Le grand Gilles Vigneault, qu'il est coutume de mépriser chez les gens qui n'ont pas plus de coeur que de jugement, a fait bien plus qu'écrire des hymnes à l'honneur de son pays. S'il était né Étatsunien, on le respecterait tout autant que Woody Guthrie. Le malheur voulut qu'il naisse Québécois. D'où la difficulté de reconnaître sa grandeur parmi ceux qui se contentent du statut de colonisé et de censitaire.
Dans son ode Mon pays c'est l'hiver, Vigneault nous chante ceci:
De mon grand pays solitaire
Je crie avant que de me taire
À tous les hommes de la terre
Ma maison c'est votre maison
Entre mes quatre murs de glace
Je mets mon temps et mon espace
À préparer le feu, la place
Pour les humains de l'horizon
Et les humains sont de ma race
Ce nationalisme-là, vous en conviendrez, n'a rien de raciste. Il représente le meilleur de nous-mêmes en tant que Québécois, tous fils et filles d'immigrants, qui sont venus atterrir sur cette terre vierge dès la fonte des glaciers qui la recouvraient.
Quand j'entends des Québécois tenir des propos à l'encontre des réfugiés, je ne peux que m'insurger contre leur saleté intérieure. Le Québec a été, est et sera toujours une terre d'accueil pour tous les malpris, malpropres et mal-aimés de la Terre. Être Québécois ou Autochtone n'est pas tant une affaire de génétique qu'une affaire philosophique. Il y a une pensée généreuse à l'origine de Québec, alias Wabanaki, le pays où le soleil se lève. Cette pensée laisse entendre que la Terre n'appartient à personne. Tout le monde y est bienvenu. On ne peut pas se l'approprier en y plantant une croix ou bien en y récitant des prières pour exorciser un autre que l'on considère comme un démon.
Je n'endosse d'aucune manière le racisme ouvert tout aussi bien que rampant.
Les "je ne suis pas raciste mais" font honte aux Québécois.
Si vous n'êtes pas raciste, tant mieux. Mais n'essayez pas de vous protéger de passer pour un facho en vous protégeant derrière des lieux communs.
Je n'aime pas les religions, toutes les religions. Je crois qu'elles sont le contraire de la spiritualité. Comme le disait l'écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud: "La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé."
Cela résume plutôt bien ce que je pense à sujet. Néanmoins, je suis prêt à laisser quiconque croire au pouvoir magique des pattes de lapin porte-bonheur même si cela me semble contraire à toute quête de sens digne de ce nom. Portez un turban, un linge à vaisselle ou bien un entonnoir sur la tête: cela ne me regarde pas. À moins que vous n'obligiez tout le monde à le faire. Ou bien que vous vous empariez des institutions publiques pour vendre vos billets pour vos voyages organisés.
Je trouve inconvenant d'entendre des catholiques prétendre qu'on ne respecte pas les traditions québécoises quand on souhaite assurer la neutralité des institutions publiques. C'est d'autant plus inconvenant que toutes les églises ferment l'une après l'autre et que tout nous porte à penser que les Québécois sont majoritairement agnostiques, pour ne pas dire protestants qui s'ignorent, déistes ou bien athées. La tradition catholique est un cheval mort. Ce n'est pas parce quelques curés portent encore la dépouille du cheval sur leurs épaules qu'il va se remettre à galoper.
Le Québec n'appartient à aucune tradition. Il se bâtit à chaque jour avec des gens nouveaux provenant de tous les horizons. Il porte son passé, son présent et son avenir. Tous ceux qui veulent l'engluer dans la perpétuation de la même poutine seront amèrement déçus. Les seules valeurs qui se transmettront seront, en définitive, celles qui ont trait à la poésie, à la culture et à la grandeur d'âme des Québécois en chair et en os. Dollard des Ormeaux sera oublié. Et Lionel Groulx aussi. Un peuple ne se bâtit pas avec des bréviaires. Ni avec des tueurs d'Indiens génocidaires déguisés en héros vers lesquels on devrait tendre nos mains comme des palmes en marchant au pas de l'oie.
Gilles Vigneautl est un grand Québécois parce que sa poésie est universelle. Il ne parle pas de notre pays pour dire qu'il est le plus beau et le plus grand d'entre tous. Il en parle pour vanter sa bonté, son accueil, ses gens de parole qui ont la main sur le coeur.
Ce pays réel mérite d'exister et d'accéder au rang d'État indépendant. Les réfugiés et mal-aimés de la Terre y gagneraient une voix forte de plus à l'ONU.
Ce pays réel continuera de préparer le feu et la place pour les humains de l'horizon, parce que les humains sont de notre race. Les humains sont Québécois.
jeudi 30 juillet 2015
mercredi 29 juillet 2015
La vieille qui vendait un journal de rue
Je me permets ce matin d'écrire ce billet via mon iPhone. La zone d'écriture est très ténue. Je dois faire des efforts visuels pour mettre en ligne ce qui me trotte derrière la tête. De plus, j'attends de rencontrer mon médecin à l'urgence du Centre hospitalier régional de Trois-Rivières. L'urgentologue est mon médecin de famille par défaut jusqu'à ce que le système considère que j'ai payé plus que ma part de taxes et d'impôts dans ma vie pour que l'on m'en trouve un. Fort heureusement, il y a moins de cinq patients à l'urgence. Avec de la chance, je devrais bientôt sortir d'ici pour vaquer à mes obligations quotidiennes.
J'ai rencontré ce matin une dame édentée qui voulait me vendre un journal. Je n'avais pas un sou sur moi, sinon la poignée de petit change qu'il me fallait pour prendre l'autobus.
-Je n'ai rien sur moi madame... Croyez bien que je ne vous oublierai pas la prochaine fois... Je vous en fais la promesse...
-C'est pas grave m'sieur, ej' comprends ça... Tout l'monde a pas d'argent aujourd'hui même ceusses qui sont pas su' l'BS... L'économie est à terre pis tout l'monde crève de faim...
-J'vous souhaite une bonne journée madame...
Je poursuis mon chemin. J'arrive au terminus d'autobus, café en main, attendant l'autobus du circuit numéro deux.
La camelote me suit encore et s'arrête devant moi pour me raconter quelques anecdotes.
-Le monde est fou dans les autobus, qu'elle me dit en m'offrant son regard halluciné. Surtout l'monde qui s'asseoit dans l'fond des autobus... I´ sont impolis pis i´ prennent des pilules... La société nous rend fous! Le monde a pas besoin d'pilules mais tout l'monde est là à manger des pilules pis des pilules. Ça fait que tout l'monde est fou dans une société folle mais moé je mange à une place où ça m'coûte rien pis qu' c'est bin bon sauf que c'est trop gras pis trop salé...
Mon autobus arrive. Le chauffeur arrête les moteurs et débarque pour se délier les jambes.
-Lui là, lui c'est un christ de fou! me dit la vieille dame.
Je ne rallonge pas le sujet, salue mon interlocutrice et monte à bord de l'autobus pour y déposer 3,25$.
L'autobus démarre et m'emmène jusqu'à l'hôpital.
Je rencontre une infirmière taciturne au triage qui prend ma pression et ma température en faisant semblant que je ne suis qu'un numéro. Ce qu'elle réussit à merveille. Puis je suis transféré vers la préposée à l'accueil, tout aussi peu accueillante, qui ose à peine me regarder derrière sa vitre à l'épreuve des balles et des coups de pied. Ses questions sont sèches et son air plutôt bête.
La seule personne vraiment humaine que j'aie croisée ce matin demeure donc cette vieille dame qui voulait me vendre le journal de rue La Galère. Tous les autres m'ont semblé des christs de fous comme elle me l'a si bien dit...
J'ai rencontré ce matin une dame édentée qui voulait me vendre un journal. Je n'avais pas un sou sur moi, sinon la poignée de petit change qu'il me fallait pour prendre l'autobus.
-Je n'ai rien sur moi madame... Croyez bien que je ne vous oublierai pas la prochaine fois... Je vous en fais la promesse...
-C'est pas grave m'sieur, ej' comprends ça... Tout l'monde a pas d'argent aujourd'hui même ceusses qui sont pas su' l'BS... L'économie est à terre pis tout l'monde crève de faim...
-J'vous souhaite une bonne journée madame...
Je poursuis mon chemin. J'arrive au terminus d'autobus, café en main, attendant l'autobus du circuit numéro deux.
La camelote me suit encore et s'arrête devant moi pour me raconter quelques anecdotes.
-Le monde est fou dans les autobus, qu'elle me dit en m'offrant son regard halluciné. Surtout l'monde qui s'asseoit dans l'fond des autobus... I´ sont impolis pis i´ prennent des pilules... La société nous rend fous! Le monde a pas besoin d'pilules mais tout l'monde est là à manger des pilules pis des pilules. Ça fait que tout l'monde est fou dans une société folle mais moé je mange à une place où ça m'coûte rien pis qu' c'est bin bon sauf que c'est trop gras pis trop salé...
Mon autobus arrive. Le chauffeur arrête les moteurs et débarque pour se délier les jambes.
-Lui là, lui c'est un christ de fou! me dit la vieille dame.
Je ne rallonge pas le sujet, salue mon interlocutrice et monte à bord de l'autobus pour y déposer 3,25$.
L'autobus démarre et m'emmène jusqu'à l'hôpital.
Je rencontre une infirmière taciturne au triage qui prend ma pression et ma température en faisant semblant que je ne suis qu'un numéro. Ce qu'elle réussit à merveille. Puis je suis transféré vers la préposée à l'accueil, tout aussi peu accueillante, qui ose à peine me regarder derrière sa vitre à l'épreuve des balles et des coups de pied. Ses questions sont sèches et son air plutôt bête.
La seule personne vraiment humaine que j'aie croisée ce matin demeure donc cette vieille dame qui voulait me vendre le journal de rue La Galère. Tous les autres m'ont semblé des christs de fous comme elle me l'a si bien dit...
mardi 28 juillet 2015
Aux écrivains officiels de ce régime de bananes pourries
J'ai ouvert ce blogue le 9 avril 2007. Les motivations qui me poussaient à tenir un blogue sont encore les mêmes. Je ne voulais pas m'asphyxier avec mes états d'âme. J'avais besoin de me rincer l'esprit. Je souhaitais poursuivre une expérience que j'avais débutée sur les ondes de CKIA 96,1 FM, une radio communautaire de Québec mieux connue sous l'appellation de Radio Basse-Ville. J'y tenais une émission hebdomadaire qui portait Simplement pour titre. Mon blogue a repris ce titre pour donner suite à ces billets radiophoniques pour lesquels je pouvais mettre jusqu'à trente heures de recherches par semaine, tant pour l'écriture des billets que pour la programmation musicale.
Dès l'ouverture de mon blogue, je promettais à mes lecteurs de ne pas devenir un donneur de leçons. Je me suis si souvent trompé dans la vie qu'il serait inconvenant de tromper autrui, même s'il m'est arrivé de faire la morale suite à des réflexions incontrôlables. Je me suis aussi donné pour objectif d'éviter autant que faire se peut de m'engluer dans des textes rédigés à la première personne du singulier, par empathie pour mes lecteurs qui n'ont pas tant besoin de savoir qui je suis et pourquoi je fais ceci ou cela.
Il m'arrive de rompre mes habitudes. J'ai écrit des textes au je à l'occasion, comme je le fais en ce moment. Néanmoins, j'ai compris que je parlais de moi-même lorsque je parlais des autres.
Par contre, je ne ressens pas le besoin de m'exposer tant que ça. Je tiens à battre en retrait pour mieux combattre le narcissisme inhérent à notre époque. Narcissisme qui obscurcit tout et rend caduque toute forme de transcendance. Je ne suis pas loin de penser, à l'instar de Pascal, que le moi est haïssable. D'aucuns m'en feront le reproche. D'autres m'en seront gré. Quoi qu'il en soit, je me pose en seul juge de ce que j'écris. Je suis le lecteur le plus difficile à satisfaire.
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis 2007. J'ai rédigé, au bas mot, plus de 2300 textes. Ils ne sont pas tous à la hauteur de mes conceptions sur le grand art. Pourtant, je crois tenir une oeuvre. Une oeuvre ignorée des éditeurs, partagée par quelques amateurs de curiosités littéraires qui me permettent d'avancer sans coup férir.
Chaque fois que je me suis approché du domaine de l'édition, j'ai été déçu par les fonctionnaires des lettres dont le seul talent est de réduire les auteurs en purée avec des indications contraires à l'art.
Écris un roman, tiens. Dépouille tes textes de tous les sacres, blasphèmes et québécismes. Participe aux cinq à sept des pique-assiette. Rencontre Untel et vante sa production littéraire merdique pour avoir une chance de publier. Et si tu publies, soumets-toi à toutes sortes de coupures, rognures et complications injustifiées. Tout ça sous l'ordre de sous-fifres qui ne maîtrisent pas la conjugaison du verbe être à la forme pronominale. Tout ça pour faire plaisir aux parasites des arts et des lettres qui vivent d'une réputation littéraire surfaite pour une plaquette de poésie publiée dans le cadre d'un travail scolaire ou, au mieux, parascolaire. Ces spécialistes de la non-prose ne se gêneront pas pour t'apprendre les rudiments d'une écriture exsangue et monotone.
Qui plus est, l'écrivain qui se soumettra à ces bêtises se verra remettre un dollar par exemplaire vendu, guère plus de cinq cents dollars au total, pour le récompenser de tant de courbettes et d'années d'attente pour publier son Autopsie d'un étron fumant ou autres sornettes dans l'esprit du temps.
Ce blogue m'a sauvé de cette non-littérature. Il me permet de publier tout ce qui me passe par la tête, sans attendre l'approbation de tel ou tel incompétent siégeant sur un comité de lecture.
Il me rapproche d'Isaac Babel, Varlam Chalamov et tous ceux que j'admire pour leurs textes courts, déjantés et percutants.
Les auteurs institutionnalisés pourront bien dire que je ne suis pas un écrivain, puisque je ne fais partie d'aucune association officielle. Je n'ai pas mes entrées à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Ou si peu que ça ne vaut pas la peine d'en parler.
Les artistes institutionnalisés pourront aussi dire que je ne suis par un artiste-peintre, puisque je ne possède aucun diplôme ou certificat pour asseoir mes prétentions.
"Un écrivain ne se définit pas du tout par un certificat, mais par ce qu'il écrit." Mikhaïl Boulgakov, auteur que je vénère, avait bien raison d'écrire ça dans Le Maître et Marguerite.
Fort de cette autorité en matière de littérature, je poursuivrai mon oeuvre ici-même sur mon blogue, contre vents et marées, sans espérer de publier ou de vendre les produits de mon esprit.
Je crois, en bout de ligne, qu'une oeuvre se dégage de cette constance avec laquelle je reviens jour après jour sur mon blogue. Je vous remercie de m'encourager, vous qui me laissez vos commentaires ou m'envoyez des courriels chaque fois que je touche l'une de vos cordes sensibles.
Au diable les stratégies de communication et les réseaux de distribution.
J'écris pour écrire, parce que je suis intrinsèquement un écrivain, que cela plaise ou non aux écrivains officiels de ce régime de bananes pourries.
Dès l'ouverture de mon blogue, je promettais à mes lecteurs de ne pas devenir un donneur de leçons. Je me suis si souvent trompé dans la vie qu'il serait inconvenant de tromper autrui, même s'il m'est arrivé de faire la morale suite à des réflexions incontrôlables. Je me suis aussi donné pour objectif d'éviter autant que faire se peut de m'engluer dans des textes rédigés à la première personne du singulier, par empathie pour mes lecteurs qui n'ont pas tant besoin de savoir qui je suis et pourquoi je fais ceci ou cela.
Il m'arrive de rompre mes habitudes. J'ai écrit des textes au je à l'occasion, comme je le fais en ce moment. Néanmoins, j'ai compris que je parlais de moi-même lorsque je parlais des autres.
Par contre, je ne ressens pas le besoin de m'exposer tant que ça. Je tiens à battre en retrait pour mieux combattre le narcissisme inhérent à notre époque. Narcissisme qui obscurcit tout et rend caduque toute forme de transcendance. Je ne suis pas loin de penser, à l'instar de Pascal, que le moi est haïssable. D'aucuns m'en feront le reproche. D'autres m'en seront gré. Quoi qu'il en soit, je me pose en seul juge de ce que j'écris. Je suis le lecteur le plus difficile à satisfaire.
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis 2007. J'ai rédigé, au bas mot, plus de 2300 textes. Ils ne sont pas tous à la hauteur de mes conceptions sur le grand art. Pourtant, je crois tenir une oeuvre. Une oeuvre ignorée des éditeurs, partagée par quelques amateurs de curiosités littéraires qui me permettent d'avancer sans coup férir.
Chaque fois que je me suis approché du domaine de l'édition, j'ai été déçu par les fonctionnaires des lettres dont le seul talent est de réduire les auteurs en purée avec des indications contraires à l'art.
Écris un roman, tiens. Dépouille tes textes de tous les sacres, blasphèmes et québécismes. Participe aux cinq à sept des pique-assiette. Rencontre Untel et vante sa production littéraire merdique pour avoir une chance de publier. Et si tu publies, soumets-toi à toutes sortes de coupures, rognures et complications injustifiées. Tout ça sous l'ordre de sous-fifres qui ne maîtrisent pas la conjugaison du verbe être à la forme pronominale. Tout ça pour faire plaisir aux parasites des arts et des lettres qui vivent d'une réputation littéraire surfaite pour une plaquette de poésie publiée dans le cadre d'un travail scolaire ou, au mieux, parascolaire. Ces spécialistes de la non-prose ne se gêneront pas pour t'apprendre les rudiments d'une écriture exsangue et monotone.
Qui plus est, l'écrivain qui se soumettra à ces bêtises se verra remettre un dollar par exemplaire vendu, guère plus de cinq cents dollars au total, pour le récompenser de tant de courbettes et d'années d'attente pour publier son Autopsie d'un étron fumant ou autres sornettes dans l'esprit du temps.
Ce blogue m'a sauvé de cette non-littérature. Il me permet de publier tout ce qui me passe par la tête, sans attendre l'approbation de tel ou tel incompétent siégeant sur un comité de lecture.
Il me rapproche d'Isaac Babel, Varlam Chalamov et tous ceux que j'admire pour leurs textes courts, déjantés et percutants.
Les auteurs institutionnalisés pourront bien dire que je ne suis pas un écrivain, puisque je ne fais partie d'aucune association officielle. Je n'ai pas mes entrées à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Ou si peu que ça ne vaut pas la peine d'en parler.
Les artistes institutionnalisés pourront aussi dire que je ne suis par un artiste-peintre, puisque je ne possède aucun diplôme ou certificat pour asseoir mes prétentions.
"Un écrivain ne se définit pas du tout par un certificat, mais par ce qu'il écrit." Mikhaïl Boulgakov, auteur que je vénère, avait bien raison d'écrire ça dans Le Maître et Marguerite.
Fort de cette autorité en matière de littérature, je poursuivrai mon oeuvre ici-même sur mon blogue, contre vents et marées, sans espérer de publier ou de vendre les produits de mon esprit.
Je crois, en bout de ligne, qu'une oeuvre se dégage de cette constance avec laquelle je reviens jour après jour sur mon blogue. Je vous remercie de m'encourager, vous qui me laissez vos commentaires ou m'envoyez des courriels chaque fois que je touche l'une de vos cordes sensibles.
Au diable les stratégies de communication et les réseaux de distribution.
J'écris pour écrire, parce que je suis intrinsèquement un écrivain, que cela plaise ou non aux écrivains officiels de ce régime de bananes pourries.
lundi 27 juillet 2015
Révolutions
La Terre effectue ses révolutions autour du Soleil à une vitesse orbitale d'à peu près 107 000 km/heure.
Le Soleil effectue ses révolutions autour du trou noir de notre Voie Lactée à une vitesse d'environ 900 000 km/heure.
Dans un cas comme dans l'autre, ce sont des vitesses phénoménales.
Les deux pieds dans l'eau d'un lac, à contempler l'horizon, on ne s'imagine pas que nous soyons sur un bolide qui file à toute vitesse dans le cosmos.
Nos politiciens nous parlent de stabilité, de statu quo et de toutes sortes de mensonges pour nous faire oublier la profondeur de l'espace infini et faire profiter la pègre à nos risques et dépens.
Pendant ce temps, les révolutions continuent. La Terre tourne. Le Soleil tourne. La Voie Lactée fonce vers l'inconnu et l'incommensurable.
Si je vous parle de ce genre de trucs, aujourd'hui, c'est bien pour me rappeler que je ne suis pas grand chose face à tout ça.
Le monde physique est bien plus merveilleux et complexe que les délires de la métaphysique un peu cheap de nos sociétés trop humaines et trop ignorantes.
On s'invente des dieux qui finissent par nous ressembler tellement qu'ils ne sont pas crédibles.
Le cosmos n'a que faire de nos dieux, petits, mesquins et tout juste bons pour déguiser nos massacres collectifs.
Le mystère est entier dans l'univers physique.
Nous en perçons des parcelles, petit à petit, sans jamais en voir le bout.
Pourtant, ces parcelles nous mènent chaque jour un peu plus loin dans notre compréhension de l'inconnu.
Évidemment, le commun des mortels préfère étouffer la conscience de toutes ces données. On ne tient pas tant à savoir qu'elle est la vitesse orbitale de la Terre autour du Soleil. On s'en tient à notre maison, notre piscine, notre chien, nos petites vies. Il n'est pas sans utilité de penser ainsi. Pourtant, la prima causa de tout cela transcende largement nos petites préoccupations quotidiennes qui ne vont jamais plus vite que 120 km/heure sur l'autoroute de nos destinées.
Cela dit, retournons tous à nos affaires.
La Terre et le Soleil peuvent continuer de tourner à vive allure.
Nous n'en tiendrons pas vraiment compte en bout de ligne. À moins que nous ne soyons astrophysicien. Ou ingénieur aéronautique. Ou bien une sonde de la taille d'un piano qui vient de dépasser l'orbite de Pluton pour nous en faire savoir un peu plus sur les confins de notre système solaire.
Le Soleil effectue ses révolutions autour du trou noir de notre Voie Lactée à une vitesse d'environ 900 000 km/heure.
Dans un cas comme dans l'autre, ce sont des vitesses phénoménales.
Les deux pieds dans l'eau d'un lac, à contempler l'horizon, on ne s'imagine pas que nous soyons sur un bolide qui file à toute vitesse dans le cosmos.
Nos politiciens nous parlent de stabilité, de statu quo et de toutes sortes de mensonges pour nous faire oublier la profondeur de l'espace infini et faire profiter la pègre à nos risques et dépens.
Pendant ce temps, les révolutions continuent. La Terre tourne. Le Soleil tourne. La Voie Lactée fonce vers l'inconnu et l'incommensurable.
Si je vous parle de ce genre de trucs, aujourd'hui, c'est bien pour me rappeler que je ne suis pas grand chose face à tout ça.
Le monde physique est bien plus merveilleux et complexe que les délires de la métaphysique un peu cheap de nos sociétés trop humaines et trop ignorantes.
On s'invente des dieux qui finissent par nous ressembler tellement qu'ils ne sont pas crédibles.
Le cosmos n'a que faire de nos dieux, petits, mesquins et tout juste bons pour déguiser nos massacres collectifs.
Le mystère est entier dans l'univers physique.
Nous en perçons des parcelles, petit à petit, sans jamais en voir le bout.
Pourtant, ces parcelles nous mènent chaque jour un peu plus loin dans notre compréhension de l'inconnu.
Évidemment, le commun des mortels préfère étouffer la conscience de toutes ces données. On ne tient pas tant à savoir qu'elle est la vitesse orbitale de la Terre autour du Soleil. On s'en tient à notre maison, notre piscine, notre chien, nos petites vies. Il n'est pas sans utilité de penser ainsi. Pourtant, la prima causa de tout cela transcende largement nos petites préoccupations quotidiennes qui ne vont jamais plus vite que 120 km/heure sur l'autoroute de nos destinées.
Cela dit, retournons tous à nos affaires.
La Terre et le Soleil peuvent continuer de tourner à vive allure.
Nous n'en tiendrons pas vraiment compte en bout de ligne. À moins que nous ne soyons astrophysicien. Ou ingénieur aéronautique. Ou bien une sonde de la taille d'un piano qui vient de dépasser l'orbite de Pluton pour nous en faire savoir un peu plus sur les confins de notre système solaire.
dimanche 26 juillet 2015
Georges Sanschagrin n'est plus ce qu'il était
Georges Sanschagrin vivait de l'illusion que ce monde est tout de même le moins pire qui soit. Chaque fois qu'un individu se plaignait devant lui de ses petits bobos ou bien du gouvernement, Georges Sanschagrin trouvait tous les mots pour lui dire que l'on s'en fait toujours pour rien.
-Après tout, qu'il répétait inlassablement, on vit bien au Québec! N'est-ce pas?
Les petits salariés sans assurances collectives, sans avantages sociaux, sans soins dentaires et sans vacances contribuaient largement au bonheur de Georges Sanschagrin, un fonctionnaire moyen au tempérament plus que modéré qui pouvait se payer un peu de tout sans modération.
Georges Sanschagrin semblait tout droit sorti du roman Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert. Ce petit bonhomme légèrement gras du bide occupait les fonctions de commis administratif de classe A pour le Ministère de l'agriculture. Il ne connaissait rien à l'agriculture et ses tâches n'avaient jamais été tout à fait définies. C'était un peu comme si on l'avait oublié. Il montait des rapports hebdomadaires sur Excel qu'il envoyait à ses supérieurs qui ne les consultait presque jamais. Puis il faisait des photocopies et numérisait parfois des factures. Le reste du temps, il jasait avec Raymonde et Réjean, ses collègues de travail immédiats qui ne parlaient que de voyages dans le Sud et de sorties au cinéma.
Le rythme de vie de Georges Sanschagrin était on ne peut plus tourné au quart de tour. Il se levait à six heures, prenait sa douche, déjeunait Chez Coco, lisait La Presse et arrivait au travail un peu avant neuf heures. Puis il se prenait un autre café, jasait avec Raymonde et Réjean et prenait à nouveau une pause à onze heures sans avoir travaillé. S'il se sentait en forme, il ferait quelques tâches en après-midi. Sinon, il lirait des livres sur le zen, le zazen ou les zouaves pontificaux.
-Quelle belle vie nous menons au Québec, hein? disait-il à Raymonde, Réjean et tous les autres. Combien de gens sont insatisfaits de leur sort et se sentent bouleversés par des peccadilles, seulement parce qu'ils accordent trop d'attention à ce qu'ils ne peuvent pas changer quoi qu'ils fassent. Accepter la réalité, c'est s'accepter soi-même, oui... En effet... Bien sûr...
Jusque là, tout allait bien dans la vie de Georges Sanschagrin et toutes formes de tristesse, de désespoir, voire de conscience malheureuse, lui étaient totalement étranger.
Sa vie s'écoulait comme un long fleuve tranquille du Grand Nord inconnu des hommes.
Rien ne lui arrivait jamais. Ni malheur. Ni maladie. Ni rien.
Jusqu'à ce que tout bascule dans sa vie.
C'était suite à une chute dans un escalier.
Quelqu'un avait fait tomber par terre un cylindre de plastique qui servait à Dieu sait quoi.
Georges Sanschagrin marchait d'un pas décidé vers son dîner lorsque son pied fût entraîné vers la descente d'escalier compte tenu du cylindre qui s'immisça sous son pas.
Il déboula les marches, comme de raison, et fût stoppé dans sa chute par un mur contre lequel frappa sa tête d'irréductible jovialiste.
On fit venir les ambulanciers pour décoincer la tête de Georges Sanschagrin, laquelle était rentré dans son cou comme celle d'une tortue pénètre dans sa coquille.
-Ouyouyouille! qu'il disait. J'ai très, très mal...
Le médecin de l'urgence diagnostiqua un fort traumatisme crânien.
Sanschagrin reçut son congé de l'hôpital le soir même, mais rien ne fût jamais pareil ensuite.
Il devint aigri, facilement irritable et quelque peu révolté contre tout. C'était l'une des conséquences directes de son traumatisme crânien qui avait considérablement transformé la configuration de son esprit.
-Le Québec! Quelle province nulle à chier! Tout le monde crève de faim! Tout le monde paie des taxes et des impôts à n'en plus finir pour des services qu'ils n'obtiennent plus! L'argent public est aspiré par les mafieux en lien avec tous nos politiciens véreux pour nous dépouiller tous et chacun! La vie est sale! Sale comme une beurrée de marde et plus ça va moins y'a d'pain!
Raymonde, Réjean et même ses supérieurs qu'il ne voyait jamais en eurent bientôt assez d'entendre journellement ses jérémiades et récriminations.
Sanschagrin fût muté dans un autre service où il était tout fin seul à s'occuper de tâches encore plus futiles. Ce qui contribua à le rendre encore plus teigneux.
-Bande de mangeux d'marde! Ils me tassent dans un coin parce que je leur dis leurs quatre vérités! J'vais leur faire un grief! On va déclencher une grève! Je vais aller voir le député et je vais chier sur son bureau!
Les amis et parents de Sanschagrin, qui n'étaient déjà pas très nombreux, se mirent à le fuir. Ils ne savaient plus que faire de ce Georges nouveau qui ne savait plus apprécier une bonne coupe de vin autour d'une conversation oiseuse sur Woody Allen ou Brad Pitt.
Il en était rendu à tout ramener vers la politique, la révolte, l'émeute et la révolution. Tant et si bien qu'il finit par quitter son boulot pour devenir vagabond, puis fou furieux.
De nos jours, on le voit souvent crier tout seul sur les trottoirs en brandissant ses mains.
-Vous z'êtes pas libres mes tabarnaks! Vous z'êtes juste des esclaves! Des licheux d'raie! Des punaises qui s'font écraser par le système! J'encule le Québec! Fuck le Québec! Mange d'la marde Québec!
La plupart du temps, il ne porte que des pantoufles et une robe de chambre défraîchie. Imberbe depuis la naissance, il arbore dorénavant une longue barbe grise de prophète. Et, bien sûr, il senta mauvais depuis qu'il ne se lave plus.
Les gens qui l'ont connu autrefois n'en reviennent pas de le voir ainsi. Lui qui était si calme, si zen, si peu colérique, est devenu tout le contraire.
La morale de l'histoire? Elle est toute simple. Ramassez les objets cylindriques que vous faites malencontreusement tomber par terre. Sinon, vous pouvez comprendre qu'une personne pourrait se blesser et voir la vie différemment.
-Après tout, qu'il répétait inlassablement, on vit bien au Québec! N'est-ce pas?
Les petits salariés sans assurances collectives, sans avantages sociaux, sans soins dentaires et sans vacances contribuaient largement au bonheur de Georges Sanschagrin, un fonctionnaire moyen au tempérament plus que modéré qui pouvait se payer un peu de tout sans modération.
Georges Sanschagrin semblait tout droit sorti du roman Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert. Ce petit bonhomme légèrement gras du bide occupait les fonctions de commis administratif de classe A pour le Ministère de l'agriculture. Il ne connaissait rien à l'agriculture et ses tâches n'avaient jamais été tout à fait définies. C'était un peu comme si on l'avait oublié. Il montait des rapports hebdomadaires sur Excel qu'il envoyait à ses supérieurs qui ne les consultait presque jamais. Puis il faisait des photocopies et numérisait parfois des factures. Le reste du temps, il jasait avec Raymonde et Réjean, ses collègues de travail immédiats qui ne parlaient que de voyages dans le Sud et de sorties au cinéma.
Le rythme de vie de Georges Sanschagrin était on ne peut plus tourné au quart de tour. Il se levait à six heures, prenait sa douche, déjeunait Chez Coco, lisait La Presse et arrivait au travail un peu avant neuf heures. Puis il se prenait un autre café, jasait avec Raymonde et Réjean et prenait à nouveau une pause à onze heures sans avoir travaillé. S'il se sentait en forme, il ferait quelques tâches en après-midi. Sinon, il lirait des livres sur le zen, le zazen ou les zouaves pontificaux.
-Quelle belle vie nous menons au Québec, hein? disait-il à Raymonde, Réjean et tous les autres. Combien de gens sont insatisfaits de leur sort et se sentent bouleversés par des peccadilles, seulement parce qu'ils accordent trop d'attention à ce qu'ils ne peuvent pas changer quoi qu'ils fassent. Accepter la réalité, c'est s'accepter soi-même, oui... En effet... Bien sûr...
Jusque là, tout allait bien dans la vie de Georges Sanschagrin et toutes formes de tristesse, de désespoir, voire de conscience malheureuse, lui étaient totalement étranger.
Sa vie s'écoulait comme un long fleuve tranquille du Grand Nord inconnu des hommes.
Rien ne lui arrivait jamais. Ni malheur. Ni maladie. Ni rien.
Jusqu'à ce que tout bascule dans sa vie.
C'était suite à une chute dans un escalier.
Quelqu'un avait fait tomber par terre un cylindre de plastique qui servait à Dieu sait quoi.
Georges Sanschagrin marchait d'un pas décidé vers son dîner lorsque son pied fût entraîné vers la descente d'escalier compte tenu du cylindre qui s'immisça sous son pas.
Il déboula les marches, comme de raison, et fût stoppé dans sa chute par un mur contre lequel frappa sa tête d'irréductible jovialiste.
On fit venir les ambulanciers pour décoincer la tête de Georges Sanschagrin, laquelle était rentré dans son cou comme celle d'une tortue pénètre dans sa coquille.
-Ouyouyouille! qu'il disait. J'ai très, très mal...
Le médecin de l'urgence diagnostiqua un fort traumatisme crânien.
Sanschagrin reçut son congé de l'hôpital le soir même, mais rien ne fût jamais pareil ensuite.
Il devint aigri, facilement irritable et quelque peu révolté contre tout. C'était l'une des conséquences directes de son traumatisme crânien qui avait considérablement transformé la configuration de son esprit.
-Le Québec! Quelle province nulle à chier! Tout le monde crève de faim! Tout le monde paie des taxes et des impôts à n'en plus finir pour des services qu'ils n'obtiennent plus! L'argent public est aspiré par les mafieux en lien avec tous nos politiciens véreux pour nous dépouiller tous et chacun! La vie est sale! Sale comme une beurrée de marde et plus ça va moins y'a d'pain!
Raymonde, Réjean et même ses supérieurs qu'il ne voyait jamais en eurent bientôt assez d'entendre journellement ses jérémiades et récriminations.
Sanschagrin fût muté dans un autre service où il était tout fin seul à s'occuper de tâches encore plus futiles. Ce qui contribua à le rendre encore plus teigneux.
-Bande de mangeux d'marde! Ils me tassent dans un coin parce que je leur dis leurs quatre vérités! J'vais leur faire un grief! On va déclencher une grève! Je vais aller voir le député et je vais chier sur son bureau!
Les amis et parents de Sanschagrin, qui n'étaient déjà pas très nombreux, se mirent à le fuir. Ils ne savaient plus que faire de ce Georges nouveau qui ne savait plus apprécier une bonne coupe de vin autour d'une conversation oiseuse sur Woody Allen ou Brad Pitt.
Il en était rendu à tout ramener vers la politique, la révolte, l'émeute et la révolution. Tant et si bien qu'il finit par quitter son boulot pour devenir vagabond, puis fou furieux.
De nos jours, on le voit souvent crier tout seul sur les trottoirs en brandissant ses mains.
-Vous z'êtes pas libres mes tabarnaks! Vous z'êtes juste des esclaves! Des licheux d'raie! Des punaises qui s'font écraser par le système! J'encule le Québec! Fuck le Québec! Mange d'la marde Québec!
La plupart du temps, il ne porte que des pantoufles et une robe de chambre défraîchie. Imberbe depuis la naissance, il arbore dorénavant une longue barbe grise de prophète. Et, bien sûr, il senta mauvais depuis qu'il ne se lave plus.
Les gens qui l'ont connu autrefois n'en reviennent pas de le voir ainsi. Lui qui était si calme, si zen, si peu colérique, est devenu tout le contraire.
La morale de l'histoire? Elle est toute simple. Ramassez les objets cylindriques que vous faites malencontreusement tomber par terre. Sinon, vous pouvez comprendre qu'une personne pourrait se blesser et voir la vie différemment.
samedi 25 juillet 2015
Les conneries du Bardo Thödol et la vraie nature de Bouddha
Le Bardo Thödol, communément appelé Le livre tibétain des morts, n'est un livre sacré que pour ceux et celles qui sont facilement impressionnables. Pour les autres, ce n'est rien de plus qu'une distraction tout aussi chargée de sens que La divine comédie de Dante, talent littéraire en moins.
Il est écrit, dès les premières lignes du Bardo Thödol, que ce livre s'adresse à ceux qui n'ont pas encore atteint l'état de perfection, c'est-à-dire le Nirvana. Si vous avez atteint cet état de pleine conscience nihiliste, vous n'avez pas besoin de lire le Bardo Thödol, ce ramassis de légendes sur les étapes de la mort susceptibles de vous conduire à un plein transfert vers la béatitude du Néant.
Le Bardo Thödol laisse entendre qu'après la mort l'âme fera face à toutes sortes de monstres à huit yeux, neuf bras et cinquante millions de dents. D'un chapitre à l'autre, les monstres diffèrent, mais le message demeure toujours le même. Si l'âme n'est pas en mesure de concevoir que ces monstres ne sont que la représentation de notre propre esprit, eh bien elle sera condamnée à affronter d'autres monstres, tout aussi gluants, affreux et dégueulasses.
L'homme n'aime pas les explications simples. Aussi ne s'en tient-il pas à la préface qui dit, tout bonnement, que ce livre s'adresse aux crétins.
Les pauvres d'esprit feront donc référence à toutes sortes de traditions exotiques et ésotériques pour s'expliquer ces galéjades pour esprits siphonnés aussi libres qu'une crotte séchant dans une litière pour chats.
Le monstre du chapitre trois deviendra donc un monstre qui est relié à telle ou telle interprétation du grand lama Zyeux-pochés, né de la cuisse d'un éléphant comme tout le monde le sait.
Le monstre du chapitre quatre fera référence à Yogi Loursse, un type qui s'attachait des pierres de cinquante livres après la queue pour résister à la magie de Turlupine l'ensorceleuse.
Bref, si vous êtes lessivés mentalement, à bout de souffle de vous questionner sur tout et rien, vous trouverez dans le Bardo Thödol de quoi vous abrutir pendant des siècles en vous imaginant toutes sortes de trucs folkloriques qui vous empêcheront de saisir quoi que ce soit à tout ce qui existe ou ne mérite pas d'exister.
Les premières lignes du Bardo Thödol sont pourtant claires. Vous pouvez jeter le livre au bout de vos bras et contempler le prunier en fleurs si vous avez connu l'Éveil. Éveil qui se traduit par un refus de perdre votre temps avec les sectes tout autant qu'avec Bouddha.
***
Un moine bouddhiste zen particulièrement anxieux souhaitait connaître la vraie nature de Bouddha.
Il se présenta devant le chef de sa secte pour obtenir une réponse.
-Quelle est la vraie nature de Bouddha ô grand maître? lui demanda-t-il en adoptant une attitude humble et servile, comme tous les moinillons de service.
Le maître, pas très bavard. lui donna un bon coup de bâton sur la tête en guise de réponse.
Le lendemain, le petit moine, malgré sa bosse sur la tête, revint voir son persécuteur avec la même question.
-Je voudrais savoir... juste pour savoir... ahem... Heu... Quelle est la vraie nature de Bouddha ô grand maître?
Le grand maître lui asséna un autre coup de bâton sur la tête.
Le moinillon retourna devant son mur pour faire zazen tout en tentant d'oublier sa migraine.
Au cours de sa méditation, les yeux mi-clos devant son mur vide, le malheureux ressentit quelque chose comme une illumination.
Il courut rencontrer son grand maître pour lui faire part de sa découverte.
-Grand maître! J'ai enfin compris ce qu'est la vraie nature de Bouddha!!! qu'il lui a dit tout de go.
-Et puis? lui répliqua le grand maître.
Le moinillon, qui tenait un bâton dans les mains, s'élança pour frapper la tête du grand maître d'un solide coup de bâton.
-Poc! fit le bâton sur la caboche du Grand Illuminé.
Le grand maître perdit conscience, évidemment.
Ce n'est pas tous les jours qu'on découvre la vraie nature de Bouddha.
***
Un autre moine zen, surnommé Grand Idiot, avait entendu dire que deviendrait maître de la communauté monastique celui dont le nom apparaîtrait sur les parois d'une caverne ayant quelque caractère sacré aux yeux des prosélytes et autres types vêtus d'une robe.
Grand Idiot, qui est aussi un grand farceur, se rend donc dans la caverne et écrit son surnom sur les parois d'icelle avec de la craie.
G-R-A-N-D I-D-I-O-T
Puis il quitte la caverne en riant de sa bonne blague.
Le lendemain, le grand maître présente celui qui deviendra son successeur.
Il s'agit, bien sûr, de Grand Idiot que tout le monde connaît bien.
Personne d'autre que lui n'a osé écrire son nom ou bien le nom d'autrui.
Ce sera donc Grand Idiot qui occupera dorénavant les fonctions de grand maître.
On prétend que ce moine fût l'un des plus grands maîtres de la tradition bouddhiste zen.
Lui ou bien un autre, quelle différence que cela pouvait bien faire?
Tout n'est qu'illusion, même le bouddhisme, même les prières, même le mur devant lequel l'on fait zazen les yeux mi-clos en recevant des coups de bâtons sur la tête pour avoir cette concentration juste qui épate le matérialiste en mal de spiritualité.
***
Je ne suis pas bouddhiste, peu s'en faut, ni chrétien, ni musulman, ni athée, ni excellent.
Je ne suis que moi-même et la profonde nature des choses est filtrée par mon cerveau tout aussi humain que le cerveau des chiens est canin. Je peux bien vous dire ce qu'est une galaxie ou bien un trou noir, avec le peu que j'en sais. Je ne peux pas vous dire pourquoi, ni quand, ni comment. Je peux vous jouer un air de guitare ou d'harmonica, si vous voulez. Ou bien vous donnez un coup de bâton sur la tête.
Je ne suis qu'une boule de matière essentiellement constituée d'eau et de poussière d'étoiles.
Je n'ai pas la vérité sur toute chose et je ne m'en porte que mieux.
Mes interrogations métaphysiques ne m'empoisonnent pas l'esprit.
Je ne suis ni endormi, ni éveillé.
Je ne suis qu'un moment dans le temps qui n'existe pas tout à fait.
On voudrait me faire croire que ce moment est important. Que je suis important. Que l'importance est importante.
Et pourtant, je me laisse guider par la vie comme une feuille qui descend le long d'un cours d'eau.
Aujourd'hui, je suis ici. Demain, je serai las.
La vraie nature de la vie, c'est la vie avant la mort.
La vraie nature de la mort, c'est une réflexion ontologique qui ne vaut guère plus qu'un bon coup de bâton sur la tête.
Vous pouvez vous amuser avec le Bardo Thödol, les livres sacrés et les pattes de lapin porte-bonheur.
Chacun son trip.
Le mien, c'est d'être hic et nunc. Ici et maintenant. Carpe diem, pour reprendre en latin. Saisis-toi de ce jour. Laisse les balivernes aux moines et autres enculeurs de mouche.
____
Référence pour les contes zen:
Le bol et le bâton, 120 contes zen de Taïsen Deshimaru, Albin Michel, 1986
Il est écrit, dès les premières lignes du Bardo Thödol, que ce livre s'adresse à ceux qui n'ont pas encore atteint l'état de perfection, c'est-à-dire le Nirvana. Si vous avez atteint cet état de pleine conscience nihiliste, vous n'avez pas besoin de lire le Bardo Thödol, ce ramassis de légendes sur les étapes de la mort susceptibles de vous conduire à un plein transfert vers la béatitude du Néant.
Le Bardo Thödol laisse entendre qu'après la mort l'âme fera face à toutes sortes de monstres à huit yeux, neuf bras et cinquante millions de dents. D'un chapitre à l'autre, les monstres diffèrent, mais le message demeure toujours le même. Si l'âme n'est pas en mesure de concevoir que ces monstres ne sont que la représentation de notre propre esprit, eh bien elle sera condamnée à affronter d'autres monstres, tout aussi gluants, affreux et dégueulasses.
L'homme n'aime pas les explications simples. Aussi ne s'en tient-il pas à la préface qui dit, tout bonnement, que ce livre s'adresse aux crétins.
Les pauvres d'esprit feront donc référence à toutes sortes de traditions exotiques et ésotériques pour s'expliquer ces galéjades pour esprits siphonnés aussi libres qu'une crotte séchant dans une litière pour chats.
Le monstre du chapitre trois deviendra donc un monstre qui est relié à telle ou telle interprétation du grand lama Zyeux-pochés, né de la cuisse d'un éléphant comme tout le monde le sait.
Le monstre du chapitre quatre fera référence à Yogi Loursse, un type qui s'attachait des pierres de cinquante livres après la queue pour résister à la magie de Turlupine l'ensorceleuse.
Bref, si vous êtes lessivés mentalement, à bout de souffle de vous questionner sur tout et rien, vous trouverez dans le Bardo Thödol de quoi vous abrutir pendant des siècles en vous imaginant toutes sortes de trucs folkloriques qui vous empêcheront de saisir quoi que ce soit à tout ce qui existe ou ne mérite pas d'exister.
Les premières lignes du Bardo Thödol sont pourtant claires. Vous pouvez jeter le livre au bout de vos bras et contempler le prunier en fleurs si vous avez connu l'Éveil. Éveil qui se traduit par un refus de perdre votre temps avec les sectes tout autant qu'avec Bouddha.
***
Un moine bouddhiste zen particulièrement anxieux souhaitait connaître la vraie nature de Bouddha.
Il se présenta devant le chef de sa secte pour obtenir une réponse.
-Quelle est la vraie nature de Bouddha ô grand maître? lui demanda-t-il en adoptant une attitude humble et servile, comme tous les moinillons de service.
Le maître, pas très bavard. lui donna un bon coup de bâton sur la tête en guise de réponse.
Le lendemain, le petit moine, malgré sa bosse sur la tête, revint voir son persécuteur avec la même question.
-Je voudrais savoir... juste pour savoir... ahem... Heu... Quelle est la vraie nature de Bouddha ô grand maître?
Le grand maître lui asséna un autre coup de bâton sur la tête.
Le moinillon retourna devant son mur pour faire zazen tout en tentant d'oublier sa migraine.
Au cours de sa méditation, les yeux mi-clos devant son mur vide, le malheureux ressentit quelque chose comme une illumination.
Il courut rencontrer son grand maître pour lui faire part de sa découverte.
-Grand maître! J'ai enfin compris ce qu'est la vraie nature de Bouddha!!! qu'il lui a dit tout de go.
-Et puis? lui répliqua le grand maître.
Le moinillon, qui tenait un bâton dans les mains, s'élança pour frapper la tête du grand maître d'un solide coup de bâton.
-Poc! fit le bâton sur la caboche du Grand Illuminé.
Le grand maître perdit conscience, évidemment.
Ce n'est pas tous les jours qu'on découvre la vraie nature de Bouddha.
***
Un autre moine zen, surnommé Grand Idiot, avait entendu dire que deviendrait maître de la communauté monastique celui dont le nom apparaîtrait sur les parois d'une caverne ayant quelque caractère sacré aux yeux des prosélytes et autres types vêtus d'une robe.
Grand Idiot, qui est aussi un grand farceur, se rend donc dans la caverne et écrit son surnom sur les parois d'icelle avec de la craie.
G-R-A-N-D I-D-I-O-T
Puis il quitte la caverne en riant de sa bonne blague.
Le lendemain, le grand maître présente celui qui deviendra son successeur.
Il s'agit, bien sûr, de Grand Idiot que tout le monde connaît bien.
Personne d'autre que lui n'a osé écrire son nom ou bien le nom d'autrui.
Ce sera donc Grand Idiot qui occupera dorénavant les fonctions de grand maître.
On prétend que ce moine fût l'un des plus grands maîtres de la tradition bouddhiste zen.
Lui ou bien un autre, quelle différence que cela pouvait bien faire?
Tout n'est qu'illusion, même le bouddhisme, même les prières, même le mur devant lequel l'on fait zazen les yeux mi-clos en recevant des coups de bâtons sur la tête pour avoir cette concentration juste qui épate le matérialiste en mal de spiritualité.
***
Je ne suis pas bouddhiste, peu s'en faut, ni chrétien, ni musulman, ni athée, ni excellent.
Je ne suis que moi-même et la profonde nature des choses est filtrée par mon cerveau tout aussi humain que le cerveau des chiens est canin. Je peux bien vous dire ce qu'est une galaxie ou bien un trou noir, avec le peu que j'en sais. Je ne peux pas vous dire pourquoi, ni quand, ni comment. Je peux vous jouer un air de guitare ou d'harmonica, si vous voulez. Ou bien vous donnez un coup de bâton sur la tête.
Je ne suis qu'une boule de matière essentiellement constituée d'eau et de poussière d'étoiles.
Je n'ai pas la vérité sur toute chose et je ne m'en porte que mieux.
Mes interrogations métaphysiques ne m'empoisonnent pas l'esprit.
Je ne suis ni endormi, ni éveillé.
Je ne suis qu'un moment dans le temps qui n'existe pas tout à fait.
On voudrait me faire croire que ce moment est important. Que je suis important. Que l'importance est importante.
Et pourtant, je me laisse guider par la vie comme une feuille qui descend le long d'un cours d'eau.
Aujourd'hui, je suis ici. Demain, je serai las.
La vraie nature de la vie, c'est la vie avant la mort.
La vraie nature de la mort, c'est une réflexion ontologique qui ne vaut guère plus qu'un bon coup de bâton sur la tête.
Vous pouvez vous amuser avec le Bardo Thödol, les livres sacrés et les pattes de lapin porte-bonheur.
Chacun son trip.
Le mien, c'est d'être hic et nunc. Ici et maintenant. Carpe diem, pour reprendre en latin. Saisis-toi de ce jour. Laisse les balivernes aux moines et autres enculeurs de mouche.
____
Référence pour les contes zen:
Le bol et le bâton, 120 contes zen de Taïsen Deshimaru, Albin Michel, 1986
jeudi 23 juillet 2015
Pourquoi perdre son temps à raconter la vie de Rita, hein?
Rita est une personne tout à fait désagréable qui cherche à savoir tout ce que vous n'avez pas envie de lui dire.
Cette vieille dame approche de septante ans. Elle ne fume pas. Elle ne boit pas. Elle ne fait que voir les travers de tout un chacun pour occuper son temps et abuser du vôtre.
Rita ressemble un tant soit peu à une chauve-souris anorexique. Son regard bleu acier est accentué par ses lunettes, des fonds de bouteille qui décuplent ses capacités visuelles pour le plus grand malheur de tous. Elle n'est pas très grande, son dos est voûté et ses doigts sont osseux. Elle porte sur la tête des cheveux rouillés qui semblent constitués de laine d'acier de marque Bulldog.
Qu'elle soit laide comme un pichou est sans importance. On connaît tous une femme laide qui est aimable. Cependant, Rita est laide et détestable. Parce que c'est une vraie pie qui déborde de méchancetés et de médisances.
-Le gars qui habite au troisième, là, il vend d'la drogue pis y'est séparé d'sa femme... Il voit ses enfants une fin de semaine sur deux... Ses enfants doivent prendre d'la drogue aussi parce qu'i' z'ont l'air bizarre avec leurs grosses culottes trop grandes pour eux... J'serais pas surpris qu'il soit un peu tapette parce que j'l'ai vu en train de serrer un gars dans ses bras...
Vous voyez le genre? Rita réserve un potin pour chacun et chacune. On finit par croire qu'elle médit sur soi-même dès que l'on a le dos tourné.
-Le gros, là, celui qui se dit artiste... Il est même pas marié... Il est accoté avec cette femme-là... Il écrit des lettres dans Le Nouvelliste pis il se plaint du maire... Y'est pas catholique le gros. Il va jamais à l'église... Il mange comme un défoncé... Je l'ai vu avec un gros sac de Doritos sur sa galerie...
Récemment, Rita s'est fait un chum. Son chum est un freluquet en fin de vie au regard un peu vague qui se laisse mener au doigt et à l'oeil par Rita. Elle l'oblige à se vêtir comme elle parce qu'elle croit que les âmes soeurs doivent être idoines en tout.
Les deux tourtereaux déambulent donc sur les trottoirs avec une calotte blanche arborant le logo de la Ville de Trois-Rivières. Ils portent tous deux un gaminet bleu ciel et des pantalons bleu marin. Ça fesse dans le décor, croyez-moi.
Son chum, qui s'appelle Roger, la suit comme un chien de poche en ne disant jamais un mot plus haut que l'autre. C'est Rita, encore et toujours, qui mène le bal tout autant que les conversations. Elle n'a pas changé d'un iota malgré son nouvel amour qu'elle a d'ailleurs fait sacraliser par l'église. Il n'était pas question de vivre accoté sans se marier, comme le gros artiste qui vivait en face de chez-elle avant que d'ouvrir sa galerie d'art près de la cathédrale, dans un coin rempli de professeurs retraités qui boivent trop de vin et mangent du fromage qui pue.
Roger a tout de même fait un arrêt cardiovasculaire qui l'a paralysé d'un côté. Rita, nullement désemparé, a continué de le sermonner tout en lui essuyant la bave aux commissures des lèvres après chaque repas.
-J'te l'avais dit de slaquer sur les chips Roger! T'as l'air fin toutte paralysé d'un bord comme Jean Chrétien! Qu'est-cé qu'les voisins vont penser, hein? Avoir su... Bonyousse d'la vie! J'ai pas assez d'm'occuper d'moé qui va falloir que j'm'occupe de toé! Mange-z'en encore des chips mon simoniaque! C'est Rita qui va t'torcher!
J'ai revu Rita récemment. Elle était toute seule, sans son Roger. Roger a probablement été enterrré au cimetière depuis le temps. Elle était toute seule à l'urgence, comme moi, et cherchait à s'emparer de mon regard pour nourrir ses ragots.
J'avais les yeux rivés sur mon Iphone parce que, bien que je semble un bon gars, je suis parfois nul à chier, mesquin et pas très gentil. Mon sang se fige quand je la vois. Que voulez-vous que je fasse?
Je n'avais pas envie de lui parler pour tout dire et j'évitais son regard.
Néanmoins, je ne pouvais pas éviter le son de sa voix. Elle racontait ses petits bobos à tout le monde d'une voix tellement forte qu'elle enterrait le bulletin de nouvelles de TVA diffusé sur l'écran plat de la salle d'attente, ledit écran étant une gracieuseté d'une compagnie spécialisée dans la fabrication de papier hygiénique.
-J'ai mal dans l'dos! Maudit qu'j'ai mal dans l'dos! J'prends tel pis tel médicament... Mais là c'est pas assez fort... Ça m'réveille la nuitte... Pis en m'berçant proche d'la fenêtre du salon, la nuitte, parce que j'dors pas, savez-vous c'que j'vois? Plein d'monde qui vont et viennent chez l'voisin d'en face, celui qui habite au troisième étage... I' viennent pour d'la drogue... I' vend d'la drogue ce gars-là... J'ai assez peur de m'faire voler que j'barre toutes mes portes à double tour, avec des cadenas pis tout le reste toé chose... Pour voir si ça a d'l'allure, la maudite drogue... Pis sont touttes su' l'BS! Ça travaille pas, ça vend d'la drogue pis ça mène la grosse vie pendant qu'nous autres on peine à s'acheter du manger pis des médicaments... Pis en plus... j'suis pas mal sûr qu'c'est une tapette!
Non, je n'ai pas parler à Rita.
On a fini par me nommer dans l'interphone, à l'urgence, et je n'ai plus jamais revu Rita depuis.
Si je vous en parle aujourd'hui, je ne saurais guère vous dire pourquoi.
Suis-je un peu comme elle, au fond? Les écrivains frôlent toujours la médisance...
Pourquoi perdre mon temps ainsi à vous raconter la vie de Rita, hein?
Cette vieille dame approche de septante ans. Elle ne fume pas. Elle ne boit pas. Elle ne fait que voir les travers de tout un chacun pour occuper son temps et abuser du vôtre.
Rita ressemble un tant soit peu à une chauve-souris anorexique. Son regard bleu acier est accentué par ses lunettes, des fonds de bouteille qui décuplent ses capacités visuelles pour le plus grand malheur de tous. Elle n'est pas très grande, son dos est voûté et ses doigts sont osseux. Elle porte sur la tête des cheveux rouillés qui semblent constitués de laine d'acier de marque Bulldog.
Qu'elle soit laide comme un pichou est sans importance. On connaît tous une femme laide qui est aimable. Cependant, Rita est laide et détestable. Parce que c'est une vraie pie qui déborde de méchancetés et de médisances.
-Le gars qui habite au troisième, là, il vend d'la drogue pis y'est séparé d'sa femme... Il voit ses enfants une fin de semaine sur deux... Ses enfants doivent prendre d'la drogue aussi parce qu'i' z'ont l'air bizarre avec leurs grosses culottes trop grandes pour eux... J'serais pas surpris qu'il soit un peu tapette parce que j'l'ai vu en train de serrer un gars dans ses bras...
Vous voyez le genre? Rita réserve un potin pour chacun et chacune. On finit par croire qu'elle médit sur soi-même dès que l'on a le dos tourné.
-Le gros, là, celui qui se dit artiste... Il est même pas marié... Il est accoté avec cette femme-là... Il écrit des lettres dans Le Nouvelliste pis il se plaint du maire... Y'est pas catholique le gros. Il va jamais à l'église... Il mange comme un défoncé... Je l'ai vu avec un gros sac de Doritos sur sa galerie...
Récemment, Rita s'est fait un chum. Son chum est un freluquet en fin de vie au regard un peu vague qui se laisse mener au doigt et à l'oeil par Rita. Elle l'oblige à se vêtir comme elle parce qu'elle croit que les âmes soeurs doivent être idoines en tout.
Les deux tourtereaux déambulent donc sur les trottoirs avec une calotte blanche arborant le logo de la Ville de Trois-Rivières. Ils portent tous deux un gaminet bleu ciel et des pantalons bleu marin. Ça fesse dans le décor, croyez-moi.
Son chum, qui s'appelle Roger, la suit comme un chien de poche en ne disant jamais un mot plus haut que l'autre. C'est Rita, encore et toujours, qui mène le bal tout autant que les conversations. Elle n'a pas changé d'un iota malgré son nouvel amour qu'elle a d'ailleurs fait sacraliser par l'église. Il n'était pas question de vivre accoté sans se marier, comme le gros artiste qui vivait en face de chez-elle avant que d'ouvrir sa galerie d'art près de la cathédrale, dans un coin rempli de professeurs retraités qui boivent trop de vin et mangent du fromage qui pue.
Roger a tout de même fait un arrêt cardiovasculaire qui l'a paralysé d'un côté. Rita, nullement désemparé, a continué de le sermonner tout en lui essuyant la bave aux commissures des lèvres après chaque repas.
-J'te l'avais dit de slaquer sur les chips Roger! T'as l'air fin toutte paralysé d'un bord comme Jean Chrétien! Qu'est-cé qu'les voisins vont penser, hein? Avoir su... Bonyousse d'la vie! J'ai pas assez d'm'occuper d'moé qui va falloir que j'm'occupe de toé! Mange-z'en encore des chips mon simoniaque! C'est Rita qui va t'torcher!
J'ai revu Rita récemment. Elle était toute seule, sans son Roger. Roger a probablement été enterrré au cimetière depuis le temps. Elle était toute seule à l'urgence, comme moi, et cherchait à s'emparer de mon regard pour nourrir ses ragots.
J'avais les yeux rivés sur mon Iphone parce que, bien que je semble un bon gars, je suis parfois nul à chier, mesquin et pas très gentil. Mon sang se fige quand je la vois. Que voulez-vous que je fasse?
Je n'avais pas envie de lui parler pour tout dire et j'évitais son regard.
Néanmoins, je ne pouvais pas éviter le son de sa voix. Elle racontait ses petits bobos à tout le monde d'une voix tellement forte qu'elle enterrait le bulletin de nouvelles de TVA diffusé sur l'écran plat de la salle d'attente, ledit écran étant une gracieuseté d'une compagnie spécialisée dans la fabrication de papier hygiénique.
-J'ai mal dans l'dos! Maudit qu'j'ai mal dans l'dos! J'prends tel pis tel médicament... Mais là c'est pas assez fort... Ça m'réveille la nuitte... Pis en m'berçant proche d'la fenêtre du salon, la nuitte, parce que j'dors pas, savez-vous c'que j'vois? Plein d'monde qui vont et viennent chez l'voisin d'en face, celui qui habite au troisième étage... I' viennent pour d'la drogue... I' vend d'la drogue ce gars-là... J'ai assez peur de m'faire voler que j'barre toutes mes portes à double tour, avec des cadenas pis tout le reste toé chose... Pour voir si ça a d'l'allure, la maudite drogue... Pis sont touttes su' l'BS! Ça travaille pas, ça vend d'la drogue pis ça mène la grosse vie pendant qu'nous autres on peine à s'acheter du manger pis des médicaments... Pis en plus... j'suis pas mal sûr qu'c'est une tapette!
Non, je n'ai pas parler à Rita.
On a fini par me nommer dans l'interphone, à l'urgence, et je n'ai plus jamais revu Rita depuis.
Si je vous en parle aujourd'hui, je ne saurais guère vous dire pourquoi.
Suis-je un peu comme elle, au fond? Les écrivains frôlent toujours la médisance...
Pourquoi perdre mon temps ainsi à vous raconter la vie de Rita, hein?
mercredi 22 juillet 2015
À la guerre on ne tire pas sur les ambulances
Mon père avait souvent coutume de dire qu'à la guerre on ne tire pas sur les ambulances.
C'est pourtant ce que je vois tous les jours au sein de mon entourage.
Des travailleurs pauvres s'en prennent quotidiennement aux gens qui survivent sur l'assistance sociale, Ces gens que l'on surnomme les maudits BS pour se donner de l'importance alors que l'on n'en a pas du tout.
-Les maudits BS mènent la belle vie! Ils se font payer les dents pis les lunettes pis ils font des enfants pour avoir un plus gros chèque! On devrait tous les mettre aux travaux forcés! Grrr!
J'ai coutume de rappeler aux larbins que leur condition de travailleurs sous-payés et non-syndiqués est bien plus près de celle des assistés sociaux qu'elle ne le sera jamais des riches dont ils envient le sort.
Les larbins ne comprendront jamais qu'il faut mille pauvres pour produire un riche. Ils ne saisiront jamais que l'État doit piger dans leurs poches pour mieux liquider à vil prix nos ressources naturelles et nos richesses collectives. Tout ça pour enrichir le salopard qui nous rit en pleine face bien assis sur ses lingots d'or.
Il est vrai que les travailleurs paient des taxes et des impôts. C'est voulu comme ça. Non pas pour entretenir les assistés sociaux. Mais pour faire assumer les services de l'État aux esclaves pour le plus grand bénéfice des saigneurs de la communauté.
Évidemment, la révolution se passera très bien des larbins. Elle se contentera d'une minorité active, comme toujours, pour renverser ce vieux régime pourri et corrompu jusqu'à la moelle. Une patente à gosses qui nous invente des intérêts de 1000% pour une dette publique. Une dette traficotée par des politiciens véreux à la solde des banquiers qui nous dépouillent.
Un jour, les banquiers seront emprisonnés et les politiciens véreux aussi.
Une minorité active descendra dans la rue et renversera ce pouvoir illégitime qui nous étrangle tous, petits travailleurs, chômeurs et assistés sociaux.
Peut-être que ce jour-là nous serons plus nombreux à comprendre que nous sommes les propriétaires de ce pays et qu'il est tout à fait justifier de toucher des dividendes pour ces ressources naturelles qui nous appartiennent.
Je souhaite que le régime d'assistance sociale, cette aide de derniers recours aux dires des salopards, soit remplacé par un revenu de citoyenneté. Un revenu minimum garanti pour que tout un chacun puisse vivre dignement sans subir de stigmatisation sociale. Au même titre que l'on peut accuser quelqu'un de racisme ou de sexisme, je souhaite aussi que l'on fasse taire les pleins de marde qui s'en prennent aux assistés sociaux et aux pauvres. La ségrégation sociale entretenue par les larbins me semble un crime aussi grave que toutes les autres formes de discrimination. Elle mérite la réprobation sociale.
Chez les autochtones, chez ceux que l'on ne se gênait pas jusqu'à récemment de traiter de tous les noms pour nier le génocide culturel, il était de coutume de choisir pour chef celui qui n'avait rien et donnait tout. Le chef était celui qui se sacrifiait pour la communauté. Ce n'était pas celui qui profitait de tout, au contraire de nos sociétés capitalistes. Ces sociétés, que l'on disait barbares, pratiquaient le partage et l'entraide à un degré qui fait honte à nos civilisations.
L'écrivain Jack London, avant de devenir socialiste, était vaguement nietzschéen. Il entretenait le mythe du surhomme et se croyait tellement fort qu'il s'adapterait à tout. Il évolua vers le socialisme lorsque survint une crise économique qui fit de lui un chômeur, puis un vagabond.
Jack London réalisa que même en étant grand, fort, solide et intelligent, un homme pouvait se faire traiter comme de la merde dans un système fondé sur le profit et l'iniquité. Il devint socialiste par la force des choses. Parce que le capitalisme est essentiellement injuste, inhumain et apatride.
Si vous entendez des gens critiquer les assistés sociaux, dites-vous que cela s'achève. Les larbins seront bientôt poussés dans leurs derniers retranchements, comme les racistes et les sexistes.
On les considérera comme du crottin.
On sait, d'avance, qu'ils obéiront à n'importe quel maître, dusse-t-il être un socialiste.
C'est dans la nature des larbins que de renifler le cul du pouvoir et de lui lécher la raie.
Les larbins comptent pour rien dans l'équation politique.
Zéro plus zéro est égal à zéro.
Un homme et une femme qui se tiennent debout s'additionnent.
Les minorités actives, constituées de gens qui se tiennent droit, auront toujours raison des majorités imaginaires des libéraux et autres banquiers sans scrupules.
C'est pourtant ce que je vois tous les jours au sein de mon entourage.
Des travailleurs pauvres s'en prennent quotidiennement aux gens qui survivent sur l'assistance sociale, Ces gens que l'on surnomme les maudits BS pour se donner de l'importance alors que l'on n'en a pas du tout.
-Les maudits BS mènent la belle vie! Ils se font payer les dents pis les lunettes pis ils font des enfants pour avoir un plus gros chèque! On devrait tous les mettre aux travaux forcés! Grrr!
J'ai coutume de rappeler aux larbins que leur condition de travailleurs sous-payés et non-syndiqués est bien plus près de celle des assistés sociaux qu'elle ne le sera jamais des riches dont ils envient le sort.
Les larbins ne comprendront jamais qu'il faut mille pauvres pour produire un riche. Ils ne saisiront jamais que l'État doit piger dans leurs poches pour mieux liquider à vil prix nos ressources naturelles et nos richesses collectives. Tout ça pour enrichir le salopard qui nous rit en pleine face bien assis sur ses lingots d'or.
Il est vrai que les travailleurs paient des taxes et des impôts. C'est voulu comme ça. Non pas pour entretenir les assistés sociaux. Mais pour faire assumer les services de l'État aux esclaves pour le plus grand bénéfice des saigneurs de la communauté.
Évidemment, la révolution se passera très bien des larbins. Elle se contentera d'une minorité active, comme toujours, pour renverser ce vieux régime pourri et corrompu jusqu'à la moelle. Une patente à gosses qui nous invente des intérêts de 1000% pour une dette publique. Une dette traficotée par des politiciens véreux à la solde des banquiers qui nous dépouillent.
Un jour, les banquiers seront emprisonnés et les politiciens véreux aussi.
Une minorité active descendra dans la rue et renversera ce pouvoir illégitime qui nous étrangle tous, petits travailleurs, chômeurs et assistés sociaux.
Peut-être que ce jour-là nous serons plus nombreux à comprendre que nous sommes les propriétaires de ce pays et qu'il est tout à fait justifier de toucher des dividendes pour ces ressources naturelles qui nous appartiennent.
Je souhaite que le régime d'assistance sociale, cette aide de derniers recours aux dires des salopards, soit remplacé par un revenu de citoyenneté. Un revenu minimum garanti pour que tout un chacun puisse vivre dignement sans subir de stigmatisation sociale. Au même titre que l'on peut accuser quelqu'un de racisme ou de sexisme, je souhaite aussi que l'on fasse taire les pleins de marde qui s'en prennent aux assistés sociaux et aux pauvres. La ségrégation sociale entretenue par les larbins me semble un crime aussi grave que toutes les autres formes de discrimination. Elle mérite la réprobation sociale.
Chez les autochtones, chez ceux que l'on ne se gênait pas jusqu'à récemment de traiter de tous les noms pour nier le génocide culturel, il était de coutume de choisir pour chef celui qui n'avait rien et donnait tout. Le chef était celui qui se sacrifiait pour la communauté. Ce n'était pas celui qui profitait de tout, au contraire de nos sociétés capitalistes. Ces sociétés, que l'on disait barbares, pratiquaient le partage et l'entraide à un degré qui fait honte à nos civilisations.
L'écrivain Jack London, avant de devenir socialiste, était vaguement nietzschéen. Il entretenait le mythe du surhomme et se croyait tellement fort qu'il s'adapterait à tout. Il évolua vers le socialisme lorsque survint une crise économique qui fit de lui un chômeur, puis un vagabond.
Jack London réalisa que même en étant grand, fort, solide et intelligent, un homme pouvait se faire traiter comme de la merde dans un système fondé sur le profit et l'iniquité. Il devint socialiste par la force des choses. Parce que le capitalisme est essentiellement injuste, inhumain et apatride.
Si vous entendez des gens critiquer les assistés sociaux, dites-vous que cela s'achève. Les larbins seront bientôt poussés dans leurs derniers retranchements, comme les racistes et les sexistes.
On les considérera comme du crottin.
On sait, d'avance, qu'ils obéiront à n'importe quel maître, dusse-t-il être un socialiste.
C'est dans la nature des larbins que de renifler le cul du pouvoir et de lui lécher la raie.
Les larbins comptent pour rien dans l'équation politique.
Zéro plus zéro est égal à zéro.
Un homme et une femme qui se tiennent debout s'additionnent.
Les minorités actives, constituées de gens qui se tiennent droit, auront toujours raison des majorités imaginaires des libéraux et autres banquiers sans scrupules.
mardi 21 juillet 2015
Les faux docteurs des salles d'attente des CLSC
Les salles d'attente des Centres locaux de services communautaires (CLSC) regorgent d'éclopés toujours prêts à vous prodiguer des conseils plus ou moins judicieux ayant trait à tout problème de santé.
Untel vous dira de mettre tel onguent sur une plaie purulente.
Un autre vous dira de prendre de la poudre de perlimpinpin pour vos maux de tête.
Tous vous diront tout et n'importe quoi.
Je sais de quoi je parle. Je passe tous les jours au CLSC de mon quartier pour changer un pansement pour une plaie que j'ai à la tête, une plaie qui guérissait mal compte tenu de ma maladie nouvellement diagnostiquée: le diabète.
Samedi dernier, j'ai rencontré un vieux monsieur qui claudiquait avec son pied harnaché dans un moule de plastique suite à l'ablation de l'un de ses orteils. Son dentier et sa calotte de baseball semblaient trop grands pour lui, mais cela n'a rien à voir avec le sujet dont je veux vous entretenir.
-Qu'est-cé qui vous est arrivé m'sieur pour avoir un bandage de même autour d'la tête? qu'il me demande.
-J'ai fait une plaie qui guérissait mal parce que j'ignorais que je faisais du diabète, que je lui réponds.
-Moé 'ssi j'fais du diabète, me réplique-t-il en passant tout près d'extraire son dentier de sa bouche. J'ai une botte de plastique au pied parce qu'i' m'ont coupé un orteil...
-Ah bon...
-Tu prends-tu de l'insuline?
-Non. Seulement des pilules...
-Moé j'prends d'l'insuline... J'me pique deux fois par jour. El' matin pis l'soir. J'me pique dans l'ventre ou sur les côtés.
-Hum...
-I' vont t'dire toutes sortes d'affaires su' l'diabète mais faut pas qu't'écoutes toutte c'qu'i' t'disent... Moé ej' mange quatre toasts el' matin pis j'prends une galette de mélasse pis après ej' marche une demie heure... El' midi ej' prends encore quatre toasts a'ec du beurre de pinotes pis une autre galette de mélasse... El' soir ej' m'retiens pas pantoute. Ej' mange mon steak mes patates d'la crème en glace n'importe quoi qu'ej' veux parce que si j'les écoutais ej' s'rais pas mieux que mort! Leu' maudit régime i' peuvent bien se l'mettre où j'pense... Voyons don'! Une toast el' matin! On ira pas chier loin avec ça...
J'écoutais ses conseils en tentant d'éloigner mon regard de sa bottine de plastique sous laquelle j'imaginais son orteil amputé.
Puis je regardais le bout de mes pieds en me considérant chanceux d'être encore en un seul morceau.
Il va sans dire que je me suis promis d'écouter les conseils des professionnels de la santé plutôt que ceux de ce brave homme qui n'avait rien retenu des mesures de précaution inhérentes au contrôle de son diabète.
-J'te l'dis... Écoute pas les médecins! I' connaissent rien! rajouta le vieillard.
-Antoine Bédard est demandé à la salle 3. Antoine Bédard, salle 3!
C'était au tour de mon interlocuteur de faire changer son pansement. Il boita d'un pas décidé jusqu'à la salle 3 tandis que je méditais sagement sur mon banc de plastique en faisant bouger mes orteils.
On trouve vraiment toutes sortes de gens dans les salles d'attente des CLSC, dont des personnes qui disent n'importe quoi.
Untel vous dira de mettre tel onguent sur une plaie purulente.
Un autre vous dira de prendre de la poudre de perlimpinpin pour vos maux de tête.
Tous vous diront tout et n'importe quoi.
Je sais de quoi je parle. Je passe tous les jours au CLSC de mon quartier pour changer un pansement pour une plaie que j'ai à la tête, une plaie qui guérissait mal compte tenu de ma maladie nouvellement diagnostiquée: le diabète.
Samedi dernier, j'ai rencontré un vieux monsieur qui claudiquait avec son pied harnaché dans un moule de plastique suite à l'ablation de l'un de ses orteils. Son dentier et sa calotte de baseball semblaient trop grands pour lui, mais cela n'a rien à voir avec le sujet dont je veux vous entretenir.
-Qu'est-cé qui vous est arrivé m'sieur pour avoir un bandage de même autour d'la tête? qu'il me demande.
-J'ai fait une plaie qui guérissait mal parce que j'ignorais que je faisais du diabète, que je lui réponds.
-Moé 'ssi j'fais du diabète, me réplique-t-il en passant tout près d'extraire son dentier de sa bouche. J'ai une botte de plastique au pied parce qu'i' m'ont coupé un orteil...
-Ah bon...
-Tu prends-tu de l'insuline?
-Non. Seulement des pilules...
-Moé j'prends d'l'insuline... J'me pique deux fois par jour. El' matin pis l'soir. J'me pique dans l'ventre ou sur les côtés.
-Hum...
-I' vont t'dire toutes sortes d'affaires su' l'diabète mais faut pas qu't'écoutes toutte c'qu'i' t'disent... Moé ej' mange quatre toasts el' matin pis j'prends une galette de mélasse pis après ej' marche une demie heure... El' midi ej' prends encore quatre toasts a'ec du beurre de pinotes pis une autre galette de mélasse... El' soir ej' m'retiens pas pantoute. Ej' mange mon steak mes patates d'la crème en glace n'importe quoi qu'ej' veux parce que si j'les écoutais ej' s'rais pas mieux que mort! Leu' maudit régime i' peuvent bien se l'mettre où j'pense... Voyons don'! Une toast el' matin! On ira pas chier loin avec ça...
J'écoutais ses conseils en tentant d'éloigner mon regard de sa bottine de plastique sous laquelle j'imaginais son orteil amputé.
Puis je regardais le bout de mes pieds en me considérant chanceux d'être encore en un seul morceau.
Il va sans dire que je me suis promis d'écouter les conseils des professionnels de la santé plutôt que ceux de ce brave homme qui n'avait rien retenu des mesures de précaution inhérentes au contrôle de son diabète.
-J'te l'dis... Écoute pas les médecins! I' connaissent rien! rajouta le vieillard.
-Antoine Bédard est demandé à la salle 3. Antoine Bédard, salle 3!
C'était au tour de mon interlocuteur de faire changer son pansement. Il boita d'un pas décidé jusqu'à la salle 3 tandis que je méditais sagement sur mon banc de plastique en faisant bouger mes orteils.
On trouve vraiment toutes sortes de gens dans les salles d'attente des CLSC, dont des personnes qui disent n'importe quoi.
lundi 20 juillet 2015
Elle a écrit caca sur son Facebook
Elle était dans tous ses états et pleurait toutes les larmes de son corps, comme d'habitude...
-Bouhouhou... Awww! Snif!
-Qu'est-cé qui s'passe? lui demande l'interloqué.
-C'est Jocelyne...
-Qu'est-ce qu'elle a fait Jocelyne?
-Elle m'a écrit caca sur mon Facebook! Bouhouhou... Aw! Snif!
-Et c'est pour ça que tu pleures?
-Ouiiii! Elle est mé-chan-te!
L'interloqué n'a pas rallongé le discours. Il a profité d'un moment de distraction de la braillarde pour foutre le camp le plus loin possible.
La fille a continué de pleurer devant tout un chacun en recevant des tapes dans le dos et des consolations en tous genres.
C'est tout ce qu'elle cherchait: se faire prendre en pitié pour une hostie de niaiserie survenue sur son tabarnak de Facebook.
dimanche 19 juillet 2015
Nancy Parmentier, la bibliothécaire qui a toujours un air de cul
Nancy Parmentier manque totalement d'égards envers toux ceux et celles qui défilent devant elle à tous les jours qu'elle travaille. Cette bibliothécaire n'a pas de façons, comme on dit chez les gens simples.
Elle n'est pourtant pas tout à fait vilaine. Et même un peu jolie. Les traits de son visage sont réguliers. Sa bouche est bien dessinée malgré la moue de dédain qu'elle affiche en permanence. Ses ongles sont propres et colorés. Son parfum est léger et délicat. Pourtant, son manque de civilité la rend laide comme une fiente de goéland. Même qu'on finit par penser qu'elle pue.
Nancy Parmentier aurait souhaité vivre en princesse. Elle avait rêvé de se marier avec un beau prince charmant à cheval sur son beau destrier d'une blancheur immaculée. Elle s'était vue en train de manger du raisin dans un hamac au bord d'une plage de sable fin. Elle s'était imaginée dans la peau d'une grande chanteuse de renom qui susciterait le désir de tous les monarques du monde.
Mais non! Le destin avait voulu qu'elle épouse Johnny, un camionneur qu'elle poussait à bout avec ses caprices de princesse déchue. Elle devait geindre et pleurer tous les jours pour obtenir une maison à peine potable, une piscine trop petite, des voyages dans le Sud au moins trois fois par année. Johnny, ce pauvre camionneur qui ressemblait un peu au prince William, n'était jamais au bout de ses peines pour combler les besoins insatiables de sa princesse qu'il finissait parfois par détester.
-J'aurais mieux fait de ne pas avoir d'enfants avec elle, qu'il se disait chaque fois qu'il se sentait pris à la gorge.
Ça finissait par lui passer. Il savait, d'instinct, qu'on n'est pas sur terre pour être heureux. Autrement, tout le monde le serait autour de lui. Jack, Bob et Ti-Luc faisaient face au même type de problèmes avec leur conjointe. C'était dans l'ordre surnaturel des choses. On doit payer le prix pour avoir trempé son pinceau...
Nancy Parmentier est tout de même une foutue pimbêche et Johnny aurait tout à gagner à l'abandonner à son sort, dusse-t-il perdre sa maison, son auto et son chien. Par contre, l'idée de perdre ses enfants lui causait un pincement au coeur, même si ses trois chenapans lui témoignaient bien plus d'indifférence que d'amour sincère.
-Ils sont jeunes, qu'il disait, ils comprendront plus tard... Ils doivent tenir ça de leur mère...
Quant à Nancy Parmentier, elle vivait comme si tout lui était dû et elle ne manquait jamais au passage de souligner que Johnny était un raté. Il n'était pas un intellectuel, comme Hector le chirurgien et voisin d'en face. Il n'avait pas encore de voilier, comme Réjean, le Français qui roulait sa bosse dans le domaine des assurances. Johnny n'était qu'un camionneur qui se lavait avec du Irish Spring, un savon dont l'odeur répugnait totalement à Nancy Parmentier. Elle se demandait comment elle avait pu avoir des enfants avec Johnny. Elle en voulait au vin de lui avoir fait tourner la tête au moins trois ou quatre fois dans le lit, au point d'en oublier les moyens de contraception.
Nancy Parmentier n'était pas devenue une poétesse. Elle s'était contentée d'un misérable poste de bibliothécaire obtenu sans gloire ni honneur. Elle le devait à son père qui occupait les fonctions de conseiller municipal. Cela faisait maintenant quinze ans qu'elle était prisonnière de la bibliothèque. Prisonnière de tous ces gens qui venaient l'emmerder avec des emprunts de livres.
Elle ne disait jamais bonjour, évidemment.
Dès qu'une personne se présentait devant elle, Nancy Parmentier s'emparait des livres et les scannait pour confirmer l'emprunt ou le retour, sans plus.
Si l'on avait le malheur de lui poser une question, elle répondait sèchement en signifiant son impatience.
-Est-ce que vous avez les 120 journées de Sodome?
-Vous pouvez regarder vous-même dans le catalogue...
-Vous pouvez pas faire ça pour moé sur votre ordi?
-Y'a beaucoup de monde monsieur... J'ai pas juste ça à faire...
Vous voyez le genre, n'est-ce pas? Nancy Parmentier a toujours l'air bête. Tous ceux et celles qui fréquentent la bibliothèque pourront vous le confirmer.
Elle a tout de même fini par frapper un os. Et c'était pas plus tard qu'hier.
Il y avait une dizaine de personnes qui attendaient de passer devant elle qui, exceptionnellement, n'avait pas pu profiter de son congé de la fin de semaine. Elle était donc plus furieuse et plus désagréable que d'habitude, ce qui n'est pas peu dire.
Pas de bonjour. Ni de au revoir. Les citoyens passaient devant elle comme si elle triait des jetons dans une usine.
-Suivant! qu'elle criait.
Puis tap, tap, tap sur le clavier. Zip, zap les livres scannés. Puis bye, bye sortez d'ici que je ne vous revois plus jamais.
Malheureusement pour elle, Georges Marchamps fût l'os qu'elle frappa.
Marchamps est un grand et gros gaillard qui ne se laisse pas piler sur les pieds. Il déteste encore plus que tout que l'on se permette de piler sur les pieds de ceux qui ne réagissent pas à ce manque de délicatesse.
Onze lecteurs étaient passés devant Georges Marchamps pour se faire revirer comme une crêpe par l'ineffable Nancy Parmentier.
La moutarde lui montait au nez dans la file d'attente. Et quand vint son tour, le brave homme explosa.
-Qu'est-cé? T'es pas capable de dire bonjour? T'as-tu un crayon d'figé dans l'cul?
-M'sieur soyez poli ou...
-Ou quoi ma tabarnak? Ça fait dix personnes que tu niaises... T'as toujours une hostie d'face de cul chaque fois que j'passe devant toé... Ça t'tenterait pas d'sourire des fois, hein, au lieu d'avoir c'te calice de face d'air bête de calice?
-M'sieur soyez poli ou...
-Ou tu vas plisser du front? Christ! C'est nous autres qui t'paye hostie d'folle de ciboire! Check toé aller sacrament de niaiseuse! Pas de bonjour. Pas de au revoir. Rien que ta face de bouette... Pis tu trouves ça normal que personne ne réagisse? Tu tombes mal avec moé... Moé j'sais pas vivre avec ceusses qui savent pas vivre... Scannes mes livres que j'décrisse... J'veux juste p'us voir ta face de robot...
Nancy Parmentier a fermé sa gueule et scanné les livres de Georges Marchamps.
J'aimerais vous dire qu'elle changeât de tempérament pour les clients suivants. Ce ne fût pas le cas. Elle continua d'accueillir les gens pitoyablement.
Au retour à la maison, elle se défoula sur Johnny puis sur ses enfants.
-T'es vraiment un incapable Johnny... Sandra demeure dans un pas mal plus beau quartier que nous autres et elle n'a pas besoin de travailler parce que son mari fait trois cent milles par année... Pis toi tu n'demandes pas d'augmentation d'salaire, tu t'contentes d'un petit soixante milles par année... Qu'est-ce que tu fais pour améliorer ton sort? Rien. Pis moé la folle faut que j'travaille à la bibliothèque pour voir toujours les mêmes maudites faces de schtroumphs à lunettes... Est belle en calice notre vie! C'est à peine si t'es capable d'offrir l'école privée à tes enfants, maudit innocent! Quand est-ce que tu vas payer ma lipposuccion? Pis j'ai besoin d'injections de botox... Tu m'as dit qu'tu les paierais pis j'attends encore!
Nancy Parmentier est vraiment une christ de folle, tout le monde s'entend là-dessus.
Mille personnes feraient mieux qu'elle en tant que bibliothécaire.
Cependant, leur père n'est pas conseiller municipal...
Nancy Parmentier est tout de même une foutue pimbêche et Johnny aurait tout à gagner à l'abandonner à son sort, dusse-t-il perdre sa maison, son auto et son chien. Par contre, l'idée de perdre ses enfants lui causait un pincement au coeur, même si ses trois chenapans lui témoignaient bien plus d'indifférence que d'amour sincère.
-Ils sont jeunes, qu'il disait, ils comprendront plus tard... Ils doivent tenir ça de leur mère...
Quant à Nancy Parmentier, elle vivait comme si tout lui était dû et elle ne manquait jamais au passage de souligner que Johnny était un raté. Il n'était pas un intellectuel, comme Hector le chirurgien et voisin d'en face. Il n'avait pas encore de voilier, comme Réjean, le Français qui roulait sa bosse dans le domaine des assurances. Johnny n'était qu'un camionneur qui se lavait avec du Irish Spring, un savon dont l'odeur répugnait totalement à Nancy Parmentier. Elle se demandait comment elle avait pu avoir des enfants avec Johnny. Elle en voulait au vin de lui avoir fait tourner la tête au moins trois ou quatre fois dans le lit, au point d'en oublier les moyens de contraception.
Nancy Parmentier n'était pas devenue une poétesse. Elle s'était contentée d'un misérable poste de bibliothécaire obtenu sans gloire ni honneur. Elle le devait à son père qui occupait les fonctions de conseiller municipal. Cela faisait maintenant quinze ans qu'elle était prisonnière de la bibliothèque. Prisonnière de tous ces gens qui venaient l'emmerder avec des emprunts de livres.
Elle ne disait jamais bonjour, évidemment.
Dès qu'une personne se présentait devant elle, Nancy Parmentier s'emparait des livres et les scannait pour confirmer l'emprunt ou le retour, sans plus.
Si l'on avait le malheur de lui poser une question, elle répondait sèchement en signifiant son impatience.
-Est-ce que vous avez les 120 journées de Sodome?
-Vous pouvez regarder vous-même dans le catalogue...
-Vous pouvez pas faire ça pour moé sur votre ordi?
-Y'a beaucoup de monde monsieur... J'ai pas juste ça à faire...
Vous voyez le genre, n'est-ce pas? Nancy Parmentier a toujours l'air bête. Tous ceux et celles qui fréquentent la bibliothèque pourront vous le confirmer.
Elle a tout de même fini par frapper un os. Et c'était pas plus tard qu'hier.
Il y avait une dizaine de personnes qui attendaient de passer devant elle qui, exceptionnellement, n'avait pas pu profiter de son congé de la fin de semaine. Elle était donc plus furieuse et plus désagréable que d'habitude, ce qui n'est pas peu dire.
Pas de bonjour. Ni de au revoir. Les citoyens passaient devant elle comme si elle triait des jetons dans une usine.
-Suivant! qu'elle criait.
Puis tap, tap, tap sur le clavier. Zip, zap les livres scannés. Puis bye, bye sortez d'ici que je ne vous revois plus jamais.
Malheureusement pour elle, Georges Marchamps fût l'os qu'elle frappa.
Marchamps est un grand et gros gaillard qui ne se laisse pas piler sur les pieds. Il déteste encore plus que tout que l'on se permette de piler sur les pieds de ceux qui ne réagissent pas à ce manque de délicatesse.
Onze lecteurs étaient passés devant Georges Marchamps pour se faire revirer comme une crêpe par l'ineffable Nancy Parmentier.
La moutarde lui montait au nez dans la file d'attente. Et quand vint son tour, le brave homme explosa.
-Qu'est-cé? T'es pas capable de dire bonjour? T'as-tu un crayon d'figé dans l'cul?
-M'sieur soyez poli ou...
-Ou quoi ma tabarnak? Ça fait dix personnes que tu niaises... T'as toujours une hostie d'face de cul chaque fois que j'passe devant toé... Ça t'tenterait pas d'sourire des fois, hein, au lieu d'avoir c'te calice de face d'air bête de calice?
-M'sieur soyez poli ou...
-Ou tu vas plisser du front? Christ! C'est nous autres qui t'paye hostie d'folle de ciboire! Check toé aller sacrament de niaiseuse! Pas de bonjour. Pas de au revoir. Rien que ta face de bouette... Pis tu trouves ça normal que personne ne réagisse? Tu tombes mal avec moé... Moé j'sais pas vivre avec ceusses qui savent pas vivre... Scannes mes livres que j'décrisse... J'veux juste p'us voir ta face de robot...
Nancy Parmentier a fermé sa gueule et scanné les livres de Georges Marchamps.
J'aimerais vous dire qu'elle changeât de tempérament pour les clients suivants. Ce ne fût pas le cas. Elle continua d'accueillir les gens pitoyablement.
Au retour à la maison, elle se défoula sur Johnny puis sur ses enfants.
-T'es vraiment un incapable Johnny... Sandra demeure dans un pas mal plus beau quartier que nous autres et elle n'a pas besoin de travailler parce que son mari fait trois cent milles par année... Pis toi tu n'demandes pas d'augmentation d'salaire, tu t'contentes d'un petit soixante milles par année... Qu'est-ce que tu fais pour améliorer ton sort? Rien. Pis moé la folle faut que j'travaille à la bibliothèque pour voir toujours les mêmes maudites faces de schtroumphs à lunettes... Est belle en calice notre vie! C'est à peine si t'es capable d'offrir l'école privée à tes enfants, maudit innocent! Quand est-ce que tu vas payer ma lipposuccion? Pis j'ai besoin d'injections de botox... Tu m'as dit qu'tu les paierais pis j'attends encore!
Nancy Parmentier est vraiment une christ de folle, tout le monde s'entend là-dessus.
Mille personnes feraient mieux qu'elle en tant que bibliothécaire.
Cependant, leur père n'est pas conseiller municipal...
samedi 18 juillet 2015
Le syndrome du nouveau converti
Si les conseils n'étaient pas la plupart du temps gratuits, personne n'en abuserait.
Ignace Connecticut Tremblay abuse allègrement des conseils depuis quelques temps. On le surnomme Connecticut pour une partie de Monopoly de son enfance où il avait déliré sur l'Avenue Connecticut. Et si on l'appelle Ignace, eh bien c'est parce qu'il s'appelle vraiment Ignace.
Il ne se passe pas une heure sans que Connecticut n'en soit à vous prodiguer des leçons de vie d'autant plus superficielles qu'elles reposent sur une expérience plutôt limitée dans le temps.
Évidemment, on ne saurait aller plus loin dans cette histoire sans une description physique de Connecticut Tremblay. C'est pour tout dire un gars plutôt gras avec les oreilles molles. Il ne frise pas naturellement et se fait teindre les cheveux en noir pour se rajeunir de dix ans. Sa teinture noire n'a pas d'incidence à ce sujet puisque sa peau craquelée et ses yeux cernés trahissent sa soixantaine. Il a l'air d'un vieux mononcle qui tente d'avoir l'air beau garçon tout en ayant l'air d'un gros con. Les jeunes femmes affichent une moue de dédain en le voyant leur faire des clins d'oeil salaces. Et les vieilles ne veulent pas plus de ce vieux croûton, même s'il roule dans une Corvette décapotable sur le bord d'être saisie.
Pour ce qui est de la description psychique, c'est encore plus pathétique. Connecticut Tremblay est vraiment un gros con. C'est comme si les cheveux lui poussaient par-dedans pour couper l'oxygène qui afflue au cerveau. Il est raciste, sexiste, désaxé, dépravé, paranoïaque, hypocondriaque et arachnophobe. Ses propos sont ponctués de sacres et d'ignorance crasse. Il pue de la parole tout autant que de la bouche. Vraiment, il n'a rien pour lui.
Connecticut Tremblay est aussi un polytoxicomane de haut niveau qui multiplie bêtise par-dessus bêtise pour chaque injection, inhalation ou absorption de psychotropes qu'il a coutume de répéter ad nauseam. Il vomit presque tous les jours. Et il rentre souvent dans les poteaux avec son automobile qu'il conduit complètement givré en écoutant une vieille cassette de Bon Jovi à plein volume.
Évidemment, il a fini par perdre son permis de conduire, sa femme, ses enfants et sa maison à force de se geler la bine.
C'est après tous ces déboires que Connecticut Tremblay est entré en thérapie, sous l'ordonnance d'un juge, afin de guérir son tempérament et son intempérance.
Il a suivi la règle d'or des Alcooliques Notoires (AN) et autres bidules thérapeutiques en état de lui rappeler qu'il est vraiment nul à chier comme tous les alcooliques et drogués notoires.
Depuis, il ne se passe pas un instant sans qu'il ne prodigue des conseils à tout venant.
-Moé, là, moé, dans mon livre à moé, ej' dis qu'il faut de la volonté pour se prendre en charge et remercier Dieu d'accepter l'inacceptable et puis de reconnaître qu'il y a six façons de s'en sortir: la première, la deuxième, la troisième, la quatrième, la cinquième... pis heu... la sixième!
Connecticut Tremblay est intarissable comme tout nouveau converti pour vous dire quoi faire et quoi ne pas faire. Cela ne faisait même pas une semaine qu'il suivait sa thérapie qu'il expliquait le monde de long en large avec sa nouvelle doctrine essentiellement conçue pour les malades dans son genre.
-Si tu penses t'en sortir, c'est parce que tu veux... Pis si tu veux, tu peux... Comprends-tu? Faut qu'tu veuilles pour pouvoir... Moé, là, moé...
Tout le monde en a plein le cul de l'entendre. Il faut dire que les gens ne boivent pas tous comme des trous et ne passent pas leur temps à rentrer dans des poteaux avec leur véhicule. Ce qui les rend quelque peu insensibles à la foi du nouveau converti.
-Je l'sais c'qui est bon pour moé parce que c'qui est pas bon pour moé, ben... c'est mauvais. Il faut faire la différence entre le bien et le mal pis moé, là. moé...
Connecticut Tremblay, comme vous vous en doutez, a tout de même recommencé à boire, fumer et sniffer. Il a chauffé une auto sans permis de conduire et a percuté un autre poteau. On l'a retourné une fois de plus vers les Alcooliques Notoires (AN) pour lui rappeler toutes sortes de leçons tissées de mots creux inassimilables par l'organisme de Connecticut.
Il continue de prêcher, Connecticut, comme si le rien était. Sa fatuité n'a d'égale que sa vacuité. Il dit à tout le monde de suivre son exemple puisque, dorénavant, il est heureux, stable et tout le reste.
Dans les faits, Ignace Connecticut Tremblay est irrécupérable.
Il se teint encore les cheveux,
Il fume trois paquets de cigarettes par jour.
Il boit quatre cafetières.
Il mange comme un défoncé.
Il déteste les Noirs, les Jaunes, les Rouges et les féministes.
Il rentre encore dans les poteaux après ses thérapies.
Ignace Connecticut Tremblay abuse allègrement des conseils depuis quelques temps. On le surnomme Connecticut pour une partie de Monopoly de son enfance où il avait déliré sur l'Avenue Connecticut. Et si on l'appelle Ignace, eh bien c'est parce qu'il s'appelle vraiment Ignace.
Il ne se passe pas une heure sans que Connecticut n'en soit à vous prodiguer des leçons de vie d'autant plus superficielles qu'elles reposent sur une expérience plutôt limitée dans le temps.
Évidemment, on ne saurait aller plus loin dans cette histoire sans une description physique de Connecticut Tremblay. C'est pour tout dire un gars plutôt gras avec les oreilles molles. Il ne frise pas naturellement et se fait teindre les cheveux en noir pour se rajeunir de dix ans. Sa teinture noire n'a pas d'incidence à ce sujet puisque sa peau craquelée et ses yeux cernés trahissent sa soixantaine. Il a l'air d'un vieux mononcle qui tente d'avoir l'air beau garçon tout en ayant l'air d'un gros con. Les jeunes femmes affichent une moue de dédain en le voyant leur faire des clins d'oeil salaces. Et les vieilles ne veulent pas plus de ce vieux croûton, même s'il roule dans une Corvette décapotable sur le bord d'être saisie.
Pour ce qui est de la description psychique, c'est encore plus pathétique. Connecticut Tremblay est vraiment un gros con. C'est comme si les cheveux lui poussaient par-dedans pour couper l'oxygène qui afflue au cerveau. Il est raciste, sexiste, désaxé, dépravé, paranoïaque, hypocondriaque et arachnophobe. Ses propos sont ponctués de sacres et d'ignorance crasse. Il pue de la parole tout autant que de la bouche. Vraiment, il n'a rien pour lui.
Connecticut Tremblay est aussi un polytoxicomane de haut niveau qui multiplie bêtise par-dessus bêtise pour chaque injection, inhalation ou absorption de psychotropes qu'il a coutume de répéter ad nauseam. Il vomit presque tous les jours. Et il rentre souvent dans les poteaux avec son automobile qu'il conduit complètement givré en écoutant une vieille cassette de Bon Jovi à plein volume.
Évidemment, il a fini par perdre son permis de conduire, sa femme, ses enfants et sa maison à force de se geler la bine.
C'est après tous ces déboires que Connecticut Tremblay est entré en thérapie, sous l'ordonnance d'un juge, afin de guérir son tempérament et son intempérance.
Il a suivi la règle d'or des Alcooliques Notoires (AN) et autres bidules thérapeutiques en état de lui rappeler qu'il est vraiment nul à chier comme tous les alcooliques et drogués notoires.
Depuis, il ne se passe pas un instant sans qu'il ne prodigue des conseils à tout venant.
-Moé, là, moé, dans mon livre à moé, ej' dis qu'il faut de la volonté pour se prendre en charge et remercier Dieu d'accepter l'inacceptable et puis de reconnaître qu'il y a six façons de s'en sortir: la première, la deuxième, la troisième, la quatrième, la cinquième... pis heu... la sixième!
Connecticut Tremblay est intarissable comme tout nouveau converti pour vous dire quoi faire et quoi ne pas faire. Cela ne faisait même pas une semaine qu'il suivait sa thérapie qu'il expliquait le monde de long en large avec sa nouvelle doctrine essentiellement conçue pour les malades dans son genre.
-Si tu penses t'en sortir, c'est parce que tu veux... Pis si tu veux, tu peux... Comprends-tu? Faut qu'tu veuilles pour pouvoir... Moé, là, moé...
Tout le monde en a plein le cul de l'entendre. Il faut dire que les gens ne boivent pas tous comme des trous et ne passent pas leur temps à rentrer dans des poteaux avec leur véhicule. Ce qui les rend quelque peu insensibles à la foi du nouveau converti.
-Je l'sais c'qui est bon pour moé parce que c'qui est pas bon pour moé, ben... c'est mauvais. Il faut faire la différence entre le bien et le mal pis moé, là. moé...
Connecticut Tremblay, comme vous vous en doutez, a tout de même recommencé à boire, fumer et sniffer. Il a chauffé une auto sans permis de conduire et a percuté un autre poteau. On l'a retourné une fois de plus vers les Alcooliques Notoires (AN) pour lui rappeler toutes sortes de leçons tissées de mots creux inassimilables par l'organisme de Connecticut.
Il continue de prêcher, Connecticut, comme si le rien était. Sa fatuité n'a d'égale que sa vacuité. Il dit à tout le monde de suivre son exemple puisque, dorénavant, il est heureux, stable et tout le reste.
Dans les faits, Ignace Connecticut Tremblay est irrécupérable.
Il se teint encore les cheveux,
Il fume trois paquets de cigarettes par jour.
Il boit quatre cafetières.
Il mange comme un défoncé.
Il déteste les Noirs, les Jaunes, les Rouges et les féministes.
Il rentre encore dans les poteaux après ses thérapies.
jeudi 16 juillet 2015
Qu'il est doux de pleurer comme une Madeleine
J'ai posté hier sur mon blogue un billet qui pourrait vous faire accroire que je suis un monstre d'insensibilité. Ma sortie contre les mauviettes et les pleurnichards de notre temps n'allait pourtant pas à l'encontre de la poésie, de l'amour ou bien de la tarte aux pommes. Je visais l'esprit de notre temps, un esprit mou, larvaire et empreint d'atermoiements aussi crédibles qu'une nunuche qui s'est cassé un ongle en se faisant une mise en plis.
Le stoïcisme n'est pas ma philosophie de tous les jours. Par contre, je m'efforce d'adopter une attitude stoïque face aux douleurs et malheurs inhérents à l'existence. C'est ma manière d'apporter un remède provisoire à une situation momentanée.
La vie est beaucoup trop complexe pour être toute contenue dans un bréviaire, un livre sacré ou profane. Il faut contenir autant le monstre d'insensibilité que la mauviette qui est en nous. Pour la mauviette, je recommande le stoïcisme. Pour le monstre d'insensibilité, l'amour, la poésie ou la tarte aux pommes pourraient faire l'affaire.
***
Pour attester de ma bonne foi, je vais me permettre de prendre le contre-pied de ce que j'ai écrit hier à propos des mauviettes et des pleurnichards.
Je pleure de temps à autres, voyez-vous. J'ai la larme à l'oeil pour des niaiseries. Plus je vieillis et plus je me sens submergé par des émotions face à un pommier en fleurs, un papillon, un enfant qui souffre, un bébé qui rit, une musique d'ambiance, un film, un repas copieux, un baiser...
Une dame que je ne nommerai pas racontait que son mari devenait braillard en vieillissant. Il se met à pleurer pour un rien, un film en l'occurrence, alors qu'elle s'était habituée à le voir toujours stoïque, froid et en parfait contrôle de ses émotions.
Je suis un peu comme ce gars-là, à moins forte dose sans doute. Je pleure beaucoup plus par en-dedans que par devant. J'implose bien plus que je n'explose. Néanmoins, il m'arrive d'avoir les yeux humides, comme ce matin en écoutant un air de violon triste de Tchaïkovski diffusé par Radio-Canada.
Sont-ce des raisons pour rejeter la fermeté d'âme? Pas du tout. L'hypersensibilité peut très bien se conjuguer à l'ataraxie. Être moins mauviette n'exige pas d'être plus indifférent. Il s'agit, en somme, de doser sa médication philosophique. Un peu de stoïcisme, un zeste de larmes et nous voilà prêts à vivre pleinement sans être une moquette sur laquelle tout le monde s'essuie les pieds.
***
Je n'ai pas la vérité infuse. Je me trompe souvent. Peut-être même que je vous trompe et me trompe sur moi-même.
Quand on ne fait rien, il n'arrive rien.
Quand on ne dit rien, on ne se trompe jamais.
Me fermer comme une huître, ce n'est pas mon genre.
Je suis un vertébré, moi, pas un moule à gaufres comme dirait le Capitaine Haddock.
Je vis. Je ris. Je souffre. Je suis changeant et adopte des attitudes changeantes selon les circonstances. N'est-il pas dans la nature de l'homo sapiens de s'adapter? N'avons-nous pas conquis le monde et bientôt l'univers en transcendant notre condition?
J'aurais pu tout aussi bien parler de transcendance. C'est pour moi un besoin tout aussi viscéral. Je cherche la transcendance à travers la musique, la culture, les arts, l'amour et même les comportements sociaux.
Limiter la nature humaine à des recettes toutes faites finit toujours par me répugner. Je me tiendrai toujours loin de toutes les écoles, de toutes les sectes et de tous les cultes.
Ne cherchez pas en moi un guide pour mener votre barque à bon port: vous seriez déçu.
J'écris ce que je pense, à brûle-pourpoint, sans prétention, tout en prenant le risque d'être dans le champ.
Méditer n'est pas ma force. Je laisse à d'autres de fixer une tache sur un mur en ayant les yeux mi-clos comme une bête conduite à l'abattoir.
Je ne médite pas. Je m'édite moi-même, tout simplement.
Le stoïcisme n'est pas ma philosophie de tous les jours. Par contre, je m'efforce d'adopter une attitude stoïque face aux douleurs et malheurs inhérents à l'existence. C'est ma manière d'apporter un remède provisoire à une situation momentanée.
La vie est beaucoup trop complexe pour être toute contenue dans un bréviaire, un livre sacré ou profane. Il faut contenir autant le monstre d'insensibilité que la mauviette qui est en nous. Pour la mauviette, je recommande le stoïcisme. Pour le monstre d'insensibilité, l'amour, la poésie ou la tarte aux pommes pourraient faire l'affaire.
***
Pour attester de ma bonne foi, je vais me permettre de prendre le contre-pied de ce que j'ai écrit hier à propos des mauviettes et des pleurnichards.
Je pleure de temps à autres, voyez-vous. J'ai la larme à l'oeil pour des niaiseries. Plus je vieillis et plus je me sens submergé par des émotions face à un pommier en fleurs, un papillon, un enfant qui souffre, un bébé qui rit, une musique d'ambiance, un film, un repas copieux, un baiser...
Une dame que je ne nommerai pas racontait que son mari devenait braillard en vieillissant. Il se met à pleurer pour un rien, un film en l'occurrence, alors qu'elle s'était habituée à le voir toujours stoïque, froid et en parfait contrôle de ses émotions.
Je suis un peu comme ce gars-là, à moins forte dose sans doute. Je pleure beaucoup plus par en-dedans que par devant. J'implose bien plus que je n'explose. Néanmoins, il m'arrive d'avoir les yeux humides, comme ce matin en écoutant un air de violon triste de Tchaïkovski diffusé par Radio-Canada.
Sont-ce des raisons pour rejeter la fermeté d'âme? Pas du tout. L'hypersensibilité peut très bien se conjuguer à l'ataraxie. Être moins mauviette n'exige pas d'être plus indifférent. Il s'agit, en somme, de doser sa médication philosophique. Un peu de stoïcisme, un zeste de larmes et nous voilà prêts à vivre pleinement sans être une moquette sur laquelle tout le monde s'essuie les pieds.
***
Je n'ai pas la vérité infuse. Je me trompe souvent. Peut-être même que je vous trompe et me trompe sur moi-même.
Quand on ne fait rien, il n'arrive rien.
Quand on ne dit rien, on ne se trompe jamais.
Me fermer comme une huître, ce n'est pas mon genre.
Je suis un vertébré, moi, pas un moule à gaufres comme dirait le Capitaine Haddock.
Je vis. Je ris. Je souffre. Je suis changeant et adopte des attitudes changeantes selon les circonstances. N'est-il pas dans la nature de l'homo sapiens de s'adapter? N'avons-nous pas conquis le monde et bientôt l'univers en transcendant notre condition?
J'aurais pu tout aussi bien parler de transcendance. C'est pour moi un besoin tout aussi viscéral. Je cherche la transcendance à travers la musique, la culture, les arts, l'amour et même les comportements sociaux.
Limiter la nature humaine à des recettes toutes faites finit toujours par me répugner. Je me tiendrai toujours loin de toutes les écoles, de toutes les sectes et de tous les cultes.
Ne cherchez pas en moi un guide pour mener votre barque à bon port: vous seriez déçu.
J'écris ce que je pense, à brûle-pourpoint, sans prétention, tout en prenant le risque d'être dans le champ.
Méditer n'est pas ma force. Je laisse à d'autres de fixer une tache sur un mur en ayant les yeux mi-clos comme une bête conduite à l'abattoir.
Je ne médite pas. Je m'édite moi-même, tout simplement.
mercredi 15 juillet 2015
Aux mauviettes et pleurnichards de notre temps
Le stoïcisme est l'école philosophique du grand Épictète, un esclave affranchi qui enseignait le contrôle de nos idées tout autant que de nos émotions. Évidemment, il n'est pas nécessaire de se rattacher à cette école pour trouver des philosophies de vie comparables. Les Anishnabés pratiquaient sans le savoir le stoïcisme. Les Vikings et les Spartiates aussi.
Les Anishnabés véhiculaient l'idée qu'il faut être prêt à entonner notre chant de la mort à n'importe quel moment. Tout peut survenir. Et tout, même le mal, doit être considéré d'une âme ferme et décidée.
Il était de coutume chez les Haudenosaunees, alias les Iroquois, de torturer leurs prisonniers de guerre pour tester leur résistance. Toute la communauté s'y mettait, femmes et enfants surtout, pour faire passer un mauvais quart d'heure au malheureux. On coupait un doigt lentement avec un coquillage et on le fumait dans une pipe devant la victime. Ou bien on arrachait les ongles un par un. On tranchait une oreille. On appliquait des haches passées au fer rouge sur la peau. Bref, on s'amusait ferme. Cela pouvait durer un, deux ou trois jours.
Si la victime se mettait à crier ou pleurnicher, on l'exécutait sur-le-champ.
Si, au contraire, elle résistait, en entonnant stoïquement son chant de la mort, par exemple, elle avait une chance de survivre et même d'être adoptée en tant que membre à part entière de la tribu.
C'est ainsi que l'aventurier Pierre-Esprit Radisson, fait prisonnier par les Iroquois, a échappé deux fois à la mort après avoir perdu plusieurs morceaux. Il est demeuré calme dans le pire des enfers qu'un homme puisse imaginer. Son calme pouvait faire de lui un guerrier.
Évidemment, les Iroquois durent regretter d'avoir adopté Pierre-Esprit Radisson, un homme comme il ne s'en fait plus, un type qui a trahi autant les Iroquois que les Français et les Anglais pour être fidèle à lui-même. Je reviendrai un jour sur Radisson. On ne connaît pas suffisamment son histoire. Comme il a eu le malheur de fonder la Hudson Bay Company, on ne le tient pas en haute estime chez les historiens francophones. C'était pourtant, à sa manière, un grand homme qui vivait à une période trouble de notre histoire. Il n'y a pas plus Québécois que lui: c'était une sorte d'anarchiste avant la lettre, un coureur des bois, un enfant naturalisé de l'Île de la Tortue.
Pour en revenir à mon sujet principal, qui s'efface d'une digression à l'autre, je pense que notre communauté manque de fermeté d'âme.
Tout un chacun s'adonne à pleurnicher, à se victimiser et à crier sa douleur comme si nous n'avions plus aucune forme de résistance. Facebook constitue un amas de troubles identitaires où la victimisation fait fureur. Tout y est mou, flasque et gélatineux. Les braillards sont à l'honneur.
J'ai pris pour modèle Épictète, les Anishnabés et Radisson parce que je ne veux pas m'abandonner à la faiblesse, qui est beaucoup plus mentale que physique dans presque tous les cas.
Épicure disait aussi qu'il fallait se contrôler en toutes circonstances et transcender ce monde. S'il fallait être brûlé dans le Taureau de Phalaris, une cage d'airain où la victime était chauffée à blanc, il faudrait dire que cet endroit est chaud et agréable. Cette sagesse d'Épicure ne convient pas à tout le monde, je le conçois, mais elle est digne de mention pour mieux nous gausser des mauviettes de notre époque.
Mauviette: le mot est lancé. Nous vivons à une époque de mauviettes.
Tout un chacun se plaint de son enfance, de ses parents, de ses peines d'amour, de ses bobos... Un peu de caractère que diable!
Quand j'entends qu'il est sain de pleurer, je réponds qu'il est tout aussi sain, sinon plus, de résister aux pleurnichages. On a le droit et le devoir d'être fort, résistant, résilient, imperturbable.
La psychologie à deux sous nous enseigne l'émotivité extrême. La psychologie des Anciens nous enseigne la fermeté. Entre les deux, je choisis la fermeté, dusse-t-elle aussi s'appeler la virilité.
mardi 14 juillet 2015
Le maire Tancrède et ses éléphants blancs
Tancrède Bournival est un pauvre type dans lequel se reconnaissent tous les paumés qui renient la pauvreté en portant des bijoux en toc ou bien en accumulant hypothèques par-dessus hypothèques pour se payer une piscine en plastique chez Walmarde. Plus t'es épais, plus t'aimes Tancrède.
Tancrède est un fort en gueule qui n'est pas impressionné par la culture, l'érudition et les pétitions contre telle ou telle forme d'injustice.
Le monde de Tancrède se résume à son char, son chien, sa femme, ses enfants et sa réélection.
Il faut dire que Tancrède est le maire d'un village surnommé un trou. Un village pauvre parmi les plus pauvres de la Nouvelle-France où la population est vieillissante, malade et illettrée.
Il s'est fait élire en obtenant le soutien des représentants les plus véreux de l'industrie de la construction.
-On va faire un maire de toé mon Tancrède! qu'on lui avait dit.
On lui avait obtenu une chemise, une cravate et quelques sessions de bronzage pour qu'il ait l'air à peu près présentable auprès des électeurs. On avait ensuite rempli des autobus jaunes de petits vieux pour bourrer les urnes. On promettait aux propriétaires de centres d'accueil de nouveaux espaces de stationnement, un nouveau trottoir, une subvention pour ceci ou cela, et hop-là! les autobus jaunes se remplissaient tout seuls de souffreteux qui voteraient pour Tancrède.
-Moé j'vote pour Tancrède parce que les autres sont pas trop, trop catholiques... disait-on parmi les imbéciles à courte vue empêtrés de traditions mourantes et d'ignorance crasse.
Cela faisait maintenant quinze ans que Tancrède était maire de Trou-Perdu-sur-Saint-Laurent.
Tous ses projets tournaient autour de l'industrie du divertissement.
Le municipalité avait investi des sommes colossales pour bâtir un amphithéâtre, un colisée, des tours à condos pour les amis de Tancrède et tout le tralala. Tancrède détournait les budgets qui devaient être alloués à l'entretien du réseau d'aqueduc, du réseau routier et autres services publics pour nourrir son rêve d'une ville encore plus majestueuse que Dubaï ou Montréal. Ça prenait du béton, toujours plus de béton, et toujours moins d'espaces verts. C'est qu'on ne fait pas d'argent avec les parcs et les tables à pique-nique.
-Une bibliothèque, ça rapporte rien...disait Tancrède aux médias locaux qui lui léchaient la raie du cul. On a pourtant une bibliothèque au village et personne n'y va sauf les hippies, les crottés et les communistes qui s'opposent à nos projets d'une grande ville qui s'inscrira dans l'histoire... J'y va's-tu à la bibliothèque moé? Jamais! On n'a pas besoin de ça! Mais le monde va aller voir des shows à l'amphithéâtre pis au colisée... On va faire venir Hommage à Richard Huet et pis le Cirque de la Lune, tiens, parce que c'est le frère de Lambert, le directeur de l'amphithéâtre, qui est boss du Cirque de la Lune... I' vont tous être su' l'cul! Ha! Ha! Ha! Mes opposants vont avoir l'air niaiseux en tabarnak!
Évidemment, moins de la moitié des billets s'étaient vendus. Vendus étant un gros mot. C'était essentiellement des billets de faveur payés par le commanditaire officiel de l'amphithéâtre qui porterait désormais le nom d'Amphithéâtre Béton-bec Inc. Béton-bec étant une compagnie spécialisée dans la construction de pyramides de gypse et autres bâtiments sans âme.
L'amphithéâtre fût un gros flop. Un vrai éléphant blanc. Par contre, jamais les médias locaux n'osèrent le dire. Tous les larbins des journaux, de la radio et de la télé ont souligné les grands mérites de Tancrède.
Tancrède sait qu'il est là pour rester.
Il remplira encore des autobus jaunes de petits vieux aux prochaines élections.
Trou-sur-Saint-Laurent sera toujours un village plus pauvre, plus malade et toujours plus atteint de chômage endémique.
Peu importe tout cela! Panem et circenses. Du pain et des jeux. Ou bien pas de pain, mais des jeux.
L'important, c'est que les contributeurs électoraux de Tancrède soient rassasiés.
On en a rien à cirer de cette misérable population de souffreteux illettrés qui veulent avoir du fun et des piscines de plastique achetées à vil prix chez Walmarde.
De la poudre aux yeux. C'est tout ce qu'il leur faut pour rendre gloire à Tancrède 1er, le roi des ploucs de Trou-sur-Saint-Laurent.
Tancrède est un fort en gueule qui n'est pas impressionné par la culture, l'érudition et les pétitions contre telle ou telle forme d'injustice.
Le monde de Tancrède se résume à son char, son chien, sa femme, ses enfants et sa réélection.
Il faut dire que Tancrède est le maire d'un village surnommé un trou. Un village pauvre parmi les plus pauvres de la Nouvelle-France où la population est vieillissante, malade et illettrée.
Il s'est fait élire en obtenant le soutien des représentants les plus véreux de l'industrie de la construction.
-On va faire un maire de toé mon Tancrède! qu'on lui avait dit.
On lui avait obtenu une chemise, une cravate et quelques sessions de bronzage pour qu'il ait l'air à peu près présentable auprès des électeurs. On avait ensuite rempli des autobus jaunes de petits vieux pour bourrer les urnes. On promettait aux propriétaires de centres d'accueil de nouveaux espaces de stationnement, un nouveau trottoir, une subvention pour ceci ou cela, et hop-là! les autobus jaunes se remplissaient tout seuls de souffreteux qui voteraient pour Tancrède.
-Moé j'vote pour Tancrède parce que les autres sont pas trop, trop catholiques... disait-on parmi les imbéciles à courte vue empêtrés de traditions mourantes et d'ignorance crasse.
Cela faisait maintenant quinze ans que Tancrède était maire de Trou-Perdu-sur-Saint-Laurent.
Tous ses projets tournaient autour de l'industrie du divertissement.
Le municipalité avait investi des sommes colossales pour bâtir un amphithéâtre, un colisée, des tours à condos pour les amis de Tancrède et tout le tralala. Tancrède détournait les budgets qui devaient être alloués à l'entretien du réseau d'aqueduc, du réseau routier et autres services publics pour nourrir son rêve d'une ville encore plus majestueuse que Dubaï ou Montréal. Ça prenait du béton, toujours plus de béton, et toujours moins d'espaces verts. C'est qu'on ne fait pas d'argent avec les parcs et les tables à pique-nique.
-Une bibliothèque, ça rapporte rien...disait Tancrède aux médias locaux qui lui léchaient la raie du cul. On a pourtant une bibliothèque au village et personne n'y va sauf les hippies, les crottés et les communistes qui s'opposent à nos projets d'une grande ville qui s'inscrira dans l'histoire... J'y va's-tu à la bibliothèque moé? Jamais! On n'a pas besoin de ça! Mais le monde va aller voir des shows à l'amphithéâtre pis au colisée... On va faire venir Hommage à Richard Huet et pis le Cirque de la Lune, tiens, parce que c'est le frère de Lambert, le directeur de l'amphithéâtre, qui est boss du Cirque de la Lune... I' vont tous être su' l'cul! Ha! Ha! Ha! Mes opposants vont avoir l'air niaiseux en tabarnak!
Évidemment, moins de la moitié des billets s'étaient vendus. Vendus étant un gros mot. C'était essentiellement des billets de faveur payés par le commanditaire officiel de l'amphithéâtre qui porterait désormais le nom d'Amphithéâtre Béton-bec Inc. Béton-bec étant une compagnie spécialisée dans la construction de pyramides de gypse et autres bâtiments sans âme.
L'amphithéâtre fût un gros flop. Un vrai éléphant blanc. Par contre, jamais les médias locaux n'osèrent le dire. Tous les larbins des journaux, de la radio et de la télé ont souligné les grands mérites de Tancrède.
Tancrède sait qu'il est là pour rester.
Il remplira encore des autobus jaunes de petits vieux aux prochaines élections.
Trou-sur-Saint-Laurent sera toujours un village plus pauvre, plus malade et toujours plus atteint de chômage endémique.
Peu importe tout cela! Panem et circenses. Du pain et des jeux. Ou bien pas de pain, mais des jeux.
L'important, c'est que les contributeurs électoraux de Tancrède soient rassasiés.
On en a rien à cirer de cette misérable population de souffreteux illettrés qui veulent avoir du fun et des piscines de plastique achetées à vil prix chez Walmarde.
De la poudre aux yeux. C'est tout ce qu'il leur faut pour rendre gloire à Tancrède 1er, le roi des ploucs de Trou-sur-Saint-Laurent.
dimanche 12 juillet 2015
Du temps où j'étais préposé aux bénéficiaires au CHUL
J'ai été préposé aux bénéficiaires pendant quatre ans pour payer mes études.
Mes études à la faculté de droit de l'Université Laval étaient hors de prix. Je comptais sur les maigres ressources accordées par une bourse et un travail d'été pour financer mes frais de scolarité et mes livres: code civil, code de procédures civiles, théorie générale des obligations, droit matrimonial, etc.
J'ai appris en novembre 1987 que je ne recevrais pas de bourse puisque j'avais travaillé pendant l'été. Le Ministère de l'Éducation m'a recommandé de poursuivre mes parents en justice pour financer mes études. Une recommandation d'autant plus stupide que mon père, opérateur de chariot-roulant dans une usine de production d'aluminium, était en grève ou en lock-out aux deux ans. Il était aussi l'unique soutien financier de la maison. Il m'était impensable de lui en demander plus. Poursuivre mon père? Vous n'y pensez pas! Mon père qui allait travailler à pieds ou en autobus. Mon père, né dans une famille pauvre de dix-huit enfants, lui-même pauvre et locataire d'un bloc appartement d'un quartier pauvre de Trois-Rivières...
J'étais pourtant l'un des rares fils de pauvre ayant été admis à la faculté de droit de l'Université Laval. Mon père n'était ni médecin, ni ingénieur, ni juge, ni avocat. Contrairement aux parents de la majorité de mes camarades de classe, lesquels n'avaient pas besoin de travailler pour payer leurs études. J'apprenais à la dure la lutte des classes...
Je me suis relevé les manches avant que de crever de faim. Puis j'ai présenté ma candidature pour un poste de préposé aux bénéficiaires du Centre hospitalier de l'Université Laval (CHUL) suite à une annonce parue au centre d'emploi étudiant de l'université.
J'avais précédemment été commis dans un dépanneur ainsi que dans un supermarché. Rien qui ne ressemblait à un travail dans les soins de santé. Par contre, j'avais travaillé pendant trois mois dans un foyer pour personnes âgées l'été précédant mon admission à l'Université Laval. Mon travail consistait à laver les vitres des deux pavillons administrés par l'établissement qui m'embauchait. C'était un travail d'étudiant peu exigeant qui laissait beaucoup de temps libre pour la lecture.
-Je ne sais pas quoi vous faire faire avec la subvention du fédéral que j'ai reçue pour embaucher des étudiants... Vous avez trois mois pour laver les vitres... Prenez tout votre temps... Cachez vous pour lire, nous avait dit le directeur du centre d'accueil.
Cela faisait mon affaire. Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney m'offrait une sinécure. J'aimais lire. Contrairement à mes deux collègues qui s'ennuyaient mortellement. Ils m'en voulaient presque de me trouver si ravi d'occuper mon temps avec Nietzsche, Jack London ou Cavanna.
La direction des ressources humaines du CHUL m'a convoqué en décembre 1987 pour passer une entrevue d'embauche. J'ai trafiqué un tant soit peu mon curriculum vitae pour m'accorder une chance supplémentaire de me tirer du pétrin. J'avais besoin d'un boulot, n'importe lequel, pourvu que je puisse mettre un peu de sauce sur mes pâtes et payer mon loyer.
J'ai prétendu avoir travaillé à titre de préposé aux bénéficiaires tout au cours de l'été 1987, là où je n'avais que lu des romans et lavé qu'une demie vitre par jour.
On m'a cru.
Trois jours plus tard, on me fournissait un uniforme blanc, des vaccins contre l'hépatite C, un test de prostate (ouche!) ainsi qu'un cours d'une demie heure sur le déplacement de personnes alitées.
C'était à l'approche du temps des fêtes.
Mon initiation eut lieu au département de cardiologie.
Un préposé nerveux m'a dit à peu près quoi faire en s'inquiétant de rater l'heure de la pause.
-Tu vas m'aider à nettoyer et à raser les patients... Chambre 104, 107, 110, etc.
Je suis mon instructeur en me demandant comment j'allais survivre à tout ce ramassage de sécrétions.
Puis l'interphone annonce un Code 99 pour la chambre 105.
-Code 99 chambre 105! Je répète: code 99 chambre 105!
-Vite! me dit mon instructeur. Il faut aller chercher le défibrillateur!!!
Nous partons tous deux à la course pour ramener le plus vite possible le défibrillateur à la chambre 105.
Une dame dans la soixantaine est en arrêt cardiaque. Le médecin et les infirmières sont embarqués par-dessus elle et lui massent le coeur. La dame a les yeux exorbités et sa langue pend jusqu'au menton. C'est la première fois de ma vie que je vois la mort d'aussi près. Et cela n'a rien à voir avec les films. Les films montrent rarement les yeux exorbités et la langue qui pend...
Le médecin effectue les manoeuvres de défibrillation. Le corps de la dame se soulève puis retombe une fois, deux fois, trois fois. Les massages se poursuivent. On demande à mon instructeur de les continuer pour suivre le protocole de réanimation. Puis je remplace l'instructeur compte tenu qu'il y a une autre urgence ailleurs.
La dame est morte. Sa langue pend et ses yeux sont horribles.
-Il va falloir la laver et la mettre dans un linceul, me dit mon instructeur. On fera ça après la pause... Y'est dix heures... On va prendre un café... Y'a une machine à liqueur en bas au sous-sol si t'en veux...
Après la pause, nous revenons vers la dame pour la nettoyer. Elle s'est vidée pendant sa crise cardiaque. Nous la nettoyons puis nous installons à ses chevilles et ses poignets des vignettes d'identification. On l'enrobe dans le linceul de plastique. Puis on la transfère sur une civière pour la transporter à la morgue.
Les visiteurs que nous rencontrons dans l'ascenseur ont froid dans le dos en constatant que nous transportons un cadavre.
On descend au sous-sol pour se rendre ensuite à la morgue.
-Vous pouvez mettre le corps dans le frigidaire 8 nous dit l'expert en autopsies.
On ouvre la porte 8. On sort un long tiroir sur lequel on dépose la dame.
C'est fini.On peut retourner laver les patients et raser leur barbe avant que de servir leur dîner.
À seize heures, après avoir terminé mon premier quart de travail, j'ai le sentiment que cette job n'est pas faite pour moi. Je me sens épuisé mentalement et physiquement.
Pourtant, je suis retourné au travail le lendemain, puis le surlendemain, puis tous les jours, soirs et nuits de la semaine.
J'ai appris sur le tas comme on dit. Je suis passé par tous les départements et toutes les émotions: soins coronariens, pédiatrie, gérontologie, soins intensifs. urgence, bloc opératoire, psychiatrie, orthopédie, ophtalmologie, etc.
J'ai lavé des fesses, ramassé du vomi. J'ai travaillé auprès de sidatiques et de personnes hautement contagieuses. J'ai vu toutes les formes de maladies, tant physiques que mentales. Puis j'ai enrobé des cadavres dans des linceuls.
J'ai abandonné mes études en droit en avril 1988. Je travaillais parfois au CHUL de minuit à huit heures le matin. Je dormais pendant mes cours. Le droit me semblait de plus en plus loin de mes préoccupations existentielles. J'avais plus besoin de comprendre les origines de la misère, de la souffrance et de la pauvreté que de savoir ce qu'était un bail emphytéotique ou bien un vice de forme dans un contrat notarié.
J'ai donc quitté. le droit pour me tourner vers l'extrême-gauche. J'ai milité pour un groupuscule trotskiste puis pour une secte anarchiste afin de me nourrir de l'idée que je pouvais changer quelque chose à ce monde pourri en manifestant devant l'ambassade du Chili ou celle des États-Unis.
***
Ces souvenirs reviennent à ma mémoire en ce moment pour la simple et bonne raison que je vois le système de santé du point de vue du soigné plutôt que celui du soignant. L'âge me rattrape. J'ai séjourné trois fois à l'hôpital au cours des six derniers mois. Cela ne m'était jamais arrivé auparavant.
Je ne vous raconte pas ça pour avoir un passe-droit dans le système de santé pour tout le caca que j'ai ramassé.
Je le raconte pour vous dire que je dois mes plus grandes leçons d'humanité au fait d'avoir été confronté si jeune avec la mort.
J'avais dix-neuf ans. Tout me rappelait qu'il m'était inutile de raconter ce que je vivais à tout un chacun. L'enfer du Vietnam ne se raconte pas plus que celui des soins de santé. La mort et la maladie sont des thèmes qu'il faut aborder avec circonspection afin de ne pas susciter le dégoût des membres de notre entourage qui ne demandent pas mieux que de rire et de vivre.
Je reviens rarement sur cette période de ma vie, probablement la plus difficile d'entre toutes.
Je la contemple de loin, comme un burn-out qu'il me faut oublier à jamais.
Pourtant, il ne me suffit que de faire un séjour à l'urgence, comme cela m'est arrivé récemment, pour que tous ces souvenirs enfouis remontent à la surface.
J'aurais pu devenir avocat. Le destin a choisi que je devienne plus humain, plus poète et plus révolté.
Je n'avais pas la vocation. Comme la plupart de mes collègues des soins de santé.
J'avais faim. Tout simplement faim. Et, par bonheur pour mes patients, je crois que j'étais humain et attentionné envers la souffrance d'autrui. Je retiens de mes parents, des personnes gentilles et dévouées.
Mes quatre d'années d'expérience à titre de préposé aux bénéficiaires m'auront servi de prolégomènes à la vie philosophique, c'est-à-dire à l'intensité de ma vie intérieure.
Ce fût, malgré tout, ma plus grande école, la plus grande de mes universités.
Tout ce qui suivit ne fût jamais plus qu'un simulacre d'enseignement.
Mes études à la faculté de droit de l'Université Laval étaient hors de prix. Je comptais sur les maigres ressources accordées par une bourse et un travail d'été pour financer mes frais de scolarité et mes livres: code civil, code de procédures civiles, théorie générale des obligations, droit matrimonial, etc.
J'ai appris en novembre 1987 que je ne recevrais pas de bourse puisque j'avais travaillé pendant l'été. Le Ministère de l'Éducation m'a recommandé de poursuivre mes parents en justice pour financer mes études. Une recommandation d'autant plus stupide que mon père, opérateur de chariot-roulant dans une usine de production d'aluminium, était en grève ou en lock-out aux deux ans. Il était aussi l'unique soutien financier de la maison. Il m'était impensable de lui en demander plus. Poursuivre mon père? Vous n'y pensez pas! Mon père qui allait travailler à pieds ou en autobus. Mon père, né dans une famille pauvre de dix-huit enfants, lui-même pauvre et locataire d'un bloc appartement d'un quartier pauvre de Trois-Rivières...
J'étais pourtant l'un des rares fils de pauvre ayant été admis à la faculté de droit de l'Université Laval. Mon père n'était ni médecin, ni ingénieur, ni juge, ni avocat. Contrairement aux parents de la majorité de mes camarades de classe, lesquels n'avaient pas besoin de travailler pour payer leurs études. J'apprenais à la dure la lutte des classes...
Je me suis relevé les manches avant que de crever de faim. Puis j'ai présenté ma candidature pour un poste de préposé aux bénéficiaires du Centre hospitalier de l'Université Laval (CHUL) suite à une annonce parue au centre d'emploi étudiant de l'université.
J'avais précédemment été commis dans un dépanneur ainsi que dans un supermarché. Rien qui ne ressemblait à un travail dans les soins de santé. Par contre, j'avais travaillé pendant trois mois dans un foyer pour personnes âgées l'été précédant mon admission à l'Université Laval. Mon travail consistait à laver les vitres des deux pavillons administrés par l'établissement qui m'embauchait. C'était un travail d'étudiant peu exigeant qui laissait beaucoup de temps libre pour la lecture.
-Je ne sais pas quoi vous faire faire avec la subvention du fédéral que j'ai reçue pour embaucher des étudiants... Vous avez trois mois pour laver les vitres... Prenez tout votre temps... Cachez vous pour lire, nous avait dit le directeur du centre d'accueil.
Cela faisait mon affaire. Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney m'offrait une sinécure. J'aimais lire. Contrairement à mes deux collègues qui s'ennuyaient mortellement. Ils m'en voulaient presque de me trouver si ravi d'occuper mon temps avec Nietzsche, Jack London ou Cavanna.
La direction des ressources humaines du CHUL m'a convoqué en décembre 1987 pour passer une entrevue d'embauche. J'ai trafiqué un tant soit peu mon curriculum vitae pour m'accorder une chance supplémentaire de me tirer du pétrin. J'avais besoin d'un boulot, n'importe lequel, pourvu que je puisse mettre un peu de sauce sur mes pâtes et payer mon loyer.
J'ai prétendu avoir travaillé à titre de préposé aux bénéficiaires tout au cours de l'été 1987, là où je n'avais que lu des romans et lavé qu'une demie vitre par jour.
On m'a cru.
Trois jours plus tard, on me fournissait un uniforme blanc, des vaccins contre l'hépatite C, un test de prostate (ouche!) ainsi qu'un cours d'une demie heure sur le déplacement de personnes alitées.
C'était à l'approche du temps des fêtes.
Mon initiation eut lieu au département de cardiologie.
Un préposé nerveux m'a dit à peu près quoi faire en s'inquiétant de rater l'heure de la pause.
-Tu vas m'aider à nettoyer et à raser les patients... Chambre 104, 107, 110, etc.
Je suis mon instructeur en me demandant comment j'allais survivre à tout ce ramassage de sécrétions.
Puis l'interphone annonce un Code 99 pour la chambre 105.
-Code 99 chambre 105! Je répète: code 99 chambre 105!
-Vite! me dit mon instructeur. Il faut aller chercher le défibrillateur!!!
Nous partons tous deux à la course pour ramener le plus vite possible le défibrillateur à la chambre 105.
Une dame dans la soixantaine est en arrêt cardiaque. Le médecin et les infirmières sont embarqués par-dessus elle et lui massent le coeur. La dame a les yeux exorbités et sa langue pend jusqu'au menton. C'est la première fois de ma vie que je vois la mort d'aussi près. Et cela n'a rien à voir avec les films. Les films montrent rarement les yeux exorbités et la langue qui pend...
Le médecin effectue les manoeuvres de défibrillation. Le corps de la dame se soulève puis retombe une fois, deux fois, trois fois. Les massages se poursuivent. On demande à mon instructeur de les continuer pour suivre le protocole de réanimation. Puis je remplace l'instructeur compte tenu qu'il y a une autre urgence ailleurs.
La dame est morte. Sa langue pend et ses yeux sont horribles.
-Il va falloir la laver et la mettre dans un linceul, me dit mon instructeur. On fera ça après la pause... Y'est dix heures... On va prendre un café... Y'a une machine à liqueur en bas au sous-sol si t'en veux...
Après la pause, nous revenons vers la dame pour la nettoyer. Elle s'est vidée pendant sa crise cardiaque. Nous la nettoyons puis nous installons à ses chevilles et ses poignets des vignettes d'identification. On l'enrobe dans le linceul de plastique. Puis on la transfère sur une civière pour la transporter à la morgue.
Les visiteurs que nous rencontrons dans l'ascenseur ont froid dans le dos en constatant que nous transportons un cadavre.
On descend au sous-sol pour se rendre ensuite à la morgue.
-Vous pouvez mettre le corps dans le frigidaire 8 nous dit l'expert en autopsies.
On ouvre la porte 8. On sort un long tiroir sur lequel on dépose la dame.
C'est fini.On peut retourner laver les patients et raser leur barbe avant que de servir leur dîner.
À seize heures, après avoir terminé mon premier quart de travail, j'ai le sentiment que cette job n'est pas faite pour moi. Je me sens épuisé mentalement et physiquement.
Pourtant, je suis retourné au travail le lendemain, puis le surlendemain, puis tous les jours, soirs et nuits de la semaine.
J'ai appris sur le tas comme on dit. Je suis passé par tous les départements et toutes les émotions: soins coronariens, pédiatrie, gérontologie, soins intensifs. urgence, bloc opératoire, psychiatrie, orthopédie, ophtalmologie, etc.
J'ai lavé des fesses, ramassé du vomi. J'ai travaillé auprès de sidatiques et de personnes hautement contagieuses. J'ai vu toutes les formes de maladies, tant physiques que mentales. Puis j'ai enrobé des cadavres dans des linceuls.
J'ai abandonné mes études en droit en avril 1988. Je travaillais parfois au CHUL de minuit à huit heures le matin. Je dormais pendant mes cours. Le droit me semblait de plus en plus loin de mes préoccupations existentielles. J'avais plus besoin de comprendre les origines de la misère, de la souffrance et de la pauvreté que de savoir ce qu'était un bail emphytéotique ou bien un vice de forme dans un contrat notarié.
J'ai donc quitté. le droit pour me tourner vers l'extrême-gauche. J'ai milité pour un groupuscule trotskiste puis pour une secte anarchiste afin de me nourrir de l'idée que je pouvais changer quelque chose à ce monde pourri en manifestant devant l'ambassade du Chili ou celle des États-Unis.
***
Ces souvenirs reviennent à ma mémoire en ce moment pour la simple et bonne raison que je vois le système de santé du point de vue du soigné plutôt que celui du soignant. L'âge me rattrape. J'ai séjourné trois fois à l'hôpital au cours des six derniers mois. Cela ne m'était jamais arrivé auparavant.
Je ne vous raconte pas ça pour avoir un passe-droit dans le système de santé pour tout le caca que j'ai ramassé.
Je le raconte pour vous dire que je dois mes plus grandes leçons d'humanité au fait d'avoir été confronté si jeune avec la mort.
J'avais dix-neuf ans. Tout me rappelait qu'il m'était inutile de raconter ce que je vivais à tout un chacun. L'enfer du Vietnam ne se raconte pas plus que celui des soins de santé. La mort et la maladie sont des thèmes qu'il faut aborder avec circonspection afin de ne pas susciter le dégoût des membres de notre entourage qui ne demandent pas mieux que de rire et de vivre.
Je reviens rarement sur cette période de ma vie, probablement la plus difficile d'entre toutes.
Je la contemple de loin, comme un burn-out qu'il me faut oublier à jamais.
Pourtant, il ne me suffit que de faire un séjour à l'urgence, comme cela m'est arrivé récemment, pour que tous ces souvenirs enfouis remontent à la surface.
J'aurais pu devenir avocat. Le destin a choisi que je devienne plus humain, plus poète et plus révolté.
Je n'avais pas la vocation. Comme la plupart de mes collègues des soins de santé.
J'avais faim. Tout simplement faim. Et, par bonheur pour mes patients, je crois que j'étais humain et attentionné envers la souffrance d'autrui. Je retiens de mes parents, des personnes gentilles et dévouées.
Mes quatre d'années d'expérience à titre de préposé aux bénéficiaires m'auront servi de prolégomènes à la vie philosophique, c'est-à-dire à l'intensité de ma vie intérieure.
Ce fût, malgré tout, ma plus grande école, la plus grande de mes universités.
Tout ce qui suivit ne fût jamais plus qu'un simulacre d'enseignement.
samedi 11 juillet 2015
Quelques anecdotes tirées de mes tribulations dans le système de santé
Samedi dernier, j'ai attendu un peu plus de neuf heures à l'urgence avec ma plaie qui suintait derrière ma tête. J'en ai vu de toutes les couleurs au cours de cette longue période d'attente. Je me trouvais parmi mes frères et soeurs blessés au combat qui souffraient autant de leur bobo que d'une trop longue attente sur un banc de plastique peu confortable.
Cela faisait huit heures que j'attendais lorsqu'une dame dans la cinquantaine se pointe à l'urgence en gueulant.
-Vous allez m'passer tout d'suite mes tabarnaks! Ça m'prend ma méthadone! Chu morphinomane moé calice! Si vous m'passez pas tout d'suite ça va aller mal en calice!
La pauvre dame, qui a l'air d'une grébiche, est accompagnée de son conjoint, un type un peu baraqué qui ne lâche pas son cellulaire.
-Linda (la grébiche s'appelait Linda) i' faut qu'j'aille fumer dewors! qu'il lui dit.
-C'est pas l'temps d'aller fumer sacrament! Faut qu'i' m'passent tout suite ces hosties d'chiens sales de tabarnak! J'manque d'air! J'étouffe! Pis toé tu penses rien qu'à aller dewors fumer ta christ de cigarette? T'es pas capable d'attendre cinq minutes saint-chrême d'hostie?
-Faut j'aille fumer... J'su's p'us capable!
Le type s'en va fumer dehors. Linda continue de taper une crise. Elle crie, elle hurle, elle jappe. Tout le monde aurait envie qu'elle ferme sa gueule. Puis un agent de sécurité vient la voir et elle trouve accès sur-le-champ au médecin après moins de dix minutes d'attente. Nous qui attendons depuis neuf, dix ou onze heures apprenons à la dure la médecine à dix vitesses...
-Moé 'ssi j'me drogue pis j'va's toutte casser dans l'urgence si j'passe pas tout d'suite! s'exclame un vieillard sur un ton teinté de cynisme, d'ironie et de mépris.
Entre temps, le conjoint de Linda revient dans la salle d'attente. Il a fumé sa clope et peut prendre quelques minutes à la digérer sur un siège de la salle d'attente.
Il semble avoir fumé du tabac non autorisé puisqu'une odeur de moufette l'accompagne.
Évidemment, ça le rend plus volubile.
Il entame donc une conversation avec les blessés qui l'entourent.
-Harper i' va s'faire battre aux prochaines élections... C'est un trou d'cul Harper... C'est un régime militaire lui... Y'est comme Bush le chien sale... Moé j'ai fait dix ans de service militaire aux États-Unis pis au Canada... Pis j'peux vous l'dire: Harper c'est un hostie d'mangeux d'marde! C'qui s'en vient là, c'est Julien... Julien Trudeau... Y'est milliardaire Julien Trudeau... Harper y'avait rien qu'un ranch avec trente chevaux malades... C'est un trou d'cul Harper... Julien Trudeau y'est aussi riche que son père l'était... Pis i' va légaliser le tabac qui fait rire... Tout l'monde va pouvoir fumer son ti joint tranquille pis ça va être le bonheur pour tout l'monde... Mais Harper? Un mangeux d'marde, oui monsieur. I' veut qu'on marche au pas comme dans l'armée le christ de sale... Julien Trudeau i' pourrait l'acheter mille fois Harper pis l'faire sécher su' une tablette parce que Julien Trudeau y'en a en masse d'l'argent parce qu'i' est milliardaire...
Linda sort de sa rencontre avec le médecin au bout de dix minutes. On lui a peut-être donné sa méthadone, sa morphine ou le Diable sait quoi.
-Appelle mon fils sur ton cell... Dis qu'i' vienne nous charcher... J'payerai pas un autre taxi...
Le type qui déteste Harper appelle le fils de Linda. Il semble dire qu'il ne pourra pas venir la chercher parce qu'il travaille à seize heures.
-Passe-moé ton cell que j'lui parle tabarnak! s'insurge Linda.
Elle retire le cellulaire des mains du soldat défroqué.
-Viens m'charcher calice! Ça va t'prendre juste une demie heure! Tu s'ras pas en r'tard à ta calice de job sale! J'te dis de v'nir me charcher tabarnak!!! Heille! J'te d'mande pas de m'passer d'l'argent ciboire! J'te d'mande juste de v'nir nous charcher moé pis Johnny... Faut j'passe à 'a pharmacie pour ma prescription pis j'rentre à 'a maison après... Viens m'charcher tabarnak!!!
Quelques minutes passent. Linda et Johnny quittent l'urgence. Le calme revient. Tout le monde est soulagé de pouvoir souffrir en silence devant l'écran plat de la salle d'attente qui diffuse un film de série B du réseau TVA. C'est grosso modo l'histoire de trois filles qui se font sécher les dents sur la plage en ayant des amourettes sans lendemain avec des connards.
J'attends en lisant l'anthropologue Serge Bouchard d'un oeil distrait et fatigué. Des enfants pleurent de temps à autres. Des vieillards sourds comme des pots se demandent à chaque instant s'ils ont raté leur tour compte tenu qu'ils n'entendent rien de ce qui est baragouiné dans l'interphone.
-Gaétan Bouchard est demandé à la Salle A. Gaétan Bouchard Salle A! que j'entends dans l'interphone.
Je viens de gagner à la loterie. Je me dirige d'un pas décidé vers la salle de torture...
***
L'histoire pourrait s'arrêter là. Il me faut cependant ajouter un petit commentaire qui n'est pas tout à fait en lien avec mon propos.
Je constate depuis une semaine que les réceptionnistes de l'hôpital et du CLSC manquent totalement d'égards envers les gens dans une proportion de 9 sur 10. Ce qui me met hors de moi à tout coup et provoque des réactions de ma part.
Les réceptionnistes n'ont pas de temps à perdre avec les civilités. Elles y vont aussi bêtement que les caissières de la pharmacie.
-Air Miles?
-Non, moi c'est Gaétan Bouchard...
Vous voyez ce que je veux dire? Pas de bonjour. Aucune marque de politesse. Aucune courtoisie. Seulement un beau tas de marde pour t'accueillir.
-Adresse? Nom? Carte? Rendez-vous? Bip? Bip? Bip?
Je ne leur demande pas de me licher les pieds. Seulement de ne pas accueillir aussi bêtement une personne humaine qui contribue à leur rémunération via les taxes et les impôts.
J'ai donc réagi à ce manque de déférence chaque fois que l'on me considérait comme du bétail.
-Madame, le manque de courtoisie est la plaie de notre époque et je m'attriste de constater que vous vous abandonnez à l'esprit de notre temps... Est-ce que je vous ai fait du tort? Y'a-t-il une bonne raison pour que vous me parliez sur ce ton hargneux? Est-ce mon pansement autour de la tête qui vous intimide?
J'ai obtenu des regards remplis d'éclairs, évidemment. On ne m'a pas mieux accueilli pour autant. Cependant il me semble que j'ai reçu l'approbation de tous ceux et celles qui souffraient dans la file d'attente. C'est au moins ça de pris.
Si l'on ne réagit pas au manque de délicatesse de ces préposées à l'accueil si peu accueillants nous sombrerons tous dans la haine et la colère.
Les médecins et les infirmiers m'ont semblé nettement plus humains pour une raison qui m'échappe.
C'est dit. Et ce sera redit encore tel que je me connais.
Cela faisait huit heures que j'attendais lorsqu'une dame dans la cinquantaine se pointe à l'urgence en gueulant.
-Vous allez m'passer tout d'suite mes tabarnaks! Ça m'prend ma méthadone! Chu morphinomane moé calice! Si vous m'passez pas tout d'suite ça va aller mal en calice!
La pauvre dame, qui a l'air d'une grébiche, est accompagnée de son conjoint, un type un peu baraqué qui ne lâche pas son cellulaire.
-Linda (la grébiche s'appelait Linda) i' faut qu'j'aille fumer dewors! qu'il lui dit.
-C'est pas l'temps d'aller fumer sacrament! Faut qu'i' m'passent tout suite ces hosties d'chiens sales de tabarnak! J'manque d'air! J'étouffe! Pis toé tu penses rien qu'à aller dewors fumer ta christ de cigarette? T'es pas capable d'attendre cinq minutes saint-chrême d'hostie?
-Faut j'aille fumer... J'su's p'us capable!
Le type s'en va fumer dehors. Linda continue de taper une crise. Elle crie, elle hurle, elle jappe. Tout le monde aurait envie qu'elle ferme sa gueule. Puis un agent de sécurité vient la voir et elle trouve accès sur-le-champ au médecin après moins de dix minutes d'attente. Nous qui attendons depuis neuf, dix ou onze heures apprenons à la dure la médecine à dix vitesses...
-Moé 'ssi j'me drogue pis j'va's toutte casser dans l'urgence si j'passe pas tout d'suite! s'exclame un vieillard sur un ton teinté de cynisme, d'ironie et de mépris.
Entre temps, le conjoint de Linda revient dans la salle d'attente. Il a fumé sa clope et peut prendre quelques minutes à la digérer sur un siège de la salle d'attente.
Il semble avoir fumé du tabac non autorisé puisqu'une odeur de moufette l'accompagne.
Évidemment, ça le rend plus volubile.
Il entame donc une conversation avec les blessés qui l'entourent.
-Harper i' va s'faire battre aux prochaines élections... C'est un trou d'cul Harper... C'est un régime militaire lui... Y'est comme Bush le chien sale... Moé j'ai fait dix ans de service militaire aux États-Unis pis au Canada... Pis j'peux vous l'dire: Harper c'est un hostie d'mangeux d'marde! C'qui s'en vient là, c'est Julien... Julien Trudeau... Y'est milliardaire Julien Trudeau... Harper y'avait rien qu'un ranch avec trente chevaux malades... C'est un trou d'cul Harper... Julien Trudeau y'est aussi riche que son père l'était... Pis i' va légaliser le tabac qui fait rire... Tout l'monde va pouvoir fumer son ti joint tranquille pis ça va être le bonheur pour tout l'monde... Mais Harper? Un mangeux d'marde, oui monsieur. I' veut qu'on marche au pas comme dans l'armée le christ de sale... Julien Trudeau i' pourrait l'acheter mille fois Harper pis l'faire sécher su' une tablette parce que Julien Trudeau y'en a en masse d'l'argent parce qu'i' est milliardaire...
Linda sort de sa rencontre avec le médecin au bout de dix minutes. On lui a peut-être donné sa méthadone, sa morphine ou le Diable sait quoi.
-Appelle mon fils sur ton cell... Dis qu'i' vienne nous charcher... J'payerai pas un autre taxi...
Le type qui déteste Harper appelle le fils de Linda. Il semble dire qu'il ne pourra pas venir la chercher parce qu'il travaille à seize heures.
-Passe-moé ton cell que j'lui parle tabarnak! s'insurge Linda.
Elle retire le cellulaire des mains du soldat défroqué.
-Viens m'charcher calice! Ça va t'prendre juste une demie heure! Tu s'ras pas en r'tard à ta calice de job sale! J'te dis de v'nir me charcher tabarnak!!! Heille! J'te d'mande pas de m'passer d'l'argent ciboire! J'te d'mande juste de v'nir nous charcher moé pis Johnny... Faut j'passe à 'a pharmacie pour ma prescription pis j'rentre à 'a maison après... Viens m'charcher tabarnak!!!
Quelques minutes passent. Linda et Johnny quittent l'urgence. Le calme revient. Tout le monde est soulagé de pouvoir souffrir en silence devant l'écran plat de la salle d'attente qui diffuse un film de série B du réseau TVA. C'est grosso modo l'histoire de trois filles qui se font sécher les dents sur la plage en ayant des amourettes sans lendemain avec des connards.
J'attends en lisant l'anthropologue Serge Bouchard d'un oeil distrait et fatigué. Des enfants pleurent de temps à autres. Des vieillards sourds comme des pots se demandent à chaque instant s'ils ont raté leur tour compte tenu qu'ils n'entendent rien de ce qui est baragouiné dans l'interphone.
-Gaétan Bouchard est demandé à la Salle A. Gaétan Bouchard Salle A! que j'entends dans l'interphone.
Je viens de gagner à la loterie. Je me dirige d'un pas décidé vers la salle de torture...
***
L'histoire pourrait s'arrêter là. Il me faut cependant ajouter un petit commentaire qui n'est pas tout à fait en lien avec mon propos.
Je constate depuis une semaine que les réceptionnistes de l'hôpital et du CLSC manquent totalement d'égards envers les gens dans une proportion de 9 sur 10. Ce qui me met hors de moi à tout coup et provoque des réactions de ma part.
Les réceptionnistes n'ont pas de temps à perdre avec les civilités. Elles y vont aussi bêtement que les caissières de la pharmacie.
-Air Miles?
-Non, moi c'est Gaétan Bouchard...
Vous voyez ce que je veux dire? Pas de bonjour. Aucune marque de politesse. Aucune courtoisie. Seulement un beau tas de marde pour t'accueillir.
-Adresse? Nom? Carte? Rendez-vous? Bip? Bip? Bip?
Je ne leur demande pas de me licher les pieds. Seulement de ne pas accueillir aussi bêtement une personne humaine qui contribue à leur rémunération via les taxes et les impôts.
J'ai donc réagi à ce manque de déférence chaque fois que l'on me considérait comme du bétail.
-Madame, le manque de courtoisie est la plaie de notre époque et je m'attriste de constater que vous vous abandonnez à l'esprit de notre temps... Est-ce que je vous ai fait du tort? Y'a-t-il une bonne raison pour que vous me parliez sur ce ton hargneux? Est-ce mon pansement autour de la tête qui vous intimide?
J'ai obtenu des regards remplis d'éclairs, évidemment. On ne m'a pas mieux accueilli pour autant. Cependant il me semble que j'ai reçu l'approbation de tous ceux et celles qui souffraient dans la file d'attente. C'est au moins ça de pris.
Si l'on ne réagit pas au manque de délicatesse de ces préposées à l'accueil si peu accueillants nous sombrerons tous dans la haine et la colère.
Les médecins et les infirmiers m'ont semblé nettement plus humains pour une raison qui m'échappe.
C'est dit. Et ce sera redit encore tel que je me connais.
vendredi 10 juillet 2015
Comme Guillaume Apollinaire au retour du front
Vous pouvez voir ici une photo du poète Guillaume Apollinaire au retour du front avec un pansement autour de l'occiput dissimulant une blessure survenue au combat,
C'est l'allure que j'ai depuis une semaine. Ce qui explique mon silence des derniers jours. Je dois moi aussi gérer une blessure au coco survenue au cours d'un combat contre moi-même.
J'en ai pour un mois à ressembler à Guillaume Apollinaire revenant du front.
Ma semaine a été trop éprouvante pour les calligrammes et la publication de billets quasi quotidiens sur mon blogue.
Pour faire une histoire courte, mon gros bobo est lié au diabète. Je ne savais pas que j'en faisais. Maintenant je le sais. Et je poursuis ma démarche vers la bonne santé en toute sérénité.
Évidemment, je ne tiens pas à susciter votre pitié. Vous me connaissez si peu. Gardez-la pour vos amis et vos proches. Sinon pour vos ennemis. Honorer ses ennemis est un signe de grandeur d'âme.
Je reviendrai sous peu écrire des tas de trucs plus ou moins déjantés.
Pour le moment, j'entreprends ma guérison.
Et je lis des poèmes de Guillaume Apollinaire...
jeudi 2 juillet 2015
Une porte s'ouvre lorsqu'une porte se ferme dans la vie
Réginald Sirois était journaliste à l'Hebdo du Coin depuis plus de vingt ans. Il savait ce qu'il fallait dire ou ne pas dire. De plus, il était discret. S'il ne l'avait pas été, il ne serait pas demeuré journaliste à l'Hebdo du Coin pendant plus de vingt années.
Toujours peigné sur le côté, vêtu de beige la plupart du temps. on ne trouvait pas plus drabe que Réginald Sirois à cent milles lieues à la ronde. Ce qui lui permettait de gagner sa vie dans le domaine du journalisme régional.
Sa plus grande qualité était de ne jamais paraître original. D'autres que lui s'étaient tirés une balle dans le pied en voulant se donner du style et du contenu. Réginald Sirois savait d'instinct que le style et le contenu étaient les deux plus grands ennemis du journaliste de l'Hebdo du Coin. Aussi se contentait-il de reproduire in extenso les communiqués de presse que lui faisaient parvenir le maire, le député et tous les mangeux de marde du comté. Il signait le copier-coller et l'on mettait sa photo de larbin tout en haut de chacun de ses articulets.
Tous les événements publics et projets politiques étaient toujours teintés de réussite. Soixante pourcent des billets n'étaient toujours pas vendus pour l'inauguration de l'Amphithéâtre? Réginald écrirait que déjà 50% des billets avaient trouvé preneurs et que les gens se bousculaient pour en acheter. La Ville, qui faisait la promotion de l'Amphithéâtre, était le principal acheteur de publicités de l'Hebdo du Coin. Il était inimaginable de présenter les projets du maire et de la députasserie libérale autrement que sur un jour radieux.
Il en allait ainsi pour le Festival de la pêche à la barbote et pour le Festival international des chanteurs et chanteuses... du coin.
C'était une réussite. Qu'il pleuve, qu'il grêle, que la tempête souffle pendant deux mois, tout événement public financé par la Ville et ses sectateurs était toujours nimbé de succès.
Jusque là, tout allait bien.
Cependant, les maudits internets étaient venus changer la donne.
De plus en plus de crottés et de pouilleux s'adonnaient à rire du maire et des articles de Réginald Sirois sur Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux pas très gentils.
De plus en plus de commanditaires préféraient passer par les médias sociaux pour véhiculer leur message. Tant et si bien que l'Hebdo du Coin perdit 60% de ses revenus publicitaires.
La Ville continuait de payer des pages entières de publicité pour ses appels d'offres et ses changements de zonage. Mais cela ne suffisait pas à combler la perte de revenus. Le directeur de l'Hebdo du Coin décida de mettre à pied tous les journalistes mais conserva tout de même Réginald Sirois à titre d'unique journaliste pour faire tous les copier-coller nécessaires pour créer l'illusion d'un contenu. On engagea même un éditorialiste bénévole, Freddy Vautrin, un professeur d'anglais au secondaire qui n'écrivait que des trucs insignifiants sur les jeunes filles qui montrent un peu trop leur nombril et leurs mollets.
Au bout de six mois, l'Hebdo du Coin en vint à cette évidence: c'était la faillite.
La Ville se tourna vers le quotidien Le Régional qui résistait encore un tant soit peu pour publier les appels d'offres et autres messages radieux de la mairie.
Réginald Sirois dut faire une demande de chômage.
Le Régional ne voulut pas l'embaucher. Des robots comme Sirois, ce n'est pas ça qui manquait au Régional. Tout le monde est capable de faire des copier-coller. Même la secrétaire du Régional.
Réginald Sirois s'est donc rabattu sur la littérature en créant son propre blogue.
Dans ce blogue, il parlait surtout de sodomie et d'autres trucs dont il n'avait jamais osé parler dans l'Hebdo du Coin.
Le journaliste Réginald Sirois était bel et bien mort. Mais la littérature permettait maintenant à Réginald Sirois d'ouvrir ses ailes en racontant ses parties de fesses avec ses amants.
Comme quoi une porte s'ouvre lorsqu'une porte se ferme dans la vie.
Toujours peigné sur le côté, vêtu de beige la plupart du temps. on ne trouvait pas plus drabe que Réginald Sirois à cent milles lieues à la ronde. Ce qui lui permettait de gagner sa vie dans le domaine du journalisme régional.
Sa plus grande qualité était de ne jamais paraître original. D'autres que lui s'étaient tirés une balle dans le pied en voulant se donner du style et du contenu. Réginald Sirois savait d'instinct que le style et le contenu étaient les deux plus grands ennemis du journaliste de l'Hebdo du Coin. Aussi se contentait-il de reproduire in extenso les communiqués de presse que lui faisaient parvenir le maire, le député et tous les mangeux de marde du comté. Il signait le copier-coller et l'on mettait sa photo de larbin tout en haut de chacun de ses articulets.
Tous les événements publics et projets politiques étaient toujours teintés de réussite. Soixante pourcent des billets n'étaient toujours pas vendus pour l'inauguration de l'Amphithéâtre? Réginald écrirait que déjà 50% des billets avaient trouvé preneurs et que les gens se bousculaient pour en acheter. La Ville, qui faisait la promotion de l'Amphithéâtre, était le principal acheteur de publicités de l'Hebdo du Coin. Il était inimaginable de présenter les projets du maire et de la députasserie libérale autrement que sur un jour radieux.
Il en allait ainsi pour le Festival de la pêche à la barbote et pour le Festival international des chanteurs et chanteuses... du coin.
C'était une réussite. Qu'il pleuve, qu'il grêle, que la tempête souffle pendant deux mois, tout événement public financé par la Ville et ses sectateurs était toujours nimbé de succès.
Jusque là, tout allait bien.
Cependant, les maudits internets étaient venus changer la donne.
De plus en plus de crottés et de pouilleux s'adonnaient à rire du maire et des articles de Réginald Sirois sur Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux pas très gentils.
De plus en plus de commanditaires préféraient passer par les médias sociaux pour véhiculer leur message. Tant et si bien que l'Hebdo du Coin perdit 60% de ses revenus publicitaires.
La Ville continuait de payer des pages entières de publicité pour ses appels d'offres et ses changements de zonage. Mais cela ne suffisait pas à combler la perte de revenus. Le directeur de l'Hebdo du Coin décida de mettre à pied tous les journalistes mais conserva tout de même Réginald Sirois à titre d'unique journaliste pour faire tous les copier-coller nécessaires pour créer l'illusion d'un contenu. On engagea même un éditorialiste bénévole, Freddy Vautrin, un professeur d'anglais au secondaire qui n'écrivait que des trucs insignifiants sur les jeunes filles qui montrent un peu trop leur nombril et leurs mollets.
Au bout de six mois, l'Hebdo du Coin en vint à cette évidence: c'était la faillite.
La Ville se tourna vers le quotidien Le Régional qui résistait encore un tant soit peu pour publier les appels d'offres et autres messages radieux de la mairie.
Réginald Sirois dut faire une demande de chômage.
Le Régional ne voulut pas l'embaucher. Des robots comme Sirois, ce n'est pas ça qui manquait au Régional. Tout le monde est capable de faire des copier-coller. Même la secrétaire du Régional.
Réginald Sirois s'est donc rabattu sur la littérature en créant son propre blogue.
Dans ce blogue, il parlait surtout de sodomie et d'autres trucs dont il n'avait jamais osé parler dans l'Hebdo du Coin.
Le journaliste Réginald Sirois était bel et bien mort. Mais la littérature permettait maintenant à Réginald Sirois d'ouvrir ses ailes en racontant ses parties de fesses avec ses amants.
Comme quoi une porte s'ouvre lorsqu'une porte se ferme dans la vie.