Je ne suis pas un physicien. Je ne le serai jamais. Tout ce je connais de ce domaine se limite à quelques traités de vulgarisation scientifique. J'ai lu, bien entendu, Une brève histoire du temps de Stephen Hawking, comme tant d'autres qui n'y ont sans doute rien compris. Et puis j'ai vu le film The Theory of Everything, de James Marsh, qui relate l'histoire de ce célèbre astrophysicien atteint de la maladie de Lou Gehrig. Le film Interstellar, de Christopher Nolan, m'a aussi permis de rêver sur le même thème. J'ai complété ma formation avec La physique quantique pour les nuls, un manuel accompagné de petits dessins pour nous inciter à mieux comprendre ce qui s'explique essentiellement par des calculs mathématiques inaccessibles pour le commun des mortels.
Ma vision du monde est donc extrêmement simpliste, pour ne pas dire naïve. Elle n'est cependant pas dénuée de fondements scientifiques. Je me tiens loin des interprétations religieuses, lesquelles m'apparaissent encore plus misérables et surtout plus contraignantes.
Einstein laissait entendre que Dieu ne joue pas aux dés pour expliquer l'univers. Niels Bohr lui répliqua de laisser Dieu faire ce qu'il veut. Cette anecdote prouvant, hors de tout doute, que j'ai lu La physique quantique pour les nuls...
L'intuition précède parfois la découverte scientifique. On suppose ceci et l'on découvre cela.
Je n'ai pas la prétention d'avoir découvert quoi que ce soit. Pascal disait, en substance, que la profondeur des espaces infinis l'effrayait.
Ce n'est pas nécessairement mon cas. Cette absence de limites me fascine. Alors que tout semple pesé, soupesé et déterminé dans nos misérables existences humaines, il ne suffit que de se tourner vers le ciel pour constater que rien n'a encore été vraiment observé, sinon les ridicules mousses de nos nombrils.
J'ai ma petite théorie sur le monde. Elle ne vaut rien et ne s'appuie que sur de pitoyables suppositions qui ne seront jamais démontrées par une expérience scientifique digne de ce nom.
Je ne sais même pas si des scientifiques se sont penchés là-dessus. Probablement. Il se peut que j'aie développé cette vision suite à ma lecture d'une bande dessinée. Elle est dans ma tête depuis fort longtemps, sans que je ne sache vraiment d'où elle vient et à qui je l'ai piquée.
J'ai la vague impression que notre monde est une particule pour un univers encore plus grand que le nôtre. De même que j'ai la sensation que les particules sont des versions en miniature de notre propre univers. Cette idée n'est certainement pas originale et ne mérite que peu d'attention. Pourtant, elle est là, depuis des années et demeure inextirpable.
Deux miroirs face à face produisent la même image de l'infiniment grand à l'infiniment petit. Se pourrait-il que le monde ne soit toujours qu'un reflet d'une réalité qui nous échappe? Habitons-nous la troisième image ou la centième? Et pourquoi tant d'images de la même réalité? C'est sans doute très con ce que j'écris. Je m'en veux déjà de vous l'avoir dit.
Le point essentiel, c'est que nos rêves dirigent en quelque sorte nos recherches. Les miennes n'iront pas plus loin. Je ne saurai pas les approfondir par les mathématiques tout autant que par la métaphysique. Je ne peux que vous montrer la persistance de ma vieille idée qui ne repose sur rien de solide.
J'aurais aimé devenir astrophysicien et vous balancer des équations mathématiques pour donner du corps et de l'esprit à mes visions internes.
J'en suis malheureusement incapable.
Je ne peux décrire que des intuitions malhabiles qui n'ont probablement aucune signification.
Je me dis, souvent, que je transforme des univers chaque fois que je croque dans une pomme ou bien que je foule un brin d'herbe sous mes pieds. L'information contenue dans l'objet qui entre en choc avec moi s'en va ailleurs et se transforme en je ne sais quoi. Il devient de la matière qui nourrit un autre organisme, une autre réalité, un autre univers.
Je m'en voudrais de poursuivre plus loin mes divagations.
Ayez la bonté de me pardonner ces divagations qui n'ont strictement rien de scientifique.
dimanche 30 août 2015
samedi 29 août 2015
Minisse de la phamiye et bouréz de phôte d'ortograffe
Image tirée du Journal de Montréal
Le Québec n'est pas le Kampuchéa "démocratique". On peut encore y porter des lunettes sans se faire casser la gueule. On peut aussi tenir des propos élitistes, surtout en matière de hockey ou de contributions financières aux partis politiques. Il est toujours de bon ton de refuser dans la LNH les hockeyeurs qui patinent sur la bottine. Et c'est tant mieux. Ainsi, l'on s'assure d'un bon spectacle. Au prix où sont les billets pour assister à une partie, c'est le moins que l'on puisse faire.
Pour ce qui est des collèges et des universités, c'est une autre paire de manches. L'école québécoise, sous plusieurs aspects, rappelle cette émission de télévision française, animée par Jacques Martin, qui s'appelait L'École des fans. Les enfants qui participaient à cette émission devaient pousser une chansonnette suite à laquelle ils devaient s'accorder une note entre eux. Évidemment, tout le petit monde gagnait toujours. Jamais un mauvais chanteur n'était recalé. C'était, à vrai dire, de la pure magie.
L'école québécoise ne demande que de recevoir son obole pour distribuer le diplôme. Tout le monde y gagne presque toujours. On peut écrire comme un pied, comprendre comme un navet et lire comme un analphabète sans s'y sentir inquiéter de réussir ou d'échouer, surtout dans le domaine des sciences dites humaines.
Récemment, la ministre de la famille Francine Charbonneau s'est faite prendre au piège en publiant sur son compte Facebook un court texte rendant hommage à sa collègue Marguerite Blais, laquelle quitte la vie politique en empochant une généreuse prime de départ. (Essayez de faire ça avec votre boulot... Vous pourrirez deux mois dans l'attente de votre premier chèque de chômage...)
Francine Charbonneau, ancienne présidente de la Commission scolaire de Laval (sic!), ne connaît visiblement pas la conjugaison du verbe être. Elle escamote les s pour la deuxième personne du singulier et tout le reste semble écrit au son. C'est tellement pathétique qu'on comprend mieux la sortie de son collègue le Ministre de l'éducation, François Blais, qui veut rehausser les exigences en matière d'enseignement du français.
Si l'on peut être ministre et diriger une commission scolaire en étant si nul en français, c'est à se demander pourquoi l'on devrait prendre au sérieux notre p'tit Québec avec sa sacro-sainte langue française et son économie de république de bananes.
Peut-on imaginer un Français, un Américain ou bien un Japonais accéder aux plus hautes fonctions de l'État en étant si nul pour écrire dans sa propre langue? On peut facilement le concevoir pour notre p'tit Québec.
Je n'ai pas assisté à la cérémonie de remise des diplômes à l'université. Je me voyais mal porter un petit chapeau carré parmi des imposteurs qui ne méritaient pas d'être diplômés. J'ai reçu mon papier par la poste, mon fameux baccalauréat en philosophie qui traîne quelque part dans mes papiers, sous une pile de vieilles factures et de vieilles caricatures grivoises.
Les plus illettrés des étudiants ont fini par accéder aux plus hautes fonctions. Les plus cultivés ont fini par être vomis par le système. Telle grande intellectuelle est devenue serveuse dans un restaurant. Tel autre esprit raffiné s'est vu offrir un poste de concierge. Les incultes ont gravi les échelons de l'enseignement avec l'approbation de fonctionnaires tout aussi nuls qui craignaient d'être démasqués par des scribes trop zélés qui lisaient de gros livres en plus de comprendre leur signification.
Plutôt que de favoriser la maîtrise de la langue française et l'acquisition d'une solide culture générale, le système s'en est tenu à l'obéissance, au conformisme rampant, bref à la médiocrité. Si par malheur nous faisions mention de lire Dostoïevski ou Balzac, il se trouvait d'ignobles parasites rémunérés par le système pour nous rappeler que ce n'était plus à la mode de lire de gros livres. Ils nous conseillaient plutôt de nous en tenir à des théories littéraires excrémentielles ou bien à des plaquettes de poésie dénuées de ponctuation, de syntaxe et de contenu.
J'ai quitté les études pour ne plus avoir affaire à ce genre de crétins. J'ai fait une croix sur mon voeu de devenir professeur de philosophie à force de rencontrer autant d'incompétents fiers de l'être. Plutôt devenir concierge et partager le destin des autodidactes que de se soumettre à des têtes de noeud aussi vides et desséchées qu'une fiente de goéland sur un contenant de frites froissé.
Dans le film Le magicien d'Oz, quatre personnages suivent la Route de briques jaunes pour se rendre auprès dudit magicien dans l'espoir qu'il trouve une solution à leur problème. Le magicien, qui se cache derrière un écran géant, simule la grandeur et l'autorité. Lorsque nos protagonistes découvrent le subterfuge, le magicien sort quelques tours de son sac pour sauver les apparences. Pour le robot qui souhaite obtenir un coeur, il lui remet une horloge dont le tictac rappelle les pulsations du coeur. Pour le lion sans courage, une médaille de bravoure suffit. L'épouvantail, dépourvu de cervelle, se voit remettre un diplôme. Seule la petite Dorothée demeure sans réponse. Le magicien d'Oz ne sait quoi faire pour qu'elle retrouve son chemin.
Les contes de fées ont l'avantage de nous faire ressentir ce que nous ne voulons pas comprendre.
Les bibliothèques sont malheureusement moins prises au sérieux que les magiciens et les professeurs.
Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir que l'on accorde aux épouvantails d'occuper les plus hautes fonctions publiques avec l'assentiment de tous les imposteurs et faussaires de nos institutions décadentes.
vendredi 28 août 2015
À propos du défunt Parti de la loi naturelle
Le Parti de la loi naturelle n'existe plus. Il nous avait néanmoins fait rire un tant soit peu au cours de sa trop brève existence. Ce parti, fondé sur la méditation transcendantale, laissait entendre que le monde changerait si tout un chacun méditait en même temps. Je me souviens qu'il avait convoqué des journalistes lors d'une conférence de presse où le chef du parti promettait de léviter. Malheureusement, les journalistes apportèrent avec eux beaucoup trop d'ondes négatives pour permettre au gourou de s'élever dans les airs. Il demeura plaqué au sol avec l'air penaud de celui qui a raté son décollage.
Évidemment, à peu près personne n'aura voté pour le Parti de la loi naturelle qui retourna vers les limbes d'où il était sorti, allant rejoindre l'Union Nationale, l'Alliance créditiste, le Parti de la démocratie chrétienne, le Parti marxiste-léniniste et autres assemblages de pensées obsolètes.
Si tout le monde pensait la même chose en même temps nous tomberions dans un état de dictature. Que cette chose s'appelle le bien ou le mal, ce serait du pareil au même. On a coupé des têtes au nom de l'amour et du bonheur de l'humanité. On a sauvé des vies au nom de rien. Comme dirait un certain Pascal, le malheur étant que celui qui veut faire l'ange fait souvent la bête.
Dans Les carnets du sous-sol, Dostoïevski laisse entendre que si tout le monde vivait dans un palais de cristal, l'avenir de l'humanité reposerait sur celui qui y balancerait une roche pour qu'il se brise en mille morceaux.
Je ne connais pas la loi naturelle. Sinon la loi de la sélection naturelle. Charles Darwin disait, en substance, que la créature qui s'adapte le mieux à son environnement augmente ses chances de survie. Et l'adaptation suppose, bien sûr, une capacité de changement perpétuel.
Je ne m'avancerai pas plus loin.
Je suis content de savoir que vous ne pensez pas comme moi. Tout autant que je le suis de ne pas penser comme vous. Plus nous aurons de réponses différentes, plus nous saurons nous adapter à des situations mouvantes et souvent impitoyables.
Réjouissons-nous qu'il y ait autant d'idées que d'êtres humains sur cette pauvre planète.
C'est à peu près là que je voulais en venir.
Sur ce, je m'en vais poursuivre ma lecture de Tchékhov. Je termine la lecture de sa nouvelle intitulée Le duel. C'était la préférée de Tolstoï, sans doute parce que Tchékhov mentionne le nom du patriarche de la littérature russe à plusieurs reprises... Je vous reviendrai là-dessus un de ces quatre.
Évidemment, à peu près personne n'aura voté pour le Parti de la loi naturelle qui retourna vers les limbes d'où il était sorti, allant rejoindre l'Union Nationale, l'Alliance créditiste, le Parti de la démocratie chrétienne, le Parti marxiste-léniniste et autres assemblages de pensées obsolètes.
Si tout le monde pensait la même chose en même temps nous tomberions dans un état de dictature. Que cette chose s'appelle le bien ou le mal, ce serait du pareil au même. On a coupé des têtes au nom de l'amour et du bonheur de l'humanité. On a sauvé des vies au nom de rien. Comme dirait un certain Pascal, le malheur étant que celui qui veut faire l'ange fait souvent la bête.
Dans Les carnets du sous-sol, Dostoïevski laisse entendre que si tout le monde vivait dans un palais de cristal, l'avenir de l'humanité reposerait sur celui qui y balancerait une roche pour qu'il se brise en mille morceaux.
Je ne connais pas la loi naturelle. Sinon la loi de la sélection naturelle. Charles Darwin disait, en substance, que la créature qui s'adapte le mieux à son environnement augmente ses chances de survie. Et l'adaptation suppose, bien sûr, une capacité de changement perpétuel.
Je ne m'avancerai pas plus loin.
Je suis content de savoir que vous ne pensez pas comme moi. Tout autant que je le suis de ne pas penser comme vous. Plus nous aurons de réponses différentes, plus nous saurons nous adapter à des situations mouvantes et souvent impitoyables.
Réjouissons-nous qu'il y ait autant d'idées que d'êtres humains sur cette pauvre planète.
C'est à peu près là que je voulais en venir.
Sur ce, je m'en vais poursuivre ma lecture de Tchékhov. Je termine la lecture de sa nouvelle intitulée Le duel. C'était la préférée de Tolstoï, sans doute parce que Tchékhov mentionne le nom du patriarche de la littérature russe à plusieurs reprises... Je vous reviendrai là-dessus un de ces quatre.
jeudi 27 août 2015
Le journal d'un vieil homme, un film de Bernard Émond
Anton Pavlovitch Tchékhov est l'un de mes auteurs préférés. Sa plume, pour ce que peut m'en faire comprendre les traducteurs, me semble aussi tranchante qu'un bistouri. Tchékhov ne s'attarde pas sur les détails et ne s'enferme pas dans l'analyse psychologique. Il se contente de rapporter les faits pour faire naître chez le lecteur un sentiment digne de ce nom. Peut-être que sa profession de médecin y était pour quelque chose.
Le cinéaste québécois Bernard Émond s'attaquait à un gros morceau en adaptant Une banale histoire, une nouvelle de Tchékhov où le narrateur, médecin et professeur célèbre, raconte ses impressions à l'approche de sa mort imminente. Cette banale histoire est aussi celle de Tchékhov puisqu'il l'a écrite vers la fin de sa vie. Il se sentait dépérir et sa célébrité comme tout le reste ne lui disaient plus rien.
Le journal d'un vieil homme, c'est le titre du film de Bernard Émond, est une adaptation cinématographique honnête, avec quelques libertés prises ça et là sur la nouvelle originale. Le film comme la nouvelle reprend le thème du médecin célèbre en fin de vie qui raconte ses nuits d'insomnie et sa crainte de la mort, son incompréhension pour sa femme, sa fille naturelle et sa fille adoptive, alors que tout sombre en lui-même.
J'ai tout de même aimé voir ce film. Paul Savoie, dans le rôle principal, est à la juste mesure de cette histoire banale. On y ressent ce spleen typiquement russe, ce sentiment d'inutilité et de nullité que l'on trouve aussi dans Un héros de notre temps de Lermontov.
Katya, sa fille adoptive, paresse toute la journée en dilapidant un montant qu'elle a reçu d'un héritage. Le sens de la vie lui échappe. Elle s'accroche à son père adoptif pour obtenir une réponse qui ne vient jamais. Quelle réponse lui donner? La vie lui échappe. Encore quelques mois, quelques jours, et il ne sait même pas si elle assistera à ses propres funérailles...
-Dis-moi ce que je dois faire... Dis-le moi!!!
-Je ne sais pas quoi te dire...
À la sortie du film, je me sentais mi-figue mi-raisin quant à ma critique du film. Je suis donc allé à la bibliothèque pour relire Une banale histoire afin de poursuivre ma réflexion.
Si le film me poursuit encore, c'est qu'il n'est pas mauvais. Contrairement à bon nombre de films québécois parus récemment sur nos écrans, le film laisse peu de place à l'humour et à l'action. C'est sans doute sa plus grande qualité. Le propos prend le dessus. L'esprit de sérieux, pour une fois, n'y est pas si lourd qu'il en a l'air. Il me réconcilie avec l'amour de la sagesse. Sinon avec l'art cinématographique dans sa plus simple et plus naturelle expression. Puisque Le journal d'un vieil homme est aussi un beau film.
Bernard Émond a bien relevé le défi d'adapter Tchékhov. Les esthètes ne seront pas déçus. Les autres seront mieux d'aller revoir Bon cop bad cop ou Les Boys.. Voilà.
Le cinéaste québécois Bernard Émond s'attaquait à un gros morceau en adaptant Une banale histoire, une nouvelle de Tchékhov où le narrateur, médecin et professeur célèbre, raconte ses impressions à l'approche de sa mort imminente. Cette banale histoire est aussi celle de Tchékhov puisqu'il l'a écrite vers la fin de sa vie. Il se sentait dépérir et sa célébrité comme tout le reste ne lui disaient plus rien.
Le journal d'un vieil homme, c'est le titre du film de Bernard Émond, est une adaptation cinématographique honnête, avec quelques libertés prises ça et là sur la nouvelle originale. Le film comme la nouvelle reprend le thème du médecin célèbre en fin de vie qui raconte ses nuits d'insomnie et sa crainte de la mort, son incompréhension pour sa femme, sa fille naturelle et sa fille adoptive, alors que tout sombre en lui-même.
J'ai tout de même aimé voir ce film. Paul Savoie, dans le rôle principal, est à la juste mesure de cette histoire banale. On y ressent ce spleen typiquement russe, ce sentiment d'inutilité et de nullité que l'on trouve aussi dans Un héros de notre temps de Lermontov.
Katya, sa fille adoptive, paresse toute la journée en dilapidant un montant qu'elle a reçu d'un héritage. Le sens de la vie lui échappe. Elle s'accroche à son père adoptif pour obtenir une réponse qui ne vient jamais. Quelle réponse lui donner? La vie lui échappe. Encore quelques mois, quelques jours, et il ne sait même pas si elle assistera à ses propres funérailles...
-Dis-moi ce que je dois faire... Dis-le moi!!!
-Je ne sais pas quoi te dire...
À la sortie du film, je me sentais mi-figue mi-raisin quant à ma critique du film. Je suis donc allé à la bibliothèque pour relire Une banale histoire afin de poursuivre ma réflexion.
Si le film me poursuit encore, c'est qu'il n'est pas mauvais. Contrairement à bon nombre de films québécois parus récemment sur nos écrans, le film laisse peu de place à l'humour et à l'action. C'est sans doute sa plus grande qualité. Le propos prend le dessus. L'esprit de sérieux, pour une fois, n'y est pas si lourd qu'il en a l'air. Il me réconcilie avec l'amour de la sagesse. Sinon avec l'art cinématographique dans sa plus simple et plus naturelle expression. Puisque Le journal d'un vieil homme est aussi un beau film.
Bernard Émond a bien relevé le défi d'adapter Tchékhov. Les esthètes ne seront pas déçus. Les autres seront mieux d'aller revoir Bon cop bad cop ou Les Boys.. Voilà.
mercredi 26 août 2015
Rock and Roll High School
M'en revenant de la Nouvelle-Écosse, je suis tombé sur une entrevue de Michel Lacombe sur la chaîne radiophonique Ici Première avec l'architecte Pierre Thibault. Cet architecte de haut niveau se donne pour mission d'intégrer la nature à ses projets. Cela confère à son art une dimension unique qui fait honneur au territoire que nous habitons.
J'ai été particulièrement sensible à son rêve de participer à la construction d'un école qui accorderait à la nature une place prépondérante, comme ce fût le cas pour tous ses projets.
Nous approchons de la rentrée scolaire, évidemment. C'est déjà commencé pour les universités et les collèges. Bientôt, ce sera le tour des écoles primaires et secondaires d'ouvrir leurs portes.
J'ai fréquenté les écoles primaires Saint-Jean-Bosco et Saint-François-d'Assise dans ma jeunesse. Saint-Jean-Bosco est le saint patron des enfants pauvres. Ça en dit long sur mes origines sociales. Je proviens, bien entendu, d'un quartier populaire de Trois-Rivières. Je conserve de ces écoles le souvenir de cours clôturées avec quelques arbres perçant ça et là au travers de l'asphalte et du gravier. Rien de très original au plan architectural. Néanmoins, ces écoles avaient plus de style que ce vers quoi je me dirigeais pour compléter mes études secondaires: la polyvalente Sainte-Ursule...
Je me souviens qu'à l'été 1980 nous craignions d'y faire notre rentrée. Mon frère Serge et d'autres coquins nous racontaient des récits horrifiants sur l'atmosphère de violence qui nous y attendait. Nous allions devoir nous battre du matin jusqu'au soir pour survivre dans ce milieu nettement plus populeux et moins douillet que l'école primaire Saint-François-d'Assise, école que nous partagions d'ailleurs avec les Petits Chanteurs, une école privée intégrée dans une école publique. Tandis que les Petits Chanteurs visitaient l'Europe nous, les fils de prolétaires, nous contentions de jeux sadiques dans les ruelles sales des quartiers environnants. C'est là, je crois, que j'ai appris la lutte des classes.
Quoi qu'il en soit, la rentrée à la polyvalente Sainte-Ursule nous donnait des maux de ventre. Cette grosse boîte de béton sans fenêtres nous promettait le pire sans le meilleur. On allait nous battre, nous enfermer dans des casiers, nous brûler vifs et quoi encore!
Nous avions décidé de nous prémunir contre les méchants en nous rendant au magasin de surplus d'armée pour nous acheter les instruments nécessaires à notre survie: des couteaux à cran d'arrêt, des machettes et des mitraillettes si nous le pouvions...
Personnellement, je m'étais acheté ce qu'on appelait un "buck", c'est-à-dire un couteau de chasse. Je n'en avais pas parlé à mes parents, évidemment, et je comptais le cacher sur moi pour ouvrir le ventre de quiconque tenterait de m'agresser.
Je m'étais aussi acheté des bottes de travail de marque Kodiak à embouts d'acier. Ces bottes permettaient de faire éclater la cervelle des méchants à grands coups de pied dans la gueule si le besoin s'en faisait sentir.
Équipé comme je l'étais, je pouvais laisser tomber le stress de la rentrée un tant soit peu. On éviterait de me battre même si j'étais premier de classe. À la limite, je pourrais toujours compter sur mon frère Serge, dont la seule évocation de ses nom et prénom était parfois suffisante pour freiner les ambitions des scélérats. Si l'on me touchait, on aurait affaire à lui, ce gaillard qui cognait tout un chacun et défonçait les portes de garage à coups de tête. Évidemment, je ne pouvais pas abuser de cette carte. En fait, je ne le fis jamais. La rumeur qui me précédait était suffisante. Et l'on finit par craindre que je ne sois fait de la même trempe. Ce qui, bien sûr, allait se confirmer.
Il y avait peu d'arbres à la polyvalente Sainte-Ursule et encore moins de fenêtres. J'ai tout de même réussi à obtenir mon diplôme d'études secondaires sans avoir à sortir mon couteau de chasse de mes poches. Je me suis acoquiné avec une bande de justiciers qui aimaient, entre autres, foutre des volées aux plus baveux. Me tomber dessus signifiait aussi de tomber sur eux par la suite. Je pus donc respirer tout à mon aise, me battant de temps à autres pour imposer le respect: une claque sur la gueule par ci, un coup de pied au cul par là.
Plus j'évoluais dans les études moins les baveux étaient présents. Les plus méchants sont tous curieusement décédés en bas âge: suicide, noyade, etc. Je ne saurais dire pourquoi. Je ne crois même pas que ce soit la règle. Ce hasard fit bien les choses, même si cela ne saurait vraiment se dire.
J'ai eu le bonheur de tomber sur des professeurs attentionnés pour mes deux dernières années d'études secondaires. Les professeurs Alex Legrew, Marcellin Gauthier, Michel Parenteau, Pierre De La Grave et Yvon, dont le nom de famille m'échappe, nous ont fait découvrir les sports de plein-air. Plutôt que d'être confinés aux quatre murs de la polyvalente, nous avons fait du ski de randonnée dans la réserve faunique du Saint-Maurice, du canot-camping au Parc de la Mauricie, Trois-Rivières-Québec à bicyclette, etc. Mes muscles sont devenus durs comme de l'acier. Mon âme est devenue sereine.
Au collège et à l'université, je n'ai plus eu besoin de me battre ni de porter des couteaux de chasse sur moi. Je n'avais plus qu'à lire calmement des livres et à en faire des compte-rendus. Je me battais plus souvent à comprendre Nietzsche et Kierkegaard.
On devrait, quant à moi, démolir les polyvalentes et les remplacer par des projets architecturaux qui intègrent la nature, comme ceux de Pierre Thibault. La nature est le livre à consulter encore et encore. Bâtir des écoles qui ressemblent à des maisons correctionnelles n'est pas l'idée du siècle. C'est une manière de se débarrasser rapidement de la nécessité d'offrir un enseignement gratuit et universel à tout un chacun.
Je ne crois pas que je serai entendu. Peut-être lu, par vous et un autre. Enfin! J'aurai dit ce que je pense.
J'ai été particulièrement sensible à son rêve de participer à la construction d'un école qui accorderait à la nature une place prépondérante, comme ce fût le cas pour tous ses projets.
Nous approchons de la rentrée scolaire, évidemment. C'est déjà commencé pour les universités et les collèges. Bientôt, ce sera le tour des écoles primaires et secondaires d'ouvrir leurs portes.
J'ai fréquenté les écoles primaires Saint-Jean-Bosco et Saint-François-d'Assise dans ma jeunesse. Saint-Jean-Bosco est le saint patron des enfants pauvres. Ça en dit long sur mes origines sociales. Je proviens, bien entendu, d'un quartier populaire de Trois-Rivières. Je conserve de ces écoles le souvenir de cours clôturées avec quelques arbres perçant ça et là au travers de l'asphalte et du gravier. Rien de très original au plan architectural. Néanmoins, ces écoles avaient plus de style que ce vers quoi je me dirigeais pour compléter mes études secondaires: la polyvalente Sainte-Ursule...
Je me souviens qu'à l'été 1980 nous craignions d'y faire notre rentrée. Mon frère Serge et d'autres coquins nous racontaient des récits horrifiants sur l'atmosphère de violence qui nous y attendait. Nous allions devoir nous battre du matin jusqu'au soir pour survivre dans ce milieu nettement plus populeux et moins douillet que l'école primaire Saint-François-d'Assise, école que nous partagions d'ailleurs avec les Petits Chanteurs, une école privée intégrée dans une école publique. Tandis que les Petits Chanteurs visitaient l'Europe nous, les fils de prolétaires, nous contentions de jeux sadiques dans les ruelles sales des quartiers environnants. C'est là, je crois, que j'ai appris la lutte des classes.
Quoi qu'il en soit, la rentrée à la polyvalente Sainte-Ursule nous donnait des maux de ventre. Cette grosse boîte de béton sans fenêtres nous promettait le pire sans le meilleur. On allait nous battre, nous enfermer dans des casiers, nous brûler vifs et quoi encore!
Nous avions décidé de nous prémunir contre les méchants en nous rendant au magasin de surplus d'armée pour nous acheter les instruments nécessaires à notre survie: des couteaux à cran d'arrêt, des machettes et des mitraillettes si nous le pouvions...
Personnellement, je m'étais acheté ce qu'on appelait un "buck", c'est-à-dire un couteau de chasse. Je n'en avais pas parlé à mes parents, évidemment, et je comptais le cacher sur moi pour ouvrir le ventre de quiconque tenterait de m'agresser.
Je m'étais aussi acheté des bottes de travail de marque Kodiak à embouts d'acier. Ces bottes permettaient de faire éclater la cervelle des méchants à grands coups de pied dans la gueule si le besoin s'en faisait sentir.
Équipé comme je l'étais, je pouvais laisser tomber le stress de la rentrée un tant soit peu. On éviterait de me battre même si j'étais premier de classe. À la limite, je pourrais toujours compter sur mon frère Serge, dont la seule évocation de ses nom et prénom était parfois suffisante pour freiner les ambitions des scélérats. Si l'on me touchait, on aurait affaire à lui, ce gaillard qui cognait tout un chacun et défonçait les portes de garage à coups de tête. Évidemment, je ne pouvais pas abuser de cette carte. En fait, je ne le fis jamais. La rumeur qui me précédait était suffisante. Et l'on finit par craindre que je ne sois fait de la même trempe. Ce qui, bien sûr, allait se confirmer.
Il y avait peu d'arbres à la polyvalente Sainte-Ursule et encore moins de fenêtres. J'ai tout de même réussi à obtenir mon diplôme d'études secondaires sans avoir à sortir mon couteau de chasse de mes poches. Je me suis acoquiné avec une bande de justiciers qui aimaient, entre autres, foutre des volées aux plus baveux. Me tomber dessus signifiait aussi de tomber sur eux par la suite. Je pus donc respirer tout à mon aise, me battant de temps à autres pour imposer le respect: une claque sur la gueule par ci, un coup de pied au cul par là.
Plus j'évoluais dans les études moins les baveux étaient présents. Les plus méchants sont tous curieusement décédés en bas âge: suicide, noyade, etc. Je ne saurais dire pourquoi. Je ne crois même pas que ce soit la règle. Ce hasard fit bien les choses, même si cela ne saurait vraiment se dire.
J'ai eu le bonheur de tomber sur des professeurs attentionnés pour mes deux dernières années d'études secondaires. Les professeurs Alex Legrew, Marcellin Gauthier, Michel Parenteau, Pierre De La Grave et Yvon, dont le nom de famille m'échappe, nous ont fait découvrir les sports de plein-air. Plutôt que d'être confinés aux quatre murs de la polyvalente, nous avons fait du ski de randonnée dans la réserve faunique du Saint-Maurice, du canot-camping au Parc de la Mauricie, Trois-Rivières-Québec à bicyclette, etc. Mes muscles sont devenus durs comme de l'acier. Mon âme est devenue sereine.
Au collège et à l'université, je n'ai plus eu besoin de me battre ni de porter des couteaux de chasse sur moi. Je n'avais plus qu'à lire calmement des livres et à en faire des compte-rendus. Je me battais plus souvent à comprendre Nietzsche et Kierkegaard.
On devrait, quant à moi, démolir les polyvalentes et les remplacer par des projets architecturaux qui intègrent la nature, comme ceux de Pierre Thibault. La nature est le livre à consulter encore et encore. Bâtir des écoles qui ressemblent à des maisons correctionnelles n'est pas l'idée du siècle. C'est une manière de se débarrasser rapidement de la nécessité d'offrir un enseignement gratuit et universel à tout un chacun.
Je ne crois pas que je serai entendu. Peut-être lu, par vous et un autre. Enfin! J'aurai dit ce que je pense.
mardi 25 août 2015
Back from Nova Scotia: Canada's Ocean Playground
L'appel de la mer vibrait en nous depuis plusieurs mois. Moi et ma blonde nous sommes longtemps contentés de la vision que nous offre le grand fleuve Magtogoek, qui s'écoule aux abords de Trois-Rivières, pour nous rappeler que la mer pénètre dans son embouchure. Les Trifluviens sont après tout des gens du fleuve et partagent avec Rimouski ces paroles et ces parlures pittoresques avec les goélands qui gouaillent en arrière-fond sonore. Suivre le courant, ici, c'est descendre inévitablement vers la mer.
Il y a deux ans, nous sommes allés en Gaspésie. L'an dernier, nous nous sommes offerts l'Île du Prince Édouard ainsi que la route du littoral acadien du Nouveau-Brunswick. Pour boucler la boucle, il fallait nous rendre en Nouvelle-Écosse cette année. Ce que nous avons fait. Et ce fût un voyage en classe économique, comme d'habitude. C'est moins cher de voyager à Cuba que dans ce qui s'appelle encore notre pays. À moins d'être débrouillards comme nous le sommes: le moins de bagages possible, du camping, des repas préparés à l'avance et vive l'aventure!
C'est à bord de notre camionnette Chevrolet Uplander, qui nous a toujours si bien servis, que nous avons donc pris la route en destination de la Nouvelle-Écosse. Nous avons suivi l'autoroute Transcanadienne jusqu'à Halifax, via Rivière-du-Loup, Edmunston, Fredericton, Moncton, Amherst et Truro. Ma blonde conduisait. Je n'ai pas cette faculté de prendre le volant compte tenu de mes yeux au focus retardataire et de mon désintérêt en matière de conduite automobile. C'est donc ma douce qui s'est claqué tout le trajet tandis que je l'énervais de temps à autres avec le GPS pour tourner à droite, à gauche, en bas ou en haut.
Nous sommes partis vers quatre heures du matin samedi le 16 août. À cette heure-là, la route est libre et l'on peut rouler tranquille pendant des heures en écoutant les plus grands succès des Beatles pour se tenir éveillés. Nous nous sommes évidemment arrêtés en chemin, ça et là, pour pisser et faire le plein d'essence. Nous avons constaté, avec ravissement, que l'essence est dix cents moins chère le litre dans les provinces des Maritimes. Pourquoi est-elle dix cents plus chère au Québec, une province sensément plus riche? Est-ce pour payer notre contribution à la mafia? Je n'en sais trop rien. Cela nous a permis de tenir des discussions sur ce thème tout au long de notre route, chaque fois que nous faisions le plein.
Nous avons passé notre première nuit dans les parages de Hopewell Rocks, au Ponderosa Pines Campground, un endroit que nous avons découvert l'an passé et qui nous permet de contempler les marées de la Baie de Fundy, les plus hautes marées du monde à ce que l'on dit. Tellement hautes que toutes les rives semblent chocolatées par ce sable brun charrié de loin.
Nous y sommes passés deux jours pour nous reposer, marchant dans les sentiers nous donnant la pleine vue sur la baie. Le vent du large et le soleil tannaient le cuir de nos peaux encore trop roses. Puis nous reprîmes la route vers Lawrencetown où se trouve une magnifique plage gratuite d'accès située à dix minutes de Halifax. La plage était jolie mais nous devions, avant toute chose, nous trouver un lieu où camper pour la nuit. Une lifeguard de Lawrencetown Beach m'a dit qu'il y avait un terrain de camping à dix minutes à droite sur la route 7.
Nous n'avons jamais trouvé ce fameux campground. J'ai donc sorti mon GPS pour nous diriger vers Murphy's Campground On The Ocean. Par malheur, le GPS nous entraîna vers l'intérieur des terres... Il devenait clair que nous nous éloignions de l'océan. Le GPS nous dirigeait vers une mine ou bien un type qui s'appelait Murphy. Nous découvrirons, un peu plus tard en lisant le guide touristique de la Nouvelle-Écosse, qu'il ne faut pas se fier au GPS pour certaines parties de la péninsule néo-écossaise.
Nous nous sommes donc arrêtés devant un garage pour demander à un brave homme quel était le terrain de camping le plus près. Il nous fit prendre la direction de Spry Bay à environ trente minutes de route d'où nous nous trouvions. En roulant dans cette direction, nous sommes tombés par hasard sur ce fameux Murphy's Campground On The Ocean, mais avons tout de même décidé de poursuivre notre route jusqu'à Spry Bay pour comparer les prix et les lieux.
Nous avons finalement échoué à Spry Bay, fourbus et affamés. Le terrain de camping avait l'avantage d'être propre. La tenancière avait l'heur d'être sympathique. Mais où se trouvait l'océan? À cinq minutes de route...
Nous nous sommes donc rendus vers l'océan après avoir installé la tente et dîné. Nous n'avons pas regretté ce que nous avons vu, une plage splendide avec une mer aux eaux aussi claires que le cristal. Nous étions au Tailorhead Provincial Park. C'était gratuit, sauvage et peu achalandé. Nous avons marché dans l'eau salée en nous laissant brûler par le soleil. Nous avions enfin cette mer à nous seuls, comme nous l'avions rêvée.
Le lendemain, nous avons visité le petit village de Spry Bay, avec ses maisons typiques et pittoresques. C'est à peine s'il y a 80 âmes dans ce village, dont un pêcheur que nous avons croisé en squattant probablement son quai sans qu'il ne nous réclame quoi que ce soit. On en a profité pour prendre quelques photos, bien entendu. Puis nous avons visité les alentours pour rencontrer toujours ces mêmes visages sympathiques et accueillants de la Nouvelle-Écosse.
Nous sommes partis tôt le lendemain matin pour nous arrêter à Lawrencetown Beach que nous avions pas eu le temps de savourer lors de notre premier passage. Comme il était tôt le matin, nous nous y trouvions tout fin seuls avec un lifeguard et un surfer plus ou moins adroit. Nos pieds ont pris un bain de mer, une fois de plus. Le bruit des vagues et le cri des mouettes nous ont rappelé que nous avions atteint notre but.
Après un détour vers Halifax, histoire de faire le plein d'essence et de voir les vieilles demeures à l'architecture victorienne, nous avons pris la direction de Peggy's Cove où se trouve un magnifique phare ainsi qu'un petit village de pêcheurs qui rappelle Sainte-Marie-la-Mauderne du film La Grande séduction.
Nous avons campé pendant deux jours au King Neptune Campground, aux abords d'une baie remplie de homards. J'en ai même dégusté un pour un prix des plus raisonnable. Un bon homard bouilli vivant dans de l'eau salée.
Le phare et le village de Peggy's Cove nous ont laissés bouche bée. Quelle magnifique journée nous y avons passé à contempler la mer, les maisons multicolores et même un joueur de cornemuse. Le lieu était hautement touristique, mais il était possible de nous y trouver sans avoir à mettre la main dans sa poche.
À quelques minutes de là, sur la route du retour, nous nous sommes arrêtés à un mémorial dédié aux victimes d'un vol de Swiss Air qui s'est écrasé là dans les années '90. Le site rappelait les Highlands de l'Écosse, pour ce que j'ai pu en voir sur les photos.
Le lendemain, nous sommes une fois de plus partis de bonne heure pour nous rendre à Lunenburg, une petite ville maritime où se trouve la fameuse réplique du Blue Nose, le voilier qui apparaît sur nos pièces de dix cents. Beaucoup d'ateliers d'artistes et d'attrape-touristes nous attendaient. Le lieu avait tout de même l'avantage de ne pas être touché et retouché comme c'est le cas sur l'Île du Prince Édouard, où tout semble fait de toc. La Nouvelle-Écosse nous a d'ailleurs semblé beaucoup plus vraie, plus pittoresque et plus authentique que l'Île de Anne et de la maison aux pignons verts...
De Lunenburg, nous nous sommes ensuite rendus à Ovens National Park, notre dernière destination avant notre retour vers le Québec, pour savourer une dernière fois la mer.
Nous fûmes bien servis. Ovens National Park n'offre pas de plages de sable fin, mais a tout de même le mérite de nous permettre d'emprunter un sentier qui longe des falaises de roc sur lesquelles les vagues viennent se briser depuis des millénaires. Il y eut une ruée vers l'or en ce lieu qui dura autour de six ans vers la fin du XIXe siècle. Il reste peu de traces de cette ruée, sinon des sentiers et quelques entrées de cavernes avec vue sur la mer où l'on devine les traces d'une certaine activité d'extraction aurifère.
Après avoir profité une dernière fois de la mer, il fallait bien prendre le chemin du retour. J'ai tapé Moncton sur mon GPS. Puis Fredericton. Puis plus rien. Il devenait facile de se retrouver.
Il a fait beau pendant tout notre séjour en Nouvelle-Écosse. Il y eut quelques courts épisodes de pluie lors de notre dernière journée. Pluie qui nous incita d'ailleurs à reprendre la route.
Je conserve de ce voyage de très beaux souvenirs ainsi que des photographies, bien entendu. Je vous en offre quelques-unes ici. Certaines sont de moi. Les autres sont de ma douce compagne de vie.
Je ne regrette rien de la Nouvelle-Écosse. J'y retournerais demain matin si je le pouvais.
J'en garde l'impression d'un lieu qui ne fait pas mentir la devise que l'on peut lire sur les plaques d'immatriculation de la Nouvelle-Écosse: Canada's Ocean Playground. C'est vraiment le terrain de jeu océanique du Canada. Le paradis des surfers et autres adeptes de la mer.
Il y a deux ans, nous sommes allés en Gaspésie. L'an dernier, nous nous sommes offerts l'Île du Prince Édouard ainsi que la route du littoral acadien du Nouveau-Brunswick. Pour boucler la boucle, il fallait nous rendre en Nouvelle-Écosse cette année. Ce que nous avons fait. Et ce fût un voyage en classe économique, comme d'habitude. C'est moins cher de voyager à Cuba que dans ce qui s'appelle encore notre pays. À moins d'être débrouillards comme nous le sommes: le moins de bagages possible, du camping, des repas préparés à l'avance et vive l'aventure!
C'est à bord de notre camionnette Chevrolet Uplander, qui nous a toujours si bien servis, que nous avons donc pris la route en destination de la Nouvelle-Écosse. Nous avons suivi l'autoroute Transcanadienne jusqu'à Halifax, via Rivière-du-Loup, Edmunston, Fredericton, Moncton, Amherst et Truro. Ma blonde conduisait. Je n'ai pas cette faculté de prendre le volant compte tenu de mes yeux au focus retardataire et de mon désintérêt en matière de conduite automobile. C'est donc ma douce qui s'est claqué tout le trajet tandis que je l'énervais de temps à autres avec le GPS pour tourner à droite, à gauche, en bas ou en haut.
Nous sommes partis vers quatre heures du matin samedi le 16 août. À cette heure-là, la route est libre et l'on peut rouler tranquille pendant des heures en écoutant les plus grands succès des Beatles pour se tenir éveillés. Nous nous sommes évidemment arrêtés en chemin, ça et là, pour pisser et faire le plein d'essence. Nous avons constaté, avec ravissement, que l'essence est dix cents moins chère le litre dans les provinces des Maritimes. Pourquoi est-elle dix cents plus chère au Québec, une province sensément plus riche? Est-ce pour payer notre contribution à la mafia? Je n'en sais trop rien. Cela nous a permis de tenir des discussions sur ce thème tout au long de notre route, chaque fois que nous faisions le plein.
Nous avons passé notre première nuit dans les parages de Hopewell Rocks, au Ponderosa Pines Campground, un endroit que nous avons découvert l'an passé et qui nous permet de contempler les marées de la Baie de Fundy, les plus hautes marées du monde à ce que l'on dit. Tellement hautes que toutes les rives semblent chocolatées par ce sable brun charrié de loin.
Nous y sommes passés deux jours pour nous reposer, marchant dans les sentiers nous donnant la pleine vue sur la baie. Le vent du large et le soleil tannaient le cuir de nos peaux encore trop roses. Puis nous reprîmes la route vers Lawrencetown où se trouve une magnifique plage gratuite d'accès située à dix minutes de Halifax. La plage était jolie mais nous devions, avant toute chose, nous trouver un lieu où camper pour la nuit. Une lifeguard de Lawrencetown Beach m'a dit qu'il y avait un terrain de camping à dix minutes à droite sur la route 7.
Nous n'avons jamais trouvé ce fameux campground. J'ai donc sorti mon GPS pour nous diriger vers Murphy's Campground On The Ocean. Par malheur, le GPS nous entraîna vers l'intérieur des terres... Il devenait clair que nous nous éloignions de l'océan. Le GPS nous dirigeait vers une mine ou bien un type qui s'appelait Murphy. Nous découvrirons, un peu plus tard en lisant le guide touristique de la Nouvelle-Écosse, qu'il ne faut pas se fier au GPS pour certaines parties de la péninsule néo-écossaise.
Nous nous sommes donc arrêtés devant un garage pour demander à un brave homme quel était le terrain de camping le plus près. Il nous fit prendre la direction de Spry Bay à environ trente minutes de route d'où nous nous trouvions. En roulant dans cette direction, nous sommes tombés par hasard sur ce fameux Murphy's Campground On The Ocean, mais avons tout de même décidé de poursuivre notre route jusqu'à Spry Bay pour comparer les prix et les lieux.
Nous avons finalement échoué à Spry Bay, fourbus et affamés. Le terrain de camping avait l'avantage d'être propre. La tenancière avait l'heur d'être sympathique. Mais où se trouvait l'océan? À cinq minutes de route...
Nous nous sommes donc rendus vers l'océan après avoir installé la tente et dîné. Nous n'avons pas regretté ce que nous avons vu, une plage splendide avec une mer aux eaux aussi claires que le cristal. Nous étions au Tailorhead Provincial Park. C'était gratuit, sauvage et peu achalandé. Nous avons marché dans l'eau salée en nous laissant brûler par le soleil. Nous avions enfin cette mer à nous seuls, comme nous l'avions rêvée.
Le lendemain, nous avons visité le petit village de Spry Bay, avec ses maisons typiques et pittoresques. C'est à peine s'il y a 80 âmes dans ce village, dont un pêcheur que nous avons croisé en squattant probablement son quai sans qu'il ne nous réclame quoi que ce soit. On en a profité pour prendre quelques photos, bien entendu. Puis nous avons visité les alentours pour rencontrer toujours ces mêmes visages sympathiques et accueillants de la Nouvelle-Écosse.
Nous sommes partis tôt le lendemain matin pour nous arrêter à Lawrencetown Beach que nous avions pas eu le temps de savourer lors de notre premier passage. Comme il était tôt le matin, nous nous y trouvions tout fin seuls avec un lifeguard et un surfer plus ou moins adroit. Nos pieds ont pris un bain de mer, une fois de plus. Le bruit des vagues et le cri des mouettes nous ont rappelé que nous avions atteint notre but.
Après un détour vers Halifax, histoire de faire le plein d'essence et de voir les vieilles demeures à l'architecture victorienne, nous avons pris la direction de Peggy's Cove où se trouve un magnifique phare ainsi qu'un petit village de pêcheurs qui rappelle Sainte-Marie-la-Mauderne du film La Grande séduction.
Nous avons campé pendant deux jours au King Neptune Campground, aux abords d'une baie remplie de homards. J'en ai même dégusté un pour un prix des plus raisonnable. Un bon homard bouilli vivant dans de l'eau salée.
Le phare et le village de Peggy's Cove nous ont laissés bouche bée. Quelle magnifique journée nous y avons passé à contempler la mer, les maisons multicolores et même un joueur de cornemuse. Le lieu était hautement touristique, mais il était possible de nous y trouver sans avoir à mettre la main dans sa poche.
À quelques minutes de là, sur la route du retour, nous nous sommes arrêtés à un mémorial dédié aux victimes d'un vol de Swiss Air qui s'est écrasé là dans les années '90. Le site rappelait les Highlands de l'Écosse, pour ce que j'ai pu en voir sur les photos.
Le lendemain, nous sommes une fois de plus partis de bonne heure pour nous rendre à Lunenburg, une petite ville maritime où se trouve la fameuse réplique du Blue Nose, le voilier qui apparaît sur nos pièces de dix cents. Beaucoup d'ateliers d'artistes et d'attrape-touristes nous attendaient. Le lieu avait tout de même l'avantage de ne pas être touché et retouché comme c'est le cas sur l'Île du Prince Édouard, où tout semble fait de toc. La Nouvelle-Écosse nous a d'ailleurs semblé beaucoup plus vraie, plus pittoresque et plus authentique que l'Île de Anne et de la maison aux pignons verts...
De Lunenburg, nous nous sommes ensuite rendus à Ovens National Park, notre dernière destination avant notre retour vers le Québec, pour savourer une dernière fois la mer.
Nous fûmes bien servis. Ovens National Park n'offre pas de plages de sable fin, mais a tout de même le mérite de nous permettre d'emprunter un sentier qui longe des falaises de roc sur lesquelles les vagues viennent se briser depuis des millénaires. Il y eut une ruée vers l'or en ce lieu qui dura autour de six ans vers la fin du XIXe siècle. Il reste peu de traces de cette ruée, sinon des sentiers et quelques entrées de cavernes avec vue sur la mer où l'on devine les traces d'une certaine activité d'extraction aurifère.
Après avoir profité une dernière fois de la mer, il fallait bien prendre le chemin du retour. J'ai tapé Moncton sur mon GPS. Puis Fredericton. Puis plus rien. Il devenait facile de se retrouver.
Il a fait beau pendant tout notre séjour en Nouvelle-Écosse. Il y eut quelques courts épisodes de pluie lors de notre dernière journée. Pluie qui nous incita d'ailleurs à reprendre la route.
Je conserve de ce voyage de très beaux souvenirs ainsi que des photographies, bien entendu. Je vous en offre quelques-unes ici. Certaines sont de moi. Les autres sont de ma douce compagne de vie.
Je ne regrette rien de la Nouvelle-Écosse. J'y retournerais demain matin si je le pouvais.
J'en garde l'impression d'un lieu qui ne fait pas mentir la devise que l'on peut lire sur les plaques d'immatriculation de la Nouvelle-Écosse: Canada's Ocean Playground. C'est vraiment le terrain de jeu océanique du Canada. Le paradis des surfers et autres adeptes de la mer.
vendredi 14 août 2015
Semmelweiss et les mains sales
On doit à Ignace Philippe Semmelweis la bonne idée de se laver les mains avant que de procéder à un acte chirurgical.
Ce médecin obstétricien austro-hongrois qui vécut au XIXe siècle découvrit que l'on tuait de 12% à 18% des femmes que l'on accouchait dans son hôpital en les contaminant avec des mains qui n'avaient pas été lavées après avoir disséqué des cadavres.
Tellement de femmes mourraient en couches dans l'hôpital où Semmelweis pratiquait qu'elles préféraient de loin accoucher dans la rue.
Sa découverte fût très mal accueillie par ses collègues ainsi que par l'institution médicale. Les médecins n'avaient aucune envie d'avouer qu'ils étaient responsables d'autant de morts. Ils rejetaient la faute sur la dyscrasie, une théorie d'équilibre des "quatre humeurs fondamentales".
Semmelweis fit chuter le taux de mortalité de 10% sur son département d'obstétrique en prenant l'habitude de se laver précautionneusement les mains pendant cinq minutes avec de l'hypochlorite de calcium.
Des querelles politiques parvinrent à l'évincer du département d'obstétrique où il travaillait parce que Semmelweiss était aussi un militant libéral. Les conservateurs ne voulaient pas de cet énergumène qui remettait en question les fondements de la médecine et les privilèges de certains bureaucrates conservateurs.
Semmelweis s'est battu autant que faire se peut pour faire valoir son point de vue. Rien n'y fit. Il termina ses jours dans un asile psychiatrique. On prétend qu'il est mort des suites de ses blessures après avoir été battu par le personnel de l'asile.
Les idées de Semmelweis ont fini par triompher, bien entendu.
Le docteur Louis Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline, auteur de l'inclassable Voyage au bout de la nuit, a consacré sa thèse de maîtrise sur Semmelweiss. Nul doute que ce médecin qui pratiquait l'invective avec passion toucha la corde sensible de Destouches.
***
Je vous parle de Semmelweiss puisque son nom me vient spontanément à l'esprit plusieurs fois par jour.
Récemment, à l'hôpital, une infirmière changeait le pansement d'une blessure survenue à ma tête sans porter de gants. Le docteur qui l'accompagnait dut lui rappeler de porter des gants.
Je pense aussi à Semmelweiss lorsque je vois des cuisiniers, dans les restaurants ou ailleurs, porter leurs doigts à la bouche et leurs doigts dans les plats pour contaminer tous leurs clients.
Peut-on jouer dans le poisson cru et préparer une salade ensuite sans s'être lavé les mains? Il semble que oui. On peut aussi se gratter la poche ou s'enlever des poils dans la raie du cul avant de préparer votre sandwich préféré.
Les intuitions de Semmelweiss sont devenues des règles médicales qui sont plus ou moins appliquées selon l'humeur des responsables.
L'hygiène alimentaire est tout aussi aléatoire.
D'aucuns pensent que leur caca ne sent rien et qu'il ne peut y avoir de coliformes fécaux et autres bactéries pathogènes sur leurs doigts royaux.
On peut rire de ceux qui se lavent les mains avant de pratiquer une intervention chirurgicale ou bien avant de cuisiner un repas pour cent personnes.
Pourtant, les chiffres ne mentent pas: moins de gens meurent et s'infectent dans un milieu où l'hygiène est sous contrôle.
Je sais que je dois passer pour une espèce de fou, comme Semmelweiss, que de rappeler ses règles élémentaires.
Il y en a même qui diront que le système immunitaire a besoin de bactéries et autres substances cadavériques pour fonctionner, en dépit de tout bon sens et de toute expérience scientifique digne de ce nom.
On préfère encore la pensée magique. Dusse-t-on crever en masse.
C'était mon opinion. Elle vaut ce qu'elle vaut. Semmelweiss serait probablement d'accord avec moi...
Ce médecin obstétricien austro-hongrois qui vécut au XIXe siècle découvrit que l'on tuait de 12% à 18% des femmes que l'on accouchait dans son hôpital en les contaminant avec des mains qui n'avaient pas été lavées après avoir disséqué des cadavres.
Tellement de femmes mourraient en couches dans l'hôpital où Semmelweis pratiquait qu'elles préféraient de loin accoucher dans la rue.
Sa découverte fût très mal accueillie par ses collègues ainsi que par l'institution médicale. Les médecins n'avaient aucune envie d'avouer qu'ils étaient responsables d'autant de morts. Ils rejetaient la faute sur la dyscrasie, une théorie d'équilibre des "quatre humeurs fondamentales".
Semmelweis fit chuter le taux de mortalité de 10% sur son département d'obstétrique en prenant l'habitude de se laver précautionneusement les mains pendant cinq minutes avec de l'hypochlorite de calcium.
Des querelles politiques parvinrent à l'évincer du département d'obstétrique où il travaillait parce que Semmelweiss était aussi un militant libéral. Les conservateurs ne voulaient pas de cet énergumène qui remettait en question les fondements de la médecine et les privilèges de certains bureaucrates conservateurs.
Semmelweis s'est battu autant que faire se peut pour faire valoir son point de vue. Rien n'y fit. Il termina ses jours dans un asile psychiatrique. On prétend qu'il est mort des suites de ses blessures après avoir été battu par le personnel de l'asile.
Les idées de Semmelweis ont fini par triompher, bien entendu.
Le docteur Louis Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline, auteur de l'inclassable Voyage au bout de la nuit, a consacré sa thèse de maîtrise sur Semmelweiss. Nul doute que ce médecin qui pratiquait l'invective avec passion toucha la corde sensible de Destouches.
***
Je vous parle de Semmelweiss puisque son nom me vient spontanément à l'esprit plusieurs fois par jour.
Récemment, à l'hôpital, une infirmière changeait le pansement d'une blessure survenue à ma tête sans porter de gants. Le docteur qui l'accompagnait dut lui rappeler de porter des gants.
Je pense aussi à Semmelweiss lorsque je vois des cuisiniers, dans les restaurants ou ailleurs, porter leurs doigts à la bouche et leurs doigts dans les plats pour contaminer tous leurs clients.
Peut-on jouer dans le poisson cru et préparer une salade ensuite sans s'être lavé les mains? Il semble que oui. On peut aussi se gratter la poche ou s'enlever des poils dans la raie du cul avant de préparer votre sandwich préféré.
Les intuitions de Semmelweiss sont devenues des règles médicales qui sont plus ou moins appliquées selon l'humeur des responsables.
L'hygiène alimentaire est tout aussi aléatoire.
D'aucuns pensent que leur caca ne sent rien et qu'il ne peut y avoir de coliformes fécaux et autres bactéries pathogènes sur leurs doigts royaux.
On peut rire de ceux qui se lavent les mains avant de pratiquer une intervention chirurgicale ou bien avant de cuisiner un repas pour cent personnes.
Pourtant, les chiffres ne mentent pas: moins de gens meurent et s'infectent dans un milieu où l'hygiène est sous contrôle.
Je sais que je dois passer pour une espèce de fou, comme Semmelweiss, que de rappeler ses règles élémentaires.
Il y en a même qui diront que le système immunitaire a besoin de bactéries et autres substances cadavériques pour fonctionner, en dépit de tout bon sens et de toute expérience scientifique digne de ce nom.
On préfère encore la pensée magique. Dusse-t-on crever en masse.
C'était mon opinion. Elle vaut ce qu'elle vaut. Semmelweiss serait probablement d'accord avec moi...
jeudi 13 août 2015
10 livres québécois que j'ai retenus
C'était hier le jour de je ne sais pas trop quoi. Il paraît qu'il fallait absolument acheter un livre québécois.
Je n'ai rien contre cette idée. J'en ai plein dans ma bibliothèque. Et de plus, je les lis.
Il y a de bons livres québécois. Un peu moins que de mauvais livres, mais bon il y en a.
Sur les médias sociaux, tout un chacun y allait de suggestions.
La plupart des twitteux, évidemment, recommandaient des livres ayant trait à la politique.
On parle de livres que déjà l'on voudrait verser dans la propagande.
C'est dommage.
Je dois moi aussi, avec un peu de retard, fournir ma liste. Je vais en oublier plusieurs. D'abord, je n'ai pas tout lu. Et ce que j'ai lu n'est pas toujours recommandable.
Cette liste n'est ni exhaustive ni un exemple à suivre.
C'est une liste strictement subjective.
Voici donc dix livres que j'ai retenus. Ils ne sont pas dans l'ordre. Ils viennent comme ça, sans trop d'efforts.
1) Nègres blancs d'Amérique de Pierre Vallières. Parce qu'au-delà du propos politique il y a de belles pages sur l'enfance pauvre de Vallières à Cartierville. Beaucoup de verbiage politique mal digéré. Mais une prose honnête et une vision claire de la pauvreté québécoise.
2) Vamp de Christian Mistal. Son premier roman. Il n'aurait écrit que celui-là qu'il mériterait sa place dans notre littérature. Le roman d'une génération: la mienne.
3) Sans connaissance de Éric McComber. Sa plume est aiguisée. Son propos est noir. Sa sincérité est absolue. Le roman d'une dégénérescence assumée.
4) Pour saluer Victor Hugo de Victor-Lévy Beaulieu. J'aurais pu choisir cent titres de VLB. Celui-là m'a permis d'apprécier VLB et de le suivre. Il parle toujours de lui quand il parle de Victor Hugo. Et c'est sans doute l'un des traits distinctifs de son oeuvre immense: il finit toujours par parler de lui. Une forme d'égotisme que je lui pardonne parce qu'il a du talent.
5) Oeuvres complètes de Claude Gauvreau. Une oeuvre en friche remplie d'onomatopées illisibles mais aussi de parcelles d'une conscience exceptionnelle. La charge de l'orignal épormyable est excellente.
6) Originaux et détraqués de Louis-Honoré Fréchette. C'est le Alphonse Daudet québécois. Sa prose est plus éclatante que sa poésie pompeuse et son art pompier.
7) On n'est pas des trous du cul de Marie Letellier. Une étude sociologique bourrée de métalangage qui laisse pourtant entrevoir la vie quotidienne d'une certaine famille Bouchard du lumpenprolétariat montréalais.
8) Oeuvres complètes de Pierre Bourgault. Bien que son propos touche souvent à la politique, l'homme avait une plume exceptionnelle. C'était aussi un tribun redoutable. Aurait mieux fait d'écrire un peu plus et de consacrer moins de temps à sa propagande.
9) La Scouine de Albert Laberge. Parce que la Scouine c'est la Scouine.
10) Agaguk de Yves Thériault. Parce que Agaguk c'est Agaguk. Parce que Yves Thériault c'est Yves Thériault.
Je ne dis rien sur Jacques Ferron. Ses lettres aux journaux valent mieux que ses récits, lourds, avec une syntaxe aléatoire et rébarbative. On le surestime. C'était un bon gars, un bon médecin, mais un écrivain très moyen.
J'ai oublié Gabrielle Roy, Germaine Guèvremont. Et quelques autres aussi.
Michel David: écrivain honnête qui incita tout un peuple à apprécier la lecture.
Gaston Miron? Cela ne m'a jamais vraiment intéressé. Je te ferai Terre de Québec, etc. Jouait de l'harmonica lors de la nuit de la poésie.
Nelligan? Il a copié Verlaine et De Nerval. S'il n'était pas mort fou personne ne parlerait de lui.
Réjean Ducharme? Je l'ai lu. Je n'ai presque rien retenu. Beaucoup de jeux de mots. Lassant.
Michel Tremblay? Son théâtre et ses romans valent le coup. J'ai oublié de le mentionner. Je m'en excuse. À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, Les belles-soeurs, La grosse femme d'à côté est enceinte, C't'à ton tour Laura Cadieux, La Duchesse de Langeais: comment ai-je pu l'oublier, hein?
J'en oublie. C'est certain. Gilles Vigneault, Plume Latraverse, Jean Leloup et Richard Desjardins ont écrit des chansons émouvantes. Est-ce que la chanson est un genre littéraire?
Peut-être vous ai-je oublié, vous qui me lisez, et je m'en excuse.
Il y a beaucoup de talents prometteurs. J'y reviendrai un jour ou l'autre.
Ma liste n'est pas les dix commandements de Dieu.
Elle a été construite à la bonne franquette, sans réfléchir plus loin que le bout de mes lunettes, lesquelles je ne porte jamais pour lire.
Je n'ai rien contre cette idée. J'en ai plein dans ma bibliothèque. Et de plus, je les lis.
Il y a de bons livres québécois. Un peu moins que de mauvais livres, mais bon il y en a.
Sur les médias sociaux, tout un chacun y allait de suggestions.
La plupart des twitteux, évidemment, recommandaient des livres ayant trait à la politique.
On parle de livres que déjà l'on voudrait verser dans la propagande.
C'est dommage.
Je dois moi aussi, avec un peu de retard, fournir ma liste. Je vais en oublier plusieurs. D'abord, je n'ai pas tout lu. Et ce que j'ai lu n'est pas toujours recommandable.
Cette liste n'est ni exhaustive ni un exemple à suivre.
C'est une liste strictement subjective.
Voici donc dix livres que j'ai retenus. Ils ne sont pas dans l'ordre. Ils viennent comme ça, sans trop d'efforts.
1) Nègres blancs d'Amérique de Pierre Vallières. Parce qu'au-delà du propos politique il y a de belles pages sur l'enfance pauvre de Vallières à Cartierville. Beaucoup de verbiage politique mal digéré. Mais une prose honnête et une vision claire de la pauvreté québécoise.
2) Vamp de Christian Mistal. Son premier roman. Il n'aurait écrit que celui-là qu'il mériterait sa place dans notre littérature. Le roman d'une génération: la mienne.
3) Sans connaissance de Éric McComber. Sa plume est aiguisée. Son propos est noir. Sa sincérité est absolue. Le roman d'une dégénérescence assumée.
4) Pour saluer Victor Hugo de Victor-Lévy Beaulieu. J'aurais pu choisir cent titres de VLB. Celui-là m'a permis d'apprécier VLB et de le suivre. Il parle toujours de lui quand il parle de Victor Hugo. Et c'est sans doute l'un des traits distinctifs de son oeuvre immense: il finit toujours par parler de lui. Une forme d'égotisme que je lui pardonne parce qu'il a du talent.
5) Oeuvres complètes de Claude Gauvreau. Une oeuvre en friche remplie d'onomatopées illisibles mais aussi de parcelles d'une conscience exceptionnelle. La charge de l'orignal épormyable est excellente.
6) Originaux et détraqués de Louis-Honoré Fréchette. C'est le Alphonse Daudet québécois. Sa prose est plus éclatante que sa poésie pompeuse et son art pompier.
7) On n'est pas des trous du cul de Marie Letellier. Une étude sociologique bourrée de métalangage qui laisse pourtant entrevoir la vie quotidienne d'une certaine famille Bouchard du lumpenprolétariat montréalais.
8) Oeuvres complètes de Pierre Bourgault. Bien que son propos touche souvent à la politique, l'homme avait une plume exceptionnelle. C'était aussi un tribun redoutable. Aurait mieux fait d'écrire un peu plus et de consacrer moins de temps à sa propagande.
9) La Scouine de Albert Laberge. Parce que la Scouine c'est la Scouine.
10) Agaguk de Yves Thériault. Parce que Agaguk c'est Agaguk. Parce que Yves Thériault c'est Yves Thériault.
Je ne dis rien sur Jacques Ferron. Ses lettres aux journaux valent mieux que ses récits, lourds, avec une syntaxe aléatoire et rébarbative. On le surestime. C'était un bon gars, un bon médecin, mais un écrivain très moyen.
J'ai oublié Gabrielle Roy, Germaine Guèvremont. Et quelques autres aussi.
Michel David: écrivain honnête qui incita tout un peuple à apprécier la lecture.
Gaston Miron? Cela ne m'a jamais vraiment intéressé. Je te ferai Terre de Québec, etc. Jouait de l'harmonica lors de la nuit de la poésie.
Nelligan? Il a copié Verlaine et De Nerval. S'il n'était pas mort fou personne ne parlerait de lui.
Réjean Ducharme? Je l'ai lu. Je n'ai presque rien retenu. Beaucoup de jeux de mots. Lassant.
Michel Tremblay? Son théâtre et ses romans valent le coup. J'ai oublié de le mentionner. Je m'en excuse. À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, Les belles-soeurs, La grosse femme d'à côté est enceinte, C't'à ton tour Laura Cadieux, La Duchesse de Langeais: comment ai-je pu l'oublier, hein?
J'en oublie. C'est certain. Gilles Vigneault, Plume Latraverse, Jean Leloup et Richard Desjardins ont écrit des chansons émouvantes. Est-ce que la chanson est un genre littéraire?
Peut-être vous ai-je oublié, vous qui me lisez, et je m'en excuse.
Il y a beaucoup de talents prometteurs. J'y reviendrai un jour ou l'autre.
Ma liste n'est pas les dix commandements de Dieu.
Elle a été construite à la bonne franquette, sans réfléchir plus loin que le bout de mes lunettes, lesquelles je ne porte jamais pour lire.
mercredi 12 août 2015
La mémoire et la mer (Léo Ferré)
Homme libre, toujours tu chériras la mer
La mer est ton miroir; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Charles Baudelaire, L'Homme et la Mer
Des vagues de souvenirs remontent à ma mémoire pour me rappeler la mer.
Je ressens intensément cet appel de l'infini alors que je m'apprête à partir afin de la revoir de plus près.
Mon père a vécu un temps à Sainte-Luce-sur-Mer, tout près de Rimouski. C'est avec nostalgie qu'il nous racontait la mer, avec ses palourdes, ses bigorneaux et ses algues marines. Son rêve était de terminer paisiblement ses jours sur le bord de la mer. Un rêve qu'il n'a pas accompli. Un rêve qu'il a nourri en contemplant toute sa vie les eaux du grand fleuve Magtogoek (anciennement Saint-Laurent) qui le ramenait inévitablement vers Sainte-Luce-sur-Mer.
Sainte-Luce-sur-Mer m'a pris au coeur chaque fois que j'y suis allé. Son église, sa plage, ses sculptures de bois et son odeur de varech m'accompagnent encore. Tout cela me fait comprendre la nostalgie de feu mon père. Ce n'est pas mon rêve, pourtant il est devenu mien. Chaque fois que je suis passé par Sainte-Luce-sur-Mer j'ai ressenti ce profond appel de l'immensité.
La beauté peut prendre plusieurs formes et se manifester là où on l'attend le moins.
Je me souviens entre autres d'une nuit magnifique au camping Tête d'Indien en Haute-Gaspésie. Il devait être trois heures du matin. J'étais sorti du camion où je dormais avec ma douce pour déféquer un peu. J'ai chié, cette nuit-là, devant l'un des plus beaux spectacles que j'aie vu au cours de ma vie.
La mer était agitée et le ciel sans lune me laissait voir la Voie Lactée et tout ce qui brille dans l'univers. J'étais en communion avec l'infini tout en lâchant banalement mon billot. Je ne dis pas ça afin de passer pour un personnage vulgaire atteint de scatologie. Je le rapporte tout simplement parce qu'une expérience mystique peut se produire à tout moment, même en poussant sa crotte.
Le meilleur moment pour goûter pleinement à la mer c'est lorsque nous sommes tout fin seuls sur la plage.
Par mauvais temps, vacanciers et touristes désertent la plage. Ainsi, j'ai profité pleinement des mers agitées et des plages abandonnées.
L'an passé, Cavendish Beach, sur l'Île du Prince Edward, m'a littéralement coupé le souffle. Il n'y avait presque personne. On pouvait marcher sur la plage pendant deux ou trois kilomètres sans se buter à des parasols. C'était magique. Féerique.
Je retournerai voir la mer prochainement. J'en bave à tous les jours de la revoir.
Il se peut que mon blogue soit alimenté moins souvent par la force des choses.
Mon dialogue avec l'infini prendra tout mon temps.
Je vous reviendrai plus libre, plus reposé et plus sensible aussi.
Le meilleur moment pour goûter pleinement à la mer c'est lorsque nous sommes tout fin seuls sur la plage.
Par mauvais temps, vacanciers et touristes désertent la plage. Ainsi, j'ai profité pleinement des mers agitées et des plages abandonnées.
L'an passé, Cavendish Beach, sur l'Île du Prince Edward, m'a littéralement coupé le souffle. Il n'y avait presque personne. On pouvait marcher sur la plage pendant deux ou trois kilomètres sans se buter à des parasols. C'était magique. Féerique.
Je retournerai voir la mer prochainement. J'en bave à tous les jours de la revoir.
Il se peut que mon blogue soit alimenté moins souvent par la force des choses.
Mon dialogue avec l'infini prendra tout mon temps.
Je vous reviendrai plus libre, plus reposé et plus sensible aussi.
mardi 11 août 2015
Amy Winehouse, voix géniale, âme tourmentée
Moi aussi je suis capable de mettre des vidéos en ligne.
Et je ne me gênerai pas pour le faire.
Il s'agit d'une vidéo de la grande Amy Winehouse.
Je suis demeuré sous le choc après avoir assisté à la projection du documentaire Amy au cinéma Le tapis rouge. Réalisé par Asif Kapadia, ce documentaire présente la vie tourmentée d'une des plus grandes voix de jazz du 21e siècle. Une voix riche, puissante et émouvante qui rappelle celle de Billie Holyday et qui peut-être même la surpasse.
On a fait d'Amy Winehouse une icône de la musique populaire avec Rehab, un tube qui rafla tous les honneurs lors de sa sortie.Un tube qu'elle a dû chanter encore et encore, au mépris de tout ce qu'elle chantait d'encore mieux.
Elle est morte d'une crise cardiaque à 27 ans suite à une surconsommation d'alcool. Elle a rejoint le club des 27, regroupant tous ces malheureux artistes morts à 27 ans: Janis Joplin, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Alan Wilson , Kurt Cobain, etc.
Et je ne me gênerai pas pour le faire.
Il s'agit d'une vidéo de la grande Amy Winehouse.
Je suis demeuré sous le choc après avoir assisté à la projection du documentaire Amy au cinéma Le tapis rouge. Réalisé par Asif Kapadia, ce documentaire présente la vie tourmentée d'une des plus grandes voix de jazz du 21e siècle. Une voix riche, puissante et émouvante qui rappelle celle de Billie Holyday et qui peut-être même la surpasse.
On a fait d'Amy Winehouse une icône de la musique populaire avec Rehab, un tube qui rafla tous les honneurs lors de sa sortie.Un tube qu'elle a dû chanter encore et encore, au mépris de tout ce qu'elle chantait d'encore mieux.
Elle est morte d'une crise cardiaque à 27 ans suite à une surconsommation d'alcool. Elle a rejoint le club des 27, regroupant tous ces malheureux artistes morts à 27 ans: Janis Joplin, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Alan Wilson , Kurt Cobain, etc.
lundi 10 août 2015
Le Roi de la patate
Lundi matin, le roi, la reine et le petit prince sont venus chez-moi pour me serrer la pince. Mais comme j'étais parti, le petit prince a dit: puisque c'est comme ça nous reviendrons mardi.
Mardi matin, ils revinrent tous trois à bord d'une grosse Cadillac jaune fluo.
Évidemment, c'était le roi de la patate, avec sa femme et son petit qui s'appelait Prince. Prince Galarneau. Puisque le roi de la patate s'appelait Galarneau et qu'il était encore coutume dans cette famille d'associer le nom du père à celui des enfants.
Roger Galarneau, le roi de la patate, souhaitait que je devienne cook dans son casse-croûte portant son titre éponyme: Le Roi de la patate.
C'était en fait une roulotte transformée en casse-croûte, installée quelque part sur la route 138, entre Trois-Rivières et Baie-Comeau.
-Veux-tu devenir cook pour Le Roi de la patate? me demanda le petit Prince qui se préparait déjà à prendre la relève du roi qui souffrait d'un cancer incurable de l'oreille gauche.
-Patate que oui, patate que non, lui répondis-je, puisque je ne connaissais rien en matière de patates frites.
-Je ne peux pas t'offrir plus que le salaire minimum continua le roi de la patate.
-Ça ne fait beaucoup, ajouté-je.
-Par contre, tu peux manger autant de frites que tu veux, prononça l'épouse. En autant que tu paies si tu rajoutes du fromage en crottes. Ça coûte cher le fromage en crottes. On n'a pas les moyens de voir manger tous nos profits, tu comprends?
-Mais c'est que je n'y connais rien en patates frites et en hamburgers! Pourquoi vous tourner vers moi pour cet emploi? J'ai déjà une job et on me paie un peu plus que le salaire minimum... Comment voulez-vous que je change une piastre pour deux trente sous?
-T'apprendras que c'est un honneur de travailler pour Le Roi de la patate! s'enflamma le petit Prince.
-L'honneur, ça paie pas les factures, osé-je lui répliquer.
-C'est à prendre ou à laisser! J'ai le cancer de l'oreille gauche! Je n'ai plus le temps de niaiser! Veux-tu oui ou non devenir cook pour Le Roi de la patate? me lança Roger sur un ton menaçant.
-Noooon! que je lui ai crié de toutes mes forces, regrettant ensuite de l'avoir fait compte tenu de son cancer d'oreille incurable.
Les trois m'ont regardé d'un air triste, déconfit et désespéré.
-Il n'y a donc rien à faire! Allons-nous en! déclara le petit Prince.
Le roi, sa femme et le petit Prince embarquèrent dans la Cadillac jaune fluo. Le petit Prince me regarda d'un air teigneux une dernière fois avant de démarrer la voiture. Il fit crisser les pneus sur l'asphalte tout en me tendant le majeur pour signifier tout son mépris pour mon refus de faire partie de leurs sujets.
C'est là que je me suis réveillé, évidemment.
Tout cela n'était qu'un rêve.
Voire un cauchemar.
Enfin, il n'y avait rien de réel dans tout ça.
Ce qui se transforma en littérature, par souci d'économiser mon imagination et mon génie.
Mardi matin, ils revinrent tous trois à bord d'une grosse Cadillac jaune fluo.
Évidemment, c'était le roi de la patate, avec sa femme et son petit qui s'appelait Prince. Prince Galarneau. Puisque le roi de la patate s'appelait Galarneau et qu'il était encore coutume dans cette famille d'associer le nom du père à celui des enfants.
Roger Galarneau, le roi de la patate, souhaitait que je devienne cook dans son casse-croûte portant son titre éponyme: Le Roi de la patate.
C'était en fait une roulotte transformée en casse-croûte, installée quelque part sur la route 138, entre Trois-Rivières et Baie-Comeau.
-Veux-tu devenir cook pour Le Roi de la patate? me demanda le petit Prince qui se préparait déjà à prendre la relève du roi qui souffrait d'un cancer incurable de l'oreille gauche.
-Patate que oui, patate que non, lui répondis-je, puisque je ne connaissais rien en matière de patates frites.
-Je ne peux pas t'offrir plus que le salaire minimum continua le roi de la patate.
-Ça ne fait beaucoup, ajouté-je.
-Par contre, tu peux manger autant de frites que tu veux, prononça l'épouse. En autant que tu paies si tu rajoutes du fromage en crottes. Ça coûte cher le fromage en crottes. On n'a pas les moyens de voir manger tous nos profits, tu comprends?
-Mais c'est que je n'y connais rien en patates frites et en hamburgers! Pourquoi vous tourner vers moi pour cet emploi? J'ai déjà une job et on me paie un peu plus que le salaire minimum... Comment voulez-vous que je change une piastre pour deux trente sous?
-T'apprendras que c'est un honneur de travailler pour Le Roi de la patate! s'enflamma le petit Prince.
-L'honneur, ça paie pas les factures, osé-je lui répliquer.
-C'est à prendre ou à laisser! J'ai le cancer de l'oreille gauche! Je n'ai plus le temps de niaiser! Veux-tu oui ou non devenir cook pour Le Roi de la patate? me lança Roger sur un ton menaçant.
-Noooon! que je lui ai crié de toutes mes forces, regrettant ensuite de l'avoir fait compte tenu de son cancer d'oreille incurable.
Les trois m'ont regardé d'un air triste, déconfit et désespéré.
-Il n'y a donc rien à faire! Allons-nous en! déclara le petit Prince.
Le roi, sa femme et le petit Prince embarquèrent dans la Cadillac jaune fluo. Le petit Prince me regarda d'un air teigneux une dernière fois avant de démarrer la voiture. Il fit crisser les pneus sur l'asphalte tout en me tendant le majeur pour signifier tout son mépris pour mon refus de faire partie de leurs sujets.
C'est là que je me suis réveillé, évidemment.
Tout cela n'était qu'un rêve.
Voire un cauchemar.
Enfin, il n'y avait rien de réel dans tout ça.
Ce qui se transforma en littérature, par souci d'économiser mon imagination et mon génie.
dimanche 9 août 2015
Roman avec cocaïne & Le mirage: deux oeuvres vides
J'ai deux critiques dans ma tête qu'il me faut reproduire ici pour me décharger l'esprit. J'aurais pu rédiger deux billets pour ne pas avoir l'air de sauter du coq à l'âne. Pourtant, tout semble se tenir dans ces humbles digressions que je vous propose.
ROMAN AVEC COCAÏNE
On m'avait chaudement recommandé la lecture de Roman avec cocaïne de M. Aguéev, pseudonyme d'un certain Mark Levi. Ce roman a été publié en France au milieu des années trente. On l'a republié en 1983. On a cru, un temps, que l'auteur était Vladimir Nabokov puisqu'on ne trouvait nulle trace de M. Aguéev. Puis on a fini par remonter jusqu'à cet obscur Mark Levi à qui l'on ne doit peut-être qu'un seul roman et deux ou trois nouvelles. Tout ce qu'il fallait pour en faire l'auteur plus ou moins maudit d'un roman-culte par ce fait même.
Je ne dirais pas que j'ai été déçu par ce Roman avec cocaïne. J'y ai retrouvé certains thèmes récurrents de la littérature russe. Il y a un peu de Gogol et de Dostoïevski chez Aguéev. On ressent ce besoin impérieux de tout dire, comme chez les personnages des Âmes mortes, de Nuits Blanches ou bien du Sous-sol. Ce roman écrit à la première personne du singulier témoigne de toutes les bassesses psychiques et physiques de son anti-héros. Il rappelle un peu l'anti-héros de L'Attrape-coeurs de J.D. Salinger. Il s'agit d'un être relativement mesquin qui raconte froidement son monde froid, avec quelques beaux sentiments reniés aussitôt qu'ils se manifestent.
Arthur Rimbaud disait de ses poésies de jeunesse qu'elles étaient des "rinçures". Il avait délaissé l'écriture au profit de son nouveau métier de trafiquant d'armes.
On a dit de M. Aguéev qu'il ne pouvait plus rien écrire suite à ce Roman avec cocaïne parce qu'il y avait tout dit. Si c'est tout ce qu'il avait à dire, on ne peut que plaindre ce pauvre homme.
On pourrait dire la même chose de Rimbaud. Pourtant, Dostoïevski ne s'en est pas tenu qu'aux Nuits blanches, au Joueur ou bien à L'éternel mari. Il est plongé encore plus creux dans son exploration de l'âme humaine pour nous laisser Crime et Châtiment, Les possédés, Les frères Karamazov, L'Idiot et j'en passe. Il est passé de la première personne du singulier à la première personne du pluriel, ce qui lui permit d'écrire une oeuvre transcendante, abondante et universelle.
Roman avec cocaïne, comme Une saison en enfer, est le témoignage cru d'un échec littéraire.
Échec qui rappelle celui des Chants de Maldoror de Lautréamont, lequel se tira d'affaires en devenant Isidore Ducasse.
Je ne veux pas dire que Roman avec cocaïne, Une saison en enfer et les Chants de Maldoror n'ont pas leur place en littérature. Bien au contraire. Je crois simplement que ce sont des rinçures. Elles méritent d'être lues et relues. Néanmoins, elles ne débouchent sur rien. Elles sont comme la guitare enflammée de Jimi Hendrix qui ne peut plus donner le la ni la mélodie. Le talent de Hendrix est toujours là, mais la guitare ne joue plus.
L'art est le miroir de l'époque. On ne peut pas reprocher à ces rinçures de ne pas nous montrer les ravages de l'égotisme ambiant. Force est d'admettre qu'elles ne vont pas plus loin que le néant qu'elles exploitent.
Camus à jouer avec le néant en écrivant L'Étranger. Il aurait pu cesser d'écrire après cela. Il avait pourtant raison d'affirmer que l'absurde est un point de départ plutôt qu'une destination.
LE MIRAGE
Dans un autre ordre d'idées, sans nécessairement quitter le thème précédent, je suis sorti un peu déçu du cinéma après avoir visionné Le Mirage, un film de Ricardo Trogi avec Louis Morissette dans le rôle principal d'un type qui se masturbe tout le temps. En plus de se masturber, le pauvre homme est propriétaire d'un magasin d'articles sportifs et ne sait plus comment joindre les deux bouts pour se payer la vie de rêve à laquelle ils aspirent, lui et son épouse. Une vie de rêve qui vient avec tout le confort que permettent les hypothèques et les cartes de crédit. Il en faut toujours plus, évidemment. Toujours plus pour payer la leçon de piano de leur fille, les gugusses informatiques du fiston, la piscine au sel, le sauna et les seins de silicone.
Tout le long du film, le personnage principal se crosse en s'imaginant des scénarios de cul qui ne sont pas à la mesure de sa vie monotone.
Malheureusement, le film ne lève pas haut. Les séances de masturbation du misérable finissent par faire bayer aux corneilles. On aurait la même impression s'il se décrottait le nez. Le scénario manque de transcendance. Le film manque de prises de vues moins factuelles qui témoignent d'un travail d'artiste. On est loin de l'art achevé d'un Xavier Dolan. Loin du film American Beauty de Sam Mendes qui jouait relativement dans les mêmes eaux.
On ne trouve pas dans Le Mirage une scène aussi marquante que le sac de plastique vide ballotté au vent au début, au milieu et à la fin du film American Beauty. Ce sac de plastique vide ballotté par le vent est plus éloquent que tout pour décrire le vide de nos existences et faire d'un film ordinaire un film exceptionnel.
Le Mirage n'a pas cette qualité. Il est purement factuel, prosaïque et, disons-le, vide.
D'aucuns pourraient en faire un film-culte. Roman avec cocaïne est bien devenu un roman-culte...
Il se trouvera toujours des types un peu paumés pour conférer une grandeur démesurée à des oeuvres plutôt limitées qui ont choisi la vacuité pour point de départ et pour point d'arrivée.
Je vais sûrement me faire scalper pour avoir écrit ça.
Si je ne risquais rien, il ne m'arriverait rien.
AUTEURS À QUI JE PARDONNE L'UTILISATION DU JE
Le je n'est pas toujours vain. Le je de Charles Bukowski est transcendant, malgré ses cuites, son vomi et ses baises banales. Le je de Henry Miller est tout aussi grand et son oeuvre est immense. Le secret de ces oeuvres au je qui sont là pour durer est dans l'humour, le regard sans pitié sur soi-même et une certaine tendresse envers autrui. Le secret, c'est aussi la transcendance, l'ars magna auquel ils font référence, bref l'originalité du propos.
Pour un Bukowski réussi, il y a dix milles imitateurs falots et soporifiques à en mourir.
Pour un Rimbaud réussi, il y a cent millions de collégiens qui veulent faire passer leurs rinçures pour des sensations.
ROMAN AVEC COCAÏNE
On m'avait chaudement recommandé la lecture de Roman avec cocaïne de M. Aguéev, pseudonyme d'un certain Mark Levi. Ce roman a été publié en France au milieu des années trente. On l'a republié en 1983. On a cru, un temps, que l'auteur était Vladimir Nabokov puisqu'on ne trouvait nulle trace de M. Aguéev. Puis on a fini par remonter jusqu'à cet obscur Mark Levi à qui l'on ne doit peut-être qu'un seul roman et deux ou trois nouvelles. Tout ce qu'il fallait pour en faire l'auteur plus ou moins maudit d'un roman-culte par ce fait même.
Je ne dirais pas que j'ai été déçu par ce Roman avec cocaïne. J'y ai retrouvé certains thèmes récurrents de la littérature russe. Il y a un peu de Gogol et de Dostoïevski chez Aguéev. On ressent ce besoin impérieux de tout dire, comme chez les personnages des Âmes mortes, de Nuits Blanches ou bien du Sous-sol. Ce roman écrit à la première personne du singulier témoigne de toutes les bassesses psychiques et physiques de son anti-héros. Il rappelle un peu l'anti-héros de L'Attrape-coeurs de J.D. Salinger. Il s'agit d'un être relativement mesquin qui raconte froidement son monde froid, avec quelques beaux sentiments reniés aussitôt qu'ils se manifestent.
Arthur Rimbaud disait de ses poésies de jeunesse qu'elles étaient des "rinçures". Il avait délaissé l'écriture au profit de son nouveau métier de trafiquant d'armes.
On a dit de M. Aguéev qu'il ne pouvait plus rien écrire suite à ce Roman avec cocaïne parce qu'il y avait tout dit. Si c'est tout ce qu'il avait à dire, on ne peut que plaindre ce pauvre homme.
On pourrait dire la même chose de Rimbaud. Pourtant, Dostoïevski ne s'en est pas tenu qu'aux Nuits blanches, au Joueur ou bien à L'éternel mari. Il est plongé encore plus creux dans son exploration de l'âme humaine pour nous laisser Crime et Châtiment, Les possédés, Les frères Karamazov, L'Idiot et j'en passe. Il est passé de la première personne du singulier à la première personne du pluriel, ce qui lui permit d'écrire une oeuvre transcendante, abondante et universelle.
Roman avec cocaïne, comme Une saison en enfer, est le témoignage cru d'un échec littéraire.
Échec qui rappelle celui des Chants de Maldoror de Lautréamont, lequel se tira d'affaires en devenant Isidore Ducasse.
Je ne veux pas dire que Roman avec cocaïne, Une saison en enfer et les Chants de Maldoror n'ont pas leur place en littérature. Bien au contraire. Je crois simplement que ce sont des rinçures. Elles méritent d'être lues et relues. Néanmoins, elles ne débouchent sur rien. Elles sont comme la guitare enflammée de Jimi Hendrix qui ne peut plus donner le la ni la mélodie. Le talent de Hendrix est toujours là, mais la guitare ne joue plus.
L'art est le miroir de l'époque. On ne peut pas reprocher à ces rinçures de ne pas nous montrer les ravages de l'égotisme ambiant. Force est d'admettre qu'elles ne vont pas plus loin que le néant qu'elles exploitent.
Camus à jouer avec le néant en écrivant L'Étranger. Il aurait pu cesser d'écrire après cela. Il avait pourtant raison d'affirmer que l'absurde est un point de départ plutôt qu'une destination.
LE MIRAGE
Dans un autre ordre d'idées, sans nécessairement quitter le thème précédent, je suis sorti un peu déçu du cinéma après avoir visionné Le Mirage, un film de Ricardo Trogi avec Louis Morissette dans le rôle principal d'un type qui se masturbe tout le temps. En plus de se masturber, le pauvre homme est propriétaire d'un magasin d'articles sportifs et ne sait plus comment joindre les deux bouts pour se payer la vie de rêve à laquelle ils aspirent, lui et son épouse. Une vie de rêve qui vient avec tout le confort que permettent les hypothèques et les cartes de crédit. Il en faut toujours plus, évidemment. Toujours plus pour payer la leçon de piano de leur fille, les gugusses informatiques du fiston, la piscine au sel, le sauna et les seins de silicone.
Tout le long du film, le personnage principal se crosse en s'imaginant des scénarios de cul qui ne sont pas à la mesure de sa vie monotone.
Malheureusement, le film ne lève pas haut. Les séances de masturbation du misérable finissent par faire bayer aux corneilles. On aurait la même impression s'il se décrottait le nez. Le scénario manque de transcendance. Le film manque de prises de vues moins factuelles qui témoignent d'un travail d'artiste. On est loin de l'art achevé d'un Xavier Dolan. Loin du film American Beauty de Sam Mendes qui jouait relativement dans les mêmes eaux.
On ne trouve pas dans Le Mirage une scène aussi marquante que le sac de plastique vide ballotté au vent au début, au milieu et à la fin du film American Beauty. Ce sac de plastique vide ballotté par le vent est plus éloquent que tout pour décrire le vide de nos existences et faire d'un film ordinaire un film exceptionnel.
Le Mirage n'a pas cette qualité. Il est purement factuel, prosaïque et, disons-le, vide.
D'aucuns pourraient en faire un film-culte. Roman avec cocaïne est bien devenu un roman-culte...
Il se trouvera toujours des types un peu paumés pour conférer une grandeur démesurée à des oeuvres plutôt limitées qui ont choisi la vacuité pour point de départ et pour point d'arrivée.
Je vais sûrement me faire scalper pour avoir écrit ça.
Si je ne risquais rien, il ne m'arriverait rien.
AUTEURS À QUI JE PARDONNE L'UTILISATION DU JE
Le je n'est pas toujours vain. Le je de Charles Bukowski est transcendant, malgré ses cuites, son vomi et ses baises banales. Le je de Henry Miller est tout aussi grand et son oeuvre est immense. Le secret de ces oeuvres au je qui sont là pour durer est dans l'humour, le regard sans pitié sur soi-même et une certaine tendresse envers autrui. Le secret, c'est aussi la transcendance, l'ars magna auquel ils font référence, bref l'originalité du propos.
Pour un Bukowski réussi, il y a dix milles imitateurs falots et soporifiques à en mourir.
Pour un Rimbaud réussi, il y a cent millions de collégiens qui veulent faire passer leurs rinçures pour des sensations.
vendredi 7 août 2015
Hiroshima, Léonard de Vinci et François 1er
Guernica, de Pablo Picasso
Cela faisait 70 ans, hier le 6 août, que la bombe atomique tua plus de 140 000 civils sur-le-champ à Hiroshima. Environ 70 000 autres civils connurent le même sort à Nagasaki trois jours plus tard.
Coluche, le célèbre clown français, disait que la Première guerre mondiale avait tué un militaire pour dix civils massacrés. La Deuxième guerre mondiale tua un militaire pour cent civils. Pour la Troisième guerre mondiale, Coluche recommandait aux civils de s'engager dans l'armée puisque seuls les militaires survivront...
Il est abominable de penser qu'il est presque devenu normal de tuer des civils.
Les aborigènes de l'Océanie reprochaient aux Britanniques de gaspiller de la viande. Ils n'auraient pas osé tuer plus qu'ils ne pouvaient manger au cours d'une guerre. Ils voyaient les cadavres joncher les champs de bataille et n'en revenaient pas de tout ce gâchis.
On prétend que Léonard de Vinci se fit vertement rabrouer par François 1er pour avoir suggéré la création d'armes létales qui s'apparentaient à la mitraillette moderne.
-Vous n'y pensez pas! Je passerais pour un monstre! Il y a des règles à respecter dans la guerre! qu'il aurait répondu au génial inventeur des machines à tuer. Retournez plutôt à vos pinceaux et faites-moi un beau portrait...
De nos jours, plus personne ne semble outragé de songer qu'on puisse tuer quelques milliards de civils en pesant sur un bouton rouge.
On ne l'a pas encore fait pour des raisons qui tiennent du miracle. Nous sommes souvent passés tout près de disparaître, lors de la crise des missiles à Cuba ou bien lors du plus récent conflit ukrainien.
Les Grecs et les Romains situaient le paradis dans le passé, un passé qu'ils appelaient l'Âge d'Or. Dans la tradition judéo-chrétienne, il était plutôt question du jardin d'Éden.
Les Grecs et les Romains croyaient vivre à l'âge d'airain, à l'ère la plus impitoyable qui soit, où le fils peut étrangler sa mère pour quelques drachmes ou quelques sesterces.
Peut-on leur reprocher d'avoir pensé cela?
Nous vivons encore sur les ruines de cette civilisation du feu et du sang.
Nous nous imaginons hyper civilisés, brillants et poètes par-dessus le marché, comme Léonard de Vinci. Pourtant, dans les rêves de Vinci comme dans ceux de nos savants, il y a tant d'instruments de mort et de souffrance que nous ne pouvons que souffler un brin de penser qu'on a encore vécu vingt-quatre heures sans avoir été réduits en cendres.
"Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite de vents", disait l'Ecclésiaste, un des rares sages de la Bible.
Que pouvons-nous faire contre les instincts de mort qui bouillent en nous-mêmes en tant qu'humains trop calculateurs et trop désincarnés?
Je ne sais pas.
Peindre la Joconde, peut-être.
Ou penser comme François 1er dans ses beaux jours.
jeudi 6 août 2015
Voter pour le moins pourri à défaut d'annuler mon vote
Ceux qui veulent le pouvoir ne le méritent pas. C'est ce que Socrate disait via Platon. Cette formule est encore d'actualité. D'autant plus que les actualités nous placent en situation de campagne électorale pour le gouvernement fédéral.
Que voit-on? Essentiellement des gens qui veulent le pouvoir. Ils ne sont pas portés ni supportés par le peuple. Ils affirment leur présence et leur personnalité un peu falote en prétendant vouloir servir le peuple plutôt que de se servir. Ils voudraient notre bien plutôt que nos biens. Et comme ils font leur autopromotion, une petite voix intérieure se fait entendre chez tous les électeurs: ce sont tous des crosseurs!
Plus de 40% des électeurs inscrits ne se déplacent plus pour voter. La grande farce de la chose publique n'émeut plus personne, sinon quelques militants enflammés pour une cause qui se confond trop souvent avec leurs intérêts immédiats. Que l'on soit de gauche ou de droite, souverainiste ou fédéraliste, les esprits politiques les plus échauffés sont toujours loin, très loin des réalités sociales et économiques. Les fils dépassent. On ne voit que des marionnettes et des marionnettistes.
La philosophe Simone Weil, dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, écrivait substantiellement que les partis politiques sont des regroupements de gens qui complotent contre le peuple dans les coulisses du pouvoir. Je ne suis pas loin de partager cet avis. Je ne fais partie d'aucun parti politique et m'en veux d'accorder mon vote au moins pourri des candidats qui demeure tout de même pourri.
Je les vois tous faire semblant d'aimer les enfants, les vieux, le rodéo ou bien le Grand Prix automobile en période électorale alors que, au fin fond du fond, ils s'en moquent éperdument. Ils veulent le pouvoir, par tous les moyens, et les idées pèsent beaucoup moins lourd dans la balance que les sourires convenus et les poignées de main arrangées avec celui qui tient la caméra.
Est-ce une raison de se détourner de la politique et laisser aux politiciens le loisir de faire ce qu'ils veulent en toute impunité? Pas du tout. La politique continue avant, pendant et après les campagnes électorales. Le jour du vote n'est que l'épisode le moins représentatif de la vie démocratique. Il représente, en quelque sorte, son fossoyeur.
Untel qui s'est fait élire par 25% des électeurs inscrits se targue le lendemain d'avoir obtenu un mandat majoritaire pour établir des politiques d'austérité qui feront plonger tout le monde dans la misère et la pauvreté. Les commanditaires, essentiellement des banquiers et des mangeux d'marde, s'en réjouiront. La vie démocratique ne doit plus exister. L'opposition devra faire des pieds et des mains pour signifier le refus de 75% des citoyens qui n'ont pas voté pour les mangeux d'marde.
La campagne électorale fédérale est en branle.
Pour qui voter? Pourquoi voter? Je nous le demande.
La politique du moins pire m'a épuisé. Je la pratique depuis que j'ai le droit de vote quand je ne prône pas tout simplement l'anarchie. L'anarchisme vient me séduire de temps à autres. Mais quelque chose comme ma propre bêtise finit toujours par me ramener vers un choix douteux.
Pour le moment, il est probable que je vote pour Robert Aubin, candidat du Nouveau Parti Démocratique (NPD) dans Trois-Rivières. Je ne le ferai pas de gaieté de coeur. Je le ferai avec d'énormes tiraillements dans les entrailles qui me provoquent des nausées incontrôlables. C'est le moins pire... Il offre ses sourires, lui aussi, au Grand Prix de Trois-Rivières. Il fait semblant d'être un peu moins à gauche que ne le laissent croire les statuts de son parti presque socialiste.
Je ne me vois pas voter pour le Bloc québécois, même si l'option de l'indépendance du Québec me semble viable. Je ne m'intéresse pas tant que ça au Parc Jurassique. Le Bloc me fait l'effet de l'Union Nationale ou bien du Crédit Social.
Et puis, franchement, je ne peux pas imaginer le Canada, qui est encore mon pays jusqu'à preuve du contraire, soit encore sous la férule de Harper, des conservateurs et des libertariens. Ces types ont considérablement nui à notre économie en nous rendant détestables, Canadiens et Québécois, un peu partout dans le monde. Plutôt que de prôner la voie diplomatique, ces imbéciles jouent aux va-t'en-guerre avec l'Ukraine, Israël et tout le tralala. Ils renient les changements climatiques et feraient du pays une colonie lunaire s'ils le pouvaient.
Je veux bien que le Québec devienne indépendant. Mais je ne veux pas de quatre autres années de gouvernement conservateur.
Je vais voter pour le moins pourri, encore une fois, avec le sentiment de me faire baiser, comme d'habitude.
Que voit-on? Essentiellement des gens qui veulent le pouvoir. Ils ne sont pas portés ni supportés par le peuple. Ils affirment leur présence et leur personnalité un peu falote en prétendant vouloir servir le peuple plutôt que de se servir. Ils voudraient notre bien plutôt que nos biens. Et comme ils font leur autopromotion, une petite voix intérieure se fait entendre chez tous les électeurs: ce sont tous des crosseurs!
Plus de 40% des électeurs inscrits ne se déplacent plus pour voter. La grande farce de la chose publique n'émeut plus personne, sinon quelques militants enflammés pour une cause qui se confond trop souvent avec leurs intérêts immédiats. Que l'on soit de gauche ou de droite, souverainiste ou fédéraliste, les esprits politiques les plus échauffés sont toujours loin, très loin des réalités sociales et économiques. Les fils dépassent. On ne voit que des marionnettes et des marionnettistes.
La philosophe Simone Weil, dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, écrivait substantiellement que les partis politiques sont des regroupements de gens qui complotent contre le peuple dans les coulisses du pouvoir. Je ne suis pas loin de partager cet avis. Je ne fais partie d'aucun parti politique et m'en veux d'accorder mon vote au moins pourri des candidats qui demeure tout de même pourri.
Je les vois tous faire semblant d'aimer les enfants, les vieux, le rodéo ou bien le Grand Prix automobile en période électorale alors que, au fin fond du fond, ils s'en moquent éperdument. Ils veulent le pouvoir, par tous les moyens, et les idées pèsent beaucoup moins lourd dans la balance que les sourires convenus et les poignées de main arrangées avec celui qui tient la caméra.
Est-ce une raison de se détourner de la politique et laisser aux politiciens le loisir de faire ce qu'ils veulent en toute impunité? Pas du tout. La politique continue avant, pendant et après les campagnes électorales. Le jour du vote n'est que l'épisode le moins représentatif de la vie démocratique. Il représente, en quelque sorte, son fossoyeur.
Untel qui s'est fait élire par 25% des électeurs inscrits se targue le lendemain d'avoir obtenu un mandat majoritaire pour établir des politiques d'austérité qui feront plonger tout le monde dans la misère et la pauvreté. Les commanditaires, essentiellement des banquiers et des mangeux d'marde, s'en réjouiront. La vie démocratique ne doit plus exister. L'opposition devra faire des pieds et des mains pour signifier le refus de 75% des citoyens qui n'ont pas voté pour les mangeux d'marde.
La campagne électorale fédérale est en branle.
Pour qui voter? Pourquoi voter? Je nous le demande.
La politique du moins pire m'a épuisé. Je la pratique depuis que j'ai le droit de vote quand je ne prône pas tout simplement l'anarchie. L'anarchisme vient me séduire de temps à autres. Mais quelque chose comme ma propre bêtise finit toujours par me ramener vers un choix douteux.
Pour le moment, il est probable que je vote pour Robert Aubin, candidat du Nouveau Parti Démocratique (NPD) dans Trois-Rivières. Je ne le ferai pas de gaieté de coeur. Je le ferai avec d'énormes tiraillements dans les entrailles qui me provoquent des nausées incontrôlables. C'est le moins pire... Il offre ses sourires, lui aussi, au Grand Prix de Trois-Rivières. Il fait semblant d'être un peu moins à gauche que ne le laissent croire les statuts de son parti presque socialiste.
Je ne me vois pas voter pour le Bloc québécois, même si l'option de l'indépendance du Québec me semble viable. Je ne m'intéresse pas tant que ça au Parc Jurassique. Le Bloc me fait l'effet de l'Union Nationale ou bien du Crédit Social.
Et puis, franchement, je ne peux pas imaginer le Canada, qui est encore mon pays jusqu'à preuve du contraire, soit encore sous la férule de Harper, des conservateurs et des libertariens. Ces types ont considérablement nui à notre économie en nous rendant détestables, Canadiens et Québécois, un peu partout dans le monde. Plutôt que de prôner la voie diplomatique, ces imbéciles jouent aux va-t'en-guerre avec l'Ukraine, Israël et tout le tralala. Ils renient les changements climatiques et feraient du pays une colonie lunaire s'ils le pouvaient.
Je veux bien que le Québec devienne indépendant. Mais je ne veux pas de quatre autres années de gouvernement conservateur.
Je vais voter pour le moins pourri, encore une fois, avec le sentiment de me faire baiser, comme d'habitude.
mercredi 5 août 2015
Pèlerinage qui tourne mal dans une forêt du Yukon
Une pluie fine tombait sur cette forêt essentiellement composée d'épinettes et de bouleaux blancs.
Des odeurs d'humus montaient du sol.
On entendait le mouvement de l'eau qui sculptait lentement les rochers du ruisseau.
C'était le matin et l'homme avançait doucement sur ce territoire où peu d'hommes s'aventuraient.
Il goûtait à la quiétude d'un anonymat total. S'il était mort là, on ne l'aurait pas retrouvé avant dix ou cent ans. Et peut-être même jamais.
Cette sensation d'être loin de tout et de tous lui était douce et agréable.
Que faisait-il là, au milieu de nulle part? Il marchait pour marcher. Il voyageait en-dehors des sentiers balisés. Il rêvait les yeux grands ouverts.
Il y avait peu de moustiques. À la fin septembre, ils sont presque tous partis. Autrement, il n'aurait pas entrepris cette marche.
Cela faisait deux jours qu'il avait quitté Whitehorse. Deux jours qu'il marchait avec son sac à dos rempli de noix et de fruits séchés.
Il avait dormi à la belle étoile la nuit passée. Puis la pluie l'avait forcé à reprendre la route. Il pleut rarement au Yukon. La plupart du temps, ça dure une demie heure et c'est fini. Les environs de Whitehorse profitent d'un climat semi-désertique. Les glaciers ont fondu il n'y a même pas deux milles ans. Ce qui explique que toute la végétation semble pousser sur du sable fin.
Comme de raison, la pluie fine cessa aux alentours de dix heures. Le soleil revint. Et avec le retour du soleil il put entendre le chant de ces oiseaux étranges, les takus, au bec multicolore.
Au détour d'un sentier, l'homme croisa un ours. Ou plutôt une ourse grizzli avec ses deux oursons.
Évidemment, l'homme eut très peur. Il n'avait qu'un canif et un bâton de marche pour se défendre. Aussi bien dire qu'il n'avait rien.
Que faire? Justement: ne rien faire...
Il s'arrêta pour regarder le bout de ses souliers. L'ourse et les oursons se trouvaient à moins de cent pieds.
-I won't do anything, qu'il leur a dit en un anglais qui laissait deviner un accent français. I won't bother you... I just want to go my way... I'm sorry to be here in your territory... Let me go... Please...
Il avait appris qu'on pouvait sauver sa vie en parlant avec les grizzlis si l'on baissait la tête en signe de respect et de soumission.
Ceux qui courraient devant un ours ou bien faisaient le mort s'en tiraient moins bien. Il n'avait pas envie que cette ourse prenne une bouchée de son corps qui lui était encore bien pratique. Il savait aussi qu'une mort certaine l'attendait s'il se faisait blesser puisqu'il était loin de tout et de tous. Il s'en voulait d'être parti à l'aventure sans fusil, comme s'il pouvait parler avec les loups, les grizzlis ou les alcooliques.
L'ourse aurait pu être méchante. Par bonheur, elle ne l'était pas. Elle venait de manger plus que sa part et sa digestion la rendait plutôt bienveillante.
Elle lâcha un énorme pet en se détournant de l'homme et s'enfonça dans la forêt avec ses deux oursons.
L'homme l'avait échappé belle. Tout n'était pas terminé pour autant. L'ourse pouvait revenir. Et si ce n'était pas cette ourse, ce pouvait être un autre grizzli, un loup solitaire ou bien une meute. L'homme prenait subitement conscience de tous les dangers qui pouvaient l'attendre et ne pensait plus qu'à une chose: revenir en ville parmi ses congénères!
Il revint donc sur ses pas et traversa en un temps éclair tout le chemin qu'il avait pris pour se rendre jusque là.
Il arriva à Whitehorse vers neuf heures du soir après avoir fait du pouce sur la Alaska Highway pour raccourcir les distances.
Ses potes Jimmy et Dan l'attendaient dans la cabane de bois qu'ils squattaient depuis six mois avec l'autorisation du gouvernement territorial du Yukon.
Jimmy et Dan lui tendirent une petite pipe de cuivre débordante de haschisch qu'il fuma avec calme et volupté.
Puis il leur raconta sa mésaventure après avoir joué un ou deux airs de guitare avec Jimmy et Dan.
Jimmy et Dan lui signifièrent qu'il était vraiment le roi des cons que de se promener tout seul dans les bois sans armes ni rien.
Il reconnut qu'ils avaient raison.
Et il se promit de ne plus jamais se promener dans les bois comme s'il était le Docteur Dolittle et qu'il pouvait parler aux animaux, même si c'est ce qu'il avait fait.
Des odeurs d'humus montaient du sol.
On entendait le mouvement de l'eau qui sculptait lentement les rochers du ruisseau.
C'était le matin et l'homme avançait doucement sur ce territoire où peu d'hommes s'aventuraient.
Il goûtait à la quiétude d'un anonymat total. S'il était mort là, on ne l'aurait pas retrouvé avant dix ou cent ans. Et peut-être même jamais.
Cette sensation d'être loin de tout et de tous lui était douce et agréable.
Que faisait-il là, au milieu de nulle part? Il marchait pour marcher. Il voyageait en-dehors des sentiers balisés. Il rêvait les yeux grands ouverts.
Il y avait peu de moustiques. À la fin septembre, ils sont presque tous partis. Autrement, il n'aurait pas entrepris cette marche.
Cela faisait deux jours qu'il avait quitté Whitehorse. Deux jours qu'il marchait avec son sac à dos rempli de noix et de fruits séchés.
Il avait dormi à la belle étoile la nuit passée. Puis la pluie l'avait forcé à reprendre la route. Il pleut rarement au Yukon. La plupart du temps, ça dure une demie heure et c'est fini. Les environs de Whitehorse profitent d'un climat semi-désertique. Les glaciers ont fondu il n'y a même pas deux milles ans. Ce qui explique que toute la végétation semble pousser sur du sable fin.
Comme de raison, la pluie fine cessa aux alentours de dix heures. Le soleil revint. Et avec le retour du soleil il put entendre le chant de ces oiseaux étranges, les takus, au bec multicolore.
Au détour d'un sentier, l'homme croisa un ours. Ou plutôt une ourse grizzli avec ses deux oursons.
Évidemment, l'homme eut très peur. Il n'avait qu'un canif et un bâton de marche pour se défendre. Aussi bien dire qu'il n'avait rien.
Que faire? Justement: ne rien faire...
Il s'arrêta pour regarder le bout de ses souliers. L'ourse et les oursons se trouvaient à moins de cent pieds.
-I won't do anything, qu'il leur a dit en un anglais qui laissait deviner un accent français. I won't bother you... I just want to go my way... I'm sorry to be here in your territory... Let me go... Please...
Il avait appris qu'on pouvait sauver sa vie en parlant avec les grizzlis si l'on baissait la tête en signe de respect et de soumission.
Ceux qui courraient devant un ours ou bien faisaient le mort s'en tiraient moins bien. Il n'avait pas envie que cette ourse prenne une bouchée de son corps qui lui était encore bien pratique. Il savait aussi qu'une mort certaine l'attendait s'il se faisait blesser puisqu'il était loin de tout et de tous. Il s'en voulait d'être parti à l'aventure sans fusil, comme s'il pouvait parler avec les loups, les grizzlis ou les alcooliques.
L'ourse aurait pu être méchante. Par bonheur, elle ne l'était pas. Elle venait de manger plus que sa part et sa digestion la rendait plutôt bienveillante.
Elle lâcha un énorme pet en se détournant de l'homme et s'enfonça dans la forêt avec ses deux oursons.
L'homme l'avait échappé belle. Tout n'était pas terminé pour autant. L'ourse pouvait revenir. Et si ce n'était pas cette ourse, ce pouvait être un autre grizzli, un loup solitaire ou bien une meute. L'homme prenait subitement conscience de tous les dangers qui pouvaient l'attendre et ne pensait plus qu'à une chose: revenir en ville parmi ses congénères!
Il revint donc sur ses pas et traversa en un temps éclair tout le chemin qu'il avait pris pour se rendre jusque là.
Il arriva à Whitehorse vers neuf heures du soir après avoir fait du pouce sur la Alaska Highway pour raccourcir les distances.
Ses potes Jimmy et Dan l'attendaient dans la cabane de bois qu'ils squattaient depuis six mois avec l'autorisation du gouvernement territorial du Yukon.
Jimmy et Dan lui tendirent une petite pipe de cuivre débordante de haschisch qu'il fuma avec calme et volupté.
Puis il leur raconta sa mésaventure après avoir joué un ou deux airs de guitare avec Jimmy et Dan.
Jimmy et Dan lui signifièrent qu'il était vraiment le roi des cons que de se promener tout seul dans les bois sans armes ni rien.
Il reconnut qu'ils avaient raison.
Et il se promit de ne plus jamais se promener dans les bois comme s'il était le Docteur Dolittle et qu'il pouvait parler aux animaux, même si c'est ce qu'il avait fait.
mardi 4 août 2015
Nous, les esclaves
Nous ne menons pas tous et toutes la vie que nous aurions souhaité vivre. C'est tellement évident qu'il est même un peu superficiel que de le répéter. Pourtant, cette évidence mérite des mises à jour récurrentes. On ne parvient pas toujours à se faire à l'idée que nos vies ne sont pas à l'image de nos rêves.
Imaginons un esclave de l'ancienne Égypte en train de bâtir la pyramide d'un quelconque pharaon qui se croit un fils du soleil pour mieux écraser tout un chacun. Cet esclave avait peu d'espoir de voir sa vie changer. Il se levait le matin, mangeait un quelconque brouet d'avoine et de yeux de poisson, allait ensuite déplacer des pierres en recevant quelques coups de fouet, puis dormait comme un loir jusqu'au lendemain après avoir mangé la même chose que la veille et l'avant-veille. Tout ça pour que l'on dise un jour que l'Égypte du temps des pharaons était une grande civilisation.
Cet esclave rêvait-il d'une terre promise? Voyait-il dans sa tête des fournaises de glaives dans lesquelles on découpait en rondelles les pharaons, les scribes et autres garde-chiourmes? Espérait-il la venue d'un certain Moïse ou bien de l'incroyable Hulk? L'histoire ne le dit pas puisque les historiens s'intéressent si peu aux perdants de l'Histoire avec un grand H qui aspire l'humanité.
Les esclaves contemporains sont dans la même mélasse idéologique. Les repus d'aujourd'hui comme ceux de naguère se croient les fils du soleil et réclament eux aussi leurs pyramides et leurs jardins des délices. Tout ça se bâtit encore sur le dos des malheureux qui se demandent quel est le sens de cette vie misérable où il faut quatre-vingt-dix-neuf personnes qui pleurent pour en faire rire un seul.
Je ne m'enfoncerai pas dans l'acceptation, la résignation et l'abandon du combat face à la réalité de l'esclavage, Encore plus malheureux et toujours plus misérables sont les esclaves satisfaits de leur sort. Je préfère, de loin, Kunta Kinté à l'Oncle Tom. Je préfère Spartacus à l'eunuque à qui l'on jette les rogatons des festins. Je préfère Sitting Bull, Crazy Horse et Louis Riel plutôt que les valets satisfaits de l'esclavagisme moderne.
Je suis un esclave. Comme la majorité des gens qui m'entourent et qui refusent de le croire.
Plusieurs esclaves essaient d'effacer leur condition sous des biens matériels inutiles qui ne viendront jamais à bout de leur situation ontologique.
Ils rient aux festins et aux jeux des repus, pour se conférer l'illusion qu'ils ne sont pas tout à fait traiter comme de la merde.
Pourtant, le lendemain les obligera à déchanter et à casser des pierres pour ces fanfarons qui dépouillent la chose publique pour la satisfaction de leurs plaisirs égoïstes qu'ils ne partagent pas avec les pauvres.
Ils balanceront aux pauvres leurs vieilles nippes et quelques poignées de menue monnaie à l'occasion, exempts d'impôt, pour se donner une bonne conscience à rabais.
Et l'esclave moderne, comme l'esclave ancien, rêvera lui aussi de fournaises de glaives où plonger les monarques, les chroniqueurs de La Presse et autres serviteurs du capitalisme.
Imaginons un esclave de l'ancienne Égypte en train de bâtir la pyramide d'un quelconque pharaon qui se croit un fils du soleil pour mieux écraser tout un chacun. Cet esclave avait peu d'espoir de voir sa vie changer. Il se levait le matin, mangeait un quelconque brouet d'avoine et de yeux de poisson, allait ensuite déplacer des pierres en recevant quelques coups de fouet, puis dormait comme un loir jusqu'au lendemain après avoir mangé la même chose que la veille et l'avant-veille. Tout ça pour que l'on dise un jour que l'Égypte du temps des pharaons était une grande civilisation.
Cet esclave rêvait-il d'une terre promise? Voyait-il dans sa tête des fournaises de glaives dans lesquelles on découpait en rondelles les pharaons, les scribes et autres garde-chiourmes? Espérait-il la venue d'un certain Moïse ou bien de l'incroyable Hulk? L'histoire ne le dit pas puisque les historiens s'intéressent si peu aux perdants de l'Histoire avec un grand H qui aspire l'humanité.
Les esclaves contemporains sont dans la même mélasse idéologique. Les repus d'aujourd'hui comme ceux de naguère se croient les fils du soleil et réclament eux aussi leurs pyramides et leurs jardins des délices. Tout ça se bâtit encore sur le dos des malheureux qui se demandent quel est le sens de cette vie misérable où il faut quatre-vingt-dix-neuf personnes qui pleurent pour en faire rire un seul.
Je ne m'enfoncerai pas dans l'acceptation, la résignation et l'abandon du combat face à la réalité de l'esclavage, Encore plus malheureux et toujours plus misérables sont les esclaves satisfaits de leur sort. Je préfère, de loin, Kunta Kinté à l'Oncle Tom. Je préfère Spartacus à l'eunuque à qui l'on jette les rogatons des festins. Je préfère Sitting Bull, Crazy Horse et Louis Riel plutôt que les valets satisfaits de l'esclavagisme moderne.
Je suis un esclave. Comme la majorité des gens qui m'entourent et qui refusent de le croire.
Plusieurs esclaves essaient d'effacer leur condition sous des biens matériels inutiles qui ne viendront jamais à bout de leur situation ontologique.
Ils rient aux festins et aux jeux des repus, pour se conférer l'illusion qu'ils ne sont pas tout à fait traiter comme de la merde.
Pourtant, le lendemain les obligera à déchanter et à casser des pierres pour ces fanfarons qui dépouillent la chose publique pour la satisfaction de leurs plaisirs égoïstes qu'ils ne partagent pas avec les pauvres.
Ils balanceront aux pauvres leurs vieilles nippes et quelques poignées de menue monnaie à l'occasion, exempts d'impôt, pour se donner une bonne conscience à rabais.
Et l'esclave moderne, comme l'esclave ancien, rêvera lui aussi de fournaises de glaives où plonger les monarques, les chroniqueurs de La Presse et autres serviteurs du capitalisme.
lundi 3 août 2015
Leçons de dolce vita des animaux et des Sauvages
J'ai longtemps cru que les animaux passaient la majeure partie de leur temps à se chercher de la nourriture. Comme je suis une créature urbaine, mes observations étaient souvent concentrées sur les écureuils et les goélands que l'on trouve aisément dans tous les coins et recoins de la ville. Les écureuils et les goélands semblent travailler tout le temps, comme les humains ou bien les rats d'égouts.
Si j'avais observé un peu plus les corneilles, les marmottes et les chats de ruelle, j'aurais sans doute fini par constater que les animaux passent aussi beaucoup de temps à s'amuser. Ils ne poinçonnent pas tous le matin pour partir au travail. Au contraire, ils prennent le temps de vivre. Les corneilles font la file pour glisser sur les toits de tôle. Les marmottes s'emparent de brindilles pour les faire tournoyer de droite à gauche comme s'ils étaient des majorettes. Les chats de ruelle courent après un sac vide pour le simple plaisir de le voir se gonfler de vent pour tout de suite retomber au sol.
Bref, les animaux ont beaucoup à nous apprendre et ne sont pas ces bourreaux de travail auxquels font référence les fascistes pour justifier leur morale mesquine de larbins casseurs de pierres.
Je me souviens d'avoir lu dans les récits de voyage des premiers explorateurs français des récits où les aborigènes s'étonnaient de la pauvreté et de la misère des immigrants.
-Ils viennent ici en prétendant que leur pays est riche et regorge de toutes sortes de belles choses, se disaient-ils entre eux. Pourtant, ils passent de l'aube jusqu'au soir à remplir leurs bateaux de morues pour les ramener en France. Nous n'avons pas à faire ça. Nous savons que le fleuve Magtogoek est notre garde-manger. Nous prenons que ce dont nous avons besoin et il en reste toujours. Mais eux, les Français, doivent s'épuiser à tous les jours pour nourrir leurs siens. C'est le peuple le plus malheureux de la Terre et nous n'avons pas le choix de les aider... Ils font tellement pitié... Ils vont jusqu'à acheter les peaux de castor qui ont servi de couches pour nos bébés... Ils achètent ces peaux pour se les mettre sur la tête! Qui d'entre nous voudrait se mettre sur la tête une peau de castor qui a servi de couche pour les bébés? Vous voyez bien que ce sont des pauvres types... Ayons pitié d'eux... Oui... Pauvres gens,,, Et ils doivent obéir à un roi qui garde tout pour lui et ne partage rien... Un roi avare qui ne ferait pas deux heures dans notre tribu sans finir dans la marmite!
Les animaux ont tellement de leçons à nous apprendre. Les peuples que l'on dit barbares ont tellement de douceur de vivre à nous enseigner.
Nous préférons vanter l'esclavage de mille et une manières.
Les larbins gueulent qu'ils travaillent comme des fous pour payer les assistés sociaux, comme s'ils ne payaient pas surtout pour les riches qui nous plument tout un chacun sans rien partager. Le sens communautaire s'étiole au profit d'une morale de larbins sans visage et sans voix qui lèchent leur gamelle en jappant comme des chiens en laisse.
Varlam Chalamov rappelait dans Les récits de la Kolyma que seuls les humains pouvaient survivre aux plus affreuses conditions qui soient. Un cheval finirait par refuser d'avancer dans les camps de travail de la Sibérie. Il préférerait mourir plutôt que de servir si on lui refuse son eau et son foin. L'esclavage et la domesticité de l'être humain sont sans limites. On peut le priver d'eau, de nourriture et de sommeil pour exiger encore plus de lui, jusqu'à ce qu'il en crève.
Ce qui fait de l'homme non seulement un loup pour lui-même, mais la créature la plus méprisable de toute la création.
Si j'avais observé un peu plus les corneilles, les marmottes et les chats de ruelle, j'aurais sans doute fini par constater que les animaux passent aussi beaucoup de temps à s'amuser. Ils ne poinçonnent pas tous le matin pour partir au travail. Au contraire, ils prennent le temps de vivre. Les corneilles font la file pour glisser sur les toits de tôle. Les marmottes s'emparent de brindilles pour les faire tournoyer de droite à gauche comme s'ils étaient des majorettes. Les chats de ruelle courent après un sac vide pour le simple plaisir de le voir se gonfler de vent pour tout de suite retomber au sol.
Bref, les animaux ont beaucoup à nous apprendre et ne sont pas ces bourreaux de travail auxquels font référence les fascistes pour justifier leur morale mesquine de larbins casseurs de pierres.
Je me souviens d'avoir lu dans les récits de voyage des premiers explorateurs français des récits où les aborigènes s'étonnaient de la pauvreté et de la misère des immigrants.
-Ils viennent ici en prétendant que leur pays est riche et regorge de toutes sortes de belles choses, se disaient-ils entre eux. Pourtant, ils passent de l'aube jusqu'au soir à remplir leurs bateaux de morues pour les ramener en France. Nous n'avons pas à faire ça. Nous savons que le fleuve Magtogoek est notre garde-manger. Nous prenons que ce dont nous avons besoin et il en reste toujours. Mais eux, les Français, doivent s'épuiser à tous les jours pour nourrir leurs siens. C'est le peuple le plus malheureux de la Terre et nous n'avons pas le choix de les aider... Ils font tellement pitié... Ils vont jusqu'à acheter les peaux de castor qui ont servi de couches pour nos bébés... Ils achètent ces peaux pour se les mettre sur la tête! Qui d'entre nous voudrait se mettre sur la tête une peau de castor qui a servi de couche pour les bébés? Vous voyez bien que ce sont des pauvres types... Ayons pitié d'eux... Oui... Pauvres gens,,, Et ils doivent obéir à un roi qui garde tout pour lui et ne partage rien... Un roi avare qui ne ferait pas deux heures dans notre tribu sans finir dans la marmite!
Les animaux ont tellement de leçons à nous apprendre. Les peuples que l'on dit barbares ont tellement de douceur de vivre à nous enseigner.
Nous préférons vanter l'esclavage de mille et une manières.
Les larbins gueulent qu'ils travaillent comme des fous pour payer les assistés sociaux, comme s'ils ne payaient pas surtout pour les riches qui nous plument tout un chacun sans rien partager. Le sens communautaire s'étiole au profit d'une morale de larbins sans visage et sans voix qui lèchent leur gamelle en jappant comme des chiens en laisse.
Varlam Chalamov rappelait dans Les récits de la Kolyma que seuls les humains pouvaient survivre aux plus affreuses conditions qui soient. Un cheval finirait par refuser d'avancer dans les camps de travail de la Sibérie. Il préférerait mourir plutôt que de servir si on lui refuse son eau et son foin. L'esclavage et la domesticité de l'être humain sont sans limites. On peut le priver d'eau, de nourriture et de sommeil pour exiger encore plus de lui, jusqu'à ce qu'il en crève.
Ce qui fait de l'homme non seulement un loup pour lui-même, mais la créature la plus méprisable de toute la création.
samedi 1 août 2015
Feu Conrad Bouchard alias Teddy (18 août 1933 - 1er août 1995)
Il s'appelait Conrad Bouchard et il est né à Sayabec, dans la Vallée de Matapédia, le 17 ou le 18 août 1933. On n'a jamais vraiment su quel jour. On le fêtait le 18 qui correspondait peut-être au jour de son baptême.
Sa mère, Adrienne Létourneau, était une Anishnabée (Algonquine). Son père, Éloi Bouchard, travaillait pour un moulin à scie. Mon père était l'aîné du second lit. Mon grand-père avait eu six enfants avec sa première femme, dont je ne me souviens que du patronyme, une certaine Sergerie.
Ma grand-mère Adrienne a dû avoir au moins une quinzaine d'enfants avec mon grand-père. Une douzaine ont survécu.
Mon père parlait peu de son enfance. Pas suffisamment pour combler notre curiosité généalogique. Il voulait nous préserver de la misère, de la pauvreté et peut-être aussi de l'alcoolisme.
Le grand-père prenait un coup solide et la grand-mère devait faire des pieds et des mains pour nourrir sa trâlée d'enfants.
Ils étaient tellement pauvres, chez les Bouchard, qu'ils allaient à l'école à tour de rôle puisqu'il n'y avait pas assez de bottes pour la famille. Une journée, c'était Untel qui prenait les botteurlots de caoutchouc. Le lendemain c'était un autre. S'il y avait une photo de classe, on recommandait aux Bouchard de demeurer à la maison pour ne pas faire honte aux bons curés de l'école catholique avec leur pauvreté sale.
Mon père me racontait qu'il faisait tellement froid, dans leur petite maison de Sayabec, que les clous cassaient.
Il racontait aussi qu'ils mangeaient toujours la même chose: de la morue, de la soupe aux roches (aux navets, sic!) et des beurrées de mélasse.
-Qu'est-ce qu'on mange mouman?
-D'la morue...
-Pis à souère?
-D'la morue...
-Pis demain?
-D'la morue...
C'était tout ce qu'il y avait. Des oranges à Noël. Parfois des pommes.
Le grand-père faisait maison nette quand il rentrait saoul. Il sortait tous les meubles par la porte et s'emparait d'Adrienne pour lui faire d'autres enfants. Ça, c'est ce que n'osait pas nous raconter Conrad. On l'a su par ma mère. Et par les frères et soeurs de mon père.
Mon père avait pardonné à son père. Il l'appelait le vieux pirate et ne tenait pas tant que ça à le revoir. Il rappelait à ses frères et soeurs qu'il était devenu un vieux croûton et que ce n'était plus nécessaire de lui en vouloir. Mon père avait cette faculté d'être bonasse et pas rancunier. Une faculté que j'ai héritée de lui.
Il s'est marié avec ma mère en 1958, après le décès de ma grand-mère Adrienne que je n'aurai jamais connue puisque je suis né dix ans plus tard.
Mon père était le protecteur d'Adrienne. Il retarda son mariage jusqu'à son décès parce qu'il savait qu'il aurait fendu le coeur de cette pauvre petite femme qui devait peser autour de trois cents cinquante livres. Son coeur finit tout de même par fendre et elle mourut. Éloi prétexta qu'il ne pouvait pas élever ses enfants plus jeunes et les envoya tous à l'école des réformes pour ensuite se remarier une fois de plus.
Mon père rencontra ma mère dans un club de Trois-Rivières. Mon père avait sans doute approché ma mère pour lui faire des compliments qu'elle n'a pas su prendre parce qu'il sentait un peu la boisson.
-Chu p't'être pas joli, mademoiselle, mais chu poli! qu'il lui avait dit.
Il n'était pas laid, le père, d'autant plus que je lui ressemble comme deux gouttes d'eau... Il devait se sentir pas joli après quelques verres dans le nez.
Quoi qu'il en soit, mon père s'est mis à descendre plus souvent de Lachine, puisqu'il travaillait à la Dominion Bridge, pour rencontrer ma mère, Jeannine René, aux Trois-Rivières.
La famille de mon père avait habité au Cap-de-la-Madeleine et certains Bouchard y demeuraient encore. Ce qui expliquait les visites de mon père.
Mon grand-père Rodolphe René influença positivement mon père qui le prit pour modèle de probité masculine. Conrad voulut prouver à Rodolphe que Jeannine ne regretterait pas de se marier avec lui, malgré la mauvaise réputation des Bouchard, des batteurs de femme selon ma grand-mère Valéda Lefebvre.
Mon père n'aura jamais battu ma mère. Ma mère non plus. Ils se sont aimés comme j'ai rarement vu un couple s'aimer autant dans la vie. Cela me sert encore de modèle et de motivation. Ils marchaient encore main dans la main après trente-cinq ans de mariage quand d'autres couples se balançaient des assiettes par la tête.
Mon père et ma mère ont eu quatre enfants, quatre garçons. Après le quatrième garçon, ma mère était tellement déprimée que mon père alla se faire une vasectomie. Je suis le troisième de ces garçons et la preuve vivante que la méthode Ogino ne fonctionne pas.
Mon père a travaillé presque toute sa vie à titre d'opérateur de chariot-roulant pour la compagnie d'aluminium Reynold's de Cap-de-la-Madeleine. Quand la Reynold's était en grève, il était concierge, agent de sécurité ou Père Noël chez Zeller's pour nourrir sa famille. Il était aussi marguillier de la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Allégresses, anti-duplessiste notoire, électron libre, libéral qui votait oui pour l'indépendance du Québec et bénévole pour la Société Saint-Vincent-de-Paul.
Il est mort à 62 ans d'un cancer colorectal. Il n'a jamais parlé de son cancer tout au long de sa maladie. Il vomissait et crachait du sang après ses séances de chimiothérapie. Pourtant, il faisait semblant que tout allait bien quand tout allait vraiment mal.
Il détestait les automobiles, le Grand Prix de Trois-Rivières, le boucan et la boucane.
Il est mort le premier août 1995. C'était un vendredi. En plein déclenchement du Grand Prix.
Des gens de la paroisse applaudirent le cortège funéraire, sachant que Monsieur Bouchard était un bon bonhomme. Cela m'a ému. Il ne passait pas pour un sale.
Mon père fût enterré au cimetière Saint-Michel pendant la finale du Grand Prix.
Tandis que nous lui faisions nos adieux, on entendait les bolides filer à vive allure dans les rues de Trois-Rivières.
C'est aujourd'hui le Grand-Prix de Trois-Rivières. Des souvenirs heureux et malheureux jaillissent à ma mémoire.
Je ne suis pas tant nostalgique. Je ne m'ennuie pas vraiment de mon père.
Je sais qu'il est là, aussi stupide que cela puisse paraître, chaque fois que je me regarde dans le miroir.
J'ai ses yeux, ses cheveux et son attitude pugnace tout autant que réservée.
Je suis le double de mon père, son poteau de vieillesse comme il se plaisait tant à me dire pour m'étriver.
Il était plus que mon père. Il était aussi mon ami. Même si l'on prétend que l'on n'est jamais amis avec ses parents.
Ce n'était pas mon cas. Je lui parlais comme je n'aurais pas parler à mes meilleurs amis parce que je savais qu'il était comme moi, solitaire, taciturne, sensible à ce que ses enfants et sa femme ne manquent de rien même s'il n'avait rien.
Je pourrais vous parler de la Reynold's Aluminium qui a crossé la retraite de mon père et de ma mère: ce serait inutile.
L'eau est tombée sous les ponts.
La Reynold's peut bien manger d'la marde.
Mon père était mon héros.
Et il l'est encore.
Je suis fier que les gens m'arrêtent dans la rue pour me dire: "toé, t'es sûrement le fils à Teddy, Teddy qui travaillait à la Reynold's..."
-Oui, leur dis-je tous, c'est bien moi le fils de Teddy. C'est moi le fils de Conrad Bouchard.
Papa et maman.
Jour de mariage.
Papa Noël, mon frère Mario et moi.
Père Noël.
Mes parents, mes frères Christian et Serge.
Sur le parvis de l'église. Les René d'un bord, les Bouchard de l'autre.
Mon père, sur un chariot-élévateur à la Reynol's Aluminium Company.
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