les uns et les autres.
Si des musulmans égorgent des agneaux dans un champs au cours de tel ou tel rituel, il ne faut pas y voir une nouvelle mais une instrumentalisation d'un événement anodin pour mousser l'idéologie des racistes. J'ai déjà éviscéré des poissons, des lièvres et des canards. Je me suis barbouillé les mains. Comme les chasseurs le font à chaque automne avec les chevreuils ou bien les orignaux. La mort des animaux dans les boucheries industrielles n'est pas plus "humaine" que la mort des agneaux dans les champs. J'aurais plutôt tendance à penser le contraire. Tant que la viande est mangée, je ne vois pas où est le problème.
Malheureusement, les intégristes savent ce qu'ils font. Ils veulent provoquer la haine des uns envers les autres pour s'imposer comme les arbitres suprêmes de la vie en société. Il faut nécessairement paralyser leurs actions pour protéger l'ensemble de la population de leurs visées totalitaires.
Bien sûr, on pourrait tout relativiser. Prétendre, entre autres, qu'il n'y a pas de danger en la demeure. Que tout ça n'est qu'un spin médiatique.
C'en est un, mais c'est aussi plus que ça. Le monde s'est rapetissé dans la noosphère. Ce qui se passe à 4000 kilomètres de chez-nous se passe aussi dans notre cour. Les pensées circulent d'un bout à l'autre du monde en un clic de souris. On décapite quelqu'un là-bas. On tue des caricaturistes ici.
La tolérance, selon moi, suggère qu'elle se mérite. Être tolérant envers l'intolérant, c'est comme se pencher devant un sodomite. L'intolérance a des limites. La tolérance aussi. Cela ne veut pas dire qu'il faut se laisser prendre au jeu du racisme et des discours haineux. Cela signifie, selon moi, qu'il faut garder la tête froide et le coeur pur, malgré toutes les vilenies de ce monde.
Tous les humains sont de ma race, comme le chantait Gilles Vigneault.
Je souhaite à tous et à toutes la bienvenue dans notre pays.
Je mentionne, au passage, qu'il est justement notre pays. Il sera le leur quand ils auront mérité leur place ici.
On n'entre pas ici comme dans une grange pour y imposer des lois et des châtiments qui vont à l'encontre de notre tradition d'égalité entre tous les citoyens, peu importe sa religion, son origine ethnique, son sexe ou bien son orientation sexuelle. Cette égalité est non négociable. Ceux qui ne veulent pas de cette égalité méritent, comme je le disais tantôt, le mépris et l'ostracisme de l'ensemble de notre communauté humaine. Ils méritent le refus des privilèges associés à la citoyenneté. Et peut-être même l'extradition.
Une certaine gauche, déconnectée du monde, ne veut y voir qu'une distraction. C'est plutôt un point sensible. On ne veut tout simplement pas de ça ici. Bien sûr, ces femmes voilées des pieds à la tête sont en premier lieu victimes de leurs époux et des imams de leur secte. Cela dit, il n'y a aucune raison de nous prêter au jeu de la liberté d'expression avec des sectes qui prêchent l'intolérance et la supériorité masculine sur la femme. Cela ne passe pas ici. Cela ne passera jamais.
La citoyenneté canadienne -ou québécoise- n'est pas un droit. C'est un privilège qui se mérite. Le Canada, ou le Québec, n'est pas l'assemblée générale de l'ONU. Nous vivons dans un État de droit où les citoyens ont encore un mot à dire sur la conduite des affaires de LEUR pays. Faire semblant que les frontières n'existent pas est un leurre. Elles existent ces frontières. Elles existent autant pour l'Arabie Saoudite que pour la France, pour l'Angleterre ou bien le Canada. Accepter de vivre selon les us et coutumes du pays d'accueil est la règle à suivre.
Ce n'est pourtant pas une règle très rigoriste, tant au Canada qu'au Québec. On peut largement faire ce qu'on veut ici. Cependant, il y a des limites hors desquelles tout risque de s'enflammer.
Vouloir imposer la charia est une de ces limites. Chercher à imposer le créationnisme à l'école en est une autre.
Ceux qui brandissent des grigris et des amulettes peuvent très bien le faire dans leurs foyers. Par contre, chercher à imposer leurs superstitions comme étant des vérités irréfragables devient inévitablement une question d'ordre public.
La limite à la liberté d'expression, c'est d'imposer justement des limites à l'expression de la liberté et, aussi, de la vérité. Les zélotes de telle ou telle secte peuvent bien déchirer leur chemise en doutant que la vie soit apparue sur Terre il y a quelques millions d'années. Ils peuvent dire, dans leur coin, que l'homme a été créé par Dieu et qu'il n'est nullement le produit de l'adaptation et de l'évolution d'une espèce d'hominidé. La limite, c'est d'imposer à l'école d'étudier et de faire passer leurs affabulations pour des faits. La limite c'est de dire que les pieds doivent penser à la place de la tête.
Les intégristes islamiques sont aussi représentatifs du monde musulman que les Bérets Blancs le sont pour la chrétienté. La plupart des croyants sont plus pragmatiques et moins intolérants que ne le sont les prosélytes d'une vision eschatologique du monde. On peut s'entendre entre croyants et incroyants si l'on peut se baigner hommes et femmes côte à côte dans la même piscine. Ceux qui souhaitent pratiquer une forme ou l'autre de ségrégation au nom d'une amulette méritent le mépris et l'ostracisme qu'ils inspirent.
***
Cela dit, il ne faut pas devenir fou avec cette propension que peuvent avoir les journaux jaunes et autres torchons à soulever l'indignation là où il n'y a pas lieu d'en avoir.
Si des musulmans ou des juifs demandent au propriétaire d'une érablière un menu sans porc, c'est une affaire privée entre le propriétaire et ses clients. Il peut accommoder qui il veut: juifs, musulmans ou végétariens. Comme il peut leur dire qu'il ne changera pas son menu et qu'ils peuvent aller voir ailleurs. Il n'y a pas de nouvelle là-dedans. Seulement des affaires entre les uns et les autres.
Si des musulmans égorgent des agneaux dans un champs au cours de tel ou tel rituel, il ne faut pas y voir une nouvelle mais une instrumentalisation d'un événement anodin pour mousser l'idéologie des racistes. J'ai déjà éviscéré des poissons, des lièvres et des canards. Je me suis barbouillé les mains. Comme les chasseurs le font à chaque automne avec les chevreuils ou bien les orignaux. La mort des animaux dans les boucheries industrielles n'est pas plus "humaine" que la mort des agneaux dans les champs. J'aurais plutôt tendance à penser le contraire. Tant que la viande est mangée, je ne vois pas où est le problème.
Malheureusement, les intégristes savent ce qu'ils font. Ils veulent provoquer la haine des uns envers les autres pour s'imposer comme les arbitres suprêmes de la vie en société. Il faut nécessairement paralyser leurs actions pour protéger l'ensemble de la population de leurs visées totalitaires.
Bien sûr, on pourrait tout relativiser. Prétendre, entre autres, qu'il n'y a pas de danger en la demeure. Que tout ça n'est qu'un spin médiatique.
C'en est un, mais c'est aussi plus que ça. Le monde s'est rapetissé dans la noosphère. Ce qui se passe à 4000 kilomètres de chez-nous se passe aussi dans notre cour. Les pensées circulent d'un bout à l'autre du monde en un clic de souris. On décapite quelqu'un là-bas. On tue des caricaturistes ici.
La tolérance, selon moi, suggère qu'elle se mérite. Être tolérant envers l'intolérant, c'est comme se pencher devant un sodomite. L'intolérance a des limites. La tolérance aussi. Cela ne veut pas dire qu'il faut se laisser prendre au jeu du racisme et des discours haineux. Cela signifie, selon moi, qu'il faut garder la tête froide et le coeur pur, malgré toutes les vilenies de ce monde.
Tous les humains sont de ma race, comme le chantait Gilles Vigneault.
Je souhaite à tous et à toutes la bienvenue dans notre pays.
Je mentionne, au passage, qu'il est justement notre pays. Il sera le leur quand ils auront mérité leur place ici.
On n'entre pas ici comme dans une grange pour y imposer des lois et des châtiments qui vont à l'encontre de notre tradition d'égalité entre tous les citoyens, peu importe sa religion, son origine ethnique, son sexe ou bien son orientation sexuelle. Cette égalité est non négociable. Ceux qui ne veulent pas de cette égalité méritent, comme je le disais tantôt, le mépris et l'ostracisme de l'ensemble de notre communauté humaine. Ils méritent le refus des privilèges associés à la citoyenneté. Et peut-être même l'extradition.
vendredi 25 septembre 2015
On peut être Canadien mais pas Québécois
On peut être Italien.
On peut être Français.
On peut être Allemand.
On peut être Turc.
On peut être Finlandais.
On peut être Colombien.
On peut être Népalais.
On peut être Canadien.
Mais on ne peut pas être Québécois.
Ni Catalan.
Ni Écossais.
Ni Corse.
Ni Basque.
Ni Anishnabé.
Ni Iyéyou.
Ni Inuit.
Ni Sioux.
Ni Apache.
Ni Tzigane.
Sinon pour se faire dire que nous sommes folkloriques.
Que nous ne sommes que des ploucs dans un monde qui doit nous piler dessus, nous broyer, se servir de nos territoires, us et coutumes comme d'une carpette.
Il y a des limites à se faire dire que nous n'existons pas et ne méritons pas d'exister.
Ces limites sont depuis longtemps atteintes.
On peut être Français.
On peut être Allemand.
On peut être Turc.
On peut être Finlandais.
On peut être Colombien.
On peut être Népalais.
On peut être Canadien.
Mais on ne peut pas être Québécois.
Ni Catalan.
Ni Écossais.
Ni Corse.
Ni Basque.
Ni Anishnabé.
Ni Iyéyou.
Ni Inuit.
Ni Sioux.
Ni Apache.
Ni Tzigane.
Sinon pour se faire dire que nous sommes folkloriques.
Que nous ne sommes que des ploucs dans un monde qui doit nous piler dessus, nous broyer, se servir de nos territoires, us et coutumes comme d'une carpette.
Il y a des limites à se faire dire que nous n'existons pas et ne méritons pas d'exister.
Ces limites sont depuis longtemps atteintes.
jeudi 24 septembre 2015
Le privilège d'être un artiste
Il m'arrive parfois de douter de l'art et de ma vocation d'artiste. Dans le contexte où je vis, la plupart des gens qui m'environnent sont blasés, un tantinet mesquins ou bien méprisants de ce que je puisse me consacrer à une activité qui transcende le travail et les obligations du jour.
Heureusement que de beaux souvenirs me rattrapent pour me rappeler que le monde ne se limite pas qu'à l'expérience de Trois-Rivières.
La plupart des étrangers sont fascinés par mon art. Ils s'émerveillent d'une fleur ou d'un gros nez que je trace sur du papier ou barbouille sur une toile. Ils s'émeuvent d'un solo d'harmonica ou bien d'un air de guitare. Ils vantent ma plume, mes poèmes et mes textes déjantés. En fait, ils sont ma raison de vivre, aussi bête que cela puisse paraître.
Lorsque je me trouvais à Whitehorse, au Yukon, j'étais étonné de la position d'enchanteur que j'occupais au Nord du 50e parallèle. Mon prénom, Gaétan, se prononce plus ou moins Gitan dans la bouche d'un anglophone. De Gitan, ils sont vite passés à Gipsy. Et Gipsy the Frenchy, croyez-moi, n'a jamais été aussi populaire et apprécié pour son art. Chaque dessin que je faisais était célébré autour de moi comme un événement majeur de l'histoire de l'humanité. Chaque air d'harmonica les faisait se soulever de terre. J'étais pour eux un géant, encore plus qu'un gitan. Un type qui crée de la beauté. Un type qui a reçu un don de Dieu...
Je ne dis pas ça pour me vanter. Je n'en ai pas tant besoin. Néanmoins, je ne m'avoue pas insensible à la sensibilité... C'est bien ce que j'exploite à travers mes créations, non? S'il n'y a pas de points sensibles dans tout ce que je crée, aussi bien m'arrêter là immédiatement.
Mes expositions à Trois-Rivières ont fait l'objet de quelques belles critiques chez mes acheteurs, évidemment, mais aussi chez les enfants, nettement plus expressifs que leurs parents.
-Wow! C'est beau ce qu'i' fait le môssieur! que j'ai entendu plusieurs fois alors que je peignais à l'extérieur.
Les parents ne disaient rien. Ils ne voulaient surtout pas se sentir obligés de m'acheter quelque chose. Comme si j'avais l'âme d'un vendeur... Moi, si stupide, qui donne des toiles à tout venant pour le plaisir d'en produire d'autres...
Franchement, nul n'est prophète ou bien artiste dans sa ville.
J'en ai eu une preuve de plus hier alors que je me suis présenté à un examen médical.
Le médecin qui me recevait est un grand Camerounais de soixante ans qui semble en avoir vingt de moins. Sa santé rassure quand vient le temps de lui confier la nôtre.
Le médecin camerounais m'a posé les questions d'usage. Il m'a demandé si j'étais fumeur, si je buvais de l'alcool et si je prenais de la drogue. Comme je suis devenu sage, j'ai répondu non à toutes ces questions. Il m'a alors demandé, sur le même ton plutôt neutre, ma profession.
-Je suis adjoint administratif, que je lui ai répondu.
Le Camerounais a noté cela sans trop d'expressions.
-...et je suis aussi artiste-peintre, j'ai ma petite galerie d'art au centre-ville...
Ses yeux sont devenus grands comme des pamplemousses.
-Artiste? Vous êtes un artiste?!?
-Oui, bien sûr...
-Puis-je voir ce que vous faites? Vous avez des photos?
Je lui donne un lien Internet et voilà que les reproductions de mes toiles apparaissent sur son écran. Le Camerounais est tout de suite emballé.
-Ma-gni-fi-que! C'est ma-gni-fi-que! Oh! Vous êtes un grand artiste monsieur! Quel talent! Cela me rappelle mon récent voyage en Haïti... Que de l'art et des artistes, partout, et des couleurs vives! Que c'est joli!
S'ensuivit une conversation sur l'art populaire au Cameroun, en Colombie, au Portugal, en ex-Yougoslavie et en Gaspésie. Mon médecin était en verve. Il me disait que les gens sont pauvres dans son pays mais qu'ils ont la vraie richesse, celle d'avoir la joie dans le coeur, la capacité de s'émerveiller, de s'émouvoir, de se saluer et de se reconnaître entre eux. Toutes qualités qui font cruellement défaut à notre monde froid, sans âme et grossièrement matérialiste.
Dans la bouche du médecin camerounais, je me sentais grandi, glorifié et, je dois le dire, plutôt fier.
Être un adjoint administratif ne lui disait rien de spécial. Un larbin parmi tant d'autres devait-il penser. Mais un artiste? Un type qui crée de la beauté? Cela mérite de la reconnaissance.
Et le voilà qui me vantait à tout le monde, à sa secrétaire, à l'infirmière, au concierge...
-Ce monsieur est un artiste! Le saviez-vous? Ce qu'il peint est ma-gni-fi-que! Allez voir son site... C'est vraiment beau!
Mon bilan de santé avait l'heur d'être très bon. Il s'était même amélioré en cours de conversation.
Je suis sorti de là heureux, avec la certitude d'être un artiste, un grand artiste.
Si vous êtes Trifluvien, vous m'en voudrez sans doute de me vanter ainsi. Vous vous direz que ça ne vaut pas un bon job dans une usine où l'on est payé 20 piastres de l'heure...
Si c'est vraiment ce que vous pensez, écartez-vous de ma vie, s'il-vous-plaît.
J'en ai soupé des gens qui n'ont aucune sensibilité artistique.
J'en ai assez croisé de ces indifférents cyniques et nonchalants qui voudraient que l'on tienne pour de grandes vérités leurs vies de larbins soporifiques.
Pour les autres, je vous ai laissé en exergue de ce billet une photo d'une toile en chantier.
mercredi 23 septembre 2015
Une lointaine théocratie de marde
On n'avait encore jamais entendu parler de ce coin-là. C'était un pays enclavé dans des pays eux-mêmes enclavés avec aucun accès à la mer, aux terres cultivables et, bien sûr, aux loisirs. Ce pays vivait de l'exploitation de son sous-sol essentiellement constitué de métaux rares comme le silicium et autres mots latins qui terminent en um: petroleum, linoléum, curriculum, medium, radium et summum.
Le ciel de ce pays était toujours rouge compte tenu de la poussière des mines soulevée par les vents. Il n'y pleuvait jamais. Et tout le monde mangeait essentiellement la même chose: de la bouffe importée des pays environnants achetée avec l'argent des métaux rares.
C'était un pays plutôt pauvre. L'école leur apprenait tout juste à lire quelques passages du Grand Livre Sacré qui constituait l'unique distraction du pays. Et cette distraction était particulièrement sévère: 10 000 coups de fouet pour avoir dit "j'aimerais bien qu'il pleuve" et 10 000 autres de plus si l'on disait que la capitale des États-Unis était Washington. En fait, dès qu'on y ouvrait la bouche on recevait 10 000 coups de fouets. Pas besoin de vous dire qu'on y mourrait jeune.
Dans ce pays-là, tout le monde était ignorant et ignoré des crapules au pouvoir.
Les despotes tenaient à ce que tout le monde, sauf eux, vivent selon les saints préceptes de leur Grand Livre Sacré nul à chier.
Les femmes, dans ce pays, étaient attachées toute la journée après leurs fourneaux. Quand elles sortaient à l'air libre, elles étaient couvertes d'une drap noir des pieds à la tête. Elles étaient aussi tenues en laisse, attelées à un chariot et fouettées par leurs maris pour qu'elles avancent. Leurs maris pouvaient avoir plusieurs femmes, évidemment, jusqu'à cent épouses pour pousser le chariot lorsqu'ils étaient riches. Les pauvres n'avaient pas d'épouses, ou si peu qu'on les incitait à faire la guerre aux pays voisins pour aller s'en kidnapper quelques-unes. L'amour étant interdit, seule une copulation de moins de cinq minutes, par derrière, et sans voir le visage de sa malaimée, pouvait se pratiquer. Toute autre forme de copulation était apparentée à l'Occident décadent. Pour être certain que la femme n'éprouve aucun plaisir, on lui mutilait les organes génitaux dès qu'elle tombait en âge de procréer.
Dans ce pays excrémentiel, la vie était lourde, pesante et sans espoir. Le cinéma était interdit. La musique était interdite. La danse était interdite. Les cerfs-volants étaient interdits. La philosophie était interdite. La discussion était interdite. L'alcool était interdit. La pétanque était interdite. Tout était interdit.
La seule chose qui était permise, en fait, c'était de prier. Encore fallait-il travailler, même pendant les trois mois où tout le monde devait crever de faim pour rendre gloire au prophète des prophètes: Gagogu. Gagogu était un hurluberlu qui avait épousé des fillettes de huit ans en faisant accroire aux autres qu'il n'était pas tout à fait un pédophile. Dieu lui permettait de rendre gloire à la Création de cette manière pour le moins répugnante aux yeux de la majeure partie de l'humanité. Ce prophète Gagogu était un psychopathe analphabète dont le principal outil de prédication était un sabre avec lequel il tranchait des têtes, des bras et des jambes.
Évidemment, ces pauvres gens-là finissaient par immigrer. Par curiosité, d'abord et avant tout. Ils voulaient voir ces pays où le ciel est bleu et où l'on vend du maïs soufflé dans des salles où l'on peut voir bouger des images. Ils étaient attirés par les interdits, comme des adolescents privés de sorties.
Mais comme ils ne connaissaient rien d'autres que les conneries qu'on leur avait inculquées depuis leur tendre enfance, ils ne savaient pas vivre comme tout le monde. Ils répétaient ailleurs ce qu'on leur avait enseigné là-bas parce qu'ils ne savaient rien de rien sur à peu près tout. Ils avaient peur d'aller en enfer. Alors ils s'habillaient en ploucs, comme là-bas, hiver comme été, les femmes avec le corps couvert d'un drap noir de la tête aux pieds avec un minuscule espace pour laisser entrer l'air et la nourriture. Les hommes avec des moustaches tressées à partir du poil de sourcils et du poil de narines.
Partout où ils passaient, les gens se disaient entre eux qu'ils ne voulaient pas de ces manières de vivre dégoûtantes, de ces lois dégradantes et rétrogrades, de cette religion de caca bouilli.
Malheureusement, on continuait en hauts lieux de faire affaire avec la théocratie lointaine pour obtenir sa part d'argent et de métaux rares. On fermait les yeux sur ces enculeurs de peuple et cette religion de cul.
On se contentait, en fait, de tirer sur les ambulances, sur les victimes de cet État de merde enclavé dans un monde d'enclaves où tout un chacun était réduit à l'esclavage.
Heureusement, les enfants des enfants de ces étrangers atterris ici finissaient par aller au cinéma, danser et faire l'amour tendrement. Comme quoi la bêtise n'est pas éternelle. Comme quoi nous pouvons trouver un remède à toutes ces conneries enseignées dans les coins les plus reculés du monde pour asservir les uns et les autres.
Le ciel de ce pays était toujours rouge compte tenu de la poussière des mines soulevée par les vents. Il n'y pleuvait jamais. Et tout le monde mangeait essentiellement la même chose: de la bouffe importée des pays environnants achetée avec l'argent des métaux rares.
C'était un pays plutôt pauvre. L'école leur apprenait tout juste à lire quelques passages du Grand Livre Sacré qui constituait l'unique distraction du pays. Et cette distraction était particulièrement sévère: 10 000 coups de fouet pour avoir dit "j'aimerais bien qu'il pleuve" et 10 000 autres de plus si l'on disait que la capitale des États-Unis était Washington. En fait, dès qu'on y ouvrait la bouche on recevait 10 000 coups de fouets. Pas besoin de vous dire qu'on y mourrait jeune.
Dans ce pays-là, tout le monde était ignorant et ignoré des crapules au pouvoir.
Les despotes tenaient à ce que tout le monde, sauf eux, vivent selon les saints préceptes de leur Grand Livre Sacré nul à chier.
Les femmes, dans ce pays, étaient attachées toute la journée après leurs fourneaux. Quand elles sortaient à l'air libre, elles étaient couvertes d'une drap noir des pieds à la tête. Elles étaient aussi tenues en laisse, attelées à un chariot et fouettées par leurs maris pour qu'elles avancent. Leurs maris pouvaient avoir plusieurs femmes, évidemment, jusqu'à cent épouses pour pousser le chariot lorsqu'ils étaient riches. Les pauvres n'avaient pas d'épouses, ou si peu qu'on les incitait à faire la guerre aux pays voisins pour aller s'en kidnapper quelques-unes. L'amour étant interdit, seule une copulation de moins de cinq minutes, par derrière, et sans voir le visage de sa malaimée, pouvait se pratiquer. Toute autre forme de copulation était apparentée à l'Occident décadent. Pour être certain que la femme n'éprouve aucun plaisir, on lui mutilait les organes génitaux dès qu'elle tombait en âge de procréer.
Dans ce pays excrémentiel, la vie était lourde, pesante et sans espoir. Le cinéma était interdit. La musique était interdite. La danse était interdite. Les cerfs-volants étaient interdits. La philosophie était interdite. La discussion était interdite. L'alcool était interdit. La pétanque était interdite. Tout était interdit.
La seule chose qui était permise, en fait, c'était de prier. Encore fallait-il travailler, même pendant les trois mois où tout le monde devait crever de faim pour rendre gloire au prophète des prophètes: Gagogu. Gagogu était un hurluberlu qui avait épousé des fillettes de huit ans en faisant accroire aux autres qu'il n'était pas tout à fait un pédophile. Dieu lui permettait de rendre gloire à la Création de cette manière pour le moins répugnante aux yeux de la majeure partie de l'humanité. Ce prophète Gagogu était un psychopathe analphabète dont le principal outil de prédication était un sabre avec lequel il tranchait des têtes, des bras et des jambes.
Évidemment, ces pauvres gens-là finissaient par immigrer. Par curiosité, d'abord et avant tout. Ils voulaient voir ces pays où le ciel est bleu et où l'on vend du maïs soufflé dans des salles où l'on peut voir bouger des images. Ils étaient attirés par les interdits, comme des adolescents privés de sorties.
Mais comme ils ne connaissaient rien d'autres que les conneries qu'on leur avait inculquées depuis leur tendre enfance, ils ne savaient pas vivre comme tout le monde. Ils répétaient ailleurs ce qu'on leur avait enseigné là-bas parce qu'ils ne savaient rien de rien sur à peu près tout. Ils avaient peur d'aller en enfer. Alors ils s'habillaient en ploucs, comme là-bas, hiver comme été, les femmes avec le corps couvert d'un drap noir de la tête aux pieds avec un minuscule espace pour laisser entrer l'air et la nourriture. Les hommes avec des moustaches tressées à partir du poil de sourcils et du poil de narines.
Partout où ils passaient, les gens se disaient entre eux qu'ils ne voulaient pas de ces manières de vivre dégoûtantes, de ces lois dégradantes et rétrogrades, de cette religion de caca bouilli.
Malheureusement, on continuait en hauts lieux de faire affaire avec la théocratie lointaine pour obtenir sa part d'argent et de métaux rares. On fermait les yeux sur ces enculeurs de peuple et cette religion de cul.
On se contentait, en fait, de tirer sur les ambulances, sur les victimes de cet État de merde enclavé dans un monde d'enclaves où tout un chacun était réduit à l'esclavage.
Heureusement, les enfants des enfants de ces étrangers atterris ici finissaient par aller au cinéma, danser et faire l'amour tendrement. Comme quoi la bêtise n'est pas éternelle. Comme quoi nous pouvons trouver un remède à toutes ces conneries enseignées dans les coins les plus reculés du monde pour asservir les uns et les autres.
mardi 22 septembre 2015
ÉcrevisseMalin69
ÉcrevisseMalin69 désigne le pseudonyme que s'est donné Jean-Luc Martin pour se donner une vie qu'il n'a pas vraiment dans la réalité. ÉcrevisseMalin69 est vulgaire. Il dit le fond de sa pensée, aussi mesquine soit-elle -et, attention, sans aucune retenue...
Jean-Luc Martin est poli. C'est un larbin qui ne dit jamais un mot plus haut que l'autre. Il tremble devant l'autorité et adopte un ton mielleux pour tous ceux qui lui donnent des ordres. Il va chez le barbier aux deux semaines pour entretenir la même coupe de cheveux qu'il a depuis vingt ans: court derrière, court devant, court sur les côtés, avec une raie gominée pour une meilleure apparence. Il sent toujours le Irish Spring. Enfin, pas toujours. Il sent aussi le swing de temps à autres. Bref, Jean-Luc Martin est un gars bien ordinaire.
-Jean-Luc, va laver les chiottes! Jean-Luc va ramasser les bouts de bois dans la cour! Jean-Luc va aider l'étudiant à remplir le camion! que lui lance le contremaître de l'usine à tous les jours.
Il baisse la tête, Jean-Luc, et fait tout ce qu'on lui dit sans rouspéter.
ÉcrevisseMalin69 n'a peur de rien. Il est fédéraliste et de droite, évidemment. Il morigène tous les hippies, communistes, souverainistes et féministes avec lesquels il croise le fer sur Twitter, Facebook et autres forums de discussion sur l'Internet. Il dit à tous ces gogos de la gauche d'aller se faire enculer avec des vilebrequins, des dildos à crans d'arrêt, des cactus, des bâtons de hockey, des concombres marinés à l'aneth et tout ce qui est plus ou moins contondant.
S'il utilise un pseudonyme, c'est parce qu'il ne veut pas subir la vindicte de ces hordes de syndicalistes barbus qui ne sont pas vierges comme lui. Jean-Luc Martin est déçu que les femmes ne lui accordent pas d'intérêt dans la vraie vie. ÉcrevisseMalin69 leur envoie des giclées de sperme au visage en hurlant comme un démon.
À vrai dire, Jean-Luc Martin est un pauvre type.
Et son avatar, ÉcrevisseMalin69, est à la pleine mesure de sa vie de merde.
Jean-Luc Martin est poli. C'est un larbin qui ne dit jamais un mot plus haut que l'autre. Il tremble devant l'autorité et adopte un ton mielleux pour tous ceux qui lui donnent des ordres. Il va chez le barbier aux deux semaines pour entretenir la même coupe de cheveux qu'il a depuis vingt ans: court derrière, court devant, court sur les côtés, avec une raie gominée pour une meilleure apparence. Il sent toujours le Irish Spring. Enfin, pas toujours. Il sent aussi le swing de temps à autres. Bref, Jean-Luc Martin est un gars bien ordinaire.
-Jean-Luc, va laver les chiottes! Jean-Luc va ramasser les bouts de bois dans la cour! Jean-Luc va aider l'étudiant à remplir le camion! que lui lance le contremaître de l'usine à tous les jours.
Il baisse la tête, Jean-Luc, et fait tout ce qu'on lui dit sans rouspéter.
ÉcrevisseMalin69 n'a peur de rien. Il est fédéraliste et de droite, évidemment. Il morigène tous les hippies, communistes, souverainistes et féministes avec lesquels il croise le fer sur Twitter, Facebook et autres forums de discussion sur l'Internet. Il dit à tous ces gogos de la gauche d'aller se faire enculer avec des vilebrequins, des dildos à crans d'arrêt, des cactus, des bâtons de hockey, des concombres marinés à l'aneth et tout ce qui est plus ou moins contondant.
S'il utilise un pseudonyme, c'est parce qu'il ne veut pas subir la vindicte de ces hordes de syndicalistes barbus qui ne sont pas vierges comme lui. Jean-Luc Martin est déçu que les femmes ne lui accordent pas d'intérêt dans la vraie vie. ÉcrevisseMalin69 leur envoie des giclées de sperme au visage en hurlant comme un démon.
À vrai dire, Jean-Luc Martin est un pauvre type.
Et son avatar, ÉcrevisseMalin69, est à la pleine mesure de sa vie de merde.
dimanche 20 septembre 2015
Je vais voter pour le Bloc québécois... Hum... Heu... Ouin...
Je me sens plus perdu que jamais à l'approche des prochaines élections fédérales. La campagne électorale a été anormalement longue. Elle a été voulue comme ça. Stephen Harper a usé de son privilège de chef du gouvernement pour déclencher la campagne électorale au mois d'août. Et depuis tout ce temps là, chaque jour finit par nous dégoûter toujours plus de la politique politicienne. Ce qui pourrait tourner à l'avantage des fascistes. Ou à tout le moins des conservateurs. Les gens dégoûtés par la politique ne votent jamais conservateur.
Je ne vote jamais sur la base d'un programme, mais sur un élan du coeur pour quelque chose qui, en principe, n'en a pas. Voter pour un parti politique, c'est voter pour une poignée de gens mesquins qui complotent en coulisses sur l'art de séduire puis de tromper le peuple. Ce n'est guère enthousiasmant d'accorder sa confiance à un parti tout autant qu'à un système qui tous deux sont corrompus à la base.
Tout me porterait à ne pas aller voter tellement je suis dégoûté. Je suis à deux poils d'adopter la position des anarchistes qui boycottent les urnes et le parlementarisme britannique qui vient avec. Comment peut-on espérer l'émergence d'un authentique pouvoir populaire avec ce système qui perpétue l'injustice et qui se veut le fossoyeur de la démocratie?
Les vieux partis feront appel à toutes les magouilles archi-connues et jamais dénoncées pour se propulser au pouvoir. Ils vont bourrer des autobus de petits vieux impotents qui dodelinent de la tête pour les Bleus ou les Rouges, comme dans le bon vieux temps, et en dépit de toutes les fraudes que les uns ou les autres ont pu commettre.
Les Oranges, s'ils veulent prendre le pouvoir, doivent suivre le même chemin tortueux. Ils vont faire semblant d'aimer les gens, eux aussi. On va les voir au Grand Prix, au rodéo de Saint-Tite et autres événements publics décadents. Ils laisseront leurs convictions de côté pour un vote vilement récolté. Ils adapteront leurs idées au plus fort la poche. Si le programme parle de socialisme, ils bifferont le mot pour le remplacer par solidarité ou crème glacée aux framboises. N'importe quoi pourvu qu'ils soient au pouvoir. Et une fois qu'ils seront au pouvoir, ils voudront ce que veulent tous ceux qui ne peuvent rien: faire comme les autres.
Il me reste trois options: les Verts, le Bloc québécois ou le dépôt d'un bulletin blanc dans les urnes.
Je me mortifie de savoir que les fascistes iront voter. Ce qui rend l'abstentionnisme un peu moins attirant pour ma part.
Les Verts ne m'inspirent rien, sinon que je suis plus vert qu'ils ne le sont. J'abolirais le pétrole, détruirais les autoroutes et ferais pousser des fleurs et des arbres partout s'il n'en tenait qu'à moi. Personne ne me demande mon avis, évidemment. Et c'est tant mieux ainsi.
Le Bloc québécois m'énerve. Je vois là aussi la même bande de vieux politiciens de métier qui ne servent à rien. La ceinture fléchée et les chansons gai-lon-la-le-rosier me font bayer aux corneilles.
Par contre, il est probable que je vote pour eux par dépit. C'est du moins où j'en suis à ce moment.
Par ailleurs, le NPD m'écoeure avec cette idée de défendre le port du niqab lors de la cérémonie d'assermentation pour obtenir la citoyenneté canadienne. Cette piètre défense de la laïcité, au mépris des conquêtes du féminisme, me donne l'envie de leur retirer mon vote. Idem pour le projet de pipeline sur le Saint-Laurent que le NPD appuie pour faire transiter le pétrole sale extirpé des sables bitumineux de l'Alberta. C'est trop pour moi. Et puis Thomas Mulcair, alias Tom Pouce, n'est pas Jack Layton. C'est un ancien collaborateur du gouvernement de Jean Charest-la-matraque. Un type qui a nagé dans les eaux troubles du financement du Parti libéral du Québec. Pouah!
Je vais donc, contre toute attente, en parfaite désespérance de cause, et sans grand enthousiasme, voter pour les dinosaures du Bloc québécois. Ils ne m'inspirent pas grand chose, sinon qu'il leur reste un petit fond de social-démocratie et de patriotisme. Ce petit fond qui fait du Québec une société distincte dans ce grand Canada anachronique qui baise encore le cul de la reine.
Je soutiens l'idéal républicain en accordant mon vote aux dinosaures du Bloc québécois.
C'est là où j'en suis, messieurs, dames, et vous pouvez tous me reprocher que je vais perdre mes élections, que je vais favoriser le retour au pouvoir de Harper, qu'il n'y aura plus de crème glacée aux framboises en vente libre dans les épiceries et tout le tralala.
Duceppe et sa bande de vieilles bottines de feutre du Bloc québécois sont plus près de mes idéaux que tous les autres partis de magouilleurs. Bien sûr, il serait surprenant que le Bloc québécois forme le prochain gouvernement fédéral. Si cela se pouvait, je serais le premier à me tordre de rire. Néanmoins, contre toute attente, je crois que le Bloc québécois est la moins pire des options qui se présente à moi, si j'exclue l'abstention.
Peut-être qu'il est temps de cesser de jouer le jeu du Canada. Peut-être qu'il nous reste un pays à connaître et reconnaître. Peut-être que l'indépendance du Québec donnera aux Québécois les leviers qu'il leur faut pour défendre un autre modèle de gouvernance où la santé et l'éducation seront accessibles, universels et gratuits. Peut-être que l'indépendance du Québec nous sortira des eaux stagnantes de cette monarchie constitutionnelle.
Voilà où j'en suis.
Je vais voter pour le Bloc québécois. Hum... Heu... Ouin...
Je ne vote jamais sur la base d'un programme, mais sur un élan du coeur pour quelque chose qui, en principe, n'en a pas. Voter pour un parti politique, c'est voter pour une poignée de gens mesquins qui complotent en coulisses sur l'art de séduire puis de tromper le peuple. Ce n'est guère enthousiasmant d'accorder sa confiance à un parti tout autant qu'à un système qui tous deux sont corrompus à la base.
Tout me porterait à ne pas aller voter tellement je suis dégoûté. Je suis à deux poils d'adopter la position des anarchistes qui boycottent les urnes et le parlementarisme britannique qui vient avec. Comment peut-on espérer l'émergence d'un authentique pouvoir populaire avec ce système qui perpétue l'injustice et qui se veut le fossoyeur de la démocratie?
Les vieux partis feront appel à toutes les magouilles archi-connues et jamais dénoncées pour se propulser au pouvoir. Ils vont bourrer des autobus de petits vieux impotents qui dodelinent de la tête pour les Bleus ou les Rouges, comme dans le bon vieux temps, et en dépit de toutes les fraudes que les uns ou les autres ont pu commettre.
Les Oranges, s'ils veulent prendre le pouvoir, doivent suivre le même chemin tortueux. Ils vont faire semblant d'aimer les gens, eux aussi. On va les voir au Grand Prix, au rodéo de Saint-Tite et autres événements publics décadents. Ils laisseront leurs convictions de côté pour un vote vilement récolté. Ils adapteront leurs idées au plus fort la poche. Si le programme parle de socialisme, ils bifferont le mot pour le remplacer par solidarité ou crème glacée aux framboises. N'importe quoi pourvu qu'ils soient au pouvoir. Et une fois qu'ils seront au pouvoir, ils voudront ce que veulent tous ceux qui ne peuvent rien: faire comme les autres.
Il me reste trois options: les Verts, le Bloc québécois ou le dépôt d'un bulletin blanc dans les urnes.
Je me mortifie de savoir que les fascistes iront voter. Ce qui rend l'abstentionnisme un peu moins attirant pour ma part.
Les Verts ne m'inspirent rien, sinon que je suis plus vert qu'ils ne le sont. J'abolirais le pétrole, détruirais les autoroutes et ferais pousser des fleurs et des arbres partout s'il n'en tenait qu'à moi. Personne ne me demande mon avis, évidemment. Et c'est tant mieux ainsi.
Le Bloc québécois m'énerve. Je vois là aussi la même bande de vieux politiciens de métier qui ne servent à rien. La ceinture fléchée et les chansons gai-lon-la-le-rosier me font bayer aux corneilles.
Par contre, il est probable que je vote pour eux par dépit. C'est du moins où j'en suis à ce moment.
Par ailleurs, le NPD m'écoeure avec cette idée de défendre le port du niqab lors de la cérémonie d'assermentation pour obtenir la citoyenneté canadienne. Cette piètre défense de la laïcité, au mépris des conquêtes du féminisme, me donne l'envie de leur retirer mon vote. Idem pour le projet de pipeline sur le Saint-Laurent que le NPD appuie pour faire transiter le pétrole sale extirpé des sables bitumineux de l'Alberta. C'est trop pour moi. Et puis Thomas Mulcair, alias Tom Pouce, n'est pas Jack Layton. C'est un ancien collaborateur du gouvernement de Jean Charest-la-matraque. Un type qui a nagé dans les eaux troubles du financement du Parti libéral du Québec. Pouah!
Je vais donc, contre toute attente, en parfaite désespérance de cause, et sans grand enthousiasme, voter pour les dinosaures du Bloc québécois. Ils ne m'inspirent pas grand chose, sinon qu'il leur reste un petit fond de social-démocratie et de patriotisme. Ce petit fond qui fait du Québec une société distincte dans ce grand Canada anachronique qui baise encore le cul de la reine.
Je soutiens l'idéal républicain en accordant mon vote aux dinosaures du Bloc québécois.
C'est là où j'en suis, messieurs, dames, et vous pouvez tous me reprocher que je vais perdre mes élections, que je vais favoriser le retour au pouvoir de Harper, qu'il n'y aura plus de crème glacée aux framboises en vente libre dans les épiceries et tout le tralala.
Duceppe et sa bande de vieilles bottines de feutre du Bloc québécois sont plus près de mes idéaux que tous les autres partis de magouilleurs. Bien sûr, il serait surprenant que le Bloc québécois forme le prochain gouvernement fédéral. Si cela se pouvait, je serais le premier à me tordre de rire. Néanmoins, contre toute attente, je crois que le Bloc québécois est la moins pire des options qui se présente à moi, si j'exclue l'abstention.
Peut-être qu'il est temps de cesser de jouer le jeu du Canada. Peut-être qu'il nous reste un pays à connaître et reconnaître. Peut-être que l'indépendance du Québec donnera aux Québécois les leviers qu'il leur faut pour défendre un autre modèle de gouvernance où la santé et l'éducation seront accessibles, universels et gratuits. Peut-être que l'indépendance du Québec nous sortira des eaux stagnantes de cette monarchie constitutionnelle.
Voilà où j'en suis.
Je vais voter pour le Bloc québécois. Hum... Heu... Ouin...
samedi 19 septembre 2015
Tout faire avec une poche de hockey
Une poche de hockey est un outil formidable pour toute personne qui fréquente assidûment la misère.
En plus de permettre de transporter des accessoires sportifs, la poche de hockey peut facilement contenir une épicerie, une brassée de linge sale ou bien un déménagement subito presto.
Carl Langevin tenait particulièrement à sa poche de hockey ainsi qu'à ce qu'il appelait son cap de roue, un poêlon qui avait perdu son manche qu'il était facile de placer dans ses affaires pour se déplacer d'une ville à l'autre.
Il avait vingt ans, Carl Langevin. Vingt ans et pas un rond. Cependant, il avait sa poche de hockey et son cap de roue, que les puristes de la langue française désignent sous le terme d'enjoliveur. Ça fait plus joli, enjoliveur, mais ça laisse la fonction de côté. On peut faire cuire un oeuf dans un cap de roue. Pas dans un enjoliveur. On peut traîner n'importe quoi dans une poche de hockey. Pas dans un sac de hockey. Ce n'est pas pareil. Le terme que l'on emploie n'est jamais anodin.
Quoi qu'il en soit, Langevin bringuebalait son barda d'un bout à l'autre du pays. Il passait un mois avec une femme, six mois tout seul et le reste était à l'avenant. Au petit bonheur plein de malchance.
-Comment peux-tu sortir avec quelqu'un dont la vie tient toute entière dans une poche de hockey? avait persiflé Maude Grenon, l'amie de Nathalie Cockburn, qui était alors la blonde de Langevin.
-Tu as raison, qu'elle avait répondu. Je vais le crisser là. En plus, il n'a pas de char... J'su's tannée de tout faire en autobus...
Langevin s'était donc retrouvé seul avec sa poche de hockey et son cap de roue, une fois de plus, parce que la vie est chienne et aussi parce que l'amour sort par la porte quand la pauvreté entre par toutes les fenêtres.
Il ne perdait pas grand chose, Langevin. Maude Grenon et Nathalie Cockburn étaient deux cokées pas tout à fait fréquentables. Retrouver sa liberté, aussi pauvrement qu'il pouvait la vivre, ne devait pas faire ciller Langevin outre mesure. En quelque sorte, il l'avait une fois de plus échappé belle. Mieux vaut courir les grands chemins avec sa poche de hockey et son cap de roue que de se soumettre à la morale défaillante de toxicomanes sans âme.
Il était donc parti au Nouveau-Brunswick. Puis en Alberta. On le retrouva ensuite en Colombie-Britannique où, comme par miracle, il se mit à faire du fric.
Langevin s'était trouvé une façon de faire de l'argent en louant sa poche de hockey pour le transport des touristes. Pour une somme relativement considérable, Langevin faisait faire le tour de la ville aux touristes japonais en les faisant s'asseoir dans sa poche de hockey. Hockey Bag Tour City qu'il appelait son petit commerce. Il les trimbalait partout dans Vancouver, un après l'autre, assis confortablement dans sa poche de hockey que Langevin harnachait sur son dos.
D'un Japonais à l'autre, Langevin devint extrêmement riche. Il savait dire, entre autres, domo arigato. Domi arigato qui veut dire merci beaucoup en japonais. Quand on sait ça, dans la vie, c'est certain qu'on devient rapidement riche.
-Domo arigato! qu'il leur disait, Langevin, et les dollars pleuvaient dans sa poche de hockey.
Les Japonais retournaient chez-eux avec des tas de photos pour expliquer à leurs compatriotes qu'il y a des pauvres gens qui trimbalent des touristes dans des poches de hockey au Canada...
Il revint au Québec avec un petit magot d'un million et demi de dollars. Et, à son retour, Langevin a tout bonnement joué son blé à la bourse. Il a acheté quelques milliers d'actions d'une petite compagnie de logiciels informatiques qui lui rapporta mille fois le montant investi. Les actions sont passées de un dollar à mille dollars. Ce qui fait que Langevin devint milliardaire.
Il lui arrivait de se faire importuner par des gens qui le méprisaient du temps où il n'avait rien. Maude Grenon et Nathalie Cockburn avaient vainement tenté d'obtenir un rendez-vous pour qu'il leur prête un peu d'argent pour s'acheter de la poudre. Langevin ne se prêta pas à leur stratagème, bien entendu.
Bien qu'il soit devenu milliardaire, Langevin vit tout aussi frugalement que par le passé. Il couche à même le sol dans un petit logement. Il n'a jamais délaissé son cap de roue. Il s'en sert encore pour faire cuire des oeufs. Et pour ce qui est de sa poche de hockey, qui a été cousue et recousue maintes fois, elle lui est toujours utile pour aller laver son linge sale à la buanderie ou bien pour traîner ses menues affaires.
Langevin doit payer quelques personnes pour préserver son anonymat, ce qui n'est pas toujours facile lorsqu'on est milliardaire. Il distribue à tous les jours de l'argent aux pauvres et aux miséreux. Il lit les journaux pour trouver une bonne cause à soutenir pour chacune de ses journées. L'argent rentre tout seul dans ses comptes bancaires. Son seul souci est de faire le bien avant de mourir.
Il ne dit jamais aux femmes qu'il fréquente de temps à autres qu'il est milliardaire. Il fait semblant de rien. Il se présente chez elles avec sa poche de hockey et son cap de roue pour tester leur degré d'acceptation sociale. Si la femme en question est trop avide de cash, Langevin se pousse tout de suite.
J'oubliais de dire, je m'en rends compte, que Langevin a les cheveux noirs. Les auraient-ils eu verts que cela n'aurait rien changé à cette histoire. Je me devais tout de même de le mentionner puisqu'un bon écrivain se démarque par de belles descriptions, de beaux adjectifs et des tonnes d'adverbes.
vendredi 18 septembre 2015
La survie bien ordinaire de Yolande
Yolande a toujours travaillé à petit salaire, sans nulle autre forme de protection sociale que l'aide dite de dernier recours, c'est-à-dire l'assurance-emploi ou bien l'aide sociale.
Elle a travaillé dans tous les domaines où les travailleurs sont traités comme de la merde. Elle a payé des taxes et des impôts pour tout le monde, sans aucun retour d'ascenseur. Bref, elle n'était rien et n'avait jamais rien.
Elle a bossé au moins dix ans dans la restauration pour des Grecs qui ne lui payaient jamais ses congés fériés.
-Paye pas ça, moui, St-Jean-Baptiste pis Fête Canada... Si toui pas contente, toui travailler ailleurs calice tabarnak! lui avait crié Christopoulos lorsqu'elle lui avait fait l'affront de lui demander pourquoi ses congés fériés n'étaient pas payés.
Comme elle vivait d'une paie à l'autre, Yvonne a donc continué à servir dans ce restaurant, déguisée en Hellène, avec des pompons rouge et tout le tralala.
Dimitri Christopoulos, alias Christ de fou, finit par la congédier à quarante-trois ans parce qu'il trouvait qu'elle ne s'arrangeait pas assez la face.
-Check toui calice tabarnak! Toui pas maquillée, poches en d'sous yeux et toui faire peur clients! Moui veux pas ça calice tabarnak! Toui chercher ailleurs calice tabarnak!
Elle a donc chercher ailleurs, Yolande, mère de cinq adolescents, sans compter son mari, Armand, qui vivotait d'un petit boulot à l'autre tout en buvant les maigres économies de sa femme. Elle a dû se trouver du boulot rapidement parce qu'elle ne pouvait pas se permettre d'attendre huit semaines avant que de recevoir son chèque d'assurance-emploi. De plus, Armand était en dépression nerveuse. Il passait ses journées en robe de chambre à boire de la bière tout en fixant les murs.
Yolande s'est donc trouvé un petit boulot à temps partiel chez Kim Motton's, une chaîne qui vend du café et des beignes. Comme elle ne gagnait pas assez d'argent, elle faisait des ménages chez des bourgeois qui la payaient cinq piastres de l'heure sous la table pour se faire torcher. Ils étaient pas mal exigeants. Surtout Madame Lafortune, qui lui exigeait de désinfecter le bol de toilettes chaque fois qu'elle allait y faire sa diarrhée foireuse. Yolande ravalait sa rage, prenait sa brosse et récurait tout ce caca de riche en serrant les dents et en se bouchant le nez.
Au bout d'un an, son médecin lui a dit qu'elle était épuisée et qu'il devrait la mettre en arrêt de travail pour trois mois. Yolande s'était mise à pleurer en lui disant qu'elle n'avait pas les moyens de ne pas travailler. Le médecin, chez lequel Yolande torchait aussi les toilettes, comprit qu'il valait mieux la bourrer de pilules s'il voulait avoir des toilettes propres pour pas cher.
Elle continua à se chercher un emploi un peu plus stable. Malgré ses poches sous les yeux, ses varices et son burn-out étouffé, elle décrocha un poste de préposé aux bénéficiaires dans une petite résidence privée. Elle obtint un poste de nuit pour torcher des culs et ramasser de l'urine. On la payait au salaire minimum, évidemment. Roger, le propriétaire de l'établissement, avait sa petite théorie sur tout.
-Moé, là, moé ej' connais des millionnaires... Pis on d'vient pas millionnaire en garrochant son argent par les fenêtres... Icitte c'est une business... Si j'vous payais pas au salaire minimum, expliqua-t-il à Yolande, j'mettrais la clé dans 'a porte ben entendu... Ça c'est c'que comprennent pas les maudits syndicats. C'est pour les lâches les syndicats pis moé c'est ben clair que j'veux pas voir ça icitte...
Roger avait un voilier, quatre automobiles de collection, un chalet, une résidence secondaire au Costa Rica, un abonnement dans un club sélect de fumeurs de cigares, etc. L'argent ne poussait pas dans les arbres, comme il disait. Il le prenait là où il était: dans le partenariat public-privé. Il était en quelque sorte un assisté social de luxe qui détestait les gens sur le bien-être et les engageait au noir parce qu'il avait bon coeur...
Quand Yvonne tomba malade suite au déplacement d'une personne hémiplégique, Roger ne fit ni une ni deux pour la congédier. Yolande avait eu le malheur de dire à une collègue qu'elle avait mal au dos depuis qu'elle avait déplacé Madame Lambert. Cette collègue, un vrai panier percé, le fit aussitôt savoir à Roger qui lui accorda une augmentation de dix cents de l'heure pour la récompenser de son espionnage. Yvonne fût congédié sur-le-champ. La larbine aussi parce que Roger n'avait pas les moyens d'accorder des augmentations de dix cents de l'heure.
-Pourquoi qu'vous me mettez dehors Monsieur Roger? lui avait demandé Yolande tout en songeant à l'océan de misère qui l'attendait une fois de plus.
-Tu fais pas l'affaire Yolande... J'su's pas l'Armée du Salut icitte... C'est une business icitte... Faut qu'ça roule... Tu vas pas assez vite depuis une semaine...
Yolande revint chez elle encore plus fourbue qu'à l'habitude. Elle fit un arrêt cardiovasculaire en soirée. Comme elle n'avait pas les moyens de se payer une ambulance et que son auto ne démarrait plus, Armand la regarda mourir en lui demandant si elle voulait un verre d'eau froide.
Son enterrement aura lieu la semaine prochaine. Rien de bien compliqué. Une photo, une urne qui ressemble à une jarre à biscuits et quelques fleurs en plastique.
Roger continue de s'enrichir, évidemment. Madame Lafortune aussi. Cependant Dimitri Christopoulos s'est fait prendre par la Commission des normes du travail qui l'a obligé à payer les congés fériés de ses employés en remontant jusqu'à dix ans. Dimitri Christopoulos a bien l'intention de ne pas payer en faisant faillite ou quelque chose du genre.
-Me r'partirai autrement calice tabarnak!
Elle a travaillé dans tous les domaines où les travailleurs sont traités comme de la merde. Elle a payé des taxes et des impôts pour tout le monde, sans aucun retour d'ascenseur. Bref, elle n'était rien et n'avait jamais rien.
Elle a bossé au moins dix ans dans la restauration pour des Grecs qui ne lui payaient jamais ses congés fériés.
-Paye pas ça, moui, St-Jean-Baptiste pis Fête Canada... Si toui pas contente, toui travailler ailleurs calice tabarnak! lui avait crié Christopoulos lorsqu'elle lui avait fait l'affront de lui demander pourquoi ses congés fériés n'étaient pas payés.
Comme elle vivait d'une paie à l'autre, Yvonne a donc continué à servir dans ce restaurant, déguisée en Hellène, avec des pompons rouge et tout le tralala.
Dimitri Christopoulos, alias Christ de fou, finit par la congédier à quarante-trois ans parce qu'il trouvait qu'elle ne s'arrangeait pas assez la face.
-Check toui calice tabarnak! Toui pas maquillée, poches en d'sous yeux et toui faire peur clients! Moui veux pas ça calice tabarnak! Toui chercher ailleurs calice tabarnak!
Elle a donc chercher ailleurs, Yolande, mère de cinq adolescents, sans compter son mari, Armand, qui vivotait d'un petit boulot à l'autre tout en buvant les maigres économies de sa femme. Elle a dû se trouver du boulot rapidement parce qu'elle ne pouvait pas se permettre d'attendre huit semaines avant que de recevoir son chèque d'assurance-emploi. De plus, Armand était en dépression nerveuse. Il passait ses journées en robe de chambre à boire de la bière tout en fixant les murs.
Yolande s'est donc trouvé un petit boulot à temps partiel chez Kim Motton's, une chaîne qui vend du café et des beignes. Comme elle ne gagnait pas assez d'argent, elle faisait des ménages chez des bourgeois qui la payaient cinq piastres de l'heure sous la table pour se faire torcher. Ils étaient pas mal exigeants. Surtout Madame Lafortune, qui lui exigeait de désinfecter le bol de toilettes chaque fois qu'elle allait y faire sa diarrhée foireuse. Yolande ravalait sa rage, prenait sa brosse et récurait tout ce caca de riche en serrant les dents et en se bouchant le nez.
Au bout d'un an, son médecin lui a dit qu'elle était épuisée et qu'il devrait la mettre en arrêt de travail pour trois mois. Yolande s'était mise à pleurer en lui disant qu'elle n'avait pas les moyens de ne pas travailler. Le médecin, chez lequel Yolande torchait aussi les toilettes, comprit qu'il valait mieux la bourrer de pilules s'il voulait avoir des toilettes propres pour pas cher.
Elle continua à se chercher un emploi un peu plus stable. Malgré ses poches sous les yeux, ses varices et son burn-out étouffé, elle décrocha un poste de préposé aux bénéficiaires dans une petite résidence privée. Elle obtint un poste de nuit pour torcher des culs et ramasser de l'urine. On la payait au salaire minimum, évidemment. Roger, le propriétaire de l'établissement, avait sa petite théorie sur tout.
-Moé, là, moé ej' connais des millionnaires... Pis on d'vient pas millionnaire en garrochant son argent par les fenêtres... Icitte c'est une business... Si j'vous payais pas au salaire minimum, expliqua-t-il à Yolande, j'mettrais la clé dans 'a porte ben entendu... Ça c'est c'que comprennent pas les maudits syndicats. C'est pour les lâches les syndicats pis moé c'est ben clair que j'veux pas voir ça icitte...
Roger avait un voilier, quatre automobiles de collection, un chalet, une résidence secondaire au Costa Rica, un abonnement dans un club sélect de fumeurs de cigares, etc. L'argent ne poussait pas dans les arbres, comme il disait. Il le prenait là où il était: dans le partenariat public-privé. Il était en quelque sorte un assisté social de luxe qui détestait les gens sur le bien-être et les engageait au noir parce qu'il avait bon coeur...
Quand Yvonne tomba malade suite au déplacement d'une personne hémiplégique, Roger ne fit ni une ni deux pour la congédier. Yolande avait eu le malheur de dire à une collègue qu'elle avait mal au dos depuis qu'elle avait déplacé Madame Lambert. Cette collègue, un vrai panier percé, le fit aussitôt savoir à Roger qui lui accorda une augmentation de dix cents de l'heure pour la récompenser de son espionnage. Yvonne fût congédié sur-le-champ. La larbine aussi parce que Roger n'avait pas les moyens d'accorder des augmentations de dix cents de l'heure.
-Pourquoi qu'vous me mettez dehors Monsieur Roger? lui avait demandé Yolande tout en songeant à l'océan de misère qui l'attendait une fois de plus.
-Tu fais pas l'affaire Yolande... J'su's pas l'Armée du Salut icitte... C'est une business icitte... Faut qu'ça roule... Tu vas pas assez vite depuis une semaine...
Yolande revint chez elle encore plus fourbue qu'à l'habitude. Elle fit un arrêt cardiovasculaire en soirée. Comme elle n'avait pas les moyens de se payer une ambulance et que son auto ne démarrait plus, Armand la regarda mourir en lui demandant si elle voulait un verre d'eau froide.
Son enterrement aura lieu la semaine prochaine. Rien de bien compliqué. Une photo, une urne qui ressemble à une jarre à biscuits et quelques fleurs en plastique.
Roger continue de s'enrichir, évidemment. Madame Lafortune aussi. Cependant Dimitri Christopoulos s'est fait prendre par la Commission des normes du travail qui l'a obligé à payer les congés fériés de ses employés en remontant jusqu'à dix ans. Dimitri Christopoulos a bien l'intention de ne pas payer en faisant faillite ou quelque chose du genre.
-Me r'partirai autrement calice tabarnak!
jeudi 17 septembre 2015
Pas de procès pour Guylain Vatencourt, ex-maire de Lafal
Guylain Vatencourt est cet ex-maire de Lafal que l'État poursuit mollement pour gangstérisme, fraude et corruption. On le surnommait le roi de Lafal, cette grosse gangrène aux traits flasques. On prétend qu'il a volé au-delà de 30 millions de dollars aux contribuables au cours de son règne.
Quand la police vint pour l'arrêter, en 2012, Vatencourt s'empressa de dire à l'une de ses complices de flusher de l'argent liquide dans les toilettes de son condominium afin d'éliminer ces preuves irréfutables de banditisme.
Évidemment, Vatencourt, bien qu'il eut les menottes au poing, nia toute forme d'implication dans le détournement des fonds publics vers les poches de lui-même et de ses collaborateurs mafieux. On le libéra sous caution, bien entendu, et depuis nous sommes tous en attente de son procès, qui est remis d'une année à l'autre, de sorte qu'on laisse maintenant entendre qu'il aura lieu en 2022 ou 2025...
Essayez de voler un paquet de gomme dans un dépanneur en espérant que votre procès ait lieu dans 10, 15 ou 20 ans... Il n'y a que ceux qui volent le peuple qui puissent s'en tirer comme ça. Les petits voleurs de la plèbe ont droit à des procès expéditifs. L'injustice est toujours plus rapide que la justice, tout le monde sait ça.
D'ici la tenue du procès de Vatencourt en 2078, il ne fait aucun doute que des témoins et des indices disparaîtront comme par magie.
Les complices de Vatencourt, qui font encore partie de la politique politicienne, du monde des affaires comme du monde interlope, ne tiennent pas à perdre leur temps derrière les barreaux alors que la vie peut être si douce, si belle, si débordante de joie.
On n'accumule pas de l'argent pendant des années pour ne plus pouvoir en profiter. Aussi, juges, avocats, ministres et députés sont tenus de reporter aux calendes grecques le procès de Vatencourt et de sa bande de malandrins.
On en parle parfois aux nouvelles. On publie des entrefilets de temps à autre. Et tout le monde finit par trouver qu'il est normal que Vatencourt et ses fumiers voient leur procès reporté d'une décennie à l'autre.
-Ces gars-là ont beaucoup d'argent et qu'est-cé qu'tu veux qu'on fasse? se contentent de dire les uns et les autres, tous ces gens floués par ces crosseurs pleins d'marde qui se sentent tout autant larbins qu'impuissants devant les caïds.
Par contre, ces mêmes larbins savent se montrer intraitables devant les kids qui bloquent la circulation en disant que nous sommes gouvernés par des bandits. Ils ne tarissent pas d'éloges envers la flicaille qui les matraque.
Les politiciens continuent subrepticement les mêmes stratagèmes qui ont fait la fortune de Vatencourt et ses malabars. Ils se font élire en recevant des enveloppes brunes. Ils bourrent des autobus de vieux frileux analphabètes pour farcir les urnes de bulletins de vote achetés à rabais. Ils distribuent des contrats publics sans appels d'offre. Ils se graissent comme des cochons dans l'auge et personne n'y trouve rien à redire, parce que les étudiants ne peuvent pas manifester tous les jours dans la rue pour rappeler à leurs aînés qu'ils se font enculer par une bande de charognards à cravates qui puent de l'âme.
Guylain Vatencourt a jusqu'à 2322 ou 2425 pour trouver une manière d'invalider son procès. Il se réunit avec une flopée d'avocats qui lui conseillent de faire ceci ou cela. Ils finiront bien par trouver un moyen de s'en sortir, à moins que Vatencourt, qui se fait un peu vieux, ne meure avant la tenue de son procès. Ça arrangerait bien les choses. Tout le monde y trouverait son compte, dont les associés de Vatencourt et les arnaqueurs de la belle province qui imposent aux Québécois l'austérité, une thérapie de choc pour les voler encore plus, jusqu'à ce qu'ils se nourrissent dans les poubelles, tout nus dans la rue, défaits, malades et incapables de se relever pour que justice se fasse.
Quand la police vint pour l'arrêter, en 2012, Vatencourt s'empressa de dire à l'une de ses complices de flusher de l'argent liquide dans les toilettes de son condominium afin d'éliminer ces preuves irréfutables de banditisme.
Évidemment, Vatencourt, bien qu'il eut les menottes au poing, nia toute forme d'implication dans le détournement des fonds publics vers les poches de lui-même et de ses collaborateurs mafieux. On le libéra sous caution, bien entendu, et depuis nous sommes tous en attente de son procès, qui est remis d'une année à l'autre, de sorte qu'on laisse maintenant entendre qu'il aura lieu en 2022 ou 2025...
Essayez de voler un paquet de gomme dans un dépanneur en espérant que votre procès ait lieu dans 10, 15 ou 20 ans... Il n'y a que ceux qui volent le peuple qui puissent s'en tirer comme ça. Les petits voleurs de la plèbe ont droit à des procès expéditifs. L'injustice est toujours plus rapide que la justice, tout le monde sait ça.
D'ici la tenue du procès de Vatencourt en 2078, il ne fait aucun doute que des témoins et des indices disparaîtront comme par magie.
Les complices de Vatencourt, qui font encore partie de la politique politicienne, du monde des affaires comme du monde interlope, ne tiennent pas à perdre leur temps derrière les barreaux alors que la vie peut être si douce, si belle, si débordante de joie.
On n'accumule pas de l'argent pendant des années pour ne plus pouvoir en profiter. Aussi, juges, avocats, ministres et députés sont tenus de reporter aux calendes grecques le procès de Vatencourt et de sa bande de malandrins.
On en parle parfois aux nouvelles. On publie des entrefilets de temps à autre. Et tout le monde finit par trouver qu'il est normal que Vatencourt et ses fumiers voient leur procès reporté d'une décennie à l'autre.
-Ces gars-là ont beaucoup d'argent et qu'est-cé qu'tu veux qu'on fasse? se contentent de dire les uns et les autres, tous ces gens floués par ces crosseurs pleins d'marde qui se sentent tout autant larbins qu'impuissants devant les caïds.
Par contre, ces mêmes larbins savent se montrer intraitables devant les kids qui bloquent la circulation en disant que nous sommes gouvernés par des bandits. Ils ne tarissent pas d'éloges envers la flicaille qui les matraque.
Les politiciens continuent subrepticement les mêmes stratagèmes qui ont fait la fortune de Vatencourt et ses malabars. Ils se font élire en recevant des enveloppes brunes. Ils bourrent des autobus de vieux frileux analphabètes pour farcir les urnes de bulletins de vote achetés à rabais. Ils distribuent des contrats publics sans appels d'offre. Ils se graissent comme des cochons dans l'auge et personne n'y trouve rien à redire, parce que les étudiants ne peuvent pas manifester tous les jours dans la rue pour rappeler à leurs aînés qu'ils se font enculer par une bande de charognards à cravates qui puent de l'âme.
Guylain Vatencourt a jusqu'à 2322 ou 2425 pour trouver une manière d'invalider son procès. Il se réunit avec une flopée d'avocats qui lui conseillent de faire ceci ou cela. Ils finiront bien par trouver un moyen de s'en sortir, à moins que Vatencourt, qui se fait un peu vieux, ne meure avant la tenue de son procès. Ça arrangerait bien les choses. Tout le monde y trouverait son compte, dont les associés de Vatencourt et les arnaqueurs de la belle province qui imposent aux Québécois l'austérité, une thérapie de choc pour les voler encore plus, jusqu'à ce qu'ils se nourrissent dans les poubelles, tout nus dans la rue, défaits, malades et incapables de se relever pour que justice se fasse.
mercredi 16 septembre 2015
La générosité du prof Kirouac
-La compassion est une faculté de l'âme sans laquelle l'homme n'aboutit pas à sa pleine métamorphose tant du point de vue physique que métaphysique...
Le professeur disait cela sur un ton contrit, comme s'il ne savait plus où mettre ses mains ni sa langue. Il y avait devant lui quarante yeux de poisson mort sous lesquels se devinaient la rancoeur et le mépris de bouches qui semblaient laisser s'écouler un long filet de bave. Il y avait bien Linda Belhumeur-Campeau, une jeune fille plutôt brillante, au look gothique, qui semblait ressentir quelque chose tout en mâchouillant son crayon. Cependant, le professeur était surtout atterré par les us et coutumes de son temps où tout ce qui constituait un appel à la générosité de l'être humain était irrémédiablement conspué et tourné au ridicule.
Ce professeur, petit, maigre et la tête remplie de pellicules qui tombaient sur son col roulé existentialiste, n'avait sans doute rien pour plaire. Il n'imposait aucune forme d'autorité et son charisme était semblable à celui d'un grille-pain déconnecté.
-Est-ce que... est-ce que vous avez compris ce que je viens de dire? se risqua-t-il à demander à ses étudiants.
-Mouais... articula un seul étudiant, Jean-René Beauport surnommé Flesh, un gars qui avait toujours des écouteurs sur les oreilles pour savourer la musique de son Ipod. Il écoutait, à ce moment-là, un quelconque groupe gore qui hurlait des insanités sur des riffs de guitare ultra-rapides.
Les autres ne disaient rien. Même Linda Belhumeur-Campeau ne trouva rien à redire.
-La semaine prochaine, l'examen portera sur les étapes de la vie de Sören Kierkegaard, ce dont je vous ai parlé au début du cours... Quelqu'un peut-il me dire en quoi cela consiste?
Silence radio. Ni son ni lumière. On aurait pu entendre mourir une mouche.
Le professeur, embarrassé, consulta ses notes de cours. Puis, résigné, décida de s'asseoir à son bureau pour lire son journal, Le Devoir bien entendu.
-Vous pouvez lire le texte que je vous ai passé au début du cours... Je vous demanderais cependant de le lire en silence... par respect pour vos camarades de classe... Hum...
Évidemment, personne ne lut le texte en question. Tout le monde, même Linda Belhumeur-Campeau, s'est mis à parler avec tout un chacun, sans lire le texte. Le professeur, nullement démonté, continua de lire la section Idées.
Il y avait un texte fort intéressant sur Jacques Derrida.
Ça le dérida un peu.
Puis ce fût la fin du cours. Tout le monde quitta la salle de cours, même le professeur.
Ce professeur, j'ai oublié de le dire, s'appelait Kirouac, Jacques-Yvan Kirouac. Il était vaguement parent avec Jack Kerouac mais ne buvait pas une goutte d'alcool. De plus, il y a belle lurette qu'il n'habitait plus avec sa maman.
Se rendant à son café préféré pour s'y reposer un brin, Jacques-Yvan Kirouac croisa un mendiant sur sa route auquel il remit un billet fripé de vingt dollars. Le mendiant fût ému et étonné. Il s'empara du vingt dollars et se rendit illico chez Flesh, alias Jean-René Beauport, pour s'acheter de la drogue.
Jacques-Yvan Kirouac se sentait l'âme légère, peu importe ce que ce pauvre homme ferait de cet argent. Quand les bottines ne suivent pas les babines, cela ne mène à rien. Personne ne pourrait lui reprocher d'être en contradiction avec ses idées, lui qui n'avait rien et donnait à tout le monde.
C'était un bon gars, le prof Kirouac. Néanmoins, ses cours étaient soporifiques.
Le professeur disait cela sur un ton contrit, comme s'il ne savait plus où mettre ses mains ni sa langue. Il y avait devant lui quarante yeux de poisson mort sous lesquels se devinaient la rancoeur et le mépris de bouches qui semblaient laisser s'écouler un long filet de bave. Il y avait bien Linda Belhumeur-Campeau, une jeune fille plutôt brillante, au look gothique, qui semblait ressentir quelque chose tout en mâchouillant son crayon. Cependant, le professeur était surtout atterré par les us et coutumes de son temps où tout ce qui constituait un appel à la générosité de l'être humain était irrémédiablement conspué et tourné au ridicule.
Ce professeur, petit, maigre et la tête remplie de pellicules qui tombaient sur son col roulé existentialiste, n'avait sans doute rien pour plaire. Il n'imposait aucune forme d'autorité et son charisme était semblable à celui d'un grille-pain déconnecté.
-Est-ce que... est-ce que vous avez compris ce que je viens de dire? se risqua-t-il à demander à ses étudiants.
-Mouais... articula un seul étudiant, Jean-René Beauport surnommé Flesh, un gars qui avait toujours des écouteurs sur les oreilles pour savourer la musique de son Ipod. Il écoutait, à ce moment-là, un quelconque groupe gore qui hurlait des insanités sur des riffs de guitare ultra-rapides.
Les autres ne disaient rien. Même Linda Belhumeur-Campeau ne trouva rien à redire.
-La semaine prochaine, l'examen portera sur les étapes de la vie de Sören Kierkegaard, ce dont je vous ai parlé au début du cours... Quelqu'un peut-il me dire en quoi cela consiste?
Silence radio. Ni son ni lumière. On aurait pu entendre mourir une mouche.
Le professeur, embarrassé, consulta ses notes de cours. Puis, résigné, décida de s'asseoir à son bureau pour lire son journal, Le Devoir bien entendu.
-Vous pouvez lire le texte que je vous ai passé au début du cours... Je vous demanderais cependant de le lire en silence... par respect pour vos camarades de classe... Hum...
Évidemment, personne ne lut le texte en question. Tout le monde, même Linda Belhumeur-Campeau, s'est mis à parler avec tout un chacun, sans lire le texte. Le professeur, nullement démonté, continua de lire la section Idées.
Il y avait un texte fort intéressant sur Jacques Derrida.
Ça le dérida un peu.
Puis ce fût la fin du cours. Tout le monde quitta la salle de cours, même le professeur.
Ce professeur, j'ai oublié de le dire, s'appelait Kirouac, Jacques-Yvan Kirouac. Il était vaguement parent avec Jack Kerouac mais ne buvait pas une goutte d'alcool. De plus, il y a belle lurette qu'il n'habitait plus avec sa maman.
Se rendant à son café préféré pour s'y reposer un brin, Jacques-Yvan Kirouac croisa un mendiant sur sa route auquel il remit un billet fripé de vingt dollars. Le mendiant fût ému et étonné. Il s'empara du vingt dollars et se rendit illico chez Flesh, alias Jean-René Beauport, pour s'acheter de la drogue.
Jacques-Yvan Kirouac se sentait l'âme légère, peu importe ce que ce pauvre homme ferait de cet argent. Quand les bottines ne suivent pas les babines, cela ne mène à rien. Personne ne pourrait lui reprocher d'être en contradiction avec ses idées, lui qui n'avait rien et donnait à tout le monde.
C'était un bon gars, le prof Kirouac. Néanmoins, ses cours étaient soporifiques.
mardi 15 septembre 2015
La thérapie qui choque les Québécois et les Russes
Suite à l'effondrement de l'URSS, la Russie a fait face à une "thérapie de choc" initiée par Boris Eltsine et son ministre des finances, Iegor Gaïdar. Gaïdar était inspiré par Milton Friedman et l'école de Chicago, des libertariens fascisants selon qui le marché devait décider de tout, y compris des normes et valeurs sociales. Leur credo se résumant à laissons le marché libre et nous aurons la société que l'on mérite.
Le règne de Boris Eltsine permit à la mafia russe de prendre du galon. Tout fût plus ou moins liquidé. L'État fût démantelé au profit de ce nouveau Far-West où les millionnaires apparaissaient et disparaissaient dans la minute qui suivait. Tout un chacun se tirait dessus. L'espérance de vie de la population plongea. L'inflation atteignit des sommets inégalés, 1000%, 2000%... Les retraités et salariés de l'État durent bientôt manger dans les poubelles. C'était, aux dires de Iegor Gaïdar, ministre des finances et initiateur de cette thérapie de choc, faire le choix entre la criminalisation de l'économie ou la guerre civile. Il crut bon de choisir les criminels...
Une anecdote circule parmi les Russes selon laquelle Iegor Gaïdar fût le plus grand économiste marxiste de Russie. Il a réussi mieux que Lénine et Staline a discrédité totalement le capitalisme en ce pays...
Vladimir Poutine a perdu son job avec l'effondrement de l'Union Soviétique, effondrement qu'il a qualifié de plus grande tragédie de l'histoire du XXe siècle. Cet ancien agent des services secrets s'est retrouvé à la rue, parmi son peuple, à assister à cette orgie de fric où le Russe moyen était le grand laissé-pour-compte.
On peut évidemment trouver que cette assertion est un peu louche. Pourtant, Poutine, contrairement à Eltsine et Gaïdar, est aimé des Russes parce que sous son règne de nouveau tsar, il a remis la Russie sur les rails. Les retraites et les salaires ont grimpé de près de 50%. Les milliardaires ont été mis au pas. L'éducation et la santé sont redevenues, à peu de choses près, gratuites.
Je ne suis pas un admirateur de Poutine. Mais je puis comprendre que les Russes le préfèrent à tous les scélérats, traîtres et vendus de l'ère de Boris Eltsine. Avec Poutine, les Russes ont retrouvé leur fierté et leur place dans l'histoire mondiale. On ne les traite plus comme des ratés qu'on peut acheter pour un navet et une patate pourris. On a mis au rancart la thérapie de choc et l'école de Chicago.
Bien sûr, les droits et libertés de la personne doivent encore y faire des progrès. Bien sûr, des opposants politiques disparaissent subitement. Bien sûr, Vladimir Poutine a acquis une solide fortune.
Cependant, les Russes ne mangent plus dans les poubelles. Et, on dira ce que l'on voudra, ce fait parle plus que tous les beaux discours avec la main sur le coeur.
***
Au Québec, les libéraux sont en train de pratiquer eux aussi cette thérapie de choc qui ne nous mènera nulle part.
On croit qu'en soumettant l'économie aux lois du marché tout ira mieux. Et je me demande même si l'on croit cela. On applique le modèle de l'école de Chicago pour ensuite remettre les clés du Québec à la mafia. C'est tout ce qu'il faut en comprendre. Les riches seront plus riches. Et les pauvres encore plus misérables.
Bientôt, retraités et salariés de l'État devront manger dans les poubelles. Les professeurs et les médecins devront faire des pipes au coin de la rue pour arrondir leurs fins de mois.
De nouveaux riches apparaîtront, une poignée qui feront la belle vie pendant que tous les autres pleureront. L'argent ne pleuvra pas sur tout le monde. Il demeurera concentré entre les mains d'une bande de voyous qui parasiteront toutes nos ressources collectives et nous ramèneront cent ans derrière, à l'époque où l'on envoyait les enfants à l'usine plutôt qu'à l'école.
J'imagine déjà ce qui se passera par la suite.
Les Québécois vont rejeter massivement cette thérapie de choc. Couillard et ses larbins libertariens seront perçus comme les pires traîtres et vendus que le Québec ait connus. Le capitalisme, parce qu'il aura été sauvage et immoral, sera plus honni que jamais. Et l'État reviendra en force, plus fort que jamais, parce que l'on ne peut pas faire un Martien d'un Terrien, ni un chien d'un chat. On ne peut dire à un type qui a été soigné toute sa vie à l'hôpital qu'il doit maintenant se contenter d'une trousse de Premiers Soins achetée chez Dollarama plutôt que d'un médecin. Bref, c'est perdu d'avance pour la thérapie de choc et les capitalistes sauvages. Ils regretteront amèrement d'avoir tenté de jouir une dernière fois dans le cul du peuple québécois.
Tout semble nous pousser à croire qu'il n'y a rien à l'horizon pour contrecarrer cette thérapie de choc que subissent en ce moment les Québécois. Pourtant, tout est là. Le retour sur les rails se prépare. Je prédis une vague de nationalisations sans précédent de larges pans de notre économie. Je prétends que personne ne descendra dans la rue pour défendre le capitalisme sauvage. Par contre, on en trouvera par centaines de milliers pour rétablir l'État, les droits sociaux et l'égalité économique.
Les manifestations de 2012 ne seront rien par rapport à celles qui surviendront inévitablement au bout de cette thérapie de choc. Les libéraux vont piquer du nez à jamais et pour toujours.
Le règne de Boris Eltsine permit à la mafia russe de prendre du galon. Tout fût plus ou moins liquidé. L'État fût démantelé au profit de ce nouveau Far-West où les millionnaires apparaissaient et disparaissaient dans la minute qui suivait. Tout un chacun se tirait dessus. L'espérance de vie de la population plongea. L'inflation atteignit des sommets inégalés, 1000%, 2000%... Les retraités et salariés de l'État durent bientôt manger dans les poubelles. C'était, aux dires de Iegor Gaïdar, ministre des finances et initiateur de cette thérapie de choc, faire le choix entre la criminalisation de l'économie ou la guerre civile. Il crut bon de choisir les criminels...
Une anecdote circule parmi les Russes selon laquelle Iegor Gaïdar fût le plus grand économiste marxiste de Russie. Il a réussi mieux que Lénine et Staline a discrédité totalement le capitalisme en ce pays...
Vladimir Poutine a perdu son job avec l'effondrement de l'Union Soviétique, effondrement qu'il a qualifié de plus grande tragédie de l'histoire du XXe siècle. Cet ancien agent des services secrets s'est retrouvé à la rue, parmi son peuple, à assister à cette orgie de fric où le Russe moyen était le grand laissé-pour-compte.
On peut évidemment trouver que cette assertion est un peu louche. Pourtant, Poutine, contrairement à Eltsine et Gaïdar, est aimé des Russes parce que sous son règne de nouveau tsar, il a remis la Russie sur les rails. Les retraites et les salaires ont grimpé de près de 50%. Les milliardaires ont été mis au pas. L'éducation et la santé sont redevenues, à peu de choses près, gratuites.
Je ne suis pas un admirateur de Poutine. Mais je puis comprendre que les Russes le préfèrent à tous les scélérats, traîtres et vendus de l'ère de Boris Eltsine. Avec Poutine, les Russes ont retrouvé leur fierté et leur place dans l'histoire mondiale. On ne les traite plus comme des ratés qu'on peut acheter pour un navet et une patate pourris. On a mis au rancart la thérapie de choc et l'école de Chicago.
Bien sûr, les droits et libertés de la personne doivent encore y faire des progrès. Bien sûr, des opposants politiques disparaissent subitement. Bien sûr, Vladimir Poutine a acquis une solide fortune.
Cependant, les Russes ne mangent plus dans les poubelles. Et, on dira ce que l'on voudra, ce fait parle plus que tous les beaux discours avec la main sur le coeur.
***
Au Québec, les libéraux sont en train de pratiquer eux aussi cette thérapie de choc qui ne nous mènera nulle part.
On croit qu'en soumettant l'économie aux lois du marché tout ira mieux. Et je me demande même si l'on croit cela. On applique le modèle de l'école de Chicago pour ensuite remettre les clés du Québec à la mafia. C'est tout ce qu'il faut en comprendre. Les riches seront plus riches. Et les pauvres encore plus misérables.
Bientôt, retraités et salariés de l'État devront manger dans les poubelles. Les professeurs et les médecins devront faire des pipes au coin de la rue pour arrondir leurs fins de mois.
De nouveaux riches apparaîtront, une poignée qui feront la belle vie pendant que tous les autres pleureront. L'argent ne pleuvra pas sur tout le monde. Il demeurera concentré entre les mains d'une bande de voyous qui parasiteront toutes nos ressources collectives et nous ramèneront cent ans derrière, à l'époque où l'on envoyait les enfants à l'usine plutôt qu'à l'école.
J'imagine déjà ce qui se passera par la suite.
Les Québécois vont rejeter massivement cette thérapie de choc. Couillard et ses larbins libertariens seront perçus comme les pires traîtres et vendus que le Québec ait connus. Le capitalisme, parce qu'il aura été sauvage et immoral, sera plus honni que jamais. Et l'État reviendra en force, plus fort que jamais, parce que l'on ne peut pas faire un Martien d'un Terrien, ni un chien d'un chat. On ne peut dire à un type qui a été soigné toute sa vie à l'hôpital qu'il doit maintenant se contenter d'une trousse de Premiers Soins achetée chez Dollarama plutôt que d'un médecin. Bref, c'est perdu d'avance pour la thérapie de choc et les capitalistes sauvages. Ils regretteront amèrement d'avoir tenté de jouir une dernière fois dans le cul du peuple québécois.
Tout semble nous pousser à croire qu'il n'y a rien à l'horizon pour contrecarrer cette thérapie de choc que subissent en ce moment les Québécois. Pourtant, tout est là. Le retour sur les rails se prépare. Je prédis une vague de nationalisations sans précédent de larges pans de notre économie. Je prétends que personne ne descendra dans la rue pour défendre le capitalisme sauvage. Par contre, on en trouvera par centaines de milliers pour rétablir l'État, les droits sociaux et l'égalité économique.
Les manifestations de 2012 ne seront rien par rapport à celles qui surviendront inévitablement au bout de cette thérapie de choc. Les libéraux vont piquer du nez à jamais et pour toujours.
lundi 14 septembre 2015
Anton Tchekhov - 1890 , dernier film de René Féret
Réaliser un
film sur la vie d’un écrivain est un défi de taille. D’autant plus si cet
écrivain avait une vie intérieure intense. Je ne sais pas si la vie de Tolstoï
ou Dostoïevski a été présentée à l’écran. Je ne me donnerai même pas la peine
de googler ça. J’imagine que oui. Si j’avais à le faire, ce qui n’arrivera
jamais fort heureusement, il est certain que je présenterais d’entrée de jeu
les vices et les turpitudes de jeunesse de ces deux grands géants de la
littérature russe. Il y aurait des casinos, des dettes par-dessus la tête, de
la vodka qui coule à flots, des baises à n’en plus finir et des atermoiements
stupides. Puis on passerait à la maturité, à l’écrivain revenu de tout ça qui
cherche un fondement moral à la société pour guérir son foie malade.
Hier, je
suis allé voir Anton Tchekhov -1890,
le dernier film de René Féret. C’est son
dernier film puisqu’il est mort le 28 avril 2015. Je connais peu ce cinéaste.
Je me souviens vaguement d’avoir vu son film Le mystère Alexina, l’histoire d’une institutrice qui tombe en
amour avec une autre institutrice. L’action se passe au XIXe siècle. Et
Alexina, l’institutrice, est en fait un homme… Une femme qui ne savait pas qu’elle
était un homme. Enfin, un truc comme ça.
J’ai
beaucoup lu et relu Tchekhov au cours des dernières semaines. Je l’avais lu
sans vraiment le comprendre lorsque j’avais vingt ans. Je l’ai redécouvert dans
la trentaine après avoir lu Salle 6,
l’un de ses meilleurs récits selon moi. Je l’ai lu de plus en plus
régulièrement dans la quarantaine, comme si Tchekhov, qui est mort à 44 ans, s’adressait
naturellement à cette tranche d’âge.
Pour ce qui
est du film, comme de tout film qui se rapporte plus ou moins à Tchekhov, j’ai
souvent l’impression qu’on laisse un peu de côté l’aspect comique de cet auteur
qui, comme tant d’autres écrivains russes, est sorti du récit Le manteau de Gogol. Je ne me doute pas
que Tchekhov était un homme sérieux. Mais aussi sérieux que ça? Je me pose des
questions…
Le film est
assez fidèle à la trajectoire de Tchekhov. Ce médecin écrit d’abord et avant
tout pour entretenir sa famille. Ses petites histoires sur lesquelles il passe
rarement plus d’une journée sont du divertissement pur. Néanmoins, elle possède
ce petit quelque chose qui les fait vivre longtemps dans votre tête après les
avoir lues. Ce petit quelque chose qui s’appelle du génie.
Un éditeur
et un écrivain russes le remarquent et lui offrent un contrat juteux. Tchekhov
n’abandonne pas la médecine pour autant. Il écrit ses nouvelles, pratique sa
profession médicale et veut laisser sa marque par de bonnes actions, encore
plus que par de bons récits. Ce qui fait qu’on le retrouve bientôt sur l’île de
Sakhaline, en Sibérie, où il enquête sur les mauvais traitements que l’on fait subir
aux prisonniers qui y sont relégués. Tchekhov
n’est pas qu’un écrivain à succès ou bien un docteur respectable. Il tient
aussi à apporter sa contribution à la cessation des misères et souffrances de
son peuple.
Contrairement
à Tolstoï, qui l’a passablement inspiré au début de sa carrière d’écrivain,
Tchekhov n’a pas ces accents de délires mystiques du patriarche de Iasnaïa Poliana.
Tchekhov ne se réfère pas à Dieu, ni à l’amour, ni à quoi que ce soit pour
justifier les bonnes et belles actions. Peut-être possède-t-il un sens prononcé
du devoir et du travail qui lui fait mépriser le cynisme tout autant que le
nihilisme. Rébarbatif à toute forme d’autorité, qu’elle soit politique ou
morale, Tchekhov n’obéit qu’à son cœur, lequel est plutôt froid selon ses
dires, alors qu’il vaudrait mieux dire qu’il n’est pas expansif.
Pour ce qui
est du film, il est à la hauteur des pièces de théâtre de Tchekhov. L’action y
est un tant soit peu secondaire. René Féret suggère un regard introspectif sur
cet homme bientôt atteint de tuberculose, comme son frère mort quelques années
plus tôt, et qui se sait lui aussi condamné au même sort.
Le film ne
peut pas tout raconter. Il laisse en blanc la jeunesse de Tchekhov ainsi que
les derniers mois de sa vie où il s’était finalement marié avec une actrice de
théâtre, lui qui tout au long du film ne cesse de parler contre le mariage.
J’ai
apprécié ce film. Il ne fait pas honte à l’œuvre de Tchekhov. Il est à la
mesure du théâtre de Tchekhov. Un peu moins à l’univers de ses nouvelles.
Pour ceux
qui habitent Trois-Rivières, il est encore possible de le voir au Cinéma LeTapis Rouge jusqu’à la fin du mois. Pour les autres, j’imagine que vous vous
débrouillerez bien sans moi pour le visionner.
dimanche 13 septembre 2015
L'histoire d'un crayon
Il s'appelait Reynald Émond-Mélançon. Néanmoins il signait toutes ses oeuvres Hèrémé, quelque chose qui s'approchait de l'acronyme associé à son prénom et à son nom composé: R.É.M(é). Ces proches l'appelaient parfois Ârihemme, comme le célèbre groupe de musique plus ou moins alternative. Reynald tenait mordicus à ce qu'on l'appelle plutôt Hèrémé, mais il ne réussissait pas vraiment à coller ça dans la mémoire de ses amis tout autant que des inconnus. En général, personne ne le connaissait. Et ce n'est pas parce qu'il n'avait pas tenté d'être célèbre.
Hèrémé était, pour tout dire, un authentique raté, de ce genre de raté que l'on produit par centaines de milliers de nos jours et qui s'efforcent de vivre la vie qu'ils ont imaginée.
Hèrémé était convaincu qu'il était le plus grand artiste de tous les temps. Cependant, il lui manquait un peu de chair autour de l'os pour soutenir ce point de vue. Il avait à son actif trois poèmes, peut-être quatre, une nouvelle intitulée L'histoire d'un crayon ainsi que dix toiles abstraites qui représentaient avec certitude son ambition bien plus que son talent.
Depuis qu'il avait un téléphone dit intelligent, il s'était aussi mis dans la tête qu'il était un photographe de génie. D'où sa récolte de quelques trois cents photos représentant des brins d'herbe qui poussent parmi des pneus usagés.
On ne lui connaissait aucun métier. Hèrémé errait d'un petit boulot à l'autre en se faisant congédier à chaque lundi où il ne se présentait pas au travail compte tenu de sa gueule de bois de la fin de semaine. Il avait donc été successivement commis dans un magasin à grande surface, camelot, graphiste à temps partiel grâce à une subvention à l'emploi, vendeur d'aspirateurs, chômeur, assisté social et pique-assiette des cinq à sept, lancements et vernissages en tous genres.
Pour prouver qu'il était artiste dans l'âme, Hèrémé s'était investi dans sa garde-robe. Il portait essentiellement des vêtements décousus et élimés qui le faisaient ressembler vaguement à l'épouvantail du Magicien d'Oz. Il ne se peignait jamais pour que l'on puisse se dire, en le voyant, qu'avec cette tignasse à la Einstein ce type-là ne pouvait que vous impressionner avec ses connaissances générales en matière de dilatation de l'espace-temps. Mais non. Hèrémé était tout à fait nul dans toutes les sciences, hormis celle de faire son autopromotion.
-L'art est invisible pour les yeux, qu'il disait par exemple, lorsqu'il accordait à une pauvre fille le privilège de voir ses oeuvres abstraites dans l'espoir de coucher avec elle pour évacuer le trop-plein de son génie méconnu.
La plupart du temps, Hèrémé dormait seul. Même L'histoire d'un crayon demeurait sans effet sur les péronnelles. Hèrémé finit heureusement par croire que c'était le lot des artistes maudits que d'être incompris de tous et, surtout, de toutes.
Un jour viendrait où ils mangeraient tous dans sa main, ces ignares et ces incultes, ces gens ordinaires sans passion toujours bien vêtus, bien peignés et bien trop propres pour écrire ne serait-ce qu'une ligne de L'histoire d'un crayon.
Ils n'avaient encore rien vu, rien lu et rien entendu.
Hèrémé préparait aussi un disque compact où il ferait entendre au monde entier des sons nouveaux, des cris bizarres par-dessus lesquels il lisait, entre autres, des passages tirés de L'histoire d'un crayon.
Cela donnait à peu près ceci:
-Le crayon s'ennuyait d'être seul dans son sac à crayons de plastique parmi plein d'autres crayons, dont des crayons feutres, des stylos et un compas. (Bruit de crécelle. Hurlements.) C'était un crayon tout ce qu'il y avait de plus crayon, ni craie ni scie ni manche. C'était tout simplement un crayon. (Rires sardoniques. Tintements de cloche à vache. Cycle de rinçage d'une laveuse.) C'était le plus beau crayon du monde parce qu'il était toujours en ÉRECTION! (Jappements. Miaulements. Croassements.)
Je n'irai pas plus loin dans la description de L'histoire d'un crayon parce que c'était franchement nul à chier. Vous serez plusieurs à me dire que des types comme Hèrémé ont le droit de vivre, ce qui, ma foi, est incontestable.
-Il n'est tout de même pas dangereux! Et puis, il ne dérange personne...
C'est vrai. Hèrémé ne dérange personne. Mais il est devenu dangereux.
Il a fini par tomber sur une bande de fainéants qui tètent des subventions pour promouvoir leurs deux ou trois poèmes, texticules et coloriages dénués de sens.
Pour eux, Hèrémé est un vrai artiste.
Ce qui fait qu'il a fini par décrocher une exposition, puis une bourse, et enfin une situation.
Il est toujours tout aussi raté.
Mais il réussit à vivre en apprêtant L'histoire d'un crayon à toutes les sauces.
On n'aurait pas cru ça il y a dix ans.
L'histoire d'un crayon a pourtant été traduite en mexicain, en roumain et en tchèque. Hèrémé a rencontré plein de gaillards qui, comme lui, vivent depuis des années sur la productions d'une plaquette de poésie, trois poèmes sans syntaxe et une dizaine de barbouillages accompagnés d'éructations sonores. Entre artistes ratés, on s'entraide.
Le commun des mortels est bien sûr demeuré tout aussi commun et surtout mortel. Eux, les immortels, ont compris que la pérennité de leur art est assurée par la fréquentation de pseudo-intellectuels blasés qui cultivent l'esprit de sérieux envers tout ce qui est risible et, pour tout dire, puissamment raté.
On doit se réjouir que des types comme Hèrémé puissent vivre de leur non-art sans avoir à subir la pression constante du mercantilisme qui oblige à produire un livre par année, huit tableaux par mois, six heures de pratique par jour à jouer d'un instrument de musique. Le génie est inné, chez des gens comme Hèrémé. La moindre de leurs crottes de nez surpasse en authenticité ces artistes qui font cavalier seul, loin des institutions et revues officielles.
Hèrémé était, pour tout dire, un authentique raté, de ce genre de raté que l'on produit par centaines de milliers de nos jours et qui s'efforcent de vivre la vie qu'ils ont imaginée.
Hèrémé était convaincu qu'il était le plus grand artiste de tous les temps. Cependant, il lui manquait un peu de chair autour de l'os pour soutenir ce point de vue. Il avait à son actif trois poèmes, peut-être quatre, une nouvelle intitulée L'histoire d'un crayon ainsi que dix toiles abstraites qui représentaient avec certitude son ambition bien plus que son talent.
Depuis qu'il avait un téléphone dit intelligent, il s'était aussi mis dans la tête qu'il était un photographe de génie. D'où sa récolte de quelques trois cents photos représentant des brins d'herbe qui poussent parmi des pneus usagés.
On ne lui connaissait aucun métier. Hèrémé errait d'un petit boulot à l'autre en se faisant congédier à chaque lundi où il ne se présentait pas au travail compte tenu de sa gueule de bois de la fin de semaine. Il avait donc été successivement commis dans un magasin à grande surface, camelot, graphiste à temps partiel grâce à une subvention à l'emploi, vendeur d'aspirateurs, chômeur, assisté social et pique-assiette des cinq à sept, lancements et vernissages en tous genres.
Pour prouver qu'il était artiste dans l'âme, Hèrémé s'était investi dans sa garde-robe. Il portait essentiellement des vêtements décousus et élimés qui le faisaient ressembler vaguement à l'épouvantail du Magicien d'Oz. Il ne se peignait jamais pour que l'on puisse se dire, en le voyant, qu'avec cette tignasse à la Einstein ce type-là ne pouvait que vous impressionner avec ses connaissances générales en matière de dilatation de l'espace-temps. Mais non. Hèrémé était tout à fait nul dans toutes les sciences, hormis celle de faire son autopromotion.
-L'art est invisible pour les yeux, qu'il disait par exemple, lorsqu'il accordait à une pauvre fille le privilège de voir ses oeuvres abstraites dans l'espoir de coucher avec elle pour évacuer le trop-plein de son génie méconnu.
La plupart du temps, Hèrémé dormait seul. Même L'histoire d'un crayon demeurait sans effet sur les péronnelles. Hèrémé finit heureusement par croire que c'était le lot des artistes maudits que d'être incompris de tous et, surtout, de toutes.
Un jour viendrait où ils mangeraient tous dans sa main, ces ignares et ces incultes, ces gens ordinaires sans passion toujours bien vêtus, bien peignés et bien trop propres pour écrire ne serait-ce qu'une ligne de L'histoire d'un crayon.
Ils n'avaient encore rien vu, rien lu et rien entendu.
Hèrémé préparait aussi un disque compact où il ferait entendre au monde entier des sons nouveaux, des cris bizarres par-dessus lesquels il lisait, entre autres, des passages tirés de L'histoire d'un crayon.
Cela donnait à peu près ceci:
-Le crayon s'ennuyait d'être seul dans son sac à crayons de plastique parmi plein d'autres crayons, dont des crayons feutres, des stylos et un compas. (Bruit de crécelle. Hurlements.) C'était un crayon tout ce qu'il y avait de plus crayon, ni craie ni scie ni manche. C'était tout simplement un crayon. (Rires sardoniques. Tintements de cloche à vache. Cycle de rinçage d'une laveuse.) C'était le plus beau crayon du monde parce qu'il était toujours en ÉRECTION! (Jappements. Miaulements. Croassements.)
Je n'irai pas plus loin dans la description de L'histoire d'un crayon parce que c'était franchement nul à chier. Vous serez plusieurs à me dire que des types comme Hèrémé ont le droit de vivre, ce qui, ma foi, est incontestable.
-Il n'est tout de même pas dangereux! Et puis, il ne dérange personne...
C'est vrai. Hèrémé ne dérange personne. Mais il est devenu dangereux.
Il a fini par tomber sur une bande de fainéants qui tètent des subventions pour promouvoir leurs deux ou trois poèmes, texticules et coloriages dénués de sens.
Pour eux, Hèrémé est un vrai artiste.
Ce qui fait qu'il a fini par décrocher une exposition, puis une bourse, et enfin une situation.
Il est toujours tout aussi raté.
Mais il réussit à vivre en apprêtant L'histoire d'un crayon à toutes les sauces.
On n'aurait pas cru ça il y a dix ans.
L'histoire d'un crayon a pourtant été traduite en mexicain, en roumain et en tchèque. Hèrémé a rencontré plein de gaillards qui, comme lui, vivent depuis des années sur la productions d'une plaquette de poésie, trois poèmes sans syntaxe et une dizaine de barbouillages accompagnés d'éructations sonores. Entre artistes ratés, on s'entraide.
Le commun des mortels est bien sûr demeuré tout aussi commun et surtout mortel. Eux, les immortels, ont compris que la pérennité de leur art est assurée par la fréquentation de pseudo-intellectuels blasés qui cultivent l'esprit de sérieux envers tout ce qui est risible et, pour tout dire, puissamment raté.
On doit se réjouir que des types comme Hèrémé puissent vivre de leur non-art sans avoir à subir la pression constante du mercantilisme qui oblige à produire un livre par année, huit tableaux par mois, six heures de pratique par jour à jouer d'un instrument de musique. Le génie est inné, chez des gens comme Hèrémé. La moindre de leurs crottes de nez surpasse en authenticité ces artistes qui font cavalier seul, loin des institutions et revues officielles.
samedi 12 septembre 2015
Les tournesols de Godro
Feu le peintre trifluvien Jean-Marc Gaudreault, alias Godro, a donné des graines de tournesol à ma voisine. Les graines provenaient des tournesols qu'il faisait pousser devant son atelier. Son atelier était situé à deux pas de la cathédrale de Trois-Rivières. Tout comme mon atelier. Ma voisine y a sans doute vu un signe. Elle m'a donné les graines de Godro que je fais pousser à chaque année devant mon atelier-galerie d'art pour lui rendre hommage.
L'an dernier, je les ai plantées vers la mi-juin. Mes tournesols n'étaient pas très beaux. Leurs feuilles étaient souvent mangées par les insectes ou bien brûlées par le soleil. Pourtant, les tournesols nous firent la surprise de produire leur fleur vers la mi-octobre, juste avant que les premières gelées ne viennent les abattre.
Cette année, je les ai plantées au début de mai. Les fleurs sont sorties la semaine dernière. Mes tournesols ont fait face à bien des attaques au cours de l'été. Les insectes ont mangé leurs feuilles. Et le soleil, malgré que je les arrosais tous les jours, a desséché le reste. Néanmoins, nous avons fini par les réchapper. Les tournesols ont produit leur fleur la semaine dernière, de belles fleurs qui auraient pu faire la fortune de Van Gogh.
Moi et ma blonde étions fiers d'obtenir ce beau résultat après avoir travaillé fort pour assurer la survie et la descendance de nos tournesols.
Je les ai arrosés tôt jeudi matin, comme à mon habitude. En après-midi, ma blonde m'a envoyé un texto pour me demander si c'était moi qui avais coupé trois plants de tournesols sur les huit que nous avions. Non, que je lui ai répondu. Nous avons compris qu'une sinistre personne était passée en matinée pour s'approprier les fleurs de nos efforts. Des fleurs qui mourront, sans aucun doute, puisque le plant est resté dans le pot.
J'ai tout de suite pensé que ce devait être l'oeuvre de la même vieille christ de folle que j'avais surprise en train de couper des fleurs chez des voisins. Je pourrais me tromper, évidemment. Ça pourrait être aussi un christ de fou. Quoi qu'il en soit, ça m'a mis en beau tabarnak.
-On a passé des mois à les arroser pour voir sortir les fleurs de nos tournesols puis en deux secondes un christ de fou ou une christ de folle vient les arracher pour les faire crever chez-lui ou chez-elle dans un pot! Maudits humains de marde!
Ce matin, il nous reste encore quelques fleurs dans nos tournesols. J'en ai peint quelques-uns sur la devanture de mon atelier-galerie d'art pour être certain que personne ne va partir avec.
Il y a deux mois, un zouf a arraché les fleurs du restaurant La Binerie Chik, tout près de chez-moi. Que faire en pareil cas? Rempoter les fleurs et recommencer. Rien de plus. Rien de moins. Une manière de dire aux zoufs qu'ils ne réussiront pas à rendre notre monde encore plus laid.
Je vais donc aller arroser les tournesols qu'il nous reste encore et espérer qu'ils se rendent au bout de leur vie pour récupérer leurs graines. Tout cela pour assurer la survivance des tournesols de Godro, une manière bien personnelle d'honorer la mémoire de celui qu'on surnommait aussi Coyote.
vendredi 11 septembre 2015
11 septembre 2001: oubliez ça!
Les politiciens sont toujours honnêtes et les journalistes ne font que de relayer de vraies informations en toutes circonstances. Ceux qui en doutent sont non seulement des rabat-joie, mais aussi des conspirationnistes qui soutiennent toutes sortes de thèses farfelues à l'effet que les puissants de ce monde seraient prêts à faire mourir leur propre peuple pour porter la responsabilité sur un État pour lequel ils cherchent une raison justifiant une invasion militaire. Ce n'est pas sérieux! Comment voulez-vous que des hommes riches à craquer soient aussi cyniques envers leurs semblables? Cela ne s'est jamais vu dans l'histoire. Les hommes riches à craquer ont toujours été des hommes charitables, honnêtes et avisés, tout le monde sait ça. Jamais ils ne se réuniraient entre eux, loin des regards de tous, pour peaufiner des plans machiavéliques contre l'humanité.
Ceux qui prétendent le contraire sont les mêmes qui manifestent pour tout ou rien, qui font signer des pétitions et paralysent l'économie des nations avec leurs dénonciations imaginaires. Comment une personne pauvre et sans ressources peut-elle avoir plus raison qu'une personne riche? Cela tombe sous le sens que les riches voient toujours clair et nous font prendre toujours la bonne direction. Ils savent conduire et bien se conduire. Les pauvres ne savent rien et volent les commerçants honnêtes quand ils prétendent avoir trop faim.
Le 11 septembre 2001 des avions ont percuté les tours du World Trade Center. Des terroristes ont aussi menacé de faire disparaître le Pentagone. Des tas de gens sont morts cette journée-là.
D'aucuns prétendent que cet attentat était l'oeuvre des sionistes. D'autres disent que ce sont des Américains qui ont commis cet acte contre eux-mêmes pour justifier l'envoi de troupes au diable vauvert pour contrôler les puits de pétrole. Les uns prétendent qu'aucun avion n'a vraiment percuté les tours, que ce n'était en fait que des hologrammes. D'autres vont même jusqu'à laisser entendre que l'Arabie Saoudite aurait ourdi ce complot. L'Arabie Saoudite où a travaillé ce bon docteur Couillard, notre Premier ministre du Québec à la barbe fleurie.
Dans les faits, tout ce qu'on peut dire c'est que des gens sont morts pour rien le 11 septembre 2001.
***
Suite à ce délire, un peu de réalité...
Les despotes de ce monde se sont réunis à huis clos pour décider du sort d'autres despotes moins éclairés. Toute guerre qui se pratique dans l'ombre aveugle la société de consommation. Après les attentats, la première chose qui s'est dite, bien sûr, c'est continuez d'acheter. Soyez patriotes: achetez encore et encore! N'ayez pas peur d'acheter. N'ayez pas peur de dépenser. Faites des dépenses pour le Thanksgiving et Noël, comme d'habitude. Les terroristes ne viendront pas nous troubler dans ce que nous avons de plus cher: notre portefeuille!
Les années sont passées. Les bons et honnêtes dirigeants de ce monde ont fait des pieds et des mains pour que nous soyons heureux et libres. Nous pouvons encore nous acheter de la crème glacée. Nous pouvons encore bâtir des tours. Nous pouvons encore faire semblant que rien ne s'est passé. Et même s'il s'était passé quelque chose d'infâme et d'innommable, eh bien personne ne voudrait le savoir. Il y a des limites à déprimer. Des limites à avoir les yeux grands ouverts et les oreilles pas tout à fait bouchées.
Alors si vous êtes de ceux et celles qui doutent de tout, oubliez ça!
Ceux qui prétendent le contraire sont les mêmes qui manifestent pour tout ou rien, qui font signer des pétitions et paralysent l'économie des nations avec leurs dénonciations imaginaires. Comment une personne pauvre et sans ressources peut-elle avoir plus raison qu'une personne riche? Cela tombe sous le sens que les riches voient toujours clair et nous font prendre toujours la bonne direction. Ils savent conduire et bien se conduire. Les pauvres ne savent rien et volent les commerçants honnêtes quand ils prétendent avoir trop faim.
Le 11 septembre 2001 des avions ont percuté les tours du World Trade Center. Des terroristes ont aussi menacé de faire disparaître le Pentagone. Des tas de gens sont morts cette journée-là.
D'aucuns prétendent que cet attentat était l'oeuvre des sionistes. D'autres disent que ce sont des Américains qui ont commis cet acte contre eux-mêmes pour justifier l'envoi de troupes au diable vauvert pour contrôler les puits de pétrole. Les uns prétendent qu'aucun avion n'a vraiment percuté les tours, que ce n'était en fait que des hologrammes. D'autres vont même jusqu'à laisser entendre que l'Arabie Saoudite aurait ourdi ce complot. L'Arabie Saoudite où a travaillé ce bon docteur Couillard, notre Premier ministre du Québec à la barbe fleurie.
Dans les faits, tout ce qu'on peut dire c'est que des gens sont morts pour rien le 11 septembre 2001.
***
Suite à ce délire, un peu de réalité...
Les despotes de ce monde se sont réunis à huis clos pour décider du sort d'autres despotes moins éclairés. Toute guerre qui se pratique dans l'ombre aveugle la société de consommation. Après les attentats, la première chose qui s'est dite, bien sûr, c'est continuez d'acheter. Soyez patriotes: achetez encore et encore! N'ayez pas peur d'acheter. N'ayez pas peur de dépenser. Faites des dépenses pour le Thanksgiving et Noël, comme d'habitude. Les terroristes ne viendront pas nous troubler dans ce que nous avons de plus cher: notre portefeuille!
Les années sont passées. Les bons et honnêtes dirigeants de ce monde ont fait des pieds et des mains pour que nous soyons heureux et libres. Nous pouvons encore nous acheter de la crème glacée. Nous pouvons encore bâtir des tours. Nous pouvons encore faire semblant que rien ne s'est passé. Et même s'il s'était passé quelque chose d'infâme et d'innommable, eh bien personne ne voudrait le savoir. Il y a des limites à déprimer. Des limites à avoir les yeux grands ouverts et les oreilles pas tout à fait bouchées.
Alors si vous êtes de ceux et celles qui doutent de tout, oubliez ça!
jeudi 10 septembre 2015
Simplement
Je nourris ce blogue depuis le mois d'avril 2007. J'ai écrit plus de 2397 billets au fil des ans. Ce blogue ne serait rien sans vous, lecteurs et lectrices. Et j'oserais presque dire que je ne serais rien sans ce blogue.
Ce blogue s'intitule Simplement pour faire écho au titre d'une émission radiophonique hebdomadaire que j'animais de 1999 à 2000 sur les ondes de Radio Basse-Ville, une radio communautaire de Québec. Cette émission de radio m'aura aussi sauvé la voix. J'avais été congédié de mon poste de directeur de la programmation à CFOU 89,1 FM, la radio étudiante de l'Université du Québec à Trois-Rivières. J'y tenais des propos jugés trop anarchistes de sorte que ma tête a roulé dans le panier suite à une plainte de la Société Saint-Jean-Baptiste. Une plainte remplie de fautes d'orthographe qui me reprochait de tolérer et d'encourager une mauvaise qualité du français en ondes... J'ai donc pris mes cliques et mes claques pour m'enfoncer encore plus dans le chômage et la pauvreté, jusqu'à ce que je déménage à Québec pour y décrocher un emploi.
Je revins à Trois-Rivières au bout d'un an pour partir Le Vagabond, un journal de rue semblable à L'Itinéraire que des désoeuvrés vendent sur la rue à Montréal.
On m'y a encore reproché de tenir des propos anarchisants et de les encourager chez mes collaborateurs. J'avais osé écrire, entre autres, que je gagnais 38,90$ de l'heure pour voir les gens crever de faim autour de moi. Pour ne pas finir dans leur marmite, je leur payais la pizza et les cigarettes... J'étais payé par la Commission scolaire à titre d'éducateur puisque je permettais à ceux qui fréquentaient Le Vagabond de poursuivre leur cheminement scolaire. On m'a aussi reproché d'avoir critiqué la qualité des denrées alimentaires que Moisson Mauricie donnaient aux pauvres qui fréquentaient Le Vagabond. Bref, on m'a mis dehors pour une poignée d'échalotes pourries dont je n'aurais jamais dû parler... Cela ne devait pas se savoir...
Je me suis retrouvé à la rue, une fois de plus. Je me suis relevé tant bien que mal en faisant des transcriptions, de la traduction et toutes sortes de trucs dont je ne me souviens plus.
Après avoir perdu le micro puis l'imprimé, je me suis tourné naturellement vers l'Internet pour obtenir ce privilège de faire entendre ma voix. Grâce à l'Internet, plus personne n'arriverait à me taire.
J'ai bien sûr eu quelques ennuis. J'ai été menacé de poursuites par le maire d'un quelconque trou reculé de la province pour avoir dévoilé au grand jour toute son infamie. J'ai résisté à ces menaces et continué à publier mes caricatures. Plus personne n'allait me la fermer cette fois-ci. J'étais libre d'écrire, de dessiner et de chanter tout ce que bon me semblait.
Évidemment, je n'ai pas fait que soulever la controverse. J'ai suivi en quelque sorte le programme que s'était fixé Dostoïevski alors qu'il rédigeait son Journal d'un écrivain. Un jour je publiais une attaque en règle contre les mafieux du gouvernement, le lendemain je compensais avec un conte philosophique et ainsi de suite. J'ai évité de m'enfoncer dans la critique, la politique et tout ce qui fait généralement la fortune d'un chroniqueur. J'avais besoin d'écrire encore plus que de chroniquer. Et puis ma passion pour l'art a toujours été plus forte que tout le charabia politique.
Mes textes à consonance politique ont toujours trouvé une plus large audience. Pourtant, ils résistent mal à l'épreuve du temps. Je les perçois comme des obligations, un devoir qui me sera reproché un jour ou l'autre. Quand on ne dit rien, bien sûr, on ne risque rien.
Quoi qu'il en soit, je préfère de loin mes textes à plus faible audience. mes nouvelles, mes fables et mes paraboles. Elles ne sont pas reprises par tout un chacun et pourtant je sais qu'elles me survivront.
Pour terminer, je me donne pour objectif d'écrire simplement. Éric Clapton est un virtuose de la guitare. Pourtant, ce sont ces simples notes qui me touchent le plus. Il en va ainsi des grands textes. Tchékhov était simple par choix. Il aurait pu écrire des textes surchargés de mots précieux et complexes. Il ne le faisait pas afin que le lecteur ne soit pas détourné du propos par une monomanie inutile et desséchée.
Je ne suis pas toujours à la hauteur de ce que j'avance. Mon idéal repose néanmoins sur la simplicité.
Je vous remercie, tous et toutes, de me lire et de faire savoir à vos amis que je vaux la peine d'être lu.
Je ne vous demanderai jamais un sou.
Je ferai mon argent ailleurs.
L'essentiel, c'est que je puisse bénéficier d'un exutoire.
Merci à l'Internet de m'avoir rendu libre.
Merci à vous de me le rendre bien.
Ce blogue s'intitule Simplement pour faire écho au titre d'une émission radiophonique hebdomadaire que j'animais de 1999 à 2000 sur les ondes de Radio Basse-Ville, une radio communautaire de Québec. Cette émission de radio m'aura aussi sauvé la voix. J'avais été congédié de mon poste de directeur de la programmation à CFOU 89,1 FM, la radio étudiante de l'Université du Québec à Trois-Rivières. J'y tenais des propos jugés trop anarchistes de sorte que ma tête a roulé dans le panier suite à une plainte de la Société Saint-Jean-Baptiste. Une plainte remplie de fautes d'orthographe qui me reprochait de tolérer et d'encourager une mauvaise qualité du français en ondes... J'ai donc pris mes cliques et mes claques pour m'enfoncer encore plus dans le chômage et la pauvreté, jusqu'à ce que je déménage à Québec pour y décrocher un emploi.
Je revins à Trois-Rivières au bout d'un an pour partir Le Vagabond, un journal de rue semblable à L'Itinéraire que des désoeuvrés vendent sur la rue à Montréal.
On m'y a encore reproché de tenir des propos anarchisants et de les encourager chez mes collaborateurs. J'avais osé écrire, entre autres, que je gagnais 38,90$ de l'heure pour voir les gens crever de faim autour de moi. Pour ne pas finir dans leur marmite, je leur payais la pizza et les cigarettes... J'étais payé par la Commission scolaire à titre d'éducateur puisque je permettais à ceux qui fréquentaient Le Vagabond de poursuivre leur cheminement scolaire. On m'a aussi reproché d'avoir critiqué la qualité des denrées alimentaires que Moisson Mauricie donnaient aux pauvres qui fréquentaient Le Vagabond. Bref, on m'a mis dehors pour une poignée d'échalotes pourries dont je n'aurais jamais dû parler... Cela ne devait pas se savoir...
Je me suis retrouvé à la rue, une fois de plus. Je me suis relevé tant bien que mal en faisant des transcriptions, de la traduction et toutes sortes de trucs dont je ne me souviens plus.
Après avoir perdu le micro puis l'imprimé, je me suis tourné naturellement vers l'Internet pour obtenir ce privilège de faire entendre ma voix. Grâce à l'Internet, plus personne n'arriverait à me taire.
J'ai bien sûr eu quelques ennuis. J'ai été menacé de poursuites par le maire d'un quelconque trou reculé de la province pour avoir dévoilé au grand jour toute son infamie. J'ai résisté à ces menaces et continué à publier mes caricatures. Plus personne n'allait me la fermer cette fois-ci. J'étais libre d'écrire, de dessiner et de chanter tout ce que bon me semblait.
Évidemment, je n'ai pas fait que soulever la controverse. J'ai suivi en quelque sorte le programme que s'était fixé Dostoïevski alors qu'il rédigeait son Journal d'un écrivain. Un jour je publiais une attaque en règle contre les mafieux du gouvernement, le lendemain je compensais avec un conte philosophique et ainsi de suite. J'ai évité de m'enfoncer dans la critique, la politique et tout ce qui fait généralement la fortune d'un chroniqueur. J'avais besoin d'écrire encore plus que de chroniquer. Et puis ma passion pour l'art a toujours été plus forte que tout le charabia politique.
Mes textes à consonance politique ont toujours trouvé une plus large audience. Pourtant, ils résistent mal à l'épreuve du temps. Je les perçois comme des obligations, un devoir qui me sera reproché un jour ou l'autre. Quand on ne dit rien, bien sûr, on ne risque rien.
Quoi qu'il en soit, je préfère de loin mes textes à plus faible audience. mes nouvelles, mes fables et mes paraboles. Elles ne sont pas reprises par tout un chacun et pourtant je sais qu'elles me survivront.
Pour terminer, je me donne pour objectif d'écrire simplement. Éric Clapton est un virtuose de la guitare. Pourtant, ce sont ces simples notes qui me touchent le plus. Il en va ainsi des grands textes. Tchékhov était simple par choix. Il aurait pu écrire des textes surchargés de mots précieux et complexes. Il ne le faisait pas afin que le lecteur ne soit pas détourné du propos par une monomanie inutile et desséchée.
Je ne suis pas toujours à la hauteur de ce que j'avance. Mon idéal repose néanmoins sur la simplicité.
Je vous remercie, tous et toutes, de me lire et de faire savoir à vos amis que je vaux la peine d'être lu.
Je ne vous demanderai jamais un sou.
Je ferai mon argent ailleurs.
L'essentiel, c'est que je puisse bénéficier d'un exutoire.
Merci à l'Internet de m'avoir rendu libre.
Merci à vous de me le rendre bien.
mercredi 9 septembre 2015
Cédrick Dumaine et les maudits artistes
Cédrick Dumaine est un énergumène de quarante-quelques piges qui passent son temps à maudire les intellectuels, les artistes et, bien sûr, les gauchistes. Cet homme moyen n'arrive pas à comprendre que l'on puisse vivre en-dehors de la norme qu'il croyait établie pour tout un chacun. Dans sa tête un peu trop carrée, tout s'explique par des chiffres ou bien par la description de son compte de taxes. Bien qu'il soit présomptueux de négliger l'importance de l'économie, il est pour le moins pathétique que de tout ramener vers le plus bas dénominateur commun. C'est pourtant tout ce que sait faire Cédrick Dumaine -qui est toujours bien peigné, les cheveux gominés sans un seul poil qui dépasse. Un vrai douchbag si ce n'était qu'il n'a pas vraiment de muscles.
-Ces crottés d'artistes... Je les déteste! C'est nous qui les faisons vivre avec notre argent, ces foutus parasites! qu'il dit maintenant dans un micro.
Il faut dire que Cédrick Dumaine a été embauché par une bande de skinheads recyclés en propriétaires de stations de radio, lesquels bénéficient de l'appui de tous ces financiers en mal d'idées d'extrême-droite pour juguler leurs contradicteurs au sein de la plèbe.
Patrick Casque-de-bain, le propriétaire de VOMI Radio-IXE a tout de suite su apprécier le talent de Cédrick Dumaine pour tenir des propos de larbin désoeuvré. On lui a accordé un micro et des heures de grande écoute pour qu'il puisse livrer leur message, toujours le même, selon lequel tous les artistes, tous les intellectuels et tous les gauchistes sont d'indécrottables parasites. De même que les immigrants, les migrants, les races, les féministes, les pharmaciens, les trisomiques, les unijambistes, les sourds et muets, les orthophonistes, bref tous ceux et celles qui n'achètent jamais de publicité pour faire rouler VOMI Radio-IXE.
Cédrick Dumaine a son lot d'admirateurs. Des jeunes hommes blancs, à peu près vierges, qui sont en colère de ne savoir ni lire ni écrire. Ces gars-là se sentent abandonnés tant par le système que par les femmes. Ce qui fait qu'ils fréquentent les bars de danseuses et se paient des prostituées pour se conférer l'illusion que le charme réside dans un portefeuille bien garni, ce qui représente bien plus leur espérance qu'une réalité intrinsèque. En fait, tous les auditeurs de VOMI Radio-IXE sont des paumés qui ont honte de l'être. S'ils bombent le torse c'est pour s'en prendre à ceux qu'ils considèrent comme des perdants afin de ne plus voir cette image de loser reflétée par leur miroir.
Tous leurs préjugés et tout leur ressentiment trouvent grâce dans la bouche de Cédrick Dumaine. Grâce à lui, les larbins ne sont plus des salariés au statut précaire menacés de chômage et d'aide sociale. Ils deviennent des travailleurs honnêtes et consciencieux, des amateurs de chars et de poulettes fraîches qui n'auront jamais à faire la file pour recevoir un chèque de l'État. Pourtant, ces pauvres cons tombent un par un, tous les jours. Et tous les jours, ces satanés gauchistes recrutent ceux qui sont passés du statut de winner à celui de loser.
La vie privée de Cédrick Dumaine est aussi nulle à chier qu'elle ne l'était du temps où il était seulement un petit militant d'un petit parti de droite. Les femmes sont facilement influençables et finissent toujours par tomber sous le charme des crottés ou bien des artistes. Il suffit qu'un gus leur fasse les yeux doux en leur chantant la pomme pour qu'elles flanchent. Les femmes des années '50 n'étaient pas comme ça. Elles étaient de bonnes épouses qui ne se laissaient pas enfirouâpés par des communistes qui jouent de la guitare ou du tambourin.
Ce qui fait que Cédrick Dumaine pratique l'autosatisfaction sexuelle entre deux séances de micro ouvert.
Patrick Casque-de-Bain, de VOMI Radio-IXE, aimerait bien que Cédrick se présente sous la bannière conservatrice. Il a toutes les qualités pour ça: il lui lèche le cul et mange dans sa main. S'acheter un politicien est plus compliqué que de s'en fabriquer un chez-soi, comme à la maison.
-Maudits artistes! si j'étais élu, je leur couperais les vivres! On n'aurait plus de films de fifs et de chansons que personne n'écouterait s'il n'y avait pas les quotas francophones du CRTC! Si le monde votait pour moi, ils voteraient pour eux, pour leur portefeuille, parce qu'on en a plein le casque de payer pour des parasites!!!
Les parasites, les vrais, sont fiers de se payer un larbin comme Cédrick Dumaine pour servir leurs paradis fiscaux et leur vision d'un monde chaotique géré au plus fort la poche. Ils s'en débarrasseront comme d'une crotte de nez le jour où il ne les amusera plus. Cédrick Dumaine pourra toujours rejoindre la cohorte de ceux et celles qui font la file pour mendier un chèque de l'État, si et seulement si l'État existe encore d'ici là.
-Ces crottés d'artistes... Je les déteste! C'est nous qui les faisons vivre avec notre argent, ces foutus parasites! qu'il dit maintenant dans un micro.
Il faut dire que Cédrick Dumaine a été embauché par une bande de skinheads recyclés en propriétaires de stations de radio, lesquels bénéficient de l'appui de tous ces financiers en mal d'idées d'extrême-droite pour juguler leurs contradicteurs au sein de la plèbe.
Patrick Casque-de-bain, le propriétaire de VOMI Radio-IXE a tout de suite su apprécier le talent de Cédrick Dumaine pour tenir des propos de larbin désoeuvré. On lui a accordé un micro et des heures de grande écoute pour qu'il puisse livrer leur message, toujours le même, selon lequel tous les artistes, tous les intellectuels et tous les gauchistes sont d'indécrottables parasites. De même que les immigrants, les migrants, les races, les féministes, les pharmaciens, les trisomiques, les unijambistes, les sourds et muets, les orthophonistes, bref tous ceux et celles qui n'achètent jamais de publicité pour faire rouler VOMI Radio-IXE.
Cédrick Dumaine a son lot d'admirateurs. Des jeunes hommes blancs, à peu près vierges, qui sont en colère de ne savoir ni lire ni écrire. Ces gars-là se sentent abandonnés tant par le système que par les femmes. Ce qui fait qu'ils fréquentent les bars de danseuses et se paient des prostituées pour se conférer l'illusion que le charme réside dans un portefeuille bien garni, ce qui représente bien plus leur espérance qu'une réalité intrinsèque. En fait, tous les auditeurs de VOMI Radio-IXE sont des paumés qui ont honte de l'être. S'ils bombent le torse c'est pour s'en prendre à ceux qu'ils considèrent comme des perdants afin de ne plus voir cette image de loser reflétée par leur miroir.
Tous leurs préjugés et tout leur ressentiment trouvent grâce dans la bouche de Cédrick Dumaine. Grâce à lui, les larbins ne sont plus des salariés au statut précaire menacés de chômage et d'aide sociale. Ils deviennent des travailleurs honnêtes et consciencieux, des amateurs de chars et de poulettes fraîches qui n'auront jamais à faire la file pour recevoir un chèque de l'État. Pourtant, ces pauvres cons tombent un par un, tous les jours. Et tous les jours, ces satanés gauchistes recrutent ceux qui sont passés du statut de winner à celui de loser.
La vie privée de Cédrick Dumaine est aussi nulle à chier qu'elle ne l'était du temps où il était seulement un petit militant d'un petit parti de droite. Les femmes sont facilement influençables et finissent toujours par tomber sous le charme des crottés ou bien des artistes. Il suffit qu'un gus leur fasse les yeux doux en leur chantant la pomme pour qu'elles flanchent. Les femmes des années '50 n'étaient pas comme ça. Elles étaient de bonnes épouses qui ne se laissaient pas enfirouâpés par des communistes qui jouent de la guitare ou du tambourin.
Ce qui fait que Cédrick Dumaine pratique l'autosatisfaction sexuelle entre deux séances de micro ouvert.
Patrick Casque-de-Bain, de VOMI Radio-IXE, aimerait bien que Cédrick se présente sous la bannière conservatrice. Il a toutes les qualités pour ça: il lui lèche le cul et mange dans sa main. S'acheter un politicien est plus compliqué que de s'en fabriquer un chez-soi, comme à la maison.
-Maudits artistes! si j'étais élu, je leur couperais les vivres! On n'aurait plus de films de fifs et de chansons que personne n'écouterait s'il n'y avait pas les quotas francophones du CRTC! Si le monde votait pour moi, ils voteraient pour eux, pour leur portefeuille, parce qu'on en a plein le casque de payer pour des parasites!!!
Les parasites, les vrais, sont fiers de se payer un larbin comme Cédrick Dumaine pour servir leurs paradis fiscaux et leur vision d'un monde chaotique géré au plus fort la poche. Ils s'en débarrasseront comme d'une crotte de nez le jour où il ne les amusera plus. Cédrick Dumaine pourra toujours rejoindre la cohorte de ceux et celles qui font la file pour mendier un chèque de l'État, si et seulement si l'État existe encore d'ici là.
mardi 8 septembre 2015
Trois contes sans philosophie
Le silence et
l’inaction ! Peu d’hommes arrivent à comprendre leur efficacité.
Lao Tseu, Tao-Tei-King, Chapitre 43 (traduit par Léon Wieger)
Firmin
Il ne portait jamais de chapeau, même lorsqu’il pleuvait.
On disait de lui qu’il était un saltimbanque, alors qu’il ne l’était pas du
tout. Son nez était rond et plusieurs le désignaient sous le sobriquet de Nez
Aquilin. Sa vie était un insondable quiproquo. Rien ne se passait jamais comme
il l’aurait fallu dans sa vie. Il détestait les mathématiques et le hockey.
Pourtant il gagnait sa vie à produire des statistiques pour des paris de hockey.
Ce qui fait qu’un jour il s’est fatigué de tout ça.
Il a vendu tous ses trucs et est devenu astronaute.
Aucun pays n’a encore retenu ses services, mais il s’en
fout pas mal.
-L’important c’est de faire ce que l’on aime. Et si l’on
ne peut pas le faire, il n’y a rien de mal à ne rien faire.
Il ne porte pas plus de chapeau de nos jours qu’il ne le
faisait par le passé.
On dit encore de lui qu’il est un saltimbanque alors qu’il
ne l’est pas du tout.
Son nez rond n’intéresse personne.
J’oubliais de vous dire qu’il s’appelle Firmin
Grandmaison.
Ce n’est pas un beau prénom, Firmin.
Chaque fois qu’il se nomme, on lui demande de répéter.
-Comment vous dites?
-Firmin! Je m’appelle Firmin!
-A-t-on idée de s’appeler Firmin! Ha! Ha! Ha!
-Très drôle…
Comme quoi les gens sont tout autant impolis que
détestables.
O-di-ail-ho!
-O-di-ail-ho! qu’il gueulait. O-di-ail-ho!
Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier?
D’abord, cela voulait dire qu’il gueulait. Pour ce qui
est du sens à donner à ses hurlements, il fallait s’en remettre aux traits de
son visage.
Aussi caricatural que cela puisse sembler, ce type avait
l’air d’un panier d’osier défoncé. On ne lui aurait pas donné une pomme. Son
regard fuyant et ses bras malingres n’avaient rien d’accueillant. Pour ajouter
un peu plus de misère à ce tableau, il passait toutes ses journées à gueuler O-di-ail-ho!
Il avait exactement vingt-huit ans, trois mois et quatre
jours. Personne n’avait célébré son anniversaire puisqu’il vivait seul, isolé
et solitaire. Le facteur lui-même ne savait pas qu’il existait. C’est à peine s’il
constatait que le courrier était ramassé tous les jours même si le logement
était laid, miteux et malodorant. Le facteur, un grand gaillard qui
boitait de la jambe gauche, ne s’étonnait jamais de rien.
-Take the money and
run! qu’il disait, le facteur.
Et le facteur courrait dans tous les bars de la ville
chaque fois qu’il recevait son salaire.
Le gars qui gueulait O-di-ail-ho n’avait pas d’occupations
connues. Il ne vivait pas de l’aide sociale puisqu’il ne recevait jamais de
courrier le premier du mois, bien qu’il eût très bien pu être inscrit au
programme gouvernemental de dépôt bancaire automatisé. Il est tout aussi
possible d’affirmer qu’il n’avait pas d’hélicoptère puisque la majorité des
habitants de son quartier n’en avaient pas. S’ils en avaient eu un, cela se
saurait. Il y a tellement de commères dans ce quartier-là que l’on vient te
voler la gomme jusque dans ta bouche.
Hier, un malpris qui travaille une fois par dix ans pour
le recensement s’est présenté chez-lui pour en savoir plus à son sujet.
-Bonjour monsieur, qu’il lui a dit, je m’appelle Firmin
Grandmaison et je travaille pour le recensement.
-O-di-ail-ho! lui répliqua le gars en forme de panier d’osier
défoncé.
-Êtes-vous né au Canada?
-Non. Je suis né à Notre-Dame-du-Mont-Carmel.
-Donc, vous êtes né au Canada?
-Non. À Notre-Dame-du-Mont-Carmel.
-À Notre-Dame-du-Mont-Carmel près de Saint-Louis-de-France
et de Shawinigan-Sud?
-Oui.
-Donc, vous êtes né au Canada.
-O-di-ail-ho!
…
Je vous priverai du reste de la conversation. Elle fût
plutôt facétieuse et sans intérêt. Vous finiriez par m’en vouloir de ne m’intéresser
qu’à des personnages tertiaires et pire encore.
Il
ne faut jamais dire crevette
La mer est belle quand l’eau se fait le miroir d’un ciel
bleu que l’on contemple au-travers du goulot d’une bouteille.
Paul Paillé était un alcoolique notoire qui tentait tant
bien que mal de maintenir son anonymat en buvant sur des plages désertées. Il
buvait surtout du Saint-Georges, un porto que l’on achète à vil prix à l’épicerie
de son village perdu au milieu de nulle part.
Une fois fin saoul, il rotait, beaucoup et très fort.
Les hérons et les mouettes lui répondaient parfois.
Sinon, il se contentait du bruit des vagues qui, comme on
le sait, ne produisent jamais d’écho.
Paul Paillé se fit prendre à ce jeu l’un de ces jours où
il rotait tout son soûl.
-Barrrrrp! qu’il faisait en se fermant les yeux. Barrrrp!
-T’as pas fini d’roter hostie d’vieux cochon? qu’une voix
pas trop féminine lui répondit.
C’ était la voix de sa cousine, Rita Paillé, une
mastodonte qui occupait la fonction de pompier volontaire. Elle aurait voulu
devenir reine du tennis mais elle n’avait pas de raquette. Ce qui fait qu’elle
devint pompier volontaire puisque personne ne s’était porté volontaire.
-Qu’est-ce que tu fais icitte dans l’boutte Rita?
-J’sais pas. Rien. Pis toé, vieux creton?
-T’en veux-tu une gorgée? dit l’ivrogne en lui tendant sa
bouteille de Saint-Georges.
-Non! qu’elle lui répliqua en balançant un solide coup de
pied sur la bouteille qui revola jusqu’au diable vauvert.
Paul Paillé ne fit rien. Il avait sans doute assez bu.
Pour toute réplique, il tomba tête première sur le sable chaud.
Rita poursuivit son chemin sans en dire plus, marchant
lentement sur la plage à la recherche d’un feu ou bien d’un incendie.
Le soir même, lorsque Paul Paillé sortit de sa torpeur,
il était rouge comme un homard.
Il avait attrapé un solide coup de soleil dans le dos
ainsi que sur la plante des pieds.
-Crevette! qu’il déclara dans son patois d’alcoolique
fini. J’vais devoir me mettre d’la graisse Crisco dans l’dos pis en d’sour des
pieds!
La Lune commençait à briller au-dessus de lui. L’étoile
du berger aussi. Firmin Grandmaison passait par là et lançait des cailloux dans la mer.
Tout ce qui brille n’est pas de l’or.
Et Paul Paillé, voyez-vous, ne brillait jamais.
Jamais.
Non, jamais.