Il gérait le Québec. Ce n'était pas une mince affaire. Certainement pas un film de Walt Disney. Non, c'était plutôt comme dans un film de Francis Ford Coppola. Le monde est encore le monde. On n'allait pas réinventer la roue de la fortune.
Il ne se préoccupait pas trop des milliers de nains qui pensaient instaurer le bonheur commun sur la Terre. Tout le monde souhaite fourrer son prochain, lui le premier, un type parti de rien, une crotte de nez qui passait le café aux réunions du parti, et qu'on avait propulsé au pouvoir parce qu'il avait une tronche de con sympathique en plus de ne savoir parler que de chiffres devant l'électorat. Le bonheur commun, les droits sociaux et tout le reste le faisaient chier de travers. Il était là pour améliorer sa situation, comme n'importe qui le ferait à sa place, ce qui lui permettait de voter sans sourciller des lois allant à l'encontre des intérêts du peuple. Après lui, le déluge. Allez rêver ailleurs bande de béhesses!
Il avait appris à ne pas mordre la main qui le nourrit. Les amis du pouvoir lui rapportaient bien plus que ce misérable salaire que l'État lui versait. Moins qu'un chirurgien, imaginez-vous, avec toute cette pression, ces poignées de main, ces soupers-bénéfices et ces enterrements...
Et on voudrait qu'un député ne se serve pas? No way. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Il ne serait pas plus fou que les autres. Il aurait bientôt lui aussi son hélicoptère en plus de son chalet à Saint-Alexis-des-Rocs.
En attendant, il avait une maison, une piscine, une tondeuse, une femme, des enfants et un chien, Gumbo, un berger allemand pour camoufler ses instincts de peureux. Le député du comté de Charogne-sur-Saint-Laurent était promu à un avenir prometteur. Et sapristi qu'il aimait son chien Gumbo. Si doux. Si affectueux...
Son gazon était impeccable. Personne ne tapait sur des chaudrons dans son quartier. D'abord, l'autobus ne passait pas dans le secteur. Pas question que Gumbo ne se fasse frapper par du transport en commun! Et puis il fallait zigzaguer longtemps sur une route en gravier avant d'arriver à ce petit paradis de cinoche. Il n'y avait que des gens en moyens dans ce nouveau secteur qui rappelait un peu La croisière s'amuse ou bien une émission d'été avec des animateurs plates qui ricanent dans leur bermudas fleuris.
Ce n'est pas en vivant parmi des trous du cul qu'on devient quelqu'un.
Cette maxime était toute la morale du député du comté Charogne-sur-Saint-Laurent qui se faisait réélire tous les quatre ans par à peu près 51% des vieux en âge de se déplacer. Ce qui représentait à peu près 19% des électeurs. La grande majorité ne se déplaçait plus pour voter. Comme si plus personne ne voulait jouer à ce jeu-là.
-Qu'i' mangent d'la marde s'i' veulent pas voter! Nous autres on fait bouger el'Québec sacrament! qu'il disait, tout en se curant les dents et en se pétant les bretelles.
Évidemment, toute mauvaise chose a une fin. Il est un peu plus nerveux ces temps-ci. Ses cheveux ont blanchi. Ses traits sont tirés. Il n'a plus la belle faconde d'avant la crise.
Ses bas instincts d'opportunistes le portent à croire qu'il n'est plus dans le coup et que la roue de la fortune va tourner d'un autre bord.
C'est rare dans le monde qu'il y ait autant de monde dans les rues sans que cela ne finisse par la fuite ou la défaite du gouvernement. Il lit un peu, tout de même. On a beau vouloir le beurre et l'argent du beurre qu'on trouve les moyens de s'informer un peu, comme tout le monde.
Aussi bien tout crisser ça là et laisser passer la tempête... Mouais... C'est sûr que le Cheuf ne verrait pas ça d'un bon oeil... Hum... Calice de politique sale!
Bonne conclusion.
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