Que faut-il écrire un 31 juillet pour insuffler à son blogue une présence un tant soit peu éternelle et inextinguible?
Je me le demande. J'ai pensé vous raconter l'histoire d'un gars surnommé Avance-recule que j'ai revu récemment. Il appert que je ne saurais dire que des banalités à son sujet: il avance toujours d'un pas et recule d'un demi. Avance-recule est la terreur des automobilistes. Ce piéton ralentit plus la civilisation à lui seul que tous les Apaches réunis. Et il le fait sans convictions, comme s'il était atteint par quelque météorite qui lui aurait laissé des éclats de kryptonite dans le cibouleau.
Non, je ne vous parlerai pas de Avance-recule. Ni de quoi que ce soit.
Je vais me contenter de laisser glisser mes doigts sur le clavier, comme un pianiste livrant son impromptu de chou vert.
mercredi 31 juillet 2013
mardi 30 juillet 2013
Le cerveau, encore Tchekhov et ciao!
C'est sans doute un lieu commun mais je m'en voudrais de ne pas en faire l'exégèse: le cerveau est un muscle qu'il faut entretenir tout autant que nos mains et nos pieds.
Rien n'est plus passionnant que de repousser toujours plus loin les limites du monde visible et invisible.
Là où d'aucuns s'arrêteraient avant que d'attraper la migraine ou bien le désespoir il faut y trouver un tremplin vers l'amour de la connaissance.
Pour empêcher les questions de fuser ça et là, on peut évidemment courir quelques kilomètres, boire, manger et dormir le temps que le corps absorbe ce que le cerveau se refuse à digérer.
On peut même s'en foutre carrément, s'enfermer dans une routine et se dire que l'on a trouvé un point final à toutes les questions que l'on ne souhaite plus se poser.
Des questions comme celle de savoir ce qu'il y a dans ce trou noir autour duquel tourne la Terre, le Soleil et tout le reste de notre galaxie. Oh! J'en vois déjà qui baye aux corneilles.
-Allons donc! On ne passera pas sa vie à se casser la tête pour si peu!
Ils ont peut-être raison. Je vais revenir à ma routine, moi aussi. Et délaisser les trous noirs et autres spéculations à propos de l'astrophysique, un domaine que je visite en dilettante, comme un enfant parmi des tas de jouets bien trop compliqués pour son âge.
***
J'ai poursuivi ma lecture des nouvelles du grand Tchekhov.
Tout mon idéal en littérature trouve sa source chez les nouvellistes russes.C'est une question de goût, d'attitude envers la vie.
La littérature russe se caractérise par l'omniprésence du spleen, du cirque social, de l'exaltation amoureuse, des grandes questions existentielles et des non moins grandes questions sociales. Vous variez les quantités des ingrédients et vous avez Gogol, Tourgueniev, Dostoïevski, Tolstoï ou Chalamov.
Tchekhov piétine le spleen de la génération littéraire qui l'a précédée et il vise un au-delà moins trafiqué, plus vrai, et surtout plus impur. Il critique aussi la génération littéraire qui pousse.
Pour la résolution des grandes questions sociales, Tchekhov croit au rôle de l'individu, essentiellement, et il n'attend rien de quiconque quand il s'en va en Sibérie pour soigner des déportés. Il ne prêche pas. Il rapporte les faits, simplement, comme une personne imputable devant ses soeurs et frères humains. Le docteur Tchekhov, tuberculeux, soigne ses malades sans se faire payer et gagne sa vie, finalement, en vendant des récits ça et là. Il ne prophétise pas, Tchekhov, non. Il agit pour que ça change vraiment et tout de suite avec une urgence de vivre qui mérite tout mon respect.
Il craint la chasteté et la pureté bien plus que la débauche et les travers humains qui, somme toute, font peut-être plus de bien à l'humanité qu'on ne le croie. Et il est sans doute chaste et pur... comme sa prose.
C'est là qu'il est fort, Tchekhov, dans ce refus de se fondre à une morale d'autocrate qui répète l'exemple de Saturne en dévorant tous ses enfants.
Il aime bien plus l'humanité que Tolstoï qui prétendait la changer. Tchekhov la prend telle qu'elle est, l'humanité. Jamais tout à fait bonne. Jamais tout à fait mauvaise. Il chemine parmi tout ce beau monde sans préjugés, avec la curiosité d'un enfant qui souhaite tout apprendre de la vie.
Tchekhov n'a pas écrit de roman. Pour les mêmes raisons que je n'en écrirai jamais. Il préférait les histoires courtes. Maupassant le ravissait. Tchekhov aurait pu écrire Boule de suif.
***
Mon cerveau s'est suffisamment entraîné aujourd'hui. Je retourne à mes étoiles. Ciao!
Rien n'est plus passionnant que de repousser toujours plus loin les limites du monde visible et invisible.
Là où d'aucuns s'arrêteraient avant que d'attraper la migraine ou bien le désespoir il faut y trouver un tremplin vers l'amour de la connaissance.
Pour empêcher les questions de fuser ça et là, on peut évidemment courir quelques kilomètres, boire, manger et dormir le temps que le corps absorbe ce que le cerveau se refuse à digérer.
On peut même s'en foutre carrément, s'enfermer dans une routine et se dire que l'on a trouvé un point final à toutes les questions que l'on ne souhaite plus se poser.
Des questions comme celle de savoir ce qu'il y a dans ce trou noir autour duquel tourne la Terre, le Soleil et tout le reste de notre galaxie. Oh! J'en vois déjà qui baye aux corneilles.
-Allons donc! On ne passera pas sa vie à se casser la tête pour si peu!
Ils ont peut-être raison. Je vais revenir à ma routine, moi aussi. Et délaisser les trous noirs et autres spéculations à propos de l'astrophysique, un domaine que je visite en dilettante, comme un enfant parmi des tas de jouets bien trop compliqués pour son âge.
***
J'ai poursuivi ma lecture des nouvelles du grand Tchekhov.
Tout mon idéal en littérature trouve sa source chez les nouvellistes russes.C'est une question de goût, d'attitude envers la vie.
La littérature russe se caractérise par l'omniprésence du spleen, du cirque social, de l'exaltation amoureuse, des grandes questions existentielles et des non moins grandes questions sociales. Vous variez les quantités des ingrédients et vous avez Gogol, Tourgueniev, Dostoïevski, Tolstoï ou Chalamov.
Tchekhov piétine le spleen de la génération littéraire qui l'a précédée et il vise un au-delà moins trafiqué, plus vrai, et surtout plus impur. Il critique aussi la génération littéraire qui pousse.
Pour la résolution des grandes questions sociales, Tchekhov croit au rôle de l'individu, essentiellement, et il n'attend rien de quiconque quand il s'en va en Sibérie pour soigner des déportés. Il ne prêche pas. Il rapporte les faits, simplement, comme une personne imputable devant ses soeurs et frères humains. Le docteur Tchekhov, tuberculeux, soigne ses malades sans se faire payer et gagne sa vie, finalement, en vendant des récits ça et là. Il ne prophétise pas, Tchekhov, non. Il agit pour que ça change vraiment et tout de suite avec une urgence de vivre qui mérite tout mon respect.
Il craint la chasteté et la pureté bien plus que la débauche et les travers humains qui, somme toute, font peut-être plus de bien à l'humanité qu'on ne le croie. Et il est sans doute chaste et pur... comme sa prose.
C'est là qu'il est fort, Tchekhov, dans ce refus de se fondre à une morale d'autocrate qui répète l'exemple de Saturne en dévorant tous ses enfants.
Il aime bien plus l'humanité que Tolstoï qui prétendait la changer. Tchekhov la prend telle qu'elle est, l'humanité. Jamais tout à fait bonne. Jamais tout à fait mauvaise. Il chemine parmi tout ce beau monde sans préjugés, avec la curiosité d'un enfant qui souhaite tout apprendre de la vie.
Tchekhov n'a pas écrit de roman. Pour les mêmes raisons que je n'en écrirai jamais. Il préférait les histoires courtes. Maupassant le ravissait. Tchekhov aurait pu écrire Boule de suif.
***
Mon cerveau s'est suffisamment entraîné aujourd'hui. Je retourne à mes étoiles. Ciao!
samedi 27 juillet 2013
Pollution visuelle au rond-point de la Couronne
On a rénové la couronne et la statue de Marie Reine du Monde il y a de cela quelques années. Ce chef-d'oeuvre d'art naïf, symbole d'une époque révolue, méritait d'être sauvegardé. Il fait partie de notre histoire, qu'on le veuille ou non.
Cet îlot de verdure qui offre un royaume à Marie se fait maintenant envahir par des tas de pancartes qui jurent dans le décor. Les touristes qui arrivent en ville via la route 138 peuvent constater que l'apologie du mauvais goût ne connaît pas de limites à Trois-Rivières. D'où l'idée d'y aller d'une réglementation pour ce type d'affichage sauvage et abusif.
Parlant d'histoire, cette couronne a été érigée en 1954, lors de l'année mariale. Le pape Jean-Paul II l'aurait même bénie lors de sa visite le 10 septembre 1984. C'est du moins ce qu'on peut lire sur la plaque associée à ce lieu dit «historique».
Tous ceux et celles qui arrivent ou partent de Trois-Rivières via la route 138 sont appelés à voir cette énorme couronne flottant au-dessus de la tête de la Reine du Monde.
J'ai beau me définir comme étant un laïc associé à aucune religion que je m'insurgerai tout de même contre le mauvais goût. Trois-Rivières a l'air d'un coupon-rabais dans un sac de plastique.
Faites respirer Marie Reine du Monde, décideurs de Trois-Rivières, car elle en a bien besoin.
Le bleu du ciel et toutes sortes d'affaires de même...
Rien n'est plus bleu qu'un ciel de cinq heures du matin quand les arbres et les maisons y figurent comme des ombres chinoises. Les étoiles sont disparues mais le plein jour n'y est pas encore. C'est l'aurore. La renaissance du jour. Quelques minutes avant l'apparition de Solis invinctus.
À cette heure, on y respire encore le calme, à la ville comme à la campagne.
Bien sûr, quelques bruits de ventilateurs en marche viennent pourrir le silence. Mais on finit par imaginer que c'est le bruit d'une source d'eau vive qui coule entre les rochers.
L'imagination, ça sert à survivre à une vie indigne de ce nom.
***
J'ai passé la majeure partie de ma vie sans télévision. Je me suis toujours emmerdé avec la télé. Si ce n'est pas sur l'Internet, ça n'existe pas.
Ne pas avoir de télé ne m'a pas fait faire plus d'Internet.
Cela m'a permis de peindre et de jouer de mes instruments de musique préférés. Cela m'a fait lire Gogol, Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov, Boulgakov, Bukowsky, VLB, Mistral, McComber et Gordon. Cela m'a permis d'aimer celle que j'aime.
Pourquoi perdre son temps à se faire gaver par la télé, qui choisit pour vous sans possibilité d'avancer, de reculer, de passer au programme suivant?
***
Tout compte fait, j'aime mieux le bleu du ciel qui, entre temps, vient de pâlir. Il n'y a plus d'ombres chinoises au moment même où je vous livre ce billet encore tout chaud.
La lumière est sur le point de jaillir. Les feuilles brillent. Les maisons se colorent.
Il est cinq heures trente du matin et je ne passerai pas tout ce vingt-septième jour de juillet de l'an de grâce deux mil treize devant un écran.
Ciao! C'est le mieux que je puisse dire.
Si vous trouvez mieux, il y a une zone commentaires qui vous est allouée sous ce billet. Je ne publie pas tous les commentaires. Ceux qui m'envoient chier je m'amuse à les flusher en pratiquant un rire tout aussi sardonique que bon enfant.
À cette heure, on y respire encore le calme, à la ville comme à la campagne.
Bien sûr, quelques bruits de ventilateurs en marche viennent pourrir le silence. Mais on finit par imaginer que c'est le bruit d'une source d'eau vive qui coule entre les rochers.
L'imagination, ça sert à survivre à une vie indigne de ce nom.
***
J'ai passé la majeure partie de ma vie sans télévision. Je me suis toujours emmerdé avec la télé. Si ce n'est pas sur l'Internet, ça n'existe pas.
Ne pas avoir de télé ne m'a pas fait faire plus d'Internet.
Cela m'a permis de peindre et de jouer de mes instruments de musique préférés. Cela m'a fait lire Gogol, Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov, Boulgakov, Bukowsky, VLB, Mistral, McComber et Gordon. Cela m'a permis d'aimer celle que j'aime.
Pourquoi perdre son temps à se faire gaver par la télé, qui choisit pour vous sans possibilité d'avancer, de reculer, de passer au programme suivant?
***
Tout compte fait, j'aime mieux le bleu du ciel qui, entre temps, vient de pâlir. Il n'y a plus d'ombres chinoises au moment même où je vous livre ce billet encore tout chaud.
La lumière est sur le point de jaillir. Les feuilles brillent. Les maisons se colorent.
Il est cinq heures trente du matin et je ne passerai pas tout ce vingt-septième jour de juillet de l'an de grâce deux mil treize devant un écran.
Ciao! C'est le mieux que je puisse dire.
Si vous trouvez mieux, il y a une zone commentaires qui vous est allouée sous ce billet. Je ne publie pas tous les commentaires. Ceux qui m'envoient chier je m'amuse à les flusher en pratiquant un rire tout aussi sardonique que bon enfant.
vendredi 26 juillet 2013
Au Restaurant La Baie-Quille
Il y a des gens pour qui la valeur de la vie humaine se rapproche du zéro absolu. De telles natures se trouvent ça et là, un peu partout sur la Terre. C'est à se demander s'ils ne se réjouissent pas de voir couler le sang. Il est envisageable de croire que c'est le cas, bien que vous et moi n'ayons pas du tout cette configuration d'esprit.
Le contraire est vrai aussi. Il y a des gens bons. Des gens pour qui la valeur de la vie humaine est absolue. Ceux-là ne se réjouissent pas du sang qui abreuve les sillons. Ils sont un peu comme vous et moi. Comme la plupart des types qui n'ont pas besoin d'arracher l'oeil du voisin pour survivre à un quotidien heureusement routinier et relativement paisible.
Il y a d'autres types de personnalités plus insaisissables.
Comme Rodrigue Dupont par exemple.
Il ne se pose aucune question existentielle, Rodrigue, ce grand gaillard de huit pieds neuf pouces qui porte toujours un chandail du Restaurant La Baie-Quille.
Rodrigue ne travaille même pas là et pourtant on n'arrive pas à le détacher de son chandail, simplement parce que ce grand escogriffe n'en a pas d'autre. C'est tout ce qu'il porte, ce satané chandail du Restaurant La Baie-Quille, sur lequel il n'y a même pas une image pour relever un tant soit peu cette typographie morne et plate.
Alors vous voyez bien que nous ne ferons jamais le tour de la nature humaine.
C'est beaucoup trop compliqué à expliquer, un être humain.
Pourquoi devrais-je me lancer là-dedans, hein?
Le contraire est vrai aussi. Il y a des gens bons. Des gens pour qui la valeur de la vie humaine est absolue. Ceux-là ne se réjouissent pas du sang qui abreuve les sillons. Ils sont un peu comme vous et moi. Comme la plupart des types qui n'ont pas besoin d'arracher l'oeil du voisin pour survivre à un quotidien heureusement routinier et relativement paisible.
Il y a d'autres types de personnalités plus insaisissables.
Comme Rodrigue Dupont par exemple.
Il ne se pose aucune question existentielle, Rodrigue, ce grand gaillard de huit pieds neuf pouces qui porte toujours un chandail du Restaurant La Baie-Quille.
Rodrigue ne travaille même pas là et pourtant on n'arrive pas à le détacher de son chandail, simplement parce que ce grand escogriffe n'en a pas d'autre. C'est tout ce qu'il porte, ce satané chandail du Restaurant La Baie-Quille, sur lequel il n'y a même pas une image pour relever un tant soit peu cette typographie morne et plate.
Alors vous voyez bien que nous ne ferons jamais le tour de la nature humaine.
C'est beaucoup trop compliqué à expliquer, un être humain.
Pourquoi devrais-je me lancer là-dedans, hein?
jeudi 25 juillet 2013
De l'or pour Tête-de-Lizotte!
Les rayons du soleil filtraient au-travers des bouleaux et des épinettes. Des formes géométriques et autres fractales se dessinaient entre les branches, avec des reflets de jaune et de bleu, semblables aux photons qui frappent la surface inscriptible d'un DVD.
-Ouaaaa tabarnak! bâilla le gros Lizotte, alias Tête-de-Lizotte, un Frenchie dans la trentaine qui faisait du camping sauvage quelque part entre Whitehorse et Dawson City, justement là où les rayons du soleil filtraient au-travers des arbres.
Et ce sont ces mêmes rayons qui réveillèrent Tête-de-Lizotte, évidemment. Qui ne se réveillerait pas avec une pointe de soleil dans l'oeil, hein? Personne. C'est vu et entendu.
Tête-de-Lizotte avait décidé de devenir chercheur d'or à l'instar de Jack London.
-There's no gold in Yukon! Arf! Arf! lui avait dit Lorne, un Tlingit de quarante-deux ans. What d'ya wanna do with your pan? Fishin'? Arf! Arf!
-I am goingze to find some gold my friend tabarnak! lui avait répliqué Tête-de-Lizotte, sans trop y croire.
De most importante ting is participassion!
-What t'fuck? Are ya french, don't ya?
-Yesse Ail ham!
-Jeez... You speak like Pepe the Pew! Arf! Arf!
Après ce brin de conversation, Lizotte n'en fit qu'à sa tête et partit tout de même avec sa pan pour remuer le fond des rivières et ruisseaux environnants, sac au dos et avec beaucoup de noix, de gruau et de fruits séchés pour le temps que durerait son expédition automnale.
Tête-de-Lizotte n'avait pas encore trouvé d'or et les photons solaires bombardaient son oeil tant et tant qu'il finit par se lever pour entamer sa journée.
Il faisait frais dehors mais ce n'était pas froid. Le Chinook soufflait ce jour-là et tiédissait l'air.
-Ouaaaa! refit Tête-de-Lizotte après avoir pissé un coup.
Puis il se dirigea vers ses affaires pour se préparer quelque chose comme un gruau. Comme il cherchait son briquet, son regard fût attiré par quelque chose qui brillait au fond de sa pan.
C'était une énorme pépite d'or. Peut-être parmi l'une des plus grosses jamais observées sur la Terre. Elle était tellement grosse que l'on ne voyait même plus la pan...
Tête-de-Lizotte, bien qu'intérieurement surpris, n'en fit pas trop de cas.
-Ah ben torrieux... Quelle grosse pépite d'or...
Il se fit plutôt un gruau, après avoir retrouvé son briquet, et son esprit se concentra ensuite sur les bouleaux, les épinettes, le soleil et les écureuils.
Qui avait bien pu mettre cette pépite d'or dans sa pan pour lui jouer un tour?
Eh bien c'était le Tlingit de tantôt. Lorne passait par-là avec son beau-frère Jimmy lorsqu'il reconnut la tente de Tête-de-Lizotte. Nos deux comiques se sont dits qu'ils devraient jouer un bon tour au Frenchie. Aussi décidèrent-ils d'un commun accord de lui laisser la plus grosse pépite d'or du monde qu'ils avaient eux-mêmes cueillie il y a de cela une quinzaine d'années. Elle traînait dans le bazou de Jimmy depuis tout ce temps-là et comme il ne savait pas vraiment quoi en faire, paf! ils la mirent dans la pan de Tête-de-Lizotte.
Tête-de-Lizotte, esprit froid et rationnel, se disait qu'il était impossible que ce soit les dieux qui aient fait ça.
-Il doit sûrement y avoir une explication rationnelle, qu'il se dit.
N'en trouvant pas, il décida de rentrer à Dawson City au plus vite afin que de passer une nuit dans une auberge pour tirer ça au clair.
Lorne et Jimmy étaient déjà très loin. Ils riaient encore à s'en casser les côtes de la farce qu'il venait de faire à Tête-de-Lizotte.
-Ouaaaa tabarnak! bâilla le gros Lizotte, alias Tête-de-Lizotte, un Frenchie dans la trentaine qui faisait du camping sauvage quelque part entre Whitehorse et Dawson City, justement là où les rayons du soleil filtraient au-travers des arbres.
Et ce sont ces mêmes rayons qui réveillèrent Tête-de-Lizotte, évidemment. Qui ne se réveillerait pas avec une pointe de soleil dans l'oeil, hein? Personne. C'est vu et entendu.
Tête-de-Lizotte avait décidé de devenir chercheur d'or à l'instar de Jack London.
-There's no gold in Yukon! Arf! Arf! lui avait dit Lorne, un Tlingit de quarante-deux ans. What d'ya wanna do with your pan? Fishin'? Arf! Arf!
-I am goingze to find some gold my friend tabarnak! lui avait répliqué Tête-de-Lizotte, sans trop y croire.
De most importante ting is participassion!
-What t'fuck? Are ya french, don't ya?
-Yesse Ail ham!
-Jeez... You speak like Pepe the Pew! Arf! Arf!
Après ce brin de conversation, Lizotte n'en fit qu'à sa tête et partit tout de même avec sa pan pour remuer le fond des rivières et ruisseaux environnants, sac au dos et avec beaucoup de noix, de gruau et de fruits séchés pour le temps que durerait son expédition automnale.
Tête-de-Lizotte n'avait pas encore trouvé d'or et les photons solaires bombardaient son oeil tant et tant qu'il finit par se lever pour entamer sa journée.
Il faisait frais dehors mais ce n'était pas froid. Le Chinook soufflait ce jour-là et tiédissait l'air.
-Ouaaaa! refit Tête-de-Lizotte après avoir pissé un coup.
Puis il se dirigea vers ses affaires pour se préparer quelque chose comme un gruau. Comme il cherchait son briquet, son regard fût attiré par quelque chose qui brillait au fond de sa pan.
C'était une énorme pépite d'or. Peut-être parmi l'une des plus grosses jamais observées sur la Terre. Elle était tellement grosse que l'on ne voyait même plus la pan...
Tête-de-Lizotte, bien qu'intérieurement surpris, n'en fit pas trop de cas.
-Ah ben torrieux... Quelle grosse pépite d'or...
Il se fit plutôt un gruau, après avoir retrouvé son briquet, et son esprit se concentra ensuite sur les bouleaux, les épinettes, le soleil et les écureuils.
Qui avait bien pu mettre cette pépite d'or dans sa pan pour lui jouer un tour?
Eh bien c'était le Tlingit de tantôt. Lorne passait par-là avec son beau-frère Jimmy lorsqu'il reconnut la tente de Tête-de-Lizotte. Nos deux comiques se sont dits qu'ils devraient jouer un bon tour au Frenchie. Aussi décidèrent-ils d'un commun accord de lui laisser la plus grosse pépite d'or du monde qu'ils avaient eux-mêmes cueillie il y a de cela une quinzaine d'années. Elle traînait dans le bazou de Jimmy depuis tout ce temps-là et comme il ne savait pas vraiment quoi en faire, paf! ils la mirent dans la pan de Tête-de-Lizotte.
Tête-de-Lizotte, esprit froid et rationnel, se disait qu'il était impossible que ce soit les dieux qui aient fait ça.
-Il doit sûrement y avoir une explication rationnelle, qu'il se dit.
N'en trouvant pas, il décida de rentrer à Dawson City au plus vite afin que de passer une nuit dans une auberge pour tirer ça au clair.
Lorne et Jimmy étaient déjà très loin. Ils riaient encore à s'en casser les côtes de la farce qu'il venait de faire à Tête-de-Lizotte.
mercredi 24 juillet 2013
Quoi? Vous ne connaissez pas Pivoine?
Germain Pivoine est une hostie de langue brune qui ne sait licher que les raies des personnes en mesure de favoriser son ascension sociale. Toutes les autres personnes ne lui servent à rien. Aussi les méprise-t-il comme il se doit pour tomber dans les bonnes grâces des distributrices de faveurs. Pivoine est un privilégié mais il se perçoit plutôt comme une espèce de dieu tombé du ciel, un genre de Napoléon de la petite finance régionale.
Pivoine est laid comme un cancrelat mais il joue au joli coeur au parfum de basse-messe auprès de la gent féminine et des escortes. Il a réussi, le bandit, c'est vrai. Il peut bien se permettre le luxe de jouer au célèbre Pivoine. En autant que les escortes ne parlent pas trop de ses fantaisies.
-Quoi? Vous ne connaissez pas Pivoine?
C'est ce qu'il vous dirait illico si vous prétendiez ne pas le connaître.
Son parcours professionnel est à l'image de bien d'autres précieux ridicules qui occupe une fonction publique. Pivoine a commis des études de droit à l'université puis, incapable de se partir un cabinet ou bien de se trouver un poste d'avocat quelque part, il s'est mis à animer une tribune téléphonique pour la station de radio de son beau-père, Raymond. L'émission s'intitulait Pivoine vous écoute. Le mollusque s'était heureusement marié avec Cassandra, la fille de Raymond. Sans ce mariage, Pivoine serait encore en train de glander.
Quoi qu'il en soit, Pivoine s'est fait le chantre de la droite. Il s'est mis à vanter le maire de la ville qui fourrait le monde sans vaseline. Puis le député qui faisait pareil. Pivoine vantait tous les bandits à cravates de la région, comme le faisaient depuis toujours les torchons locaux, les radios locaux et les télés locos...
Puis il s'est présenté en politique, Pivoine. Il est devenu député du comté. Et comme tous ces prédécesseurs, il collecta des enveloppes brunes bourrées de fric by the side pour arrondir ses fins de mois.
Pivoine s'est acheté un manoir, un château, une pourvoirie, une auberge, un chalet, alouette! Tout ça avec l'argent de ses crosses. Et l'héritage de Raymond. Pas question pour Pivoine de divorcer, même s'il trompe régulièrement sa femme. Les grands hommes font toujours ainsi et Cassandra est plutôt du genre nouille qui se rattrape en baisant avec n'importe quoi quand Pivoine a le dos tourné. Ils vont bien ensemble. Cassandra a l'argent et Pivoine la célébrité.
L'autre jour, je croise Pivoine. Il a le menton haut mais le caca bas. La police est entrée chez-lui dans le cadre des enquêtes sur la corruption dans à peu près tout ce qui existe au Québec. Il a fait semblant qu'il était encore le grand homme d'avant-hier mais déjà ses chums de la radio et des journaux l'ont abandonné.
Je connais Pivoine parce que j'étais concierge à son auberge.
Je ne vous dirai pas quel genre de patron il était, parce qu'on ne le voyait jamais. J'étais payé au salaire minimum. Et voici voilà. Enfin bref, je n'ai rien à rajouter.
Sinon que cela me faisait bizarre de voir passer Pivoine avec les menottes au poignet au bulletin de nouvelles.
Pivoine... Le célèbre Pivoine de la radio... Le Pivoine député de droite... Pivoine qui a le caca bas...
-Je suis non-coupable, qu'il m'a dit lorsque je l'ai croisé sur la rue. J'entends me défendre et prouver mon innocence... Aussi, je reviendrai et obtiendrai toute la confiance des électeurs, parce que Pivoine dit vrai et tient parole!!!
C'est un hostie de fou, Pivoine. Un tarlais qui parle de lui-même à la troisième personne du singulier, comme Jules César et autres névrosés.
Sauf qu'on n'a jamais passé de menottes à César.
Aussi je pense que sa carrière est foutue.
Mais ça, ce n'est pas de mes affaires.
Un Pivoine tombe. Dix autres Pivoine le remplaceront.
Il faut aller porter ses vidanges au chemin une fois de temps en temps.
C'est tout.
Et c'est déjà beaucoup trop.
Pivoine est laid comme un cancrelat mais il joue au joli coeur au parfum de basse-messe auprès de la gent féminine et des escortes. Il a réussi, le bandit, c'est vrai. Il peut bien se permettre le luxe de jouer au célèbre Pivoine. En autant que les escortes ne parlent pas trop de ses fantaisies.
-Quoi? Vous ne connaissez pas Pivoine?
C'est ce qu'il vous dirait illico si vous prétendiez ne pas le connaître.
Son parcours professionnel est à l'image de bien d'autres précieux ridicules qui occupe une fonction publique. Pivoine a commis des études de droit à l'université puis, incapable de se partir un cabinet ou bien de se trouver un poste d'avocat quelque part, il s'est mis à animer une tribune téléphonique pour la station de radio de son beau-père, Raymond. L'émission s'intitulait Pivoine vous écoute. Le mollusque s'était heureusement marié avec Cassandra, la fille de Raymond. Sans ce mariage, Pivoine serait encore en train de glander.
Quoi qu'il en soit, Pivoine s'est fait le chantre de la droite. Il s'est mis à vanter le maire de la ville qui fourrait le monde sans vaseline. Puis le député qui faisait pareil. Pivoine vantait tous les bandits à cravates de la région, comme le faisaient depuis toujours les torchons locaux, les radios locaux et les télés locos...
Puis il s'est présenté en politique, Pivoine. Il est devenu député du comté. Et comme tous ces prédécesseurs, il collecta des enveloppes brunes bourrées de fric by the side pour arrondir ses fins de mois.
Pivoine s'est acheté un manoir, un château, une pourvoirie, une auberge, un chalet, alouette! Tout ça avec l'argent de ses crosses. Et l'héritage de Raymond. Pas question pour Pivoine de divorcer, même s'il trompe régulièrement sa femme. Les grands hommes font toujours ainsi et Cassandra est plutôt du genre nouille qui se rattrape en baisant avec n'importe quoi quand Pivoine a le dos tourné. Ils vont bien ensemble. Cassandra a l'argent et Pivoine la célébrité.
L'autre jour, je croise Pivoine. Il a le menton haut mais le caca bas. La police est entrée chez-lui dans le cadre des enquêtes sur la corruption dans à peu près tout ce qui existe au Québec. Il a fait semblant qu'il était encore le grand homme d'avant-hier mais déjà ses chums de la radio et des journaux l'ont abandonné.
Je connais Pivoine parce que j'étais concierge à son auberge.
Je ne vous dirai pas quel genre de patron il était, parce qu'on ne le voyait jamais. J'étais payé au salaire minimum. Et voici voilà. Enfin bref, je n'ai rien à rajouter.
Sinon que cela me faisait bizarre de voir passer Pivoine avec les menottes au poignet au bulletin de nouvelles.
Pivoine... Le célèbre Pivoine de la radio... Le Pivoine député de droite... Pivoine qui a le caca bas...
-Je suis non-coupable, qu'il m'a dit lorsque je l'ai croisé sur la rue. J'entends me défendre et prouver mon innocence... Aussi, je reviendrai et obtiendrai toute la confiance des électeurs, parce que Pivoine dit vrai et tient parole!!!
C'est un hostie de fou, Pivoine. Un tarlais qui parle de lui-même à la troisième personne du singulier, comme Jules César et autres névrosés.
Sauf qu'on n'a jamais passé de menottes à César.
Aussi je pense que sa carrière est foutue.
Mais ça, ce n'est pas de mes affaires.
Un Pivoine tombe. Dix autres Pivoine le remplaceront.
Il faut aller porter ses vidanges au chemin une fois de temps en temps.
C'est tout.
Et c'est déjà beaucoup trop.
mardi 23 juillet 2013
À propos du futur roi du Canada et du Map-O-Spread
J'ai été surpris par la nouvelle du jour du 15 juillet dernier. J'ai appris que la compagnie Map-O-Spread restera au Québec. Le Map-O-Spread, pour ceux et celles qui n'aiment pas googler, est une tartinade de sirop de poteau à saveur d'érable. C'est moins bon que du vrai beurre d'érable, mais c'est aussi beaucoup moins cher. Dans tous les cas, je préfère le sirop d'érable à son imitation. Non pas par patriotisme mais par plaisir gourmand outrancier.
J'ai ri pendant quelques jours en disant à tout venant et autre survenant que le Map-O-Spread restera au Québec. Je me suis fendu la gueule toute la semaine passée à ce sujet chaque fois que l'on me disait quelque chose de substantiel ou bien de subversif.
-C'est encore la guerre en Syrie... Quelle misère...
-Hubert Reeves prétend qu'en cas de disparation des espèces, suite à la dévastation de la terre par l'activité humaine, seules les créatures de moins de trois kilos survivraient...
-Edward Snowden est toujours à l'aéroport de Moscou, comme Tom Hanks dans le film Le Terminal...
À toutes ces assertions, j'ai répondu invariablement, par pure ironie, que le Map-O-Spread restera au Québec.
Je veux bien qu'il y reste.
D'autant plus que je me suis écoeuré à parler du Map-O-Spread, au risque de passer pour le dernier des sans-coeurs, ignoble abruti qui livre la fiente de son esprit au lieu d'approfondir les grandes questions.
***
Parlant de grandes questions, Willy et Kate ont eu leur nouveau bébé. Ces deux roturiers de St-Rémi-de-Mékinak n'ont reçu aucun journaliste. Ils ont tout simplement eu un bébé. Un bébé qui ne sera ni roi, ni prince, ni valet. Rien qu'un homme libre comme tous les autres. C'est du moins ce que souhaitent Willy et Kate, que ce bébé devienne un petit gars qui ne se laissera pas piler sur les pieds, un futur républicain qui conchiera la monarchie et prendra le parti des pauvres et autres types qui n'ont pas un rond aux alentours de St-Rémi-de-Mékinak.
Il est né le même jour que le troisième prétendant au titre de roi de l'Empire.
Il y a belle lurette que les supermarchés Dominion sont fermés.
La monarchie constitutionnelle, c'est bon pour l'Europe. Nous sommes sur l'Île de la Tortue ici. On en a rien à cirer des rois, des reines et des petits princes. On vous les laisse tous, gens d'Angleterre, Belgique ou Monaco. Amusez-vous à faire des courbettes devant des têtes couronnées. Ce n'est pas dans la nature d'un Sauvage que de le faire. Les seuls rois auxquels nous devons quelque honneur sont les rois du poulet, de la poutine et du spaghetti. Ils travaillent généralement avec leurs mains et ne sont pas tous nés dans la ouate.
Remercions nos ancêtres d'être du nombre de ces humains libres qui forment la lie de la société.
Et, encore une fois, vive la république!
J'ai ri pendant quelques jours en disant à tout venant et autre survenant que le Map-O-Spread restera au Québec. Je me suis fendu la gueule toute la semaine passée à ce sujet chaque fois que l'on me disait quelque chose de substantiel ou bien de subversif.
-C'est encore la guerre en Syrie... Quelle misère...
-Hubert Reeves prétend qu'en cas de disparation des espèces, suite à la dévastation de la terre par l'activité humaine, seules les créatures de moins de trois kilos survivraient...
-Edward Snowden est toujours à l'aéroport de Moscou, comme Tom Hanks dans le film Le Terminal...
À toutes ces assertions, j'ai répondu invariablement, par pure ironie, que le Map-O-Spread restera au Québec.
Je veux bien qu'il y reste.
D'autant plus que je me suis écoeuré à parler du Map-O-Spread, au risque de passer pour le dernier des sans-coeurs, ignoble abruti qui livre la fiente de son esprit au lieu d'approfondir les grandes questions.
***
Parlant de grandes questions, Willy et Kate ont eu leur nouveau bébé. Ces deux roturiers de St-Rémi-de-Mékinak n'ont reçu aucun journaliste. Ils ont tout simplement eu un bébé. Un bébé qui ne sera ni roi, ni prince, ni valet. Rien qu'un homme libre comme tous les autres. C'est du moins ce que souhaitent Willy et Kate, que ce bébé devienne un petit gars qui ne se laissera pas piler sur les pieds, un futur républicain qui conchiera la monarchie et prendra le parti des pauvres et autres types qui n'ont pas un rond aux alentours de St-Rémi-de-Mékinak.
Il est né le même jour que le troisième prétendant au titre de roi de l'Empire.
Il y a belle lurette que les supermarchés Dominion sont fermés.
La monarchie constitutionnelle, c'est bon pour l'Europe. Nous sommes sur l'Île de la Tortue ici. On en a rien à cirer des rois, des reines et des petits princes. On vous les laisse tous, gens d'Angleterre, Belgique ou Monaco. Amusez-vous à faire des courbettes devant des têtes couronnées. Ce n'est pas dans la nature d'un Sauvage que de le faire. Les seuls rois auxquels nous devons quelque honneur sont les rois du poulet, de la poutine et du spaghetti. Ils travaillent généralement avec leurs mains et ne sont pas tous nés dans la ouate.
Remercions nos ancêtres d'être du nombre de ces humains libres qui forment la lie de la société.
Et, encore une fois, vive la république!
À propos des Vrais Humains
Mes ancêtres autochtones laissaient entendre aux colons européens que la terre n'appartenait à personne. Ils disaient même de l'argent que cela ne se mange pas. Selon l'échelle des valeurs européennes, ils étaient de parfaits abrutis que l'on pouvait acheter avec de l'eau-de-vie et des colifichets.
Les pauvres colons étaient difficiles à maintenir sur leurs terres. Ils abandonnaient tout pour devenir coureurs des bois afin de goûter un tant soit peu à la liberté.
Ce qui fait que la philosophie autochtone nous imprègne malgré tout, qui que nous soyons, parce qu'ailleurs c'est ici.
Bien que je sois un Métis, mâtiné d'Europe, d'Afrique, d'Asie et de Mékinak, je me sens nettement plus près de la branche aborigène de ma lignée.
Je m'indigne de voir la terre se faire souiller pour de l'argent qui ne se mange pas. Je m'insurge de voir combien les berges de nos cours d'eau sont inaccessibles aux bêtes comme aux humains. Je m'offense des rodéos et autres niaiseries de civilisés qui font du mal aux animaux pour s'amuser.
Barrer sa porte, c'est l'apanage de cette civilisation qui nourrit chez le civilisé des réflexes de prisonnier ou bien de chien de Pavlov. Chez les Inuits, barrer sa porte c'est manigancer quelque chose contre la communauté. Personne n'y barre sa porte hormis les pieds-tendres qui sont venus du Sud avec la prétention de leur apprendre à vivre comme des esclaves de Mont-Réal.
Les berges et les rives sont encore accessibles à tout un chacun dans le Grand Nord, contrairement au Sud, où il faut rouler pendant des kilomètres avant que de tomber sur un cric de la Couronne.
Des tas de gens ne voudraient pas d'une autre vie que la leur. Et je les comprends. Il faut avoir un peu d'imagination, quelques notions d'histoire et un peu de bougeotte pour voir la vie dans ce qu'elle a de moins stagnant.
Je vous livre ce tas de réflexions sans rien n'y démêler.
Je suis suffisamment mêlé comme ça. Entremêlé. Tissé serré.
Et je milite encore et toujours pour l'indépendance de cette créature de Kitché Manitou surnommée le Vrai Humain, la Vraie Humaine.
Kwey tout le monde!
lundi 22 juillet 2013
En déportation avec Tchekhov
Lire est un luxe que je m'offre aussi souvent que possible. Hier, j'ai eu la grâce de tomber sur des récits de Anton Pavlovitch Tchekhov.
J'ai retrouvé ce charme qui m'incite à n'écrire que des histoires courtes. Pourquoi s'étendre pendant des milliers de pages pour ne rien dire, rien raconter, hein? On y trouvera certainement quelque déraison. Je comprends que cela puisse passer le temps. Cela ne rapporte rien au misérable lecteur que ces bibles sans action où la passivité et l'indolence vous conduisent inévitablement à l'ennui.
Avec Tchekhov, je ne m'ennuie jamais. J'y viens et reviens avec un plaisir toujours renouvelé. C'est idoine pour Maupassant, Gogol, Babel, Bukowsky, Steinbeck et autres maîtres du récit.
Thekhov maîtrise mieux que quiconque l'art de raconter et celui de s'indigner sans que cela ne paraisse. C'est plus subtil et plus simple que Tolstoï et Dostoïevski. Plus terre à terre. Plus naturaliste. Plus vrai.
Le récit En déportation m'a particulièrement touché.
Un jeune Tatar vient d'être relégué en Sibérie et il déprime de se savoir loin de sa femme. Sémione dit la Jugeotte est un vieux stoïcien qui lui affirme avec conviction qu'il ferait mieux de ne plus rien désirer, de ne plus penser à sa femme qui déprimerait s'il fallait qu'elle vienne le rejoindre en Sibérie, là où il n'y a rien. Et le vieil homme d'y aller de quelques anecdotes sibériennes qui tendent à faire accroire que l'on est mieux de ne rien vouloir là où il n'y a rien. Je ne vous raconterai pas tout le récit. Cela se trouve facilement sur le web, j'en suis convaincu.
Je mentionne seulement que Sémione s'endort toujours dans son tas de boue en remerciant Dieu de ne pas vouloir d'autre vie que la sienne.
J'ai retrouvé ce charme qui m'incite à n'écrire que des histoires courtes. Pourquoi s'étendre pendant des milliers de pages pour ne rien dire, rien raconter, hein? On y trouvera certainement quelque déraison. Je comprends que cela puisse passer le temps. Cela ne rapporte rien au misérable lecteur que ces bibles sans action où la passivité et l'indolence vous conduisent inévitablement à l'ennui.
Avec Tchekhov, je ne m'ennuie jamais. J'y viens et reviens avec un plaisir toujours renouvelé. C'est idoine pour Maupassant, Gogol, Babel, Bukowsky, Steinbeck et autres maîtres du récit.
Thekhov maîtrise mieux que quiconque l'art de raconter et celui de s'indigner sans que cela ne paraisse. C'est plus subtil et plus simple que Tolstoï et Dostoïevski. Plus terre à terre. Plus naturaliste. Plus vrai.
Le récit En déportation m'a particulièrement touché.
Un jeune Tatar vient d'être relégué en Sibérie et il déprime de se savoir loin de sa femme. Sémione dit la Jugeotte est un vieux stoïcien qui lui affirme avec conviction qu'il ferait mieux de ne plus rien désirer, de ne plus penser à sa femme qui déprimerait s'il fallait qu'elle vienne le rejoindre en Sibérie, là où il n'y a rien. Et le vieil homme d'y aller de quelques anecdotes sibériennes qui tendent à faire accroire que l'on est mieux de ne rien vouloir là où il n'y a rien. Je ne vous raconterai pas tout le récit. Cela se trouve facilement sur le web, j'en suis convaincu.
Je mentionne seulement que Sémione s'endort toujours dans son tas de boue en remerciant Dieu de ne pas vouloir d'autre vie que la sienne.
samedi 20 juillet 2013
L'Île-Saint-Quentin était plus fréquentable du temps où elle puait la marde
L'Île Saint-Quentin se situe au confluent de la rivière Tapiskwan Sipi et du fleuve Magtogoek. Je ne connais pas le toponyme autochtone qui s'y rattache. Aussi, faute de faire mieux, je continue de l'appeler l'Île Saint-Quentin.
Du temps où Trois-Rivières s'appelait Métabéroutin, cette île ressemblait à un paradis, de même que tout son secteur portuaire. Des plages de sable fin s'étiraient ça et là sous une forêt de pins. L'Île Saint-Quentin est l'unique témoignage qu'il nous reste de cette époque puisque tout le reste est depuis longtemps clôturé, verrouillé ou bétonné.
La révolution industrielle est venue jusqu'ici avec toute son insouciance. On a rasé tout ce que l'on pouvait. Plus de forêt de pins. Finies les plages de sable fin. On a déversé des millions de billots de bois dans la rivière pour engraisser quelques actionnaires étrangers. Et puis l'Île Saint-Quentin est devenue un dépotoir, comme tout le reste aux alentours.
L'accès à l'Île Saint-Quentin était gratuit dans les années '70. La rivière était tout autant polluée que le fleuve était toxique. On n'y pêchait que de la barbote, le seul poisson qui puisse vivre dans l'eau corrompue quand tous les autres sont morts.
C'était pourtant le paradis de mon enfance, aussi fétide fût-il.
On jouait avec la mousse toxique que les usines déversaient dans la rivière. Nous passions à travers ces nuages de pollution comme des gamins qui ne savent pas encore que les adultes sont encore bien plus cons.
***
Puis les militants de Greenpeace sont arrivés au milieu des années '80. Ils se sont faits filmer en train de pomper cette mousse toxique afin de la relancer sur le site de la Canadian International Pulp & Paper Company. Les images ont fait le tour du monde puis on a fini par interdire le déversement de produits toxiques dans les eaux où vivent nos chers amis les poissons et autres végétaux pas trop achalants.
Les billes de bois, alias les pitounes, ont cessé de flotter sur la Tapiskwan Sipi,
Trente ans plus tard, cette rivière que j'aurai connue laide est redevenue splendide.
La papetière CIP est fermée et son site a été décontaminé pour laisser lieu et place à quelques blocs de béton, dernière trouvaille de quelques promoteurs pro-actifs pour gonfler une dette publique.
Cela dit, la forêt a encore perdu du terrain sur le territoire trifluvien. Elle commençait au Nord du Pont de Fer. Au Cap-de-la-Madeleine, le bois commençait derrière le site actuel de Walmart. On y trouvait non seulement de l'eau de source, mais aussi des noisettes, des framboises, des bleuets, des mûres, des pommes de rainette et de la barbote. On tassait les pitounes sur les plages pour se faire de la place et on se faisait des feux avec tout ce que la rivière charriait de bois mort. C'était sale et malodorant mais, pour nous, c'était comme si nous étions au Parc National de la Mauricie...
Nous avions même une petite cabane sur l'Île Saint-Quentin. C'était notre quartier général. Deux vraies cabanes laides comme l'enfer que l'on avait construites avec tout ce que nous trouvions, au risque de nous blesser. Elles étaient camouflées dans des vinaigriers à la pointe Nord de l'île. L'hiver de 1983 en est peut-être venu à bout. À moins que le paradis de l'enfance ait disparu cette année-là pour tous nous plonger un peu plus dans le travail, les études et les obligations.
***
De nos jours, il faut payer pour aller sur l'Île Saint-Quentin. C'est 3,50$ par personne si je ne m'abuse.
À Québec, l'accès est gratuit pour les Plaines d'Abraham. Idem pour le Parc du Mont-Royal, à Montréal.
Il y a bien quelques parcs gratuits à Trois-Rivières, mais le plus beau d'entre tous est redevenu presque le plus laid d'entre tous, malgré toutes les améliorations apportées en matière de fétidité et de baignade autorisée. L'Île Saint-Quentin n'a plus ce charme vieillot du temps où elle sentait la marde. Plus on la nettoie et plus on voit arriver des douchebags de la radio venir y faire des promotions à gogos qui lui font perdre toute forme de quiétude et de sérénité. Je préférerais de loin voir l'Île Saint-Quentin envahie par des pauvres et des crottés comme moi plutôt que de la voir se transformer en club privé pour marins d'eau douce.
Si j'étais un enfant pauvre, aujourd'hui à Trois-Rivières, où pourrais-je aller jouer pour avoir la sensation de ne pas crever dans un milieu urbain où tout le monde se crisse de tout le monde? L'Île Saint-Quentin est hors de question. Et il n'y a plus aucun terrain accessible sur le bord de la rivière, hormis le site de l'amphithéâtre qui ne tardera pas à se débarrasser de la canaille. Tout appartient à quelqu'un ici.
Il y a bien sûr le Parc Laviolette, un ancien marécage transformé en pelouse d'où l'on peut voir... le Pont Laviolette.
Il y a aussi le Parc Pie-XII, coincé entre deux boulevards et où il n'y pas moyen de ne pas entendre les automobiles et les camions rouler tout autour.
Il reste les Forges du Saint-Maurice... À une quinzaine de kilomètres au Nord... L'accès n'est pas gratuit mais le terrain est tellement vaste que le gardien de sécurité passerait ses journées à courir derrière celui ou celle qui omettrait de payer le prix d'entrée pour aller voir à quoi ressemble une rivière.
Franchement, si j'étais un enfant pauvre, aujourd'hui à Trois-Rivières, je crains bien que je deviendrais un délinquant plutôt qu'un pseudo-indien qui s'amuse à faire des feux sur la plage.
Du temps où Trois-Rivières s'appelait Métabéroutin, cette île ressemblait à un paradis, de même que tout son secteur portuaire. Des plages de sable fin s'étiraient ça et là sous une forêt de pins. L'Île Saint-Quentin est l'unique témoignage qu'il nous reste de cette époque puisque tout le reste est depuis longtemps clôturé, verrouillé ou bétonné.
La révolution industrielle est venue jusqu'ici avec toute son insouciance. On a rasé tout ce que l'on pouvait. Plus de forêt de pins. Finies les plages de sable fin. On a déversé des millions de billots de bois dans la rivière pour engraisser quelques actionnaires étrangers. Et puis l'Île Saint-Quentin est devenue un dépotoir, comme tout le reste aux alentours.
L'accès à l'Île Saint-Quentin était gratuit dans les années '70. La rivière était tout autant polluée que le fleuve était toxique. On n'y pêchait que de la barbote, le seul poisson qui puisse vivre dans l'eau corrompue quand tous les autres sont morts.
C'était pourtant le paradis de mon enfance, aussi fétide fût-il.
On jouait avec la mousse toxique que les usines déversaient dans la rivière. Nous passions à travers ces nuages de pollution comme des gamins qui ne savent pas encore que les adultes sont encore bien plus cons.
***
Puis les militants de Greenpeace sont arrivés au milieu des années '80. Ils se sont faits filmer en train de pomper cette mousse toxique afin de la relancer sur le site de la Canadian International Pulp & Paper Company. Les images ont fait le tour du monde puis on a fini par interdire le déversement de produits toxiques dans les eaux où vivent nos chers amis les poissons et autres végétaux pas trop achalants.
Les billes de bois, alias les pitounes, ont cessé de flotter sur la Tapiskwan Sipi,
Trente ans plus tard, cette rivière que j'aurai connue laide est redevenue splendide.
La papetière CIP est fermée et son site a été décontaminé pour laisser lieu et place à quelques blocs de béton, dernière trouvaille de quelques promoteurs pro-actifs pour gonfler une dette publique.
Cela dit, la forêt a encore perdu du terrain sur le territoire trifluvien. Elle commençait au Nord du Pont de Fer. Au Cap-de-la-Madeleine, le bois commençait derrière le site actuel de Walmart. On y trouvait non seulement de l'eau de source, mais aussi des noisettes, des framboises, des bleuets, des mûres, des pommes de rainette et de la barbote. On tassait les pitounes sur les plages pour se faire de la place et on se faisait des feux avec tout ce que la rivière charriait de bois mort. C'était sale et malodorant mais, pour nous, c'était comme si nous étions au Parc National de la Mauricie...
Nous avions même une petite cabane sur l'Île Saint-Quentin. C'était notre quartier général. Deux vraies cabanes laides comme l'enfer que l'on avait construites avec tout ce que nous trouvions, au risque de nous blesser. Elles étaient camouflées dans des vinaigriers à la pointe Nord de l'île. L'hiver de 1983 en est peut-être venu à bout. À moins que le paradis de l'enfance ait disparu cette année-là pour tous nous plonger un peu plus dans le travail, les études et les obligations.
***
De nos jours, il faut payer pour aller sur l'Île Saint-Quentin. C'est 3,50$ par personne si je ne m'abuse.
À Québec, l'accès est gratuit pour les Plaines d'Abraham. Idem pour le Parc du Mont-Royal, à Montréal.
Il y a bien quelques parcs gratuits à Trois-Rivières, mais le plus beau d'entre tous est redevenu presque le plus laid d'entre tous, malgré toutes les améliorations apportées en matière de fétidité et de baignade autorisée. L'Île Saint-Quentin n'a plus ce charme vieillot du temps où elle sentait la marde. Plus on la nettoie et plus on voit arriver des douchebags de la radio venir y faire des promotions à gogos qui lui font perdre toute forme de quiétude et de sérénité. Je préférerais de loin voir l'Île Saint-Quentin envahie par des pauvres et des crottés comme moi plutôt que de la voir se transformer en club privé pour marins d'eau douce.
Si j'étais un enfant pauvre, aujourd'hui à Trois-Rivières, où pourrais-je aller jouer pour avoir la sensation de ne pas crever dans un milieu urbain où tout le monde se crisse de tout le monde? L'Île Saint-Quentin est hors de question. Et il n'y a plus aucun terrain accessible sur le bord de la rivière, hormis le site de l'amphithéâtre qui ne tardera pas à se débarrasser de la canaille. Tout appartient à quelqu'un ici.
Il y a bien sûr le Parc Laviolette, un ancien marécage transformé en pelouse d'où l'on peut voir... le Pont Laviolette.
Il y a aussi le Parc Pie-XII, coincé entre deux boulevards et où il n'y pas moyen de ne pas entendre les automobiles et les camions rouler tout autour.
Il reste les Forges du Saint-Maurice... À une quinzaine de kilomètres au Nord... L'accès n'est pas gratuit mais le terrain est tellement vaste que le gardien de sécurité passerait ses journées à courir derrière celui ou celle qui omettrait de payer le prix d'entrée pour aller voir à quoi ressemble une rivière.
Franchement, si j'étais un enfant pauvre, aujourd'hui à Trois-Rivières, je crains bien que je deviendrais un délinquant plutôt qu'un pseudo-indien qui s'amuse à faire des feux sur la plage.
vendredi 19 juillet 2013
À tous les blogueurs du mois de juillet
On ne peut pas dire que le mois de juillet soit celui des records d'affluence sur les blogues et autres espaces virtuels de râleurs dépeignés.
Il ne m'est donc pas nécessaire de me casser le bicycle.
Il ne me suffit que de laisser couler mes doigts sur le clavier pour laisser ne serait-ce qu'une faible empreinte de mon imaginaire débridé.
Tac-a-tac-a-tac. Je suis déjà rendu au bout de l'histoire et je ne sais même pas encore de quoi il s'agissait.
L'important, c'est la finale.
Eh bien, en voilà une rien que pour vous.
Il ne m'est donc pas nécessaire de me casser le bicycle.
Il ne me suffit que de laisser couler mes doigts sur le clavier pour laisser ne serait-ce qu'une faible empreinte de mon imaginaire débridé.
Tac-a-tac-a-tac. Je suis déjà rendu au bout de l'histoire et je ne sais même pas encore de quoi il s'agissait.
L'important, c'est la finale.
Eh bien, en voilà une rien que pour vous.
jeudi 18 juillet 2013
Jésus est revenu à Trois-Rivières!
Le Christ était bel et bien revenu. Il arborait un tee-shirt du groupe CCR. Et il était chauve, plutôt gras et pas très beau.
Pourtant tout le monde le reconnut.
-J'ai pris les airs de Raymond Baloney pour mieux vous confondre...
Tout le monde riait de l'aparté de Jésus. On se réjouissait d'être en présence du Fils de Dieu.
-Qu'est-cé que j'pourrais bien faire vous autres, mes bien chers frères et soeurs, sinon que de vous délivrer de tous vos péchés, hein? N'est-ce pas un beau cadeau ça, hum?
Jésus se leva, traça un signe de croix, puis il tapota les joues de Bob et Rose-Aimée qui étaient tous deux assis près de lui.
-Je vous pardonne tous et toutes autant que vous êtes ma belle gang de bâtards!
-T'es b'en blood, déclarèrent les pieux tout aussi bien que les impies.
-Je vous pardonne! C'est-y pas beau ça?
-Ouais! Jésus nous pardonne! Arf! Arf! Marci!
De se sentir pardonnés comme ça, tout le monde se sentait mieux.
Jésus est sorti bien paf à trois heures du matin.
Le Seigneur s'est écrasé dans les poubelles à la sortie de la brasserie et il y a passé le reste de la nuit, jusqu'à ce que Jessica, la préposée de la station-service, le réveille pour voir s'il était encore en vie.
-Oui... Oui... dit-il en se prenant la tête à deux mains. Vous z'auriez pas de l'aspirine à votre dépanneur, hein?
-Oui... Oui... répondit Jessica.
Jésus se leva puis s'en alla s'acheter de l'aspirine.
Le ciel était bleu comme un été pas trop humide.
Le soleil était jaune orange avec beaucoup de blanc au centre.
Et le seul nuage qui flottait dans le ciel était celui de la papetière qui opérait encore sur le bord de la rivière, pas trop loin, là-bas.
Il y eut un soir. Il y eut un matin.
Et il y eut surtout une longue journée de mal de bloc pour Jésus, le gars qui pardonne tout sans que cela ne vous en coûte un bras ou bien des clous.
Pourtant tout le monde le reconnut.
-J'ai pris les airs de Raymond Baloney pour mieux vous confondre...
Tout le monde riait de l'aparté de Jésus. On se réjouissait d'être en présence du Fils de Dieu.
-Qu'est-cé que j'pourrais bien faire vous autres, mes bien chers frères et soeurs, sinon que de vous délivrer de tous vos péchés, hein? N'est-ce pas un beau cadeau ça, hum?
Jésus se leva, traça un signe de croix, puis il tapota les joues de Bob et Rose-Aimée qui étaient tous deux assis près de lui.
-Je vous pardonne tous et toutes autant que vous êtes ma belle gang de bâtards!
-T'es b'en blood, déclarèrent les pieux tout aussi bien que les impies.
-Je vous pardonne! C'est-y pas beau ça?
-Ouais! Jésus nous pardonne! Arf! Arf! Marci!
De se sentir pardonnés comme ça, tout le monde se sentait mieux.
Jésus est sorti bien paf à trois heures du matin.
Le Seigneur s'est écrasé dans les poubelles à la sortie de la brasserie et il y a passé le reste de la nuit, jusqu'à ce que Jessica, la préposée de la station-service, le réveille pour voir s'il était encore en vie.
-Oui... Oui... dit-il en se prenant la tête à deux mains. Vous z'auriez pas de l'aspirine à votre dépanneur, hein?
-Oui... Oui... répondit Jessica.
Jésus se leva puis s'en alla s'acheter de l'aspirine.
Le ciel était bleu comme un été pas trop humide.
Le soleil était jaune orange avec beaucoup de blanc au centre.
Et le seul nuage qui flottait dans le ciel était celui de la papetière qui opérait encore sur le bord de la rivière, pas trop loin, là-bas.
Il y eut un soir. Il y eut un matin.
Et il y eut surtout une longue journée de mal de bloc pour Jésus, le gars qui pardonne tout sans que cela ne vous en coûte un bras ou bien des clous.
mercredi 17 juillet 2013
La Poule-à-Houle et son combat contre les forces du Mal
Combattre les forces du Mal nécessite des ressources spirituelles d'envergure cosmique. On ne part pas au combat sans une préparation, un entraînement, une mise en scène...
Pourtant, Lucie Houle alias La Poule-à-Houle n'était pas femme à se laisser impressionner. Surtout pas par ce galimatias de théologien en mal d'exposer sa maîtrise du vocabulaire. Et c'est à défaut d'avoir des idées originales qui ne nous feraient pas bailler d'ennui.
La-Poule-à-Houle combattit le Mal sans préparation ni quelque manière d'entraînement. Elle arriva sur le champ de bataille comme une force brute, primaire et même primate.
Cette petite bonne femme de cinq pieds quatre n'était pas du genre à s'en laisser imposer, oh que non!
Bien qu'elle ressemblait à Zira dans la Planète des Singes, elle n'aimait pas qu'on lui rappelle, entre autres, qu'elle avait vraiment l'air d'une guenon un peu ahurie. Il y a des limites à se laisser insulter et, par ailleurs, personne ne l'avait traité de guenon quand elle se décida à combattre les forces du Mal, incarnée par son voisin Banjo-la-Robine. Banjo-la-Robine, une vieille vesse dans la cinquantaine qui se croyait roi et maître du perron qu'il partageait avec La-Poule-à-Houle.
Banjo-la-Robine, alias Benoît Joseph Laramée, était un gros bonhomme avec un brandy nose qui buvait comme un trou toute la journée sur son perron, le radio ouverte à toute heure, et le volume plus souvent qu'autrement élevé par-delà les limites de la crise de nerfs. On le surnommait Banjo-la-Robine parce qu'il était ivrogne. Et Banjo à cause de Benoît-Djo, Ben-Jo, Banjo... Ce dont il n'est pas utile d'élaborer plus longtemps.
Le fait demeure que c'était un gros cave qui dérangeait tout le monde dans le quartier et qui faisait chier La-Poule-à-Houle depuis que son chèque d'invalide était tout dépensé.
Ce qui devait arriver arriva. La-Poule-à-Houle rentrait de faire ses commissions quand, pour la énième fois, elle dut affronter ce satané Banjo-la-Robine qui non seulement occupait tout le perron mais lui bloquait aussi le passage. Il s'effoirait dans les marches de l'escalier comme une grosse loutre roulée dans de la graisse de patates frites.
-Comment ç'qu'a' va la p'tite poupoule-à-Houle, hein? lui déclara-t-il tendrement, bière à la main, feignant une fellation dont elle aurait pu le gratifier. A' m'ferait pas une tite-gâterie, hum? Ho! Menoum!
La-Poule-à-Houle avait été fort patiente jusque-là mais ce malotru avait franchi les frontières qui séparent une âme en paix de la guerre.
-Ah bin toé mon gros tabarnak! qu'elle lança comme cri de guerre. M'a't'en faire des supposées genre de fellation!
Elle balança un formidable coup de pied sur le radio de Banjo-la-Robine puis nettoya le reste du perron à grands coups de chaise pliante en métal rouillé. Banjo-la-Robine reçut une bonne claque sur la gueule au passage.
-Tu vas boire en d'dans d'chez-vous pis p'us d'bruit mon gros calice! Ej't'écoeurée d'sentir ton hostie d'gras d'peau puer toute la journée su' mon hostie d'perron que j'peux p'us prendre parce que m'sieur Banjo La Robine faut qu'i' boive, faut qu'i' pue, faut qu'i' sente la marde su' mon sacrament d'perron! Ej'tannée! Grosse ploye de christ! Décrisse de mon perron, m'entends-tu? AAAAAAh!
Banjo-la-Robine disparut dans son logement miteux sous les hourras du voisinage. Comme un gamin qui se serait fait chicaner par sa mouman.
-Y'était temps que qué'qu'un fasse de quoi saint-cibouérisation-de-coulaille! déclara Germaine Guèvremont, pas l'écrivaine, mais celle qui travaille au snack-bar en bas de la côte à deux fesses.
-M'as y montrer c'est qui qui est boss! hurla La-Poule-à-Houle, satisfaite de sa victoire.
Quant à Banjo-la-Robine, l'histoire ne dit pas s'il s'est saoulé ce soir-là.
Néanmoins, on peut supposer qu'il s'est tenu peinard, bien à l'ombre.
***
La-Poule-à-Houle retrouva son perron ce soir-là et tous les autres soirs de l'été. Elle planta des fleurs et mit des tas de décorations pour signifier que c'était maintenant son perron.
Banjo-la-Robine s'essaya bien de partager le perron avant avec La-Poule-à-Houle par un mercredi soir où il se croyait possible de se croire tout permis.
La-Poule-à-Houle le ramena tout de suite à l'ordre.
-Toé, ton perron, c'est celui d'en arrière, avec ta marde pis tes poubelles. En avant, c't'à moé. Décalice gros saint-chrême! Décâlice!
Et Banjo-la-Robine décâlissa.
Ce fût bien la dernière fois qu'on entendit parler de lui.
Comme il ne payait pas son loyer, il finit par décâlisser pour de bon.
Un jeune informaticien timide et gentil le remplaça. Il ne vivait que de nuit et ne sortait jamais sur le balcon. Il s'appelait Luc. On n'en savait pas plus.
La paix et la quiétude régnaient désormais sur le perron de La-Poule-à-Houle.
Pourtant, Lucie Houle alias La Poule-à-Houle n'était pas femme à se laisser impressionner. Surtout pas par ce galimatias de théologien en mal d'exposer sa maîtrise du vocabulaire. Et c'est à défaut d'avoir des idées originales qui ne nous feraient pas bailler d'ennui.
La-Poule-à-Houle combattit le Mal sans préparation ni quelque manière d'entraînement. Elle arriva sur le champ de bataille comme une force brute, primaire et même primate.
Cette petite bonne femme de cinq pieds quatre n'était pas du genre à s'en laisser imposer, oh que non!
Bien qu'elle ressemblait à Zira dans la Planète des Singes, elle n'aimait pas qu'on lui rappelle, entre autres, qu'elle avait vraiment l'air d'une guenon un peu ahurie. Il y a des limites à se laisser insulter et, par ailleurs, personne ne l'avait traité de guenon quand elle se décida à combattre les forces du Mal, incarnée par son voisin Banjo-la-Robine. Banjo-la-Robine, une vieille vesse dans la cinquantaine qui se croyait roi et maître du perron qu'il partageait avec La-Poule-à-Houle.
Banjo-la-Robine, alias Benoît Joseph Laramée, était un gros bonhomme avec un brandy nose qui buvait comme un trou toute la journée sur son perron, le radio ouverte à toute heure, et le volume plus souvent qu'autrement élevé par-delà les limites de la crise de nerfs. On le surnommait Banjo-la-Robine parce qu'il était ivrogne. Et Banjo à cause de Benoît-Djo, Ben-Jo, Banjo... Ce dont il n'est pas utile d'élaborer plus longtemps.
Le fait demeure que c'était un gros cave qui dérangeait tout le monde dans le quartier et qui faisait chier La-Poule-à-Houle depuis que son chèque d'invalide était tout dépensé.
Ce qui devait arriver arriva. La-Poule-à-Houle rentrait de faire ses commissions quand, pour la énième fois, elle dut affronter ce satané Banjo-la-Robine qui non seulement occupait tout le perron mais lui bloquait aussi le passage. Il s'effoirait dans les marches de l'escalier comme une grosse loutre roulée dans de la graisse de patates frites.
-Comment ç'qu'a' va la p'tite poupoule-à-Houle, hein? lui déclara-t-il tendrement, bière à la main, feignant une fellation dont elle aurait pu le gratifier. A' m'ferait pas une tite-gâterie, hum? Ho! Menoum!
La-Poule-à-Houle avait été fort patiente jusque-là mais ce malotru avait franchi les frontières qui séparent une âme en paix de la guerre.
-Ah bin toé mon gros tabarnak! qu'elle lança comme cri de guerre. M'a't'en faire des supposées genre de fellation!
Elle balança un formidable coup de pied sur le radio de Banjo-la-Robine puis nettoya le reste du perron à grands coups de chaise pliante en métal rouillé. Banjo-la-Robine reçut une bonne claque sur la gueule au passage.
-Tu vas boire en d'dans d'chez-vous pis p'us d'bruit mon gros calice! Ej't'écoeurée d'sentir ton hostie d'gras d'peau puer toute la journée su' mon hostie d'perron que j'peux p'us prendre parce que m'sieur Banjo La Robine faut qu'i' boive, faut qu'i' pue, faut qu'i' sente la marde su' mon sacrament d'perron! Ej'tannée! Grosse ploye de christ! Décrisse de mon perron, m'entends-tu? AAAAAAh!
Banjo-la-Robine disparut dans son logement miteux sous les hourras du voisinage. Comme un gamin qui se serait fait chicaner par sa mouman.
-Y'était temps que qué'qu'un fasse de quoi saint-cibouérisation-de-coulaille! déclara Germaine Guèvremont, pas l'écrivaine, mais celle qui travaille au snack-bar en bas de la côte à deux fesses.
-M'as y montrer c'est qui qui est boss! hurla La-Poule-à-Houle, satisfaite de sa victoire.
Quant à Banjo-la-Robine, l'histoire ne dit pas s'il s'est saoulé ce soir-là.
Néanmoins, on peut supposer qu'il s'est tenu peinard, bien à l'ombre.
***
La-Poule-à-Houle retrouva son perron ce soir-là et tous les autres soirs de l'été. Elle planta des fleurs et mit des tas de décorations pour signifier que c'était maintenant son perron.
Banjo-la-Robine s'essaya bien de partager le perron avant avec La-Poule-à-Houle par un mercredi soir où il se croyait possible de se croire tout permis.
La-Poule-à-Houle le ramena tout de suite à l'ordre.
-Toé, ton perron, c'est celui d'en arrière, avec ta marde pis tes poubelles. En avant, c't'à moé. Décalice gros saint-chrême! Décâlice!
Et Banjo-la-Robine décâlissa.
Ce fût bien la dernière fois qu'on entendit parler de lui.
Comme il ne payait pas son loyer, il finit par décâlisser pour de bon.
Un jeune informaticien timide et gentil le remplaça. Il ne vivait que de nuit et ne sortait jamais sur le balcon. Il s'appelait Luc. On n'en savait pas plus.
La paix et la quiétude régnaient désormais sur le perron de La-Poule-à-Houle.
mardi 16 juillet 2013
L'intelligence d'en parler
Qu'est-ce que l'intelligence?
Je vais y aller avec mon intuition, puisque la raison m'a toujours semblé trop limitée.
Je découvre par l'intuition ce que ma raison veut tenir cachée. Un scientifique sincère doit laisser les dogmes de côté. Le dogme de la raison confine le chercheur au néant.
On prétendait avoir tout vu, tout su et tout connu vers la fin du dix-neuvième siècle parmi les officiels de la science du monde occidental. On ne trouverait plus rien d'autre. Une théorie rationnelle du monde s'appliquait dans tous les cas.
Les savants prétendirent, par exemple, que jamais un objet plus lourd que l'air ne pourrait voler. À leurs yeux, il n'y aurait jamais rien d'autre que des ballons volants compte tenu des lois irréfragables de la physique moderne.
Puis sont venus deux réparateurs de bicyclettes, les frères Wright. Ils ont bricolé quelque chose comme un avion et se sont envolés au nez et à la barbiche des savants recouverts de médailles et d'honneurs gluants.
Cent ans plus tard, les humains mettaient le pied sur la Lune.
Qu'est-ce que l'intelligence?
Du bricolage. Et de l'intuition.
***
Et que dire des fameux tests psychométriques de quotient intellectuel!
Je n'en dirai rien d'autre que de vous rapporter une anecdote qui témoigne de mon ardent désir de devenir un personnage vivant de bande dessinée.
L'histoire se passe il y a déjà plus de trente ans. Elle se situe à l'époque où j'usais mes fonds de culottes sur les bancs d'école.
Mon prof, un positiviste malgré tout sympathique, nous dit en classe qu'il va mesurer demain notre quotient intellectuel. Nous rions tous à cette idée. Et pendant que je ris, je remarque particulièrement le titre du bouquin qui trône sur le bureau du prof: Mesurez votre quotient intellectuel. Je note, au passage, le nom de la maison d'édition. Puis je file à la bibliothèque municipale et tombe heureusement sur le précieux ouvrage qui me fournira toutes les bonnes réponses lors du test du lendemain.
Évidemment, le prof sursaute en constatant que je suis un authentique génie avec un quotient intellectuel qui s'approche du statut d'un extraterrestre.
-Gaétan... Il y a quelque chose qui me dépasse dans tout ça... Mais faudrait que tu songes sérieusement à t'en aller vers des études spécialisées... T'as le quotient intellectuel d'un génie... Une note parfaite... J'ai jamais vu ça... Pis ça fait au moins cinq ans que je fais passer ce test-là à tous mes élèves...
-Ah moé j'aime mieux dessiner... J'veux devenir Gotlib ou rien... Le rire c'est la vie... Arf! Arf!
Je n'entendais qu'à rire en toutes circonstances parce que je ne suis pas tout à fait intelligent.
Il va sans dire que je me torche de tous ces tests pour mesurer le quotient intellectuel. Dans tous les cas, cela empêche l'avion des frères Wright de décoller. C'est soit de la fraude ou bien des préjugés culturels. Vaut mieux voler les réponses que de les apprendre par coeur. On y perd moins sa tête et son temps.
L'intelligence, ça ne se mesure pas.
C'est du bricolage vous dis-je. De l'intuition.
***
Une petite bactérie de rien du tout pourrait venir à bout de n'importe quel génie, voire de toute l'espèce humaine.
L'intelligence de cette petite bactérie ne nous vient pas à l'idée. Ça n'a pas de cerveau. C'est commandé par trois fois rien. C'est presque nul. D'où l'insulte commune de traiter quelqu'un d'unicellulaire ou bien de bactérie trois fois nulle.
Les arbres n'ont pas de cerveau et pourtant il me semble qu'ils pensent et qu'ils nous parlent comme le font les chats entre eux, en remuant l'oreille ou bien les branches. Ce n'est pas rationnel que de le prétendre. Dans ces cas-là, peut-être que la poésie nous sauve de ne pas devenir un con qui ne ressent rien.
L'intelligence, c'est aussi ressentir en bannissant toute forme de ressentiment, prêt à jeter toutes nos conceptions du monde l'espace d'un silence afin d'envisager l'impossible sur une page vierge.
***
Je ne saurais vous quitter sans vous offrir ce moment d'intelligence en action.
Je vais y aller avec mon intuition, puisque la raison m'a toujours semblé trop limitée.
Je découvre par l'intuition ce que ma raison veut tenir cachée. Un scientifique sincère doit laisser les dogmes de côté. Le dogme de la raison confine le chercheur au néant.
On prétendait avoir tout vu, tout su et tout connu vers la fin du dix-neuvième siècle parmi les officiels de la science du monde occidental. On ne trouverait plus rien d'autre. Une théorie rationnelle du monde s'appliquait dans tous les cas.
Les savants prétendirent, par exemple, que jamais un objet plus lourd que l'air ne pourrait voler. À leurs yeux, il n'y aurait jamais rien d'autre que des ballons volants compte tenu des lois irréfragables de la physique moderne.
Puis sont venus deux réparateurs de bicyclettes, les frères Wright. Ils ont bricolé quelque chose comme un avion et se sont envolés au nez et à la barbiche des savants recouverts de médailles et d'honneurs gluants.
Cent ans plus tard, les humains mettaient le pied sur la Lune.
Qu'est-ce que l'intelligence?
Du bricolage. Et de l'intuition.
***
Et que dire des fameux tests psychométriques de quotient intellectuel!
Je n'en dirai rien d'autre que de vous rapporter une anecdote qui témoigne de mon ardent désir de devenir un personnage vivant de bande dessinée.
L'histoire se passe il y a déjà plus de trente ans. Elle se situe à l'époque où j'usais mes fonds de culottes sur les bancs d'école.
Mon prof, un positiviste malgré tout sympathique, nous dit en classe qu'il va mesurer demain notre quotient intellectuel. Nous rions tous à cette idée. Et pendant que je ris, je remarque particulièrement le titre du bouquin qui trône sur le bureau du prof: Mesurez votre quotient intellectuel. Je note, au passage, le nom de la maison d'édition. Puis je file à la bibliothèque municipale et tombe heureusement sur le précieux ouvrage qui me fournira toutes les bonnes réponses lors du test du lendemain.
Évidemment, le prof sursaute en constatant que je suis un authentique génie avec un quotient intellectuel qui s'approche du statut d'un extraterrestre.
-Gaétan... Il y a quelque chose qui me dépasse dans tout ça... Mais faudrait que tu songes sérieusement à t'en aller vers des études spécialisées... T'as le quotient intellectuel d'un génie... Une note parfaite... J'ai jamais vu ça... Pis ça fait au moins cinq ans que je fais passer ce test-là à tous mes élèves...
-Ah moé j'aime mieux dessiner... J'veux devenir Gotlib ou rien... Le rire c'est la vie... Arf! Arf!
Je n'entendais qu'à rire en toutes circonstances parce que je ne suis pas tout à fait intelligent.
Il va sans dire que je me torche de tous ces tests pour mesurer le quotient intellectuel. Dans tous les cas, cela empêche l'avion des frères Wright de décoller. C'est soit de la fraude ou bien des préjugés culturels. Vaut mieux voler les réponses que de les apprendre par coeur. On y perd moins sa tête et son temps.
L'intelligence, ça ne se mesure pas.
C'est du bricolage vous dis-je. De l'intuition.
***
Une petite bactérie de rien du tout pourrait venir à bout de n'importe quel génie, voire de toute l'espèce humaine.
L'intelligence de cette petite bactérie ne nous vient pas à l'idée. Ça n'a pas de cerveau. C'est commandé par trois fois rien. C'est presque nul. D'où l'insulte commune de traiter quelqu'un d'unicellulaire ou bien de bactérie trois fois nulle.
Les arbres n'ont pas de cerveau et pourtant il me semble qu'ils pensent et qu'ils nous parlent comme le font les chats entre eux, en remuant l'oreille ou bien les branches. Ce n'est pas rationnel que de le prétendre. Dans ces cas-là, peut-être que la poésie nous sauve de ne pas devenir un con qui ne ressent rien.
L'intelligence, c'est aussi ressentir en bannissant toute forme de ressentiment, prêt à jeter toutes nos conceptions du monde l'espace d'un silence afin d'envisager l'impossible sur une page vierge.
***
Je ne saurais vous quitter sans vous offrir ce moment d'intelligence en action.
lundi 15 juillet 2013
Louis Cyr - L'homme le plus fort du monde
Le culte de la force fait probablement partie de toutes les sociétés. Sinon cela relève d'un culte familial. Mon père, Conrad, avait le physique de Louis Cyr et était fort comme un boeuf. Mon grand-père Rodolphe avait des mains larges comme des raquettes de tennis. Ma mère pouvait lever un patient à bout de bras toute fin seule alors qu'elle était préposée aux bénéficiaires.
Mon enfance a baigné dans toutes sortes de rituels où la métaphysique et la force physique se confondaient.
Les meilleurs passages de la Bible, pour mon père, c'était ceux où Samson faisait tomber les colonnes du Temple. Après la messe du dimanche, on passait à Samson puis aux super étoiles de la lutte.
Évidemment, la lutte n'était pas vraie. Le paternel nous vantait plutôt les vrais héros de notre peuple, Maurice Richard, Louis Riel et invariablement Louis Cyr, l'homme le plus fort du monde aux records jamais inégalés. Cyprien-Noé Cyr est né à St-Jean-de-Matha, dans la région de Lanaudière, à une heure de voiture au Nord-Ouest de Trois-Rivières
Je suis allé voir hier Louis Cyr au Cinéma Fleur de Lys. Le film de Daniel Roby met en scène Antoine Bertrand dans le rôle de Louis Cyr. Antoine Bertrand crève l'écran et nous promet d'autres bons films, c'est certain.
Le mythe de Louis Cyr méritait d'être visité par le septième art. Les acteurs du film de Daniel Roby ne jouent pas à jouer aux acteurs et leur jeu est toujours juste. La reconstitution historique est excellente.
Je pourrais en rajouter pendant des paragraphes et des paragraphes.
Les superlatifs s'avèrent inutiles, bien que l'on ait affaire à Louis Cyr, un homme d'excès doté d'une volonté de fer. Un homme honnête qui tenait à être vraiment l'homme le plus fort du monde. Un colosse qui, pour les Québécois, vaut bien le golem.
Un passage du film m'a particulièrement frappé. Louis Cyr est devant un docteur. Le docteur dit qu'il possède une carrure et une ossature exceptionnelle. Il ajoute cependant que ce n'est pas toutes ces caractéristiques physiques qui font de Louis Cyr l'homme le plus fort du monde, mais sa volonté de puissance. Pour Louis Cyr la roche à soulever est ce qui le séparait d'une vie à la shop de textile de Lowell, parmi les Cyr et les Kerouac immigrés du Québec.
Louis Cyr est entré dans la légende.
Le film de Daniel Roby y entrera aussi.
Mon enfance a baigné dans toutes sortes de rituels où la métaphysique et la force physique se confondaient.
Les meilleurs passages de la Bible, pour mon père, c'était ceux où Samson faisait tomber les colonnes du Temple. Après la messe du dimanche, on passait à Samson puis aux super étoiles de la lutte.
Évidemment, la lutte n'était pas vraie. Le paternel nous vantait plutôt les vrais héros de notre peuple, Maurice Richard, Louis Riel et invariablement Louis Cyr, l'homme le plus fort du monde aux records jamais inégalés. Cyprien-Noé Cyr est né à St-Jean-de-Matha, dans la région de Lanaudière, à une heure de voiture au Nord-Ouest de Trois-Rivières
Je suis allé voir hier Louis Cyr au Cinéma Fleur de Lys. Le film de Daniel Roby met en scène Antoine Bertrand dans le rôle de Louis Cyr. Antoine Bertrand crève l'écran et nous promet d'autres bons films, c'est certain.
Le mythe de Louis Cyr méritait d'être visité par le septième art. Les acteurs du film de Daniel Roby ne jouent pas à jouer aux acteurs et leur jeu est toujours juste. La reconstitution historique est excellente.
Je pourrais en rajouter pendant des paragraphes et des paragraphes.
Les superlatifs s'avèrent inutiles, bien que l'on ait affaire à Louis Cyr, un homme d'excès doté d'une volonté de fer. Un homme honnête qui tenait à être vraiment l'homme le plus fort du monde. Un colosse qui, pour les Québécois, vaut bien le golem.
Un passage du film m'a particulièrement frappé. Louis Cyr est devant un docteur. Le docteur dit qu'il possède une carrure et une ossature exceptionnelle. Il ajoute cependant que ce n'est pas toutes ces caractéristiques physiques qui font de Louis Cyr l'homme le plus fort du monde, mais sa volonté de puissance. Pour Louis Cyr la roche à soulever est ce qui le séparait d'une vie à la shop de textile de Lowell, parmi les Cyr et les Kerouac immigrés du Québec.
Louis Cyr est entré dans la légende.
Le film de Daniel Roby y entrera aussi.
vendredi 12 juillet 2013
Jacques le bon Jack, Jocelyn le cocu, son chien Cannibale & Zeus
Jacques le bon Jack
Jacques était un bon Jack Il se débrouillait tout seul dans la vie. Il en concluait un peu trop rapidement que tout le monde pouvait faire comme lui.
D'abord, qui était-il, lui, pour prétendre que tout le monde pouvait se débrouiller tout seul dans la vie?
Eh bien, Jacques Martineau-Pratte était un gars plutôt chevelu qui travaillait dans la même shop depuis vingt ans. Vous en conclurez, facilement, qu'il ne pouvait pas avoir moins de quarante ans. Pourtant, Jacques n'avait que trente-huit ans puisqu'il était entré à l'usine de clous à dix-huit ans.
C'est évident que les mathématiques nous ennuient. On y aurait même pas pensé.
Toujours est-il que Jacques se disait de droite. Et qu'il votait à droite. Et qu'il avait perdu deux doigts dans une machine à la shop de clous.
-Le monde qui vit su' l'piton pis qu'i' ont rien qu'à tendre la main vers la boîte à malle pour prendre leu' p'tit chèque... I' te r'gardent t'en aller travailler comme un cave pendant qu'i' prennent leu' p'tite bière su' leu' balcon! Pas capable hastie! Hastie qu'ça ej'su's pas capable!
Jacques ne participait jamais aux réunions syndicales. Il ne faisait pas plus de temps qu'il ne fallait sur les piquets de grève pour toucher son chèque de fonds de grève. Toute sa morale se résumait à take the money and run, débrouille-toé tout seul, après-moé le déluge.
***
Jacques a perdu sa job il y a deux ans. Il a commencé à avoir des maux de ventre. Puis des maux de dos. Finalement, il est devenu totalement inapte au travail. Et inepte en toute autre matière. Il est devenu aigri, colérique, anxieux. Quand il était à droite, il était plutôt débonnaire. Mais maintenant qu'il a été contaminé par les idées de gauche, il en veut au monde entier d'être sans ressources. Il n'a qu'à se débrouiller tout seul. Nah!
Jocelyn le cocu & son chien Cannibale
Jocelyn se débrouille tout seul. Il n'a qu'un chien à nourrir. Pour lui-même, il n'a qu'à fouiller dans les conteneurs des supermarchés pour y trouver de quoi de mou à se mettre sous la dent.
Il a travaillé pendant deux ans sur un truck de vidange puis il a fait une dépression.
Sa blonde baisait avec un autre les nuits où Jocelyn courrait derrière le truck pour le remplir d'ordures.
D'autres auraient fini par en rire, en se disant qu'il valait mieux que cela finisse ainsi. Mais pas Jocelyn. Ce con-là était vraiment trop sensible. Et il a fini par tout lâcher. D'abord sa blonde. Puis son appartement. Ses meubles. Sa job. Le pauvre abruti s'est retrouvé tout fin seul au monde jusqu'à ce qu'il adopte son chien, Cannibale, un mélange de chien saucisse et de berger allemand.
-Mon chien m'a sauvé la vie! dit souvent Jocelyn. Sans lui ej'me s'rais pendu!
Il dit ça en donnant une petite croquette à Cannibale, qui a d'ailleurs un oeil brun et un oeil bleu gris. Étrange chien.
Jocelyn mendie tous les jours ou presque avec son chien Cannibale.
Il se débrouille tout seul.
Enfin presque tout seul.
On a toujours un peu besoin d'autrui.
Toujours besoin de s'aimer un peu les uns les autres.
Zeus jouait des tours
Zeus aimait jouer des tours. Il se déguisait parfois en vieux mendiant puant pour mieux confondre les citoyens d'Athènes et mettre leur foi à l'épreuve.
Jésus aussi faisait cela. Gustave Flaubert rapporte un peu la même histoire dans La légende de Julien l'Hospitalier. Le type rencontre un vieux lépreux en cours de route et la vieille croûte ne se sent jamais satisfaite des bontés que lui rend Julien. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que le lépreux n'est nul autre que le Christ lui-même, roi des vagabonds et fils de Zeus, alias Deus, alias Dieu.
Zeus se débrouillait tout seul dans la vie.
Et Jésus aussi.
Mais ce n'est pas une raison de croire que tout le monde s'en tire aussi facilement.
Jacques était un bon Jack Il se débrouillait tout seul dans la vie. Il en concluait un peu trop rapidement que tout le monde pouvait faire comme lui.
D'abord, qui était-il, lui, pour prétendre que tout le monde pouvait se débrouiller tout seul dans la vie?
Eh bien, Jacques Martineau-Pratte était un gars plutôt chevelu qui travaillait dans la même shop depuis vingt ans. Vous en conclurez, facilement, qu'il ne pouvait pas avoir moins de quarante ans. Pourtant, Jacques n'avait que trente-huit ans puisqu'il était entré à l'usine de clous à dix-huit ans.
C'est évident que les mathématiques nous ennuient. On y aurait même pas pensé.
Toujours est-il que Jacques se disait de droite. Et qu'il votait à droite. Et qu'il avait perdu deux doigts dans une machine à la shop de clous.
-Le monde qui vit su' l'piton pis qu'i' ont rien qu'à tendre la main vers la boîte à malle pour prendre leu' p'tit chèque... I' te r'gardent t'en aller travailler comme un cave pendant qu'i' prennent leu' p'tite bière su' leu' balcon! Pas capable hastie! Hastie qu'ça ej'su's pas capable!
Jacques ne participait jamais aux réunions syndicales. Il ne faisait pas plus de temps qu'il ne fallait sur les piquets de grève pour toucher son chèque de fonds de grève. Toute sa morale se résumait à take the money and run, débrouille-toé tout seul, après-moé le déluge.
***
Jacques a perdu sa job il y a deux ans. Il a commencé à avoir des maux de ventre. Puis des maux de dos. Finalement, il est devenu totalement inapte au travail. Et inepte en toute autre matière. Il est devenu aigri, colérique, anxieux. Quand il était à droite, il était plutôt débonnaire. Mais maintenant qu'il a été contaminé par les idées de gauche, il en veut au monde entier d'être sans ressources. Il n'a qu'à se débrouiller tout seul. Nah!
Jocelyn le cocu & son chien Cannibale
Jocelyn se débrouille tout seul. Il n'a qu'un chien à nourrir. Pour lui-même, il n'a qu'à fouiller dans les conteneurs des supermarchés pour y trouver de quoi de mou à se mettre sous la dent.
Il a travaillé pendant deux ans sur un truck de vidange puis il a fait une dépression.
Sa blonde baisait avec un autre les nuits où Jocelyn courrait derrière le truck pour le remplir d'ordures.
D'autres auraient fini par en rire, en se disant qu'il valait mieux que cela finisse ainsi. Mais pas Jocelyn. Ce con-là était vraiment trop sensible. Et il a fini par tout lâcher. D'abord sa blonde. Puis son appartement. Ses meubles. Sa job. Le pauvre abruti s'est retrouvé tout fin seul au monde jusqu'à ce qu'il adopte son chien, Cannibale, un mélange de chien saucisse et de berger allemand.
-Mon chien m'a sauvé la vie! dit souvent Jocelyn. Sans lui ej'me s'rais pendu!
Il dit ça en donnant une petite croquette à Cannibale, qui a d'ailleurs un oeil brun et un oeil bleu gris. Étrange chien.
Jocelyn mendie tous les jours ou presque avec son chien Cannibale.
Il se débrouille tout seul.
Enfin presque tout seul.
On a toujours un peu besoin d'autrui.
Toujours besoin de s'aimer un peu les uns les autres.
Zeus jouait des tours
Zeus aimait jouer des tours. Il se déguisait parfois en vieux mendiant puant pour mieux confondre les citoyens d'Athènes et mettre leur foi à l'épreuve.
Jésus aussi faisait cela. Gustave Flaubert rapporte un peu la même histoire dans La légende de Julien l'Hospitalier. Le type rencontre un vieux lépreux en cours de route et la vieille croûte ne se sent jamais satisfaite des bontés que lui rend Julien. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que le lépreux n'est nul autre que le Christ lui-même, roi des vagabonds et fils de Zeus, alias Deus, alias Dieu.
Zeus se débrouillait tout seul dans la vie.
Et Jésus aussi.
Mais ce n'est pas une raison de croire que tout le monde s'en tire aussi facilement.
jeudi 11 juillet 2013
L'invention du vocabulaire
-Ayiwoutcha!
-Qu'est-cé ça veut dire coq*?
-El'sais pas. Ej'dis ça d'même. Ayiwoutcha! Ayiwoutcha coq!
-C'est-i une langue indienne, coq? C'est quoi ayiwoutcha?
-El'sais pas. Ej'viens d'te l'dire. Faut-tu qu'ej'me répète tout l'temps? Ayiwoutcha! Juste ayiwoutcha straight pipe.
-Straigth pipe ej'connais ça. C'est de l'Ontarien! J'ai un beau-frè(r)e de l'Ontario qui parle de mê-ingue-me.
-Ou ben don' c'est de l'anglais! Arf! Arf!
-On pourrais-tu dire qu'ayiwoutcha ça veut dire què'que chose (r)'ien que pou'(r) rire, hein?
-Ça veut dire va chier mange d'la marde! Arf! Arf!
-Niaise don' pas! Ça pourrait vouloir dire de quoi d'beau, comme chérie allons voir si la rose...
-T'es don' ben niaiseux coq a(v)'ec tes chérie allons vouère si Gérald Larose... Saint-Crèche! Tu vas pogné un feu sauvage! Arf! Arf! Un feu sauvage de l'amour! Arf! Arf! Les pognes-tu?
-Si j'pogne quoi?
-Mes jokes coq! Tu pognes mes jokes?
-Non... Fait trop chaud coq...
-Ah pis laisse don' faire!
-Ayiwoutcha toé-même coq!
-Arf! Arf!
Les deux individus écrasent leurs cigarettes et reprennent le boulot. Ils sont en train de creuser un trou au milieu de la chaussée. C'est une journée de canicule. Le soleil est de plomb dans cette portion de Trois-Rivières surnommée Le Rochon. Les deux gars sont du coin. Ils sont même voisins. Ils ont tous les deux un logement sur le boulevard Parent. Et ils commencent à délirer tandis que l'asphalte de mauvaise qualité semble fondre autour d'eux dans une atmosphère de fraude et de corruption politique généralisée. Heureusement qu'il demeure l'imagination, tous ces jeux inutiles comme l'invention du vocabulaire, ayiwoutcha et la nage synchronisée.
____________
*L'histoire se situe dans une portion de la ville de Trois-Rivières, ville située au confluent de la rivière Tapiskwan Sipi et du fleuve Magtogoek. Dans cette portion de la ville appelée communément Le Rochon, où bon nombre d'autochtones désignent leur interlocuteur masculin comme étant un coq. D'où comment ça va coq? Belle journée coq? Qu'est-cé tu veux coq?
Il se peut aussi que cela soit un diminutif de quelque juron anglais tel cocksucker, d'où le probable cock métamorphosé en coq. Cette hypothèse tient plus ou moins la route suite à la conquête de l'Angleterre par Guillaume d'Orange le francophone. D'où plein de mots français prononcés à l'anglaise. Comme rendez-vous, Café de Paris, Vanessa Paradis et coq.
-Qu'est-cé ça veut dire coq*?
-El'sais pas. Ej'dis ça d'même. Ayiwoutcha! Ayiwoutcha coq!
-C'est-i une langue indienne, coq? C'est quoi ayiwoutcha?
-El'sais pas. Ej'viens d'te l'dire. Faut-tu qu'ej'me répète tout l'temps? Ayiwoutcha! Juste ayiwoutcha straight pipe.
-Straigth pipe ej'connais ça. C'est de l'Ontarien! J'ai un beau-frè(r)e de l'Ontario qui parle de mê-ingue-me.
-Ou ben don' c'est de l'anglais! Arf! Arf!
-On pourrais-tu dire qu'ayiwoutcha ça veut dire què'que chose (r)'ien que pou'(r) rire, hein?
-Ça veut dire va chier mange d'la marde! Arf! Arf!
-Niaise don' pas! Ça pourrait vouloir dire de quoi d'beau, comme chérie allons voir si la rose...
-T'es don' ben niaiseux coq a(v)'ec tes chérie allons vouère si Gérald Larose... Saint-Crèche! Tu vas pogné un feu sauvage! Arf! Arf! Un feu sauvage de l'amour! Arf! Arf! Les pognes-tu?
-Si j'pogne quoi?
-Mes jokes coq! Tu pognes mes jokes?
-Non... Fait trop chaud coq...
-Ah pis laisse don' faire!
-Ayiwoutcha toé-même coq!
-Arf! Arf!
Les deux individus écrasent leurs cigarettes et reprennent le boulot. Ils sont en train de creuser un trou au milieu de la chaussée. C'est une journée de canicule. Le soleil est de plomb dans cette portion de Trois-Rivières surnommée Le Rochon. Les deux gars sont du coin. Ils sont même voisins. Ils ont tous les deux un logement sur le boulevard Parent. Et ils commencent à délirer tandis que l'asphalte de mauvaise qualité semble fondre autour d'eux dans une atmosphère de fraude et de corruption politique généralisée. Heureusement qu'il demeure l'imagination, tous ces jeux inutiles comme l'invention du vocabulaire, ayiwoutcha et la nage synchronisée.
____________
*L'histoire se situe dans une portion de la ville de Trois-Rivières, ville située au confluent de la rivière Tapiskwan Sipi et du fleuve Magtogoek. Dans cette portion de la ville appelée communément Le Rochon, où bon nombre d'autochtones désignent leur interlocuteur masculin comme étant un coq. D'où comment ça va coq? Belle journée coq? Qu'est-cé tu veux coq?
Il se peut aussi que cela soit un diminutif de quelque juron anglais tel cocksucker, d'où le probable cock métamorphosé en coq. Cette hypothèse tient plus ou moins la route suite à la conquête de l'Angleterre par Guillaume d'Orange le francophone. D'où plein de mots français prononcés à l'anglaise. Comme rendez-vous, Café de Paris, Vanessa Paradis et coq.
mercredi 10 juillet 2013
Le Mausolée de Lénine selon Édouard Moradpour
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle :
- La sainte de l'abîme est plus sainte à mes yeux !
Gérard de Nerval
Renier l'existence d'une vie spirituelle c'est renier la Russie toute entière. C'est probablement le cas de toutes les nations de ce monde. Cependant, aucune d'entre toutes les littératures ne nous plonge autant dans les abîmes.
Édouard Moradpour vient de faire paraître aux éditions Michalon un roman qui nous ramène à la métaphysique tout autant qu'à la sainte de l'abîme. Il s'intitule Le Mausolée.
Et il s'agit bien du Mausolée de Lénine. Lénine qui souhaitait être enterré près de sa mère et que les communistes ont transformé en momie pour l'éternité, bravant la vieille croyance orthodoxe selon laquelle le Mal tire profit du fait de ne pas enterrer les morts. La militante Tatiana Mukhacheva, qui a servi de source d'inspiration pour ce roman de Moradpour, s'active au sein de la Russie pour que l'on enterre le corps de Lénine.
L'action du roman Le Mausolée se situe autour de 2014. Tatiana Alexandra Kostina, danseuse nue dans un club d'oligarques russes, entend depuis toujours cette Voix en elle qui lui dit qu'elle va sauver la Russie.
La première fois que Tatiana entendit cette Voix, c'était lors d'une activité scolaire au Mausolée de Lénine. Tatiana avait perdu conscience tout près du corps embaumé de Lénine. Et c'est là que la Voix résonna en elle-même pour lui dire qu'elle allait sauver la Russie.
Au fil des ans, la Voix se fit un peu moins entendre. Puis cela recommença au moment où Tatiana se mit à danser au Club.
Son maquereau, Günter, lui fait rencontrer un client extrêmement riche, Oleg Bezroukov. Une histoire d'amour s'entame entre Tatiana et Oleg. Tatiana découvre peu à peu que son amant est un médium qui peut prévoir des catastrophes et même les prévenir. Elle ne le croit pas au tout début, puis elle se rend bien compte qu'Oleg possède l'étrange pouvoir de prédire l'avenir puisque la catastrophe se produit telle que Oleg le lui a décrite.
Tatiana le perd de vue. Puis elle le revoit à nouveau. Il prédit encore quelque catastrophe mais cette fois il s'adresse directement à toute la nation via le bulletin de nouvelles à la télé. Le lendemain, on ne parle plus que de lui. Il devient le Prophète qu'attendait la Russie et déjà Vladimir Poutine et ses sbires préparent un coup avec Oleg Bezroukov afin qu'il se présente aux élections pour devenir président de la Russie.
L'action revient alors vers le Mausolée de Lénine, d'où les membres de l'Organisation tirent leurs forces spirituelles en vue d'accroître le pouvoir du Mal partout dans le monde. Face à l'Organisation, il y a l'Ordre, regroupant les forces du Bien. La Voix qu'a toujours entendue Tatiana lui sera révélée. Et, croyez-le ou non, David Copperfield fait même partie des personnages principaux du roman...
Vous en dire plus sur Le Mausolée de Édouard Moradpour, ce serait vous vendre l'intrigue. Ce que je ne ferai pas. Le Mausolée se lit comme un film de suspense et semble même découpé comme tel. On sent une certaine parenté avec des romans comme le Code Da Vinci, mais l'intrigue n'est heureusement pas noyé dans des digressions historiques auquel nous a habitué non seulement Dan Brown, mais Victor Hugo bien avant lui. Il y en a bien quelques unes, juste ce qu'il faut pour que cela demeure d'esprit slave, accordant plus d'importance à l'âme qu'à la chair en fin du compte.
Son auteur, Édouard Moradpour, est né à Téhéran d'une mère russe ayant immigré après la révolution soviétique. Il s'est installé en Russie avant la chute du Mur. Il sera alors considéré comme le «père de la publicité». Expérience qu'il rapporte un tant soit peu dans son premier roman, La Compagne de Russie, publié en 2012 chez la même maison d'édition.
***
Édouard Moradpour, Le Mausolée, Michalon, Paris, 2013, 381 p.
lundi 8 juillet 2013
Derrière chez-nous y'a un étang
L'étang du Parc Pie-XII n'est pas situé derrière chez-moi. Il serait plutôt situé devant, à une distance qui doit s'approcher de deux kilomètres. C'est presque dans ma cour. Presque. Et je m'y rends de temps à autres pour y voir batifoler des canards qui y ont élu domicile récemment. Il doit bien y avoir dix canards adultes et une trentaine de canetons. Ce n'est certainement pas le plus bel étang du Québec, d'autant plus qu'il est collé sur le boulevard Gene-H.-Kruger où circulent des camions lourds à toute heure du jour ou de la nuit. La papetière Kruger fonctionne à plein volume tout près et lance sa fumée nauséabonde aux relents d'oeufs pourris. Si j'avais des ailes, il me semble que j'irais voir ailleurs...
Je suis allé visiter l'étang hier après-midi. Les canards n'étaient pas là. Un visage pâle s'amusait à déchirer les eaux de l'étang avec un engin téléguidé. Le vacarme d'enfer de l'enfin nuisait tant aux canards qu'aux humains venus se prélasser là dans l'espoir de goûter dix secondes de quiétude, ce qui est parfaitement impossible avec un tata qui fait fuir toute forme de vie pour s'amuser tout fin seul avec sa télécommande à la con.
Plus de canards.
Plus de beauté.
Plus rien que ce gros tata.
Ce tata qui représente le nec plus ultra de la civilisation, une créature déconnectée de la nature qui se fout des canards, des bébites patineuses et autres papillons trop sensibles pour ces jeux idiots.
J'étais en tabarnak.
Je n'ai rien dit.
La pluie nous a tous obligés à foutre le camp.
Et croyez-moi que c'était pour le plus grand bien de ce troupeau de canards à col vert qui s'ébrouent les ailes sur l'étang artificiel du Parc Pie-XII quand il n'y a pas d'engin de la mort qui vient les faire chier.
Je suis allé visiter l'étang hier après-midi. Les canards n'étaient pas là. Un visage pâle s'amusait à déchirer les eaux de l'étang avec un engin téléguidé. Le vacarme d'enfer de l'enfin nuisait tant aux canards qu'aux humains venus se prélasser là dans l'espoir de goûter dix secondes de quiétude, ce qui est parfaitement impossible avec un tata qui fait fuir toute forme de vie pour s'amuser tout fin seul avec sa télécommande à la con.
Plus de canards.
Plus de beauté.
Plus rien que ce gros tata.
Ce tata qui représente le nec plus ultra de la civilisation, une créature déconnectée de la nature qui se fout des canards, des bébites patineuses et autres papillons trop sensibles pour ces jeux idiots.
J'étais en tabarnak.
Je n'ai rien dit.
La pluie nous a tous obligés à foutre le camp.
Et croyez-moi que c'était pour le plus grand bien de ce troupeau de canards à col vert qui s'ébrouent les ailes sur l'étang artificiel du Parc Pie-XII quand il n'y a pas d'engin de la mort qui vient les faire chier.
vendredi 5 juillet 2013
Un temps de merde en 2025
Il faisait 58 degrés Celsius à l'ombre depuis une semaine. Les feux de forêt avaient mis hors d'usage tout le réseau électrique. Et c'était sans compter cette tempête solaire qui avait déréglé tous les appareils électroniques. Les guichets automatisés ne fonctionnaient plus. L'air n'était plus climatisé. L'eau potable était rationnée. Les génératrices ne fournissaient pas à la tâche. Les hôpitaux se remplissaient de morts et de moribonds. Et à peu près tout le reste n'était que du chaos.
Le gouvernement avait décrété l'état d'urgence sur toute la zone couverte par son administration.
Le principal c'était de sauver l'économie avant que de sauver le peuple.
Avec un taux de chômage qui approchait des 38,5%, il valait même mieux laisser mourir quelques pauvres afin d'améliorer les performances, ne serait-ce qu'auprès des statistiques.
Et les bonnes gens comme les mauvaises gens tombaient comme des mouches.
Quant aux mouches, elles ne chômaient pas. Il y avait suffisamment de viande en décomposition et d'excréments humains pour se rassasier.
Cela se passait un 7 juillet 2025.
C'est-à-dire l'an passé.
Je ne sais pas si cette année sera encore plus chaude que l'année dernière.
Le courant n'a toujours pas été rétabli et des milices de toutes sortes circulent partout pour piller, voler et violer tout ce qui bouge. Je me suis caché dans une vieille érablière abandonnée. Personne ne l'a encore trouvée. Elle a l'air lamentable, fort heureusement.
Il n'y a plus d'électricité, plus d'eau potable et plus de gouvernement.
Il n'y a plus que le chaos.
Qui aurait cru que notre pays si paisible allait devenir cet avant-poste de l'enfer?
Certainement pas moi.
Je me trompais lamentablement, je l'avoue.
Je vous écris ça sur un bout de papier parce que je n'ai rien d'autre pour écrire.
Si quelqu'un le trouve un jour, qu'il se dise que je faisais partie des survivants d'un temps de merde.
Le gouvernement avait décrété l'état d'urgence sur toute la zone couverte par son administration.
Le principal c'était de sauver l'économie avant que de sauver le peuple.
Avec un taux de chômage qui approchait des 38,5%, il valait même mieux laisser mourir quelques pauvres afin d'améliorer les performances, ne serait-ce qu'auprès des statistiques.
Et les bonnes gens comme les mauvaises gens tombaient comme des mouches.
Quant aux mouches, elles ne chômaient pas. Il y avait suffisamment de viande en décomposition et d'excréments humains pour se rassasier.
Cela se passait un 7 juillet 2025.
C'est-à-dire l'an passé.
Je ne sais pas si cette année sera encore plus chaude que l'année dernière.
Le courant n'a toujours pas été rétabli et des milices de toutes sortes circulent partout pour piller, voler et violer tout ce qui bouge. Je me suis caché dans une vieille érablière abandonnée. Personne ne l'a encore trouvée. Elle a l'air lamentable, fort heureusement.
Il n'y a plus d'électricité, plus d'eau potable et plus de gouvernement.
Il n'y a plus que le chaos.
Qui aurait cru que notre pays si paisible allait devenir cet avant-poste de l'enfer?
Certainement pas moi.
Je me trompais lamentablement, je l'avoue.
Je vous écris ça sur un bout de papier parce que je n'ai rien d'autre pour écrire.
Si quelqu'un le trouve un jour, qu'il se dise que je faisais partie des survivants d'un temps de merde.
jeudi 4 juillet 2013
De grands événements dans le monde
Il faisait plutôt chaud sous un soleil qu'on n'a pas vu souvent depuis le mois d'avril. Des conditions qui sont toujours difficiles pour l'accord des guitares, des contrebasses et des hukulélés. Je n'ai pourtant entendu aucune fausse note. Le jeu des musiciens était fluide. Les trois choristes féminines rehaussaient le son de l'ensemble de manière tout à fait synchronisée, ce qui représente le plus gros des défis pour les harmonies vocales.
Des tas de badauds ont été retenus par l'imaginaire débridé de Robbob, auteur-compositeur-interprète de ces chansons produites sur des airs qui rappellent tant The Little Rascals que Robert Crumb ou bien Fedor Dostoïevski. On y sent un mélange d'influences où prédomine la simplicité d'un gazou. On passe du français à l'innu, puis de l'anglais au gazouillis des oiseaux. On a même eu droit à un air de reggae, The Night of the Living Bread, une toune excellente, ainsi qu'à Don't Be Cruel du légendaire Elvis.
Les spectateurs étaient tous plus ébaubis les uns que les autres.
Il y avait entre autres deux ivrognes pour qui la journée semblait déjà trop longue. Il y en a un dont le surnom est Daniel Boone ou quelque chose du genre. Je n'élaborerai pas plus à ce sujet.
Et j'en conclus que c'était un hostie de bon show.
Voilà.
mercredi 3 juillet 2013
Vive Limoilou Libre!
Robbob et Limoilou Libre joueront ce soir à 17h00 à la Place du Flambeau, au centre-ville de Trois-Rivières. C'est un concert gratuit qui a lieu dans le cadre du Festivoix.
Robbob, alias Robert Rebselj, est un ami de longue date qui se passe de présentation. Il me faut pourtant vous le présenter un tant soit peu.
C'est un gars de Winnipeg d'origine serbo-croate qui chante en français, en anglais, en innu, en cri ou bien en serbo-croate. Il s'accompagne depuis peu au hukulélé après avoir tapoché sur des tambours pendant des années. C'est cet apprentissage du rythme qu'il a communiqué tant à son hukulélé qu'à son gazou. Après avoir suivi quelques cours pour yoddler, ce parfait autodidacte, interprète de métier et intellectuel de surcroît, nous livre une musique simple et sans façons qui touche à l'enfance de l'art.
L'auteur-compositeur-interprète est appuyé par un groupe solide pour transmettre la joie et la bonne humeur. On se sentira plongé dans les années '20, comme dans un film muet avec des paroles.
Robbob et Limoilou Libre compte bien jouer leur grand succès, confirmé par McGilles et plusieurs autres. Ce grand succès qui s'intitule Mon gruau. Nous sommes plusieurs à vouloir la chanter ce soir, ne serait-ce que pour chasser ce smog et cette fumée de feux de forêts sous lesquels Trois-Rivières étouffe ces temps-ci.
Vive Limoilou Libre!
Robbob, alias Robert Rebselj, est un ami de longue date qui se passe de présentation. Il me faut pourtant vous le présenter un tant soit peu.
C'est un gars de Winnipeg d'origine serbo-croate qui chante en français, en anglais, en innu, en cri ou bien en serbo-croate. Il s'accompagne depuis peu au hukulélé après avoir tapoché sur des tambours pendant des années. C'est cet apprentissage du rythme qu'il a communiqué tant à son hukulélé qu'à son gazou. Après avoir suivi quelques cours pour yoddler, ce parfait autodidacte, interprète de métier et intellectuel de surcroît, nous livre une musique simple et sans façons qui touche à l'enfance de l'art.
L'auteur-compositeur-interprète est appuyé par un groupe solide pour transmettre la joie et la bonne humeur. On se sentira plongé dans les années '20, comme dans un film muet avec des paroles.
Robbob et Limoilou Libre compte bien jouer leur grand succès, confirmé par McGilles et plusieurs autres. Ce grand succès qui s'intitule Mon gruau. Nous sommes plusieurs à vouloir la chanter ce soir, ne serait-ce que pour chasser ce smog et cette fumée de feux de forêts sous lesquels Trois-Rivières étouffe ces temps-ci.
Vive Limoilou Libre!
mardi 2 juillet 2013
Ce gars-là
Les fleurs de moutardier dansaient sous le vent des Prairies. Les Rocheuses, au loin, avaient l'allure d'énormes cornets de crème glacée nimbés de gros nuages d'automne. Et il y avait ce gars-là qui marchait seul sur l'accotement de la Yellowhead Highway 16.
Il s'était pris une brindille et la portait en bouche comme un va-nu-pieds.
Personne ne lui prêtait attention cet après-midi-là. Personne. Même pas les chiens qui gardaient quelques troupeaux d'on ne sait quoi par-delà ces mers jaunes comme de la moutarde.
Ce gars-là pratiquait l'auto-stop avec nonchalance. Généralement il réussissait à bénéficier de la générosité d'un conducteur au bout d'une ou deux heures à tendre son bout de carton sur lequel il avait écrit Montréal avec le sigle des Canadiens, une fantaisie qui lui permettait de tomber sur des amateurs de hockey, matière en laquelle ce gars-là ne connaissait rien du tout.
Cet après-midi-là, ce gars-là se sentait vraiment abandonné et il regardait à droite à gauche en se demandant où il pourrait planter sa tente pour la nuit.
Le vent soufflait sur les moutardiers des Prairies.
Les paysages étaient à perte de vue.
Ce gars-là n'était qu'une poussière dans cette chevelure jaune qui ondulait comme la liberté crue et sans fards.
Il ne savait pas où il s'en allait.
Ni quand il y serait.
Cet après-midi-là n'en finissait plus de ne pas finir.
Et la bouteille d'eau touchait à sa fin.
Encore une ou deux gorgées d'eau chaude avant la sécheresse.
Aussi bien les prendre tout de suite.
Un bon Samaritain s'arrêta devant lui avec son gros camion Ford.
-Goin' to Montreal?
-Yes...
Et la route se poursuivit, naturellement.
Il s'était pris une brindille et la portait en bouche comme un va-nu-pieds.
Personne ne lui prêtait attention cet après-midi-là. Personne. Même pas les chiens qui gardaient quelques troupeaux d'on ne sait quoi par-delà ces mers jaunes comme de la moutarde.
Ce gars-là pratiquait l'auto-stop avec nonchalance. Généralement il réussissait à bénéficier de la générosité d'un conducteur au bout d'une ou deux heures à tendre son bout de carton sur lequel il avait écrit Montréal avec le sigle des Canadiens, une fantaisie qui lui permettait de tomber sur des amateurs de hockey, matière en laquelle ce gars-là ne connaissait rien du tout.
Cet après-midi-là, ce gars-là se sentait vraiment abandonné et il regardait à droite à gauche en se demandant où il pourrait planter sa tente pour la nuit.
Le vent soufflait sur les moutardiers des Prairies.
Les paysages étaient à perte de vue.
Ce gars-là n'était qu'une poussière dans cette chevelure jaune qui ondulait comme la liberté crue et sans fards.
Il ne savait pas où il s'en allait.
Ni quand il y serait.
Cet après-midi-là n'en finissait plus de ne pas finir.
Et la bouteille d'eau touchait à sa fin.
Encore une ou deux gorgées d'eau chaude avant la sécheresse.
Aussi bien les prendre tout de suite.
Un bon Samaritain s'arrêta devant lui avec son gros camion Ford.
-Goin' to Montreal?
-Yes...
Et la route se poursuivit, naturellement.