Concert-musical, c'est ce que voulait dire son nom, Kikinotatiwin, dans la langue de sa tribu, les Anishnabés.
On l'avait appelé Concert-musical parce qu'il chantait tout le temps, du matin au soir, et parfois même la nuit.
C'était un solide chamane, gros et grand, avec un beau bonnet de fourrure en peau de raton-laveur. Bon nageur et plus habile pêcheur que chasseur, il ne valait rien pour la guerre. Ses rêves lui interdisaient de tuer. Aussi tout un chacun le prenait pour un idiot et lui laissait le rôle de chamane à temps partiel.
La plupart du temps, dans cette tribu-là, on se foutait pas mal des chamanes. On vivait comme des arbres et on mourrait comme un vieux tronc, couvert de moisissures et de champignons. On se retirait pour mourir seul dans le mystère des forêts, comme un orignal. Rien de bien compliqué. Un vieux tronc. Un vieil orignal. Et pas trop de chamanes pour faire chier. On faisait semblant qu'on n'était jamais malade. Voilà tout.
L'été, lors du rassemblement de toutes les tribus sur le grand fleuve Magtogoek, Kikinotatiwin se donnait en spectacle devant toute la bande en chantant la mémoire de ses Ancêtres.
-Oh-ho! qu'il scandait, Kiki. Oh-hoooo! comme personne ne savait le faire.
Ce qui fait que le renom de Kikinotatiwin était bien établi. On le respectait pour ses «Oh-ho» bien ressentis. Et on se foutait qu'il préfère la paix à la guerre. C'était Kiki, quoi. Tout juste bon à faire des «Oh-ho» lors de la Fête du soleil. À se croire chamane parce qu'il connaît un peu mieux que les autres le secret des herbes, les mystères des forêts et les chants des Ancêtres.
Tout le monde souriait à l'évocation de son nom, Kikinotatiwin. Il était en quelque sorte le clown de sa communauté.
-Oh-hoooo! qu'on se disait pour l'imiter. Oh-hoooo!
Oua! Que l'on se fendait la gueule à se moquer du chamane Kiki. Quel imbécile ce Kiki! Oh-ho!
Jusqu'au jour où Kikinotatiwin attrapa la rage après s'être fait mordre par un raton-laveur.
Aussi stupide que cela puisse paraître, Kikinotatiwin en mourrut.
L'écume aux lèvres sur son lit de mort, il fût incapable de chanter ses «oh-ho» si caractéristiques.
Ce furent plutôt des «arg-gargeule!» qui sortirent de sa bouche.
Comme quoi même les chamanes sont mortels.
Ils pourrissent eux aussi comme des troncs d'arbre, un peu plus vite ou bien un peu moins. Cela dépend du raton-laveur.
D'ailleurs, plus personne ne se souvient de Kikinotatiwin.
Sinon votre humble serviteur, un gros et grand métis qui vit à deux pas du grand fleuve Magtogoek. Et qui n'est pas plus chamane qu'il n'est chameau. Et qui rentre par le trou des aiguilles sur un dix cents. Excusez-là. Oh-ho!
mercredi 29 décembre 2010
samedi 25 décembre 2010
Haïku de Noël
Du gras et du sucre dans le ventre
Pas encore d'alcool
Pas mal au ventre
Pas mal à la tête
M'en crisse de m'saouler
Ou de pas m'saouler
À Noël
Merci bonsoir
Pas encore d'alcool
Pas mal au ventre
Pas mal à la tête
M'en crisse de m'saouler
Ou de pas m'saouler
À Noël
Merci bonsoir
vendredi 24 décembre 2010
Lancement des Contes de Noël pas racontables
C'est pour vous remercier, vous autres, chers lecteurs et lectrices.
C'est disponible ici.
Joyeux Noël!
-30-
C'est disponible ici.
Joyeux Noël!
-30-
jeudi 23 décembre 2010
Abrégé de l'histoire romaine
J'ai lu l'Abrégé de l'histoire romaine de Eutrope, un type qui vivait vers la fin de l'empire romain et qui laissa pour Valens, l'empereur romain du temps, ce petit récit.
Ça se lit en un clin d'oeil. Tibère, Caligula et Néron figurent comme des déments en quelques lignes acides. Trajan, l'empereur romain d'origine espagnole, apparaît comme le plus grand des empereurs en deux paragraphes. Évidemment, ce n'est pas pour satisfaire la curiosité de l'historien. Mais c'est mieux que rien.
Je rêve d'un tel abrégé pour l'histoire de mon pays. Avec une présentation de ses premiers ministres qui les montreraient spontanément, en tant que personnes humaines aussi bien que pour leurs actions.
Ça donnerait, par exemple, John A. Macdonald, premier ministre alcoolique du Canada de 1867 à 1873, puis de 1878 à 1891. Il vomissait pendant ses discours à la Chambre des Communes quand il relevait de brosse. Il a été impliqué dans le scandale des pots de vin de la société ferroviaire Canadian Pacific Railway. Il a fait pendre le chef métis Louis Riel. Il avait l'air d'un paltoquet vaguement romantique. Il est mort à la fin de ses jours.
Et puis on passerait à un autre premier ministre, n'importe lequel, et tout aussi rapidement qu'Eutrope l'a fait pour décrire Caïus Caligula, Commode ou Héliogabale. Juste quelques lignes bien dessinées pour l'éducation de l'empereur. Juste ce qu'il lui faut retenir de l'histoire politique. D'une part des dégénérés qui coupent les têtes de tout un chacun et d'autre part des alcooliques qui pendent des métis. Entre ça, quelques rares sages par hasard. Jamais là où nous les attendons.
C'est la vie. La politique est sale parce que le monde est sale. Il faudrait changer le monde pour changer la politique. Je ne sais pas ce qu'en dirait mon vieil Eutrope. Mais déjà que je le nomme, quelques siècles après sa mort, ça devrait lui faire prendre conscience qu'il m'en doit une.
Ça se lit en un clin d'oeil. Tibère, Caligula et Néron figurent comme des déments en quelques lignes acides. Trajan, l'empereur romain d'origine espagnole, apparaît comme le plus grand des empereurs en deux paragraphes. Évidemment, ce n'est pas pour satisfaire la curiosité de l'historien. Mais c'est mieux que rien.
Je rêve d'un tel abrégé pour l'histoire de mon pays. Avec une présentation de ses premiers ministres qui les montreraient spontanément, en tant que personnes humaines aussi bien que pour leurs actions.
Ça donnerait, par exemple, John A. Macdonald, premier ministre alcoolique du Canada de 1867 à 1873, puis de 1878 à 1891. Il vomissait pendant ses discours à la Chambre des Communes quand il relevait de brosse. Il a été impliqué dans le scandale des pots de vin de la société ferroviaire Canadian Pacific Railway. Il a fait pendre le chef métis Louis Riel. Il avait l'air d'un paltoquet vaguement romantique. Il est mort à la fin de ses jours.
Et puis on passerait à un autre premier ministre, n'importe lequel, et tout aussi rapidement qu'Eutrope l'a fait pour décrire Caïus Caligula, Commode ou Héliogabale. Juste quelques lignes bien dessinées pour l'éducation de l'empereur. Juste ce qu'il lui faut retenir de l'histoire politique. D'une part des dégénérés qui coupent les têtes de tout un chacun et d'autre part des alcooliques qui pendent des métis. Entre ça, quelques rares sages par hasard. Jamais là où nous les attendons.
C'est la vie. La politique est sale parce que le monde est sale. Il faudrait changer le monde pour changer la politique. Je ne sais pas ce qu'en dirait mon vieil Eutrope. Mais déjà que je le nomme, quelques siècles après sa mort, ça devrait lui faire prendre conscience qu'il m'en doit une.
mercredi 22 décembre 2010
Un autre conte de Noël pas racontable
Ça se passait le 25 décembre, évidemment. En quelle année? Alors ça, je ne le sais plus. Je me souviens seulement qu'une neige fine était tombée pendant le réveillon. Cela conférait à ce matin de Noël un air de féérie. Ce décor urbain généralement fade et sans goût était magnifié par des tons de blanc et de bleu très très pâle.
Le soleil perçait au-dessus de la brume qui s'élevait de la voie maritime du fleuve Magtogoek (anciennement Saint-Laurent). La neige soulevée par la bise scintillait comme des tas de petits miroirs réfléchissant des tons de jaune pâle et d'orangé, que je crois propre à ma vision de daltonien. J'obtiens une note de 0 sur 16 pour le vert. Il me reste surtout les couleurs primaires: le bleu, le jaune et le rouge. Quand je décris les couleurs, je sais que ce sont pas celles que tout le monde voit. Par contre, je ne vous raconterai jamais un gazon vert. Ce qui fait que les contes de Noël sont à la pleine mesure de mon intelligence des couleurs.
Doncques, je déambulais sur les trottoirs qui n'étaient heureusement pas encore déneigés, ce qui permettait de me rendre compte que les piétons et les daltoniens se font rares le jour de Noël.
D'une digression à l'autre mon cerveau se concentrait sur le vide, encore que je sifflais probablement une chanson de Noël parce que je suis un gros con influençable.
Tout allait bien, c'était merveilleux et tout le saint-frusquin.
Mais voilà qu'un barbu avec une calotte de trucker m'aborde. C'est un bonhomme dans la cinquantaine qui ressemble à Capitaine Haddock comme je ressemble à Shrek avec des cheveux. Une légère dissemblance. Mettons que je suis plus beau que ça. Enfin, Capitaine Haddock me tombe dessus comme si l'on se connaissait depuis Adam et Ève.
-Tabarnak! qu'il me dit sans plus de préambule. Y'est sept heures et demie du matin pis v'là qu'mon propriétaire bûche dans 'es escaliers en face d'la f'nêtre de ma chambre pour m'réveiller saint-cibouère-de-calice! Check-lé bûcher dans 'es escaliers c'te vieux christ-là! Juste icitte, hostie, le jour de Noël saint-chrême!
Capitaine Haddock me pointe du doigt son proprio qui déglace rageusement ses escaliers avec une petite pelle de fer. Bing, bang, bang, le proprio bûche en saint-chrême, effectivement, pour un 25 de décembre.
-Sûr qu'i' l'fait exprès le vieux sacrament! Juste pour me faire chier! Après ça, i' vont dire que j'mets 'a musique trop fort chez-nous e'l'soir quand je r'viens d'ma tournée des bars... Ben qu'i' mangent d'la marde! Moé j'paye mon loyer pis j'veux du service pis du respect saint-christ-de-tabarnak! Do you feel like we dooooo? qu'il chante pour conclure.
Qu'est-ce que je lui ai répondu? Franchement, que répondriez-vous à un hostie de trèfle comme lui?
-Bon, ben, Joyeux Noël tout d'même, m'sieur! que j'ai dû lui dire.
-Ouin, ben, toé 'ssi. Moé, c'est Henri. Henri Grenon. J'suis un fan de Peter Frampton.
-Moé c'est Guétan. Guétan Bouchard...
-Ah oui? Le patineur de vitesse? Ha! Ha!
-Non, lui c'était Guétan Boucher.
-Ah. En tous 'es cas, bonne journée mon Guétan!
-Toé 'ssi Henri.
Henri a poursuivi son chemin et moi le mien.
Le proprio qui bûchait dans les marches de l'escalier me regarda de travers quand je suis passé devant lui. Il m'a fait une hostie d'face de pitbull et n'a pas répondu à mes salutations ni à mon joyeux Noël.
Je ne lui en ai pas voulu. À sa place j'aurai fait comme lui avec ce voisin désagréable qui se permettait de réveiller tout le monde au milieu de la nuit avec sa musique de brosseux. J'aurais déglacé l'escalier avec un pic à glace pour le sortir de sa torpeur, le tabarnak, quand y'a du monde qui travaille le matin, même le matin de Noël, et qui veulent dormir saint-étol-d'hostie!
Je sais, je sais. Il y a beaucoup trop de sacres dans tout ce que j'écris. Est-ce de ma faute si j'écris ce que j'entends? Je ne suis pas greffier, sacrament, mais écrivain. Et pas nécessairement le plus brillant de ma guilde.
Allez en paix, mes frères et soeurs. Et respectez vos voisins tabarnak. Peter Frampton tous les soirs, à trois heures du matin, ça n'a pas de calice de bon sens.
Le soleil perçait au-dessus de la brume qui s'élevait de la voie maritime du fleuve Magtogoek (anciennement Saint-Laurent). La neige soulevée par la bise scintillait comme des tas de petits miroirs réfléchissant des tons de jaune pâle et d'orangé, que je crois propre à ma vision de daltonien. J'obtiens une note de 0 sur 16 pour le vert. Il me reste surtout les couleurs primaires: le bleu, le jaune et le rouge. Quand je décris les couleurs, je sais que ce sont pas celles que tout le monde voit. Par contre, je ne vous raconterai jamais un gazon vert. Ce qui fait que les contes de Noël sont à la pleine mesure de mon intelligence des couleurs.
Doncques, je déambulais sur les trottoirs qui n'étaient heureusement pas encore déneigés, ce qui permettait de me rendre compte que les piétons et les daltoniens se font rares le jour de Noël.
D'une digression à l'autre mon cerveau se concentrait sur le vide, encore que je sifflais probablement une chanson de Noël parce que je suis un gros con influençable.
Tout allait bien, c'était merveilleux et tout le saint-frusquin.
Mais voilà qu'un barbu avec une calotte de trucker m'aborde. C'est un bonhomme dans la cinquantaine qui ressemble à Capitaine Haddock comme je ressemble à Shrek avec des cheveux. Une légère dissemblance. Mettons que je suis plus beau que ça. Enfin, Capitaine Haddock me tombe dessus comme si l'on se connaissait depuis Adam et Ève.
-Tabarnak! qu'il me dit sans plus de préambule. Y'est sept heures et demie du matin pis v'là qu'mon propriétaire bûche dans 'es escaliers en face d'la f'nêtre de ma chambre pour m'réveiller saint-cibouère-de-calice! Check-lé bûcher dans 'es escaliers c'te vieux christ-là! Juste icitte, hostie, le jour de Noël saint-chrême!
Capitaine Haddock me pointe du doigt son proprio qui déglace rageusement ses escaliers avec une petite pelle de fer. Bing, bang, bang, le proprio bûche en saint-chrême, effectivement, pour un 25 de décembre.
-Sûr qu'i' l'fait exprès le vieux sacrament! Juste pour me faire chier! Après ça, i' vont dire que j'mets 'a musique trop fort chez-nous e'l'soir quand je r'viens d'ma tournée des bars... Ben qu'i' mangent d'la marde! Moé j'paye mon loyer pis j'veux du service pis du respect saint-christ-de-tabarnak! Do you feel like we dooooo? qu'il chante pour conclure.
Qu'est-ce que je lui ai répondu? Franchement, que répondriez-vous à un hostie de trèfle comme lui?
-Bon, ben, Joyeux Noël tout d'même, m'sieur! que j'ai dû lui dire.
-Ouin, ben, toé 'ssi. Moé, c'est Henri. Henri Grenon. J'suis un fan de Peter Frampton.
-Moé c'est Guétan. Guétan Bouchard...
-Ah oui? Le patineur de vitesse? Ha! Ha!
-Non, lui c'était Guétan Boucher.
-Ah. En tous 'es cas, bonne journée mon Guétan!
-Toé 'ssi Henri.
Henri a poursuivi son chemin et moi le mien.
Le proprio qui bûchait dans les marches de l'escalier me regarda de travers quand je suis passé devant lui. Il m'a fait une hostie d'face de pitbull et n'a pas répondu à mes salutations ni à mon joyeux Noël.
Je ne lui en ai pas voulu. À sa place j'aurai fait comme lui avec ce voisin désagréable qui se permettait de réveiller tout le monde au milieu de la nuit avec sa musique de brosseux. J'aurais déglacé l'escalier avec un pic à glace pour le sortir de sa torpeur, le tabarnak, quand y'a du monde qui travaille le matin, même le matin de Noël, et qui veulent dormir saint-étol-d'hostie!
Je sais, je sais. Il y a beaucoup trop de sacres dans tout ce que j'écris. Est-ce de ma faute si j'écris ce que j'entends? Je ne suis pas greffier, sacrament, mais écrivain. Et pas nécessairement le plus brillant de ma guilde.
Allez en paix, mes frères et soeurs. Et respectez vos voisins tabarnak. Peter Frampton tous les soirs, à trois heures du matin, ça n'a pas de calice de bon sens.
mardi 21 décembre 2010
Pour tous ceux et celles qui ne croient pas au Père Noël
Vous avez vu la gueule du Père Noël? C'est l'un des avatars de Zeus, Jupiter et Sérapis. Père Noël qui fait revivre le paganisme et oublier Jésus. À quoi bon la crèche, le boeuf et l'âne? Le peuple a choisi Père Noël comme de tout temps il a choisi le dieu barbu. Même Michel-Ange ne fit rien d'autre que de peindre le Père Noël quand il vint pour représenter Dieu dans la fameuse chapelle Sixtine. Il a peint Zeus peut-être sans le savoir. Ce qui fait que le christianisme est disparu autour de 2012 pour ceux qui ont eu accès aux Livres.
Quoi qu'il en soit Père Noël était là pour rester. Ce sont plutôt ceux et celles qui ne croient pas en lui qui devaient fatalement partir. Des temples à Père Noël s'élevèrent partout dans le monde, de Toronto jusqu'à Alexandrie. Un nouveau culte rappelant celui des grecs et des romains prit forme. Ce fût le retour de Zeus-Jupiter-Sérapis sous la figure de Père Noël. On le célébrait quatre fois l'an, aux changements de saison. Et tout devait passer par Lui ou ses Lutins. Toute forme d'incrédulité face à Père Noël était pourchassée par les Lutins, bien entendu. Les coupables passaient de mauvais quarts d'heure et on leur confiait des travaux dégueulasses avec la chaine et le boulet aux pieds.
J'écris ces mots en l'an de grâce 2154 de l'ère noëllienne. Peu de gens savent qui est Jésus, Zeus, Jupiter et Sérapis. Sinon ceux qui ont lu les Livres, comme moi et si peu d'autres, puisque plus personne n'a réellement besoin de savoir lire avec les nouvelles technologies télépathiques. Très peu réussissent à s'ériger des barrières psychologiques suffisamment fortes pour résister aux pressions des Lutins du Père Noël, jeunes miliciens élevés très tôt à vouer un culte à Père Noël et à le servir dans ces sales besognes.
Pour me prémunir des Lutins, je lis autant que faire se peut les Livres que Père Noël refuse de nous faire lire, sachant trop bien qu'on y découvrirait toute l'absurdité de ce mythe, corollaire d'une révolution qui mettrait fin à son régime despotique et redonnerait la parole au peuple.
Nous sommes trop peu à ne pas croire en Père Noël et ses serviles Lutins. Nous nous réunissons dans les catacombes de cette culture grotesque tous les vingt-cinq décembre pour nous recueillir dans le silence, histoire de trouver la force et la détermination pour mettre fin au mythe de Père Noël.
Non, le Père Noël n'existe pas!
Vive la liberté de penser!
Vive la liberté de ne pas croire!
S'ils découvrent ça, je suis cuit. Lisez vite ce billet et détruisez-le. Je ne veux pas finir dans un camp du Royaume du Père Noël, dans le Nord du l'ancien Canada ou bien en Nouvelle-Sibérie. Je grelotte. J'ai trop froid aux doigts. Etc.
Quoi qu'il en soit Père Noël était là pour rester. Ce sont plutôt ceux et celles qui ne croient pas en lui qui devaient fatalement partir. Des temples à Père Noël s'élevèrent partout dans le monde, de Toronto jusqu'à Alexandrie. Un nouveau culte rappelant celui des grecs et des romains prit forme. Ce fût le retour de Zeus-Jupiter-Sérapis sous la figure de Père Noël. On le célébrait quatre fois l'an, aux changements de saison. Et tout devait passer par Lui ou ses Lutins. Toute forme d'incrédulité face à Père Noël était pourchassée par les Lutins, bien entendu. Les coupables passaient de mauvais quarts d'heure et on leur confiait des travaux dégueulasses avec la chaine et le boulet aux pieds.
J'écris ces mots en l'an de grâce 2154 de l'ère noëllienne. Peu de gens savent qui est Jésus, Zeus, Jupiter et Sérapis. Sinon ceux qui ont lu les Livres, comme moi et si peu d'autres, puisque plus personne n'a réellement besoin de savoir lire avec les nouvelles technologies télépathiques. Très peu réussissent à s'ériger des barrières psychologiques suffisamment fortes pour résister aux pressions des Lutins du Père Noël, jeunes miliciens élevés très tôt à vouer un culte à Père Noël et à le servir dans ces sales besognes.
Pour me prémunir des Lutins, je lis autant que faire se peut les Livres que Père Noël refuse de nous faire lire, sachant trop bien qu'on y découvrirait toute l'absurdité de ce mythe, corollaire d'une révolution qui mettrait fin à son régime despotique et redonnerait la parole au peuple.
Nous sommes trop peu à ne pas croire en Père Noël et ses serviles Lutins. Nous nous réunissons dans les catacombes de cette culture grotesque tous les vingt-cinq décembre pour nous recueillir dans le silence, histoire de trouver la force et la détermination pour mettre fin au mythe de Père Noël.
Non, le Père Noël n'existe pas!
Vive la liberté de penser!
Vive la liberté de ne pas croire!
S'ils découvrent ça, je suis cuit. Lisez vite ce billet et détruisez-le. Je ne veux pas finir dans un camp du Royaume du Père Noël, dans le Nord du l'ancien Canada ou bien en Nouvelle-Sibérie. Je grelotte. J'ai trop froid aux doigts. Etc.
dimanche 19 décembre 2010
Le libraire
Je n'avais encore jamais lu Le libraire de Gérard Bessette. J'en éprouve un sentiment de honte, mais d'une honte presque feinte puisque je suis toujours très prompt à me pardonner. Si l'on puit pardonner à Dieu, pourquoi pas à une faible créature devant la Création et ses récréations, hein?
Comme n'importe quel honteux, je vais vous débiter sans vergogne des tas d'excuses pour me disculper de n'avoir jamais lu Le libraire. D'abord, tout le monde a lu Le libraire au Québec. C'est la lecture obligatoire la plus populaire, juste devant 1984 de George Orwell, L'Étranger de Albert Camus et la petite compilation de la poésie québécoise de Machin-Truc. Bon, juste d'écrire Machin-Truc témoigne en ma défaveur d'une certaine ironie face à la littérature québécoise, ironie que je ne m'explique pas et que je justifie du fait que Ludwig von Beethoven ne retirait jamais son chapeau devant l'empereur et qu'il passait devant lui en sifflant La Marseillaise... Bon, c'est lourd comme explication, mais ça vous dit que le patriotisme je l'ai de travers dans l'cul, surtout le patriotisme littéraire. L'art n'a pas de patrie.
C'est pourquoi Le libraire est un hostie de bon récit. C'est clair et limpide. On n'y sent pas cette atmosphère dégueu de salut au drapeau. Hervé Jodoin est un stoïcien dans l'âme qui déniche un boulot de commis dans une librairie québécoise, du temps où le clergé avait la main basse sur tout ce qui se disait, se pensait ou s'écrivait.
Le libraire Chicoine, son patron, est un peureux qui se croit grand parce qu'il vend au noir des livres interdits, dont L'essai sur les moeurs de Voltaire. Jodoin, en tant que commis, doit participer à la vente de ces livres que le clergé taxe d'infamie. Nous sommes dans un petit village, Saint-Joachin, et le libraire pourrait perdre toute sa clientèle si les vipères du clergé apprenaient ça.
Jodoin agit comme s'il se sentait au-dessus de tout ça, au-dessus même de son travail, comme si tout autour de lui le faisait bayer aux corneilles. Et c'est ce que je trouve d'admirable à ce petit roman, son existentialisme bien ressenti, avec ce détachement très rive gauche qui prouve que l'on pensait ici, même sous Duplessis.
Ces tabarnaks-là n'écoeurent plus personne de nos jours. Clergé, Duplessis, niaiseux: out! On peut lire ce que l'on veut ou presque. Les caves parlent tout seul et ravalent leur bave.
Le libraire a été publié en France en 1960. Personne ne voulait publier ça ici. Comme quoi le patriotisme littéraire c'est vraiment de l'hostie de grosse marde.
Comme n'importe quel honteux, je vais vous débiter sans vergogne des tas d'excuses pour me disculper de n'avoir jamais lu Le libraire. D'abord, tout le monde a lu Le libraire au Québec. C'est la lecture obligatoire la plus populaire, juste devant 1984 de George Orwell, L'Étranger de Albert Camus et la petite compilation de la poésie québécoise de Machin-Truc. Bon, juste d'écrire Machin-Truc témoigne en ma défaveur d'une certaine ironie face à la littérature québécoise, ironie que je ne m'explique pas et que je justifie du fait que Ludwig von Beethoven ne retirait jamais son chapeau devant l'empereur et qu'il passait devant lui en sifflant La Marseillaise... Bon, c'est lourd comme explication, mais ça vous dit que le patriotisme je l'ai de travers dans l'cul, surtout le patriotisme littéraire. L'art n'a pas de patrie.
C'est pourquoi Le libraire est un hostie de bon récit. C'est clair et limpide. On n'y sent pas cette atmosphère dégueu de salut au drapeau. Hervé Jodoin est un stoïcien dans l'âme qui déniche un boulot de commis dans une librairie québécoise, du temps où le clergé avait la main basse sur tout ce qui se disait, se pensait ou s'écrivait.
Le libraire Chicoine, son patron, est un peureux qui se croit grand parce qu'il vend au noir des livres interdits, dont L'essai sur les moeurs de Voltaire. Jodoin, en tant que commis, doit participer à la vente de ces livres que le clergé taxe d'infamie. Nous sommes dans un petit village, Saint-Joachin, et le libraire pourrait perdre toute sa clientèle si les vipères du clergé apprenaient ça.
Jodoin agit comme s'il se sentait au-dessus de tout ça, au-dessus même de son travail, comme si tout autour de lui le faisait bayer aux corneilles. Et c'est ce que je trouve d'admirable à ce petit roman, son existentialisme bien ressenti, avec ce détachement très rive gauche qui prouve que l'on pensait ici, même sous Duplessis.
Ces tabarnaks-là n'écoeurent plus personne de nos jours. Clergé, Duplessis, niaiseux: out! On peut lire ce que l'on veut ou presque. Les caves parlent tout seul et ravalent leur bave.
Le libraire a été publié en France en 1960. Personne ne voulait publier ça ici. Comme quoi le patriotisme littéraire c'est vraiment de l'hostie de grosse marde.
vendredi 17 décembre 2010
En prison avec le célèbre Murine
Murine était un braqueur de banque qui fit rapidement figure de héros parmi les desperados. On a même produit un film vantant ses exploits, essentiellement constitués de vols de banque, d'évasions de prison et, il faut bien le dire, de meurtres prémédités.
Djosse est plutôt un vieux Jesus freak qui ne ferait plus de mal à une mouche. Sa folie a fait son temps. Et il entend se consacrer aux autres pour ce qu’il lui reste à vivre, sans faire de vagues, bien peinard et toujours seul dans son coin.
Djosse est un gaillard de taille moyenne et d’âge d’or. Ses cheveux sont jaune paille et clairsemés. Ses dents sont un peu croches.
Il n’a pas toujours été un ange, Djosse, mais personne ne l’était vraiment dans son quartier, sinon Benoît Bouboule Bournival, un gars qui ne faisait que lire des livres toute la journée et qui ne jouait jamais avec personne.
Djosse a grandi avec une barre à clous et une poche de hockey comme d’autres grandissent avec un compte en banque bien garni et des châteaux en Espagne.
Il s’est donc retrouvé en prison avec nul autre que le célèbre Murine. C’était en 1970, une époque relativement fuckée de l’histoire du Québec, où l’on se faisait des nuits de la poésie et toutes sortes d’hosties d’shows.
Murine n’était pas plus poète qu’un autre mais il voyait bien que l’époque était faite pour les forts en gueule. C’est ainsi qu’il avait promis au juge qu’il s’évaderait de prison lors de son procès.
-J’vais m’évader pauvre con! qu’il lui avait dit en crachant sa glaire dans sa direction.
Djosse nous a raconté cet épisode de sa vie ce matin, au bar Chez Gaston, avec toute la verve qui sied au narrateur d’un récit mettant en scène une grande vedette du crime.
-J’étais en prison en même temps que Murine sacrament! qu’il nous a dit en s’agrandissant les yeux. Y’avait remarqué que les gars dans ‘a tour de garde y’était pas là le lundi parce qu’i' r’levaient d’leu' brosse d’la fin d’semaine. Murine avait d’mandé aux gars d’sa wing de l’aider à s’évader en leu’ promettant qu’i’ r’viendrait pour les aider à s’évader… Ben cibouère! V’ là qu’c’est un lundi. J’su’s dans ‘a cour d’la prison, assis sur une table à pique-nique. Pis qui que j’voés? Murine en personne. Y’est en train de faire un trou dans la clôture avec des instruments qu’i’ se sont patentés, lui pis sa gang. La gang s’évade toé chose pis moé, ben, j’reste là… I’ m’restait juste six mois à purger pis ça m’tentait pas d’me faire rajouter deux ans d’plus…
-Y’est-tu r’venu délivrer les gars? questionna Brutos, le facteur, tout en demandant à la serveuse de rajouter du brandy dans son café pour son cardio.
-Ben oui, répondit Djosse. Deux mois plus tard, Murine est r’venu délivrer les gars comme il l’avait promis. Y’est arrivé avec un gros pick-up pis des gars avec des machine guns. Y’a garroché des grenades sur le mur pis i’ s’est faufilé dans l’trou faitte par l’explosion avec son pick-up… J’étais encore assis dans ‘a cour cette fois-là, sur la même calice de table à pique-nique. Boum! Hostie! Pis Murine qui entre dans ‘a cour avec sa machine gun pis qui vise la tour… Takatakatak! Comme dans les films, maudit hostie! Une autre évasion pour Murine! Cibouère!
Sur ce sacre bien senti, Djosse remet sa tuque et salue sa compagnie.
-Salut la compagnie! qu'il nous dit en crissant son camp.
Raoul, un gars qui connaît bien Djosse et qui a lui aussi fait du temps, nous rapporte par la suite que tout est vrai, sauf le bout de l’histoire où Murine fait feu sur le beffroi avec sa mitraillette.
-C’est pas la même version qu’hier… Ce boutte-là Djosse l’a rajouté ce matin. Y'a dû pogner ça dans l'film...
Peut-être que Djosse beurre épais, mais vrai comme je l’écris, ce gars-là était en prison en même temps que Murine et c’est tout ce qu’il nous faut savoir.
Murine qui est d’ailleurs six pieds sous terre. Parce qu’on ne fait pas longue carrière avec une mitraillette dans le quartier des affaires. Djosse est encore en vie, lui, parce qu'il aime son prochain autant que lui-même. Comme quoi la réinsertion sociale n'est pas nécessairement un mythe, même si ce n'est pas avec un tel sujet qu'on fera un grand film d'action.
Djosse est plutôt un vieux Jesus freak qui ne ferait plus de mal à une mouche. Sa folie a fait son temps. Et il entend se consacrer aux autres pour ce qu’il lui reste à vivre, sans faire de vagues, bien peinard et toujours seul dans son coin.
Djosse est un gaillard de taille moyenne et d’âge d’or. Ses cheveux sont jaune paille et clairsemés. Ses dents sont un peu croches.
Il n’a pas toujours été un ange, Djosse, mais personne ne l’était vraiment dans son quartier, sinon Benoît Bouboule Bournival, un gars qui ne faisait que lire des livres toute la journée et qui ne jouait jamais avec personne.
Djosse a grandi avec une barre à clous et une poche de hockey comme d’autres grandissent avec un compte en banque bien garni et des châteaux en Espagne.
Il s’est donc retrouvé en prison avec nul autre que le célèbre Murine. C’était en 1970, une époque relativement fuckée de l’histoire du Québec, où l’on se faisait des nuits de la poésie et toutes sortes d’hosties d’shows.
Murine n’était pas plus poète qu’un autre mais il voyait bien que l’époque était faite pour les forts en gueule. C’est ainsi qu’il avait promis au juge qu’il s’évaderait de prison lors de son procès.
-J’vais m’évader pauvre con! qu’il lui avait dit en crachant sa glaire dans sa direction.
Djosse nous a raconté cet épisode de sa vie ce matin, au bar Chez Gaston, avec toute la verve qui sied au narrateur d’un récit mettant en scène une grande vedette du crime.
-J’étais en prison en même temps que Murine sacrament! qu’il nous a dit en s’agrandissant les yeux. Y’avait remarqué que les gars dans ‘a tour de garde y’était pas là le lundi parce qu’i' r’levaient d’leu' brosse d’la fin d’semaine. Murine avait d’mandé aux gars d’sa wing de l’aider à s’évader en leu’ promettant qu’i’ r’viendrait pour les aider à s’évader… Ben cibouère! V’ là qu’c’est un lundi. J’su’s dans ‘a cour d’la prison, assis sur une table à pique-nique. Pis qui que j’voés? Murine en personne. Y’est en train de faire un trou dans la clôture avec des instruments qu’i’ se sont patentés, lui pis sa gang. La gang s’évade toé chose pis moé, ben, j’reste là… I’ m’restait juste six mois à purger pis ça m’tentait pas d’me faire rajouter deux ans d’plus…
-Y’est-tu r’venu délivrer les gars? questionna Brutos, le facteur, tout en demandant à la serveuse de rajouter du brandy dans son café pour son cardio.
-Ben oui, répondit Djosse. Deux mois plus tard, Murine est r’venu délivrer les gars comme il l’avait promis. Y’est arrivé avec un gros pick-up pis des gars avec des machine guns. Y’a garroché des grenades sur le mur pis i’ s’est faufilé dans l’trou faitte par l’explosion avec son pick-up… J’étais encore assis dans ‘a cour cette fois-là, sur la même calice de table à pique-nique. Boum! Hostie! Pis Murine qui entre dans ‘a cour avec sa machine gun pis qui vise la tour… Takatakatak! Comme dans les films, maudit hostie! Une autre évasion pour Murine! Cibouère!
Sur ce sacre bien senti, Djosse remet sa tuque et salue sa compagnie.
-Salut la compagnie! qu'il nous dit en crissant son camp.
Raoul, un gars qui connaît bien Djosse et qui a lui aussi fait du temps, nous rapporte par la suite que tout est vrai, sauf le bout de l’histoire où Murine fait feu sur le beffroi avec sa mitraillette.
-C’est pas la même version qu’hier… Ce boutte-là Djosse l’a rajouté ce matin. Y'a dû pogner ça dans l'film...
Peut-être que Djosse beurre épais, mais vrai comme je l’écris, ce gars-là était en prison en même temps que Murine et c’est tout ce qu’il nous faut savoir.
Murine qui est d’ailleurs six pieds sous terre. Parce qu’on ne fait pas longue carrière avec une mitraillette dans le quartier des affaires. Djosse est encore en vie, lui, parce qu'il aime son prochain autant que lui-même. Comme quoi la réinsertion sociale n'est pas nécessairement un mythe, même si ce n'est pas avec un tel sujet qu'on fera un grand film d'action.
mardi 14 décembre 2010
Tant qu'il se portera des pancartes dans les rues
Sous le régime français, il n'y avait pas de démocratie. C'est apparu après la Conquête, sous le régime anglais. Et encore qu'au début seuls les propriétaires et les locataires masculins à hauts revenus pouvaient voter.
Le statut d'électeur s'est progressivement étendu à tous, puis à toutes.
1899 pour le vote des locataires aux élections municipales. 1942 pour le vote des femmes au Québec. Nous sommes partis du gouvernement d'un seul pour aboutir à une démocratie plus participative.
Il reste encore beaucoup à faire. La démocratie porte ses maladies et ses remèdes. Elle peut servir la tyrannie comme elle peut y mettre fin.
Certains politiciens d'un autre âge croit que la démocratie s'assimile à un chèque en blanc pour quatre ans. Ils agissent comme des empereurs romains, offrant au peuple des jeux plutôt que de la justice, de l'écoute et de la probité. Ces politiciens sont le cancer de la démocratie. Lorsqu'ils apparaissent, la machine à gober des sous s'emballe. Ces pharaons rêvent d'arcs de triomphe, d'amphithéâtres et de pyramides de gypse. Ils voient grand pour que cette grandeur serve leur intérêt plutôt que de servir celui de tous les concitoyens, peu importe leur allégeance politique.
La démocratie est encore fragile au Québec. Pourtant, l'histoire nous démontre qu'elle a fait de grands pas. La sagesse nous porte à croire qu'elle en fera d'autres. Les femmes peuvent voter et les locataires aussi.
Les citoyens ont le pouvoir d'influencer le cours des choses non seulement en tant qu'électeurs, mais en tant que membre de la communauté à part entière, ni plus haut ni plus bas que le maire, ex aequo.
La démocratie se construit à tous les jours avec chaque membre de la communauté.
Rien ni personne ne pourra l'arrêter tant qu'il se portera des pancartes dans les rues.
Le statut d'électeur s'est progressivement étendu à tous, puis à toutes.
1899 pour le vote des locataires aux élections municipales. 1942 pour le vote des femmes au Québec. Nous sommes partis du gouvernement d'un seul pour aboutir à une démocratie plus participative.
Il reste encore beaucoup à faire. La démocratie porte ses maladies et ses remèdes. Elle peut servir la tyrannie comme elle peut y mettre fin.
Certains politiciens d'un autre âge croit que la démocratie s'assimile à un chèque en blanc pour quatre ans. Ils agissent comme des empereurs romains, offrant au peuple des jeux plutôt que de la justice, de l'écoute et de la probité. Ces politiciens sont le cancer de la démocratie. Lorsqu'ils apparaissent, la machine à gober des sous s'emballe. Ces pharaons rêvent d'arcs de triomphe, d'amphithéâtres et de pyramides de gypse. Ils voient grand pour que cette grandeur serve leur intérêt plutôt que de servir celui de tous les concitoyens, peu importe leur allégeance politique.
La démocratie est encore fragile au Québec. Pourtant, l'histoire nous démontre qu'elle a fait de grands pas. La sagesse nous porte à croire qu'elle en fera d'autres. Les femmes peuvent voter et les locataires aussi.
Les citoyens ont le pouvoir d'influencer le cours des choses non seulement en tant qu'électeurs, mais en tant que membre de la communauté à part entière, ni plus haut ni plus bas que le maire, ex aequo.
La démocratie se construit à tous les jours avec chaque membre de la communauté.
Rien ni personne ne pourra l'arrêter tant qu'il se portera des pancartes dans les rues.
lundi 13 décembre 2010
Écrire en français avec un accent
J'étais écrasé dans mon fauteuil, hier au soir, autant fourbu qu'assoupi. De la neige mouillante, comme on dit par chez-nous, ce n'est pas comme du duvet dans le creux d'une pelle. Cela prend un peu plus d'huile de coude pour soulever tout ça afin que les moteurs à quatre chevaux circulent sans efforts...
Il y avait à la télé de Radio-Canada les meilleurs moments de Tout le monde en parle, un divertissement léger qui se situe souvent à la limite du badinage. Il y a parfois des éclairs de génie à cette émission, comme n'importe où dans la vraie vie. Il faut seulement tendre ses antennes ou bien se promener avec sa lanterne dans les rues de la cité, à la recherche de quelques traits d'esprit précieux parce que rarissimes.
J'ai été stupéfait par les propos d'un écrivain congolais dont le nom m'a complètement échappé. Laurent Mbogn'o? Laurent Makasso? Laurent Mbwana? Hum... J'y reviendrai quand je n'aurai plus cette lâcheté de délaisser Google pour effectuer cette recherche facile mais hasardeuse.
Je vais plutôt coller à ses propos. L'écrivain congolais prétend écrire avec un accent, celui des siens, au Congo.
-Nous avons été colonisés par la France. C'est à notre tour de coloniser la langue française en l'écrivant avec notre accent! disait-il substantiellement.
Et il avait crissement raison, ce tabarnak.
Nos plus grands écrivains québécois ont écrit avec un accent. Enlevons cet accent et il n'y a plus de littérature, rien que de la pose ou bien de l'imitation.
Émile Nelligan a imité Nerval, Lamartine, Verlaine et Rimbaud. Son oeuvre est plate parce qu'on y cherche l'accent sans le trouver. C'est presque du copier-coller.
Michel Tremblay n'a imité personne. Il a écrit avec son accent. Avec ses tripes. Et son propos est universel. Traduit en plusieurs langues. Et sans doute plus apprécié dans le monde entier que les vers collégiens de Nelligan.
Écrire en français avec un accent québécois... C'est la clé pour faire de la grande littérature au Québec. Autrement, ce ne sera toujours que de l'imitation, de la pose, de la théorie ou, pire encore, que des leçons de grammaire.
Les écrivains québécois et congolais peuvent fièrement coloniser la langue française et la doter de paroles vivantes pour qu'elle n'ait pas l'air d'un bloc de marbre à la Chateaubriand.
Oui tabarnak, on peut écrire comme l'on parle.
Il y avait à la télé de Radio-Canada les meilleurs moments de Tout le monde en parle, un divertissement léger qui se situe souvent à la limite du badinage. Il y a parfois des éclairs de génie à cette émission, comme n'importe où dans la vraie vie. Il faut seulement tendre ses antennes ou bien se promener avec sa lanterne dans les rues de la cité, à la recherche de quelques traits d'esprit précieux parce que rarissimes.
J'ai été stupéfait par les propos d'un écrivain congolais dont le nom m'a complètement échappé. Laurent Mbogn'o? Laurent Makasso? Laurent Mbwana? Hum... J'y reviendrai quand je n'aurai plus cette lâcheté de délaisser Google pour effectuer cette recherche facile mais hasardeuse.
Je vais plutôt coller à ses propos. L'écrivain congolais prétend écrire avec un accent, celui des siens, au Congo.
-Nous avons été colonisés par la France. C'est à notre tour de coloniser la langue française en l'écrivant avec notre accent! disait-il substantiellement.
Et il avait crissement raison, ce tabarnak.
Nos plus grands écrivains québécois ont écrit avec un accent. Enlevons cet accent et il n'y a plus de littérature, rien que de la pose ou bien de l'imitation.
Émile Nelligan a imité Nerval, Lamartine, Verlaine et Rimbaud. Son oeuvre est plate parce qu'on y cherche l'accent sans le trouver. C'est presque du copier-coller.
Michel Tremblay n'a imité personne. Il a écrit avec son accent. Avec ses tripes. Et son propos est universel. Traduit en plusieurs langues. Et sans doute plus apprécié dans le monde entier que les vers collégiens de Nelligan.
Écrire en français avec un accent québécois... C'est la clé pour faire de la grande littérature au Québec. Autrement, ce ne sera toujours que de l'imitation, de la pose, de la théorie ou, pire encore, que des leçons de grammaire.
Les écrivains québécois et congolais peuvent fièrement coloniser la langue française et la doter de paroles vivantes pour qu'elle n'ait pas l'air d'un bloc de marbre à la Chateaubriand.
Oui tabarnak, on peut écrire comme l'on parle.
samedi 11 décembre 2010
Trois heures trente-six du matin
La ville est calme à trois heures trente-six du matin. Surtout quand il fait froid. Les oiseaux de nuit cherchent la chaleur. Les rues sont désertes.
Les lumières de la ville confèrent une étrange coloration à une nuit polaire où la neige et les nuages semblent emprisonner les photons. C'est un jaune tamisé. Avec un genre de blanc bleuté.
C'est calme comme le fantasme d'une nuit de Noël. C'est jaune comme une nativité. C'est cool.
Les lumières de la ville confèrent une étrange coloration à une nuit polaire où la neige et les nuages semblent emprisonner les photons. C'est un jaune tamisé. Avec un genre de blanc bleuté.
C'est calme comme le fantasme d'une nuit de Noël. C'est jaune comme une nativité. C'est cool.
vendredi 10 décembre 2010
L'odeur du Maure
Rhéaume était d'une incroyable lenteur. Si lent en tout et silencieux tout le temps.
Mince, sec et élancé, il ne s'élançait jamais à toute allure. Il allait si lentement dans la vie qu'il finissait par exaspérer tout un chacun. Ce qui fait que Rhéaume ne travaillait pas. À vrai dire, vous ne l'auriez pas embauché vous-mêmes, chers lecteurs et lectrices. Vous auriez été stressés rien que de le voir traîner la savate.
Rhéaume faisait cet effet-là partout sur son trajet.
Il était dans la trentaine avancée en plus d'être laid. Il avait des boutons et des chicots en guise de dents. Il n'était jamais très propre parce qu'il s'était éduqué lui-même.
Sa grande-tante aveugle l'avait prise sous son aile. Elle était gentille, Mira, sa grande-tante aveugle, mais elle ne croyait pas devoir juger le fils de sa petite nièce morte dans un accident de voiture. Elle était aimante, sa grande-tante, tellement qu'elle laissait Rhéaume faire ce qu'il voulait, d'autant plus qu'elle ne voyait pas ce qu'il faisait. Il développa donc sa lenteur et sa senteur muscée au bacon.
Mira Rhéaume finit par mourir il y a dix ans et Jacquelin Rhéaume dut bien quitter son nid.
Rhéaume se trouva lentement un logement qu'il n'avait plus quitté depuis, un logement affreux qui sentait la cigarette même s'il ne fumait pas. C'était l'odeur du voisin du dessous qui règnait dans son logement. Une odeur de cigarette.
Un jour, pour en venir rapidement au coeur de l'histoire, le voisin du dessus se pendit dans son logement et ça se mit à puer encore plus fort dans le loyer de Rhéaume. Mais Rhéaume n'était pas vite pour réagir même quand ça sentait le cadavre chez-lui. Son proprio passa par là à la fin de juillet pour voir si tout allait bien et fut tout de suite surpris par l'odeur de charogne qui régnait dans sa propriété.
-Pouah! Ça sent l'mort! qu'il avait dit.
Et le Maure en question, un Mauritanien dans les quarante-cinq piges qui fumait essentiellement des Presto-Flaque, en avait eu assez des questions. Le proprio figea sans réponse devant son corps qui flottait au-dessus de la poutre du cadrage de porte du salon. C'était un gars ordinaire ce proprio, avec les cheveux peignés sur le côté et des vêtements de taille 2X bleu marin. Le suicide, c'était une sale affaire pour lui, surtout en juillet. Essayez de relouer ça quand tout le monde sait qu'il y a maintenant un fantôme.
-Y'aurait pu s'tuer en janvier calice! Ça pue que l'viârge! Pouah! qu'il avait beugler, le proprio.
Rhéaume, comme à son habitude, fit semblant qu'il ne se passait rien. Il était habitué à puer lui-même et ne se souciait pas plus de la puanteur d'un autre, qu'il soit mort ou vivant. Il poursuivit son inactivité préférée, assis dans son fauteuil, à regarder fixement un point bleu et sans nuage dans le ciel.
Le proprio déblatéra n'importe quoi. Rhéaume ne sortit pas de sa léthargie avant le début de la soirée, moment où il se décida d'aller acheter du push-push à la fragrance de noix de coco pour la première fois de sa vie.
Il se sentait aussi gêné que s'il s'était acheté des capotes pour la première fois. Et probablement plus gêné du fait qu'il ne s'en était jamais acheté, des capotes.
Rhéaume glissa dans ses souliers sans lacets, descendit lentement son escalier et trottina jusqu'à la pharmacie du boulevard.
-C'est... c'est combien cette bouteille de push-push? qu'il demanda à un commis.
-Deux et soixante-dix-neuf, répondit le gros et grand commis en le toisant comme si Rhéaume était une vraie merde.
-Merci... Merci beaucoup... bredouilla Rhéaume en se rendant extrêmement lentement à la caisse avec sa cannisse de push-push en aérosol à la fragrance de noix de coco.
-Monsieur! Monsieur! hurla la caissière au bout d'un certain temps pour tirer Rhéaume de sa rêverie. C'est à votre tour de passer à la caisse!!!
-Ah... fit Rhéaume en traînant la savate jusqu'à la caisse.
-Autre chose? lui demanda la caissière, une jolie fleur dans une peau de vache qui tambourinait impatiemment avec ses ongles sur le plastique de la caisse-enregistreuse.
-J'ai dit: AUTRE CHOSE!!!??? répéta-t-elle.
Rhéaume sortit un peu de sa torpeur et tendit un billet de cinq dollars.
La caissière lui remit sa monnaie puis Rhéaume repartit chez-lui avec sa can de push-push.
Il push-pusha tout son logement avec cette odeur de noix de coco qui n'arrivait pas tout à fait à masquer l'odeur du Maure qui avait été oublié dans son logement parce que le proprio était parti chez Johnny alias le Trèfle pour s'acheter de la poudre.
-Hostie! se dit-il vers trois heures du matin, au bar Chez Ti-Claude. J'ai oublié d'appeler 'a police pour aller décrocher le corps d'Amid, mon locataire qui s'est pendu... Sacrament!!! J'su's pas pour les appeler frosté comme j'su's à c't'heure citte i' vont penser qu'c'est moé qui l'a tué saint-chrême! Tabarnak! J'sus encore dans 'a marde! Maudits suicidés de tabarnak! Ça pourrait pas s'tuer dehors calice?
Rhéaume ne s'en fit pas pour autant. Il sentait bien que c'était franchement nauséabond. Mais il avait sa cannisse de push-push à la noix de coco et se caliçait bien du reste. Même qu'il dormait comme un loir, Rhéaume. malgré cette chaude nuit de juillet et les émanations de ce cadavre qui continuait de pourrir dans le logement du dessous.
Mince, sec et élancé, il ne s'élançait jamais à toute allure. Il allait si lentement dans la vie qu'il finissait par exaspérer tout un chacun. Ce qui fait que Rhéaume ne travaillait pas. À vrai dire, vous ne l'auriez pas embauché vous-mêmes, chers lecteurs et lectrices. Vous auriez été stressés rien que de le voir traîner la savate.
Rhéaume faisait cet effet-là partout sur son trajet.
Il était dans la trentaine avancée en plus d'être laid. Il avait des boutons et des chicots en guise de dents. Il n'était jamais très propre parce qu'il s'était éduqué lui-même.
Sa grande-tante aveugle l'avait prise sous son aile. Elle était gentille, Mira, sa grande-tante aveugle, mais elle ne croyait pas devoir juger le fils de sa petite nièce morte dans un accident de voiture. Elle était aimante, sa grande-tante, tellement qu'elle laissait Rhéaume faire ce qu'il voulait, d'autant plus qu'elle ne voyait pas ce qu'il faisait. Il développa donc sa lenteur et sa senteur muscée au bacon.
Mira Rhéaume finit par mourir il y a dix ans et Jacquelin Rhéaume dut bien quitter son nid.
Rhéaume se trouva lentement un logement qu'il n'avait plus quitté depuis, un logement affreux qui sentait la cigarette même s'il ne fumait pas. C'était l'odeur du voisin du dessous qui règnait dans son logement. Une odeur de cigarette.
Un jour, pour en venir rapidement au coeur de l'histoire, le voisin du dessus se pendit dans son logement et ça se mit à puer encore plus fort dans le loyer de Rhéaume. Mais Rhéaume n'était pas vite pour réagir même quand ça sentait le cadavre chez-lui. Son proprio passa par là à la fin de juillet pour voir si tout allait bien et fut tout de suite surpris par l'odeur de charogne qui régnait dans sa propriété.
-Pouah! Ça sent l'mort! qu'il avait dit.
Et le Maure en question, un Mauritanien dans les quarante-cinq piges qui fumait essentiellement des Presto-Flaque, en avait eu assez des questions. Le proprio figea sans réponse devant son corps qui flottait au-dessus de la poutre du cadrage de porte du salon. C'était un gars ordinaire ce proprio, avec les cheveux peignés sur le côté et des vêtements de taille 2X bleu marin. Le suicide, c'était une sale affaire pour lui, surtout en juillet. Essayez de relouer ça quand tout le monde sait qu'il y a maintenant un fantôme.
-Y'aurait pu s'tuer en janvier calice! Ça pue que l'viârge! Pouah! qu'il avait beugler, le proprio.
Rhéaume, comme à son habitude, fit semblant qu'il ne se passait rien. Il était habitué à puer lui-même et ne se souciait pas plus de la puanteur d'un autre, qu'il soit mort ou vivant. Il poursuivit son inactivité préférée, assis dans son fauteuil, à regarder fixement un point bleu et sans nuage dans le ciel.
Le proprio déblatéra n'importe quoi. Rhéaume ne sortit pas de sa léthargie avant le début de la soirée, moment où il se décida d'aller acheter du push-push à la fragrance de noix de coco pour la première fois de sa vie.
Il se sentait aussi gêné que s'il s'était acheté des capotes pour la première fois. Et probablement plus gêné du fait qu'il ne s'en était jamais acheté, des capotes.
Rhéaume glissa dans ses souliers sans lacets, descendit lentement son escalier et trottina jusqu'à la pharmacie du boulevard.
-C'est... c'est combien cette bouteille de push-push? qu'il demanda à un commis.
-Deux et soixante-dix-neuf, répondit le gros et grand commis en le toisant comme si Rhéaume était une vraie merde.
-Merci... Merci beaucoup... bredouilla Rhéaume en se rendant extrêmement lentement à la caisse avec sa cannisse de push-push en aérosol à la fragrance de noix de coco.
-Monsieur! Monsieur! hurla la caissière au bout d'un certain temps pour tirer Rhéaume de sa rêverie. C'est à votre tour de passer à la caisse!!!
-Ah... fit Rhéaume en traînant la savate jusqu'à la caisse.
-Autre chose? lui demanda la caissière, une jolie fleur dans une peau de vache qui tambourinait impatiemment avec ses ongles sur le plastique de la caisse-enregistreuse.
-J'ai dit: AUTRE CHOSE!!!??? répéta-t-elle.
Rhéaume sortit un peu de sa torpeur et tendit un billet de cinq dollars.
La caissière lui remit sa monnaie puis Rhéaume repartit chez-lui avec sa can de push-push.
Il push-pusha tout son logement avec cette odeur de noix de coco qui n'arrivait pas tout à fait à masquer l'odeur du Maure qui avait été oublié dans son logement parce que le proprio était parti chez Johnny alias le Trèfle pour s'acheter de la poudre.
-Hostie! se dit-il vers trois heures du matin, au bar Chez Ti-Claude. J'ai oublié d'appeler 'a police pour aller décrocher le corps d'Amid, mon locataire qui s'est pendu... Sacrament!!! J'su's pas pour les appeler frosté comme j'su's à c't'heure citte i' vont penser qu'c'est moé qui l'a tué saint-chrême! Tabarnak! J'sus encore dans 'a marde! Maudits suicidés de tabarnak! Ça pourrait pas s'tuer dehors calice?
Rhéaume ne s'en fit pas pour autant. Il sentait bien que c'était franchement nauséabond. Mais il avait sa cannisse de push-push à la noix de coco et se caliçait bien du reste. Même qu'il dormait comme un loir, Rhéaume. malgré cette chaude nuit de juillet et les émanations de ce cadavre qui continuait de pourrir dans le logement du dessous.
jeudi 9 décembre 2010
Rosalma ne fait jamais de «pensi-pansue»
Il n'y a pas que des histoires tristes dans la vie. Ça ne peut pas aller toujours mal. Si ça se peut, d'autant mieux ne pas le savoir.
La naïveté, qui ne rend pas plus sage, permet à tout le moins quelques moments de gymnastique pour les muscles du visage qui ne peuvent être animés que par de la bonne humeur, comme tout le monde le sait.
On gagnera beaucoup de lucidité à être triste. Mais à quoi bon cette lucidité si elle nous donne un air de cul, hein?
Si la vie n'était que de rechercher l'utile et le désagréable, nous aurions tous les bajoues pendantes à trente ans et ce faciès de merde bouillie qui confine l'autre à la fuite quand nous sommes en sa présence.
Il y a toutes les raisons du monde d'être triste, lucide et déconfit. Voilà pourquoi Rosalma Diamond n'a pas toute sa raison. Elle est gaie, extralucide et confite de plaisir.
C'est une petite dame pas plus grosse qu'un protège-tuyau en styromousse.
Elle a une tête de cure-oreilles.
Ses lunettes, sacrament, on dirait de vrais fonds de bouteilles.
Rosalma est vieille, mais son visage est encore bien rond et pas trop fripé pour une bonne femme de quatre-vingt-seize ans bien sonnés.
Elle vit dans un petit studio du quartier Ste-Cécile, à Trois-Rivières, à deux pas du Super Calice où elle va tous les jours pour aller quérir de quoi se mettre sous la dent, des billets de loterie ou bien des cigarettes.
Rosalma n'affiche jamais un air de femme malheureuse alors que tout pourrait concourir à cela: sa petite chambre miteuse, son vieux linge démodé, ses deux ou trois bigoudis pour se friser quelques rares cheveux...
-Moé l'malheur, comme elle dit, j'le laisse pas rentrer dans ma maison! Dans 'a vie, quand t'es triste, tu vas prendre une marche pis quand tu r'viens ben ça file mieux. C'est pour ça que moé j'va's au Super Calice tous 'es jours, pour prendre ma marche, pis ça va tout l'temps ben parce que quand on marche on reste pas là dans son jus à faire la pensi-pansue...
-La pensi-pansue? que je lui ai demandé, comme ça, alors que j'attendais à la caisse derrière elle.
-La pensi-pansue c'est quand tu penses trop pis que tu pètes des fiouses dans ta tête parce qu'icitte pis là pis toutes sortes de maudites affaires de même... Quand tu veux qu'ça aille mal dans 'a vie, t'as même pas besoin de réfléchir, tu vas trouver tous 'es maudites raisons du monde pour faire d'la pensi-pansue!
Non, Rosalma ne fait jamais de «pensi-pansue». Elle ne regarde pas le monde avec des lunettes roses, mais avec des hosties d'gros fonds d'bouteilles. Et, vrai comme je suis là, cette bonne femme sourit tout le temps.
La naïveté, qui ne rend pas plus sage, permet à tout le moins quelques moments de gymnastique pour les muscles du visage qui ne peuvent être animés que par de la bonne humeur, comme tout le monde le sait.
On gagnera beaucoup de lucidité à être triste. Mais à quoi bon cette lucidité si elle nous donne un air de cul, hein?
Si la vie n'était que de rechercher l'utile et le désagréable, nous aurions tous les bajoues pendantes à trente ans et ce faciès de merde bouillie qui confine l'autre à la fuite quand nous sommes en sa présence.
Il y a toutes les raisons du monde d'être triste, lucide et déconfit. Voilà pourquoi Rosalma Diamond n'a pas toute sa raison. Elle est gaie, extralucide et confite de plaisir.
C'est une petite dame pas plus grosse qu'un protège-tuyau en styromousse.
Elle a une tête de cure-oreilles.
Ses lunettes, sacrament, on dirait de vrais fonds de bouteilles.
Rosalma est vieille, mais son visage est encore bien rond et pas trop fripé pour une bonne femme de quatre-vingt-seize ans bien sonnés.
Elle vit dans un petit studio du quartier Ste-Cécile, à Trois-Rivières, à deux pas du Super Calice où elle va tous les jours pour aller quérir de quoi se mettre sous la dent, des billets de loterie ou bien des cigarettes.
Rosalma n'affiche jamais un air de femme malheureuse alors que tout pourrait concourir à cela: sa petite chambre miteuse, son vieux linge démodé, ses deux ou trois bigoudis pour se friser quelques rares cheveux...
-Moé l'malheur, comme elle dit, j'le laisse pas rentrer dans ma maison! Dans 'a vie, quand t'es triste, tu vas prendre une marche pis quand tu r'viens ben ça file mieux. C'est pour ça que moé j'va's au Super Calice tous 'es jours, pour prendre ma marche, pis ça va tout l'temps ben parce que quand on marche on reste pas là dans son jus à faire la pensi-pansue...
-La pensi-pansue? que je lui ai demandé, comme ça, alors que j'attendais à la caisse derrière elle.
-La pensi-pansue c'est quand tu penses trop pis que tu pètes des fiouses dans ta tête parce qu'icitte pis là pis toutes sortes de maudites affaires de même... Quand tu veux qu'ça aille mal dans 'a vie, t'as même pas besoin de réfléchir, tu vas trouver tous 'es maudites raisons du monde pour faire d'la pensi-pansue!
Non, Rosalma ne fait jamais de «pensi-pansue». Elle ne regarde pas le monde avec des lunettes roses, mais avec des hosties d'gros fonds d'bouteilles. Et, vrai comme je suis là, cette bonne femme sourit tout le temps.
mercredi 8 décembre 2010
Mon pays c'est l'hiver
La pelle en main après une première grosse bordée de neige et voilà que tout le monde se parle. Nos voisins, d'ordinaire taciturnes, deviennent formidablement volubiles.
-Ah! c'est bon pour le cardio! dira l'un.
-On en a pas fini avec l'hiver maudit calice! proférera l'autre.
Même moi, qui ne suis pas plus jaseux avec les pas parlables, je me surprends à saluer tout un chacun comme si c'était Noël.
-Ah! que je dis. C'est bon pour le cardio l'hiver, maudit calice de tabarnak!
-Mets-en cibouère! me répondra l'un.
-Christ d'hiver! Ha! Ha! sacrera l'autre.
Si d'aventure une voiture r'vire de d'sour dans la slotche, parce qu'elle est encore sur ses pneus d'été, eh bien nous nous jetterons à dix pour la décoincer, comme si c'était naturel de s'entraider.
Drôles d'oiseaux, les Québécois.
Ils sont à leur meilleur pendant une tempête de neige ou bien quand ça va vraiment mal.
Voleur, policier, flibustier ou moins que rien, c'est comme si les gens de mon pays retrouvaient par jour de tempête leur coeur d'enfant et la grande âme qui vient avec.
-Ah! c'est bon pour le cardio! dira l'un.
-On en a pas fini avec l'hiver maudit calice! proférera l'autre.
Même moi, qui ne suis pas plus jaseux avec les pas parlables, je me surprends à saluer tout un chacun comme si c'était Noël.
-Ah! que je dis. C'est bon pour le cardio l'hiver, maudit calice de tabarnak!
-Mets-en cibouère! me répondra l'un.
-Christ d'hiver! Ha! Ha! sacrera l'autre.
Si d'aventure une voiture r'vire de d'sour dans la slotche, parce qu'elle est encore sur ses pneus d'été, eh bien nous nous jetterons à dix pour la décoincer, comme si c'était naturel de s'entraider.
Drôles d'oiseaux, les Québécois.
Ils sont à leur meilleur pendant une tempête de neige ou bien quand ça va vraiment mal.
Voleur, policier, flibustier ou moins que rien, c'est comme si les gens de mon pays retrouvaient par jour de tempête leur coeur d'enfant et la grande âme qui vient avec.
dimanche 5 décembre 2010
C'est la vie
Arkadiusz Buczkowski n'était pas un Polonais comme les autres. Ceux qu'ils côtoyaient à tout le moins. Il avait pris le contrepied de toute sa communauté. Plutôt que de faire semblant d'être chrétien, il avait décidé qu'il était impossible de faire semblant.
Et, entre vous et moi, Arkadiusz n'allait jamais à l'église. Comme quoi les bons chrétiens ne se trouvent pas nécessairement là où l'on croit pouvoir les trouver. Ils se dérobent aux yeux de tous et parfois personne ne les connaît.
Personne ne connaissait vraiment Arkadiusz. On savait qu'il travaillait fort sur sa ferme, près de Treblinka. Il était aussi un peu musicien et on le payait pour jouer lors des noces ou des congés fériés.
On le surnommait le Grand, parce qu'Arkadiusz était grand. Son nez était croche mais personne ne l'appelait Nez-croche. Un de ses lobes d'oreille était plus petit que l'autre et on ne le surnommait pas plus Petit-lobe-d'oreille. Non, on le surnommait le Grand, et ce n'était pas vraiment par marque d'affection. C'était simplement une évidence biologique somme toute assez banale.
Le village du grand Arkadiusz était essentiellement composé de personnes qui s'accommodaient vite de la dictature pour en tirer quelques bénéfices. Tout un chacun avait accueilli les Allemands en affichant un air de défaite polie. On savait de source sûre qu'ils allaient les laisser tranquilles à leurs affaires s'ils collaboraient avec eux à voler et à tuer des juifs pour une raison qui échappe à l'intelligence humaine.
Le grand Arkadiusz cacha quelques juifs chez-lui, évidemment, et comme il se fermait toujours la gueule, même les nazis lui foutèrent la paix. D'abord, tout le monde disait aux nazis que le Grand n'était pas juif. Et cela semblait suffire.
Le Grand cultivait ses patates comme d'habitude, à quelques pas du plus funeste projet de l'histoire des exterminations humaines. Il devait sa vie sauve à son attitude toujours humble, les yeux rivés au sol, comme si de rien était. Son champs était si près du camp de Treblinka que le bruit des cris et des coups de bâton lui venait aux oreilles à toute heure de la journée. Et l'odeur... Cette indescriptible odeur de mort qui flottait tous les jours sur Treblinka et les alentours...
Les wagons à bestiaux remplis d'être humains qui n'avaient même pas porté les armes...
Juste pour les tuer... Les tuer parce qu'ils étaient juifs...
Le Grand, sa femme et ses deux filles cachaient deux juifs. Jacob, un forgeron dans la trentaine. Et Ruth, sa femme, une institutrice qui parlait français et anglais. Ils avaient aménagé une cache qui communiquait avec le caveau à patates.
Un jour, évidemment, ça s'est su. Des jeunes voyous ont découvert les juifs en allant voler des patates. Puis ils les ont dénoncé auprès de la police polonaise, qui collaborait avec les nazis. Donc, le Grand, sa femme, ses deux filles et les deux juifs se firent ramasser toute la bande et on n'entendit plus jamais parler d'eux.
Tous morts.
Et pendant ce temps, ça mangeait quand même de la saucisse et de la choucroute, partout autour, comme si c'était ça la vie...
Et, entre vous et moi, Arkadiusz n'allait jamais à l'église. Comme quoi les bons chrétiens ne se trouvent pas nécessairement là où l'on croit pouvoir les trouver. Ils se dérobent aux yeux de tous et parfois personne ne les connaît.
Personne ne connaissait vraiment Arkadiusz. On savait qu'il travaillait fort sur sa ferme, près de Treblinka. Il était aussi un peu musicien et on le payait pour jouer lors des noces ou des congés fériés.
On le surnommait le Grand, parce qu'Arkadiusz était grand. Son nez était croche mais personne ne l'appelait Nez-croche. Un de ses lobes d'oreille était plus petit que l'autre et on ne le surnommait pas plus Petit-lobe-d'oreille. Non, on le surnommait le Grand, et ce n'était pas vraiment par marque d'affection. C'était simplement une évidence biologique somme toute assez banale.
Le village du grand Arkadiusz était essentiellement composé de personnes qui s'accommodaient vite de la dictature pour en tirer quelques bénéfices. Tout un chacun avait accueilli les Allemands en affichant un air de défaite polie. On savait de source sûre qu'ils allaient les laisser tranquilles à leurs affaires s'ils collaboraient avec eux à voler et à tuer des juifs pour une raison qui échappe à l'intelligence humaine.
Le grand Arkadiusz cacha quelques juifs chez-lui, évidemment, et comme il se fermait toujours la gueule, même les nazis lui foutèrent la paix. D'abord, tout le monde disait aux nazis que le Grand n'était pas juif. Et cela semblait suffire.
Le Grand cultivait ses patates comme d'habitude, à quelques pas du plus funeste projet de l'histoire des exterminations humaines. Il devait sa vie sauve à son attitude toujours humble, les yeux rivés au sol, comme si de rien était. Son champs était si près du camp de Treblinka que le bruit des cris et des coups de bâton lui venait aux oreilles à toute heure de la journée. Et l'odeur... Cette indescriptible odeur de mort qui flottait tous les jours sur Treblinka et les alentours...
Les wagons à bestiaux remplis d'être humains qui n'avaient même pas porté les armes...
Juste pour les tuer... Les tuer parce qu'ils étaient juifs...
Le Grand, sa femme et ses deux filles cachaient deux juifs. Jacob, un forgeron dans la trentaine. Et Ruth, sa femme, une institutrice qui parlait français et anglais. Ils avaient aménagé une cache qui communiquait avec le caveau à patates.
Un jour, évidemment, ça s'est su. Des jeunes voyous ont découvert les juifs en allant voler des patates. Puis ils les ont dénoncé auprès de la police polonaise, qui collaborait avec les nazis. Donc, le Grand, sa femme, ses deux filles et les deux juifs se firent ramasser toute la bande et on n'entendit plus jamais parler d'eux.
Tous morts.
Et pendant ce temps, ça mangeait quand même de la saucisse et de la choucroute, partout autour, comme si c'était ça la vie...
vendredi 3 décembre 2010
La Noël de Hermé, fan de Hermès Trismégiste
Tout le monde l'appelait Hermé pour ne pas avoir à prononcer plus de deux syllabes par mot. En fait, il s'appelait plutôt Herménégilde Rivard. D'où il venait? Peut-être de Grand-Mère ou de Shawinigan. C'est dur à dire. Tout ce qu'on sait c'est qu'il avait toujours faim même s'il était maigre comme un casseau.
Hermé mangeait ses émotions. Il n'avait pas de ventre, Hermé, juste ce qu'il fallait de peau pour maquiller ses nerfs tendus et ses os noueux.
Hermé aurait pu être beau s'il avait été un peu plus bavard. Comme il ne parlait jamais, il fallait que la femme fasse tout le travail de séduction et à peu près toutes, même les laides, finissaient par se dire qu'il pouvait bien manger d'la marde, Herménégilde Rivard alias Hermé.
Hermé ne parlait que de Hermès Trismégiste, un personnage mythique de l'antiquité associé au dieu égyptien Thot.
À part de ça, Hermé ne travaillait pas. Il glandait en relisant la Table d'émeraude. Il ne vivait en fait que pour l'heure des repas.
Il avait vécu à Montréal, en décembre, l'an passé. Il avait faim. Il avait bouffé son chèque et la banque alimentaire de notre quartier était fermée pour le mois de décembre. On donnerait des paniers de Noël à la place. "Tiens, les pauvres, débrouillez-vous avec ça. Nous fermons en décembre. Le personnel s'en va se relaxer dans le Sud, écoeuré de vous voir la face. Vous reviendrez en janvier, quand vous serez rendus au fond de votre panier de Noël. Trouvez-vous une job sacrament!"
Hermé ne pouvait pas se trouver une job. Il était crissement fucké. Il en faisait peur. Il passait son temps à se taper le front avec un crayon. Vous imaginez ça en entrevue? Vous l'engageriez, vous? Me semble que non...
Donc, Hermé n'avait pas de job. Il ne pouvait plus aller chercher de la bouffe aux Partisans de l'Amour. Il ne lui restait plus qu'à crisser son camp à Montréal où il y a toujours de la bouffe gratuite à y trouver quand on est débrouillard. Des ressources, il y en a toujours bien un petit peu. Et Hermé avait le don de toutes les faire pour s'outrenourrir.
Il mangeait comme un ogre, Hermé, cet indécrottable mendiant ingrat au sens où l'entendait sans doute l'ineffable Léon Bloy.
Oh! Il disait merci, Hermé. Mais il ne se jetait pas par terre pour vous baiser les pieds. Il rotait dans sa main et se redonnait des coups de crayon dans le front: toc, toc, toc... Cognant sur l'araignée de son plafond.
Il a mangé plus qu'à satiété en décembre 2009. Montréal, on a beau dire, ce n'est pas comme cette putain de Trois-Rivières où la faim vous tenaille, où il n'y a que des paniers de Noël à bouffer en décembre, et c'est à en bouffer du carton saint-ciboire d'hostie d'calice!
Hermé était bien content d'être un presqu'itinérant à Montréal. Il squattait dans un vieux hangar abandonné du quartier Rosemont. Et chaque matin il faisait sa tournée des lieux où l'on distribuait de la bouffe gratuitement. Comme il savait lire et écrire, il alla quérir un bottin des ressources communautaires de la ville et il fit sa tournée de pique-assiette-toctoc-coups-d'crayon-dans-l'front avec son guide des tablées les plus gratuites de l'île de Montréal.
Il a mangé en sacrament en décembre 2009. Plus de huit repas par jour parfois s'il faisait ça vite.
Je ne vous raconterai pas comment il a fait ça mais je le crois.
Tout comme je crois son récit à propos de sa Noël de l'an passé.
-Il y avait des repas de Noël partout! J'ai mangé dans toutes les sectes chrétiennes de Montréal: catholiques, protestantes, orthodoxes, évangélistes, luthériens, anglicans... Puis j'ai relu la Table d'émeraude de Hermès Trismégiste... As-tu déjà lu ça, Gaétan, la Table d'émeraude?
Oui, j'avais malheureusement lu ça. Ce qui m'obligeait à entretenir une certaine forme de solidarité avec Hermé et de lui refiler quelques jetons quand je le croisais afin d'apaiser ma culpabilité.
-Merci Gaétan! T'es ben blood... Hermès Trismégiste... Le Poimandrès! Ha! ha!
-Ha! Ha! que j'ai ri poliment. Le Poimandrès!
Et il se redonna des coups de crayon dans le front, Hermé. Toctoctoc. Peut-être qu'il était autiste. Ou bien tout simplement lessivé par le genre de vie qu'on mène.
-Ha! Ha! Ha! qu'il ajouta.
Quoi qu'il en soit Hermé a poursuivi en me racontant sa Noël de l'an passé.
-J'ai beaucoup trop mangé à Noël l'an passé. J'étais à Montréal. J'ai fait huit places où l'on donnait des repas gratuits. J'ai fini à l'hôpital... J'ai fait une indigestion sévère... Une chance que j'avais avec moi la Table d'émeraude de Hermès Trismégiste... J'ai pu la relire six fois sur ma civière, dans un des corridors de l'hôpital... Oyoye! Ha! Ha! Et cette année, je compte bien retourner à Montréal... Les Partisans de l'Amour distribuent leur calice de paniers de Noël et ils seront fermés jusqu'en janvier... J'me vois pas manger juste un ou deux paniers de Noël en décembre... J'vais r'tourner squatter à Montréal. Pis j'va's m'bourrer la bedaine comme i' faut... Comme dirait Hermès Trismégiste, quand la Pythie va tout va... La Pythie! Ha! Ha! La devineresse d'Apollon qui hurlait littéralement ses oracles... Est bonne hein?
-Ha! Ha! que j'ai fait semblant de rire.
Ce matin, j'ai croisé Hermé. Il s'en allait avec son packsac en direction de la bretelle de l'autoroute 55. Il s'était fait une petite pancarte en carton sur laquelle il avait écrit Montréal au crayon feutre.
-J'ai faim. Leur hostie d'panier d'Noël i' peuvent ben se l'crisser dans l'cul! me confia-t-il. Foin des Partisans de l'Amour! J'les trouve pas drôle de fermer pendant un mois! J'mangeais là tous les midis! Même que j'payais en plus! Maudite ville de cheapze qui font payer les mendiants qui ont faim!!! Une piastre et demie calice!!! Bientôt deux piastres!!! Ben i' vont m'perdre! J'vais aller vivre à Montréal, moé, oui monsieur!
Hermé devait probablement avoir sa Table d'émeraude dans son sac. Il se crissait encore des coups de crayon dans l'front. Toctoctoc.
Il ne neigeait pas. Le temps était maussade. La neige avait fondue. Mais il y avait tout de même une petite coloration jaunâtre dans le ciel. Quelque chose comme le prélude d'une belle journée.
Hermé mangeait ses émotions. Il n'avait pas de ventre, Hermé, juste ce qu'il fallait de peau pour maquiller ses nerfs tendus et ses os noueux.
Hermé aurait pu être beau s'il avait été un peu plus bavard. Comme il ne parlait jamais, il fallait que la femme fasse tout le travail de séduction et à peu près toutes, même les laides, finissaient par se dire qu'il pouvait bien manger d'la marde, Herménégilde Rivard alias Hermé.
Hermé ne parlait que de Hermès Trismégiste, un personnage mythique de l'antiquité associé au dieu égyptien Thot.
À part de ça, Hermé ne travaillait pas. Il glandait en relisant la Table d'émeraude. Il ne vivait en fait que pour l'heure des repas.
Il avait vécu à Montréal, en décembre, l'an passé. Il avait faim. Il avait bouffé son chèque et la banque alimentaire de notre quartier était fermée pour le mois de décembre. On donnerait des paniers de Noël à la place. "Tiens, les pauvres, débrouillez-vous avec ça. Nous fermons en décembre. Le personnel s'en va se relaxer dans le Sud, écoeuré de vous voir la face. Vous reviendrez en janvier, quand vous serez rendus au fond de votre panier de Noël. Trouvez-vous une job sacrament!"
Hermé ne pouvait pas se trouver une job. Il était crissement fucké. Il en faisait peur. Il passait son temps à se taper le front avec un crayon. Vous imaginez ça en entrevue? Vous l'engageriez, vous? Me semble que non...
Donc, Hermé n'avait pas de job. Il ne pouvait plus aller chercher de la bouffe aux Partisans de l'Amour. Il ne lui restait plus qu'à crisser son camp à Montréal où il y a toujours de la bouffe gratuite à y trouver quand on est débrouillard. Des ressources, il y en a toujours bien un petit peu. Et Hermé avait le don de toutes les faire pour s'outrenourrir.
Il mangeait comme un ogre, Hermé, cet indécrottable mendiant ingrat au sens où l'entendait sans doute l'ineffable Léon Bloy.
Oh! Il disait merci, Hermé. Mais il ne se jetait pas par terre pour vous baiser les pieds. Il rotait dans sa main et se redonnait des coups de crayon dans le front: toc, toc, toc... Cognant sur l'araignée de son plafond.
Il a mangé plus qu'à satiété en décembre 2009. Montréal, on a beau dire, ce n'est pas comme cette putain de Trois-Rivières où la faim vous tenaille, où il n'y a que des paniers de Noël à bouffer en décembre, et c'est à en bouffer du carton saint-ciboire d'hostie d'calice!
Hermé était bien content d'être un presqu'itinérant à Montréal. Il squattait dans un vieux hangar abandonné du quartier Rosemont. Et chaque matin il faisait sa tournée des lieux où l'on distribuait de la bouffe gratuitement. Comme il savait lire et écrire, il alla quérir un bottin des ressources communautaires de la ville et il fit sa tournée de pique-assiette-toctoc-coups-d'crayon-dans-l'front avec son guide des tablées les plus gratuites de l'île de Montréal.
Il a mangé en sacrament en décembre 2009. Plus de huit repas par jour parfois s'il faisait ça vite.
Je ne vous raconterai pas comment il a fait ça mais je le crois.
Tout comme je crois son récit à propos de sa Noël de l'an passé.
-Il y avait des repas de Noël partout! J'ai mangé dans toutes les sectes chrétiennes de Montréal: catholiques, protestantes, orthodoxes, évangélistes, luthériens, anglicans... Puis j'ai relu la Table d'émeraude de Hermès Trismégiste... As-tu déjà lu ça, Gaétan, la Table d'émeraude?
Oui, j'avais malheureusement lu ça. Ce qui m'obligeait à entretenir une certaine forme de solidarité avec Hermé et de lui refiler quelques jetons quand je le croisais afin d'apaiser ma culpabilité.
-Merci Gaétan! T'es ben blood... Hermès Trismégiste... Le Poimandrès! Ha! ha!
-Ha! Ha! que j'ai ri poliment. Le Poimandrès!
Et il se redonna des coups de crayon dans le front, Hermé. Toctoctoc. Peut-être qu'il était autiste. Ou bien tout simplement lessivé par le genre de vie qu'on mène.
-Ha! Ha! Ha! qu'il ajouta.
Quoi qu'il en soit Hermé a poursuivi en me racontant sa Noël de l'an passé.
-J'ai beaucoup trop mangé à Noël l'an passé. J'étais à Montréal. J'ai fait huit places où l'on donnait des repas gratuits. J'ai fini à l'hôpital... J'ai fait une indigestion sévère... Une chance que j'avais avec moi la Table d'émeraude de Hermès Trismégiste... J'ai pu la relire six fois sur ma civière, dans un des corridors de l'hôpital... Oyoye! Ha! Ha! Et cette année, je compte bien retourner à Montréal... Les Partisans de l'Amour distribuent leur calice de paniers de Noël et ils seront fermés jusqu'en janvier... J'me vois pas manger juste un ou deux paniers de Noël en décembre... J'vais r'tourner squatter à Montréal. Pis j'va's m'bourrer la bedaine comme i' faut... Comme dirait Hermès Trismégiste, quand la Pythie va tout va... La Pythie! Ha! Ha! La devineresse d'Apollon qui hurlait littéralement ses oracles... Est bonne hein?
-Ha! Ha! que j'ai fait semblant de rire.
Ce matin, j'ai croisé Hermé. Il s'en allait avec son packsac en direction de la bretelle de l'autoroute 55. Il s'était fait une petite pancarte en carton sur laquelle il avait écrit Montréal au crayon feutre.
-J'ai faim. Leur hostie d'panier d'Noël i' peuvent ben se l'crisser dans l'cul! me confia-t-il. Foin des Partisans de l'Amour! J'les trouve pas drôle de fermer pendant un mois! J'mangeais là tous les midis! Même que j'payais en plus! Maudite ville de cheapze qui font payer les mendiants qui ont faim!!! Une piastre et demie calice!!! Bientôt deux piastres!!! Ben i' vont m'perdre! J'vais aller vivre à Montréal, moé, oui monsieur!
Hermé devait probablement avoir sa Table d'émeraude dans son sac. Il se crissait encore des coups de crayon dans l'front. Toctoctoc.
Il ne neigeait pas. Le temps était maussade. La neige avait fondue. Mais il y avait tout de même une petite coloration jaunâtre dans le ciel. Quelque chose comme le prélude d'une belle journée.
jeudi 2 décembre 2010
Le Québec des crétins
Le Québec n'est pas la province la plus corrompue du Canada.
Nous vivons sous un régime bon et magnanime où les contrats sont toujours attribués aux honnêtes gens, sans aucune forme de népotisme ou de conflits d'intérêts. On dépense ce que ça coûte puisque c'est au Québec que ça se fait.
Nos décideurs politiques sentent bon parce qu'ils se lavent souvent les mains avec du Piourelle. Ils mangent des bines avec leurs gentils colporteurs du dimanche. Ils envoient des cartes de sincères condoléances chaque fois qu'une âme quitte le comté. Ils ont toujours le sourire aux lèvres et on ne peut les accuser de mener une vraie passion envers le Québec et leur communauté. Ils veulent notre bien et certainement qu'ils l'obtiendront puisqu'ils le méritent.
Quand on attaque le Québec, ils sont les premiers à se lever, nos députés. Quand on les attaque, nos fougueux représentants du peuple, évidemment qu'on attaque tout le Québec. Dire de tel député qu'il est un crosseur, par exemple, c'est insulter tout le Québec avec un gros Q. Voyons! Nous ne laisserons personne insulter le Québec, en commençant par nos vaillants et toujours sincères députés et députées avec un e.
Oh! Vils conquérants des Plaines d'Abraham qui ne font que montrer nos travers, alors que tout va si bien, si rondement, si froidement. Le Québec est maître de sa destinée et c'est tout naturel que les Québécois leur confient un chèque en blanc pour quatre ans, symbole de notre reconnaissance envers ces notables qui se dévouent corps et âme pour nos grands sacrifices. Le Québec réussit. Le Québec est parfait. Le Québec est le nombril du monde. Et tous ceux et celles qui parlent contre nos élites parleront toujours contre le Québec, le vrai Québec, le gros Québec avec un gros Q, le Québec des crétins.
Autant rêver...
Nous vivons sous un régime bon et magnanime où les contrats sont toujours attribués aux honnêtes gens, sans aucune forme de népotisme ou de conflits d'intérêts. On dépense ce que ça coûte puisque c'est au Québec que ça se fait.
Nos décideurs politiques sentent bon parce qu'ils se lavent souvent les mains avec du Piourelle. Ils mangent des bines avec leurs gentils colporteurs du dimanche. Ils envoient des cartes de sincères condoléances chaque fois qu'une âme quitte le comté. Ils ont toujours le sourire aux lèvres et on ne peut les accuser de mener une vraie passion envers le Québec et leur communauté. Ils veulent notre bien et certainement qu'ils l'obtiendront puisqu'ils le méritent.
Quand on attaque le Québec, ils sont les premiers à se lever, nos députés. Quand on les attaque, nos fougueux représentants du peuple, évidemment qu'on attaque tout le Québec. Dire de tel député qu'il est un crosseur, par exemple, c'est insulter tout le Québec avec un gros Q. Voyons! Nous ne laisserons personne insulter le Québec, en commençant par nos vaillants et toujours sincères députés et députées avec un e.
Oh! Vils conquérants des Plaines d'Abraham qui ne font que montrer nos travers, alors que tout va si bien, si rondement, si froidement. Le Québec est maître de sa destinée et c'est tout naturel que les Québécois leur confient un chèque en blanc pour quatre ans, symbole de notre reconnaissance envers ces notables qui se dévouent corps et âme pour nos grands sacrifices. Le Québec réussit. Le Québec est parfait. Le Québec est le nombril du monde. Et tous ceux et celles qui parlent contre nos élites parleront toujours contre le Québec, le vrai Québec, le gros Québec avec un gros Q, le Québec des crétins.
Autant rêver...
mercredi 1 décembre 2010
La sagesse d'un boîteux
Épictète, en plus de boîter d'une jambe, était esclave. Il était l'esclave d'un affranchi de l'empereur Néron. C'est cet ancien esclave de l'empereur qui lui a d'ailleurs pété la jambe. Et la légende veut qu'Épictète lui ait simplement dit «si tu continues, tu vas me la casser» presqu'en sifflant comme si de rien était.
Épictète, par ailleurs, cela veut dire en grec «homme acheté» ou «serviteur». Son maître l'appelait «Serviteur boîteux»...
«Serviteur» a finalement été lui-même affranchi de son maître cruel dans des circonstances nébuleuses. Et «Boîteux» a poursuivi son chemin en fondant une école où il enseignait sa philosophie, le stoïcisme.
Qu'est-ce que le stoïcisme? Je n'ai pas envie de répondre à cette question. Aussi je vais faire les coins ronds.
Le stoïcisme c'est un art de vivre bien plus qu'une foutue théorie à la noix dont raffolent les demis-philosophes qui se chargent d'en saigner dans nos universités.
L'art de vivre est étranger aux théoriciens et ne les rattrape qu'au détour d'une longue maladie ou bien d'un suicide.
Épictète était esclave et il boîtait. Il servait un maître tyrannique et vivait en un temps où l'empereur émettait des décrets pour chasser de Rome les philosophes. La rondelle ne roulait pas pour lui. Il vivait en une sale époque dans le mauvais rôle.
Épictète ne pouvait pas changer sa condition d'esclave ni fuir bien loin en boîtant.
Alors il s'est mis à réfléchir et disons qu'il a plutôt aimé ça, à défaut de pouvoir vivre autre chose. Il s'est affranchi de ce qui ne dépendait pas de lui. Il n'a pas accusé les autres. Il ne s'est même pas accusé lui-même. Il a pris le parti d'en rire, un peu comme Bouddha. Il a vaincu la peur, la souffrance et le désir. On peut le frapper, il ne se sentira pas atteint puisqu'il a terrassé ses démons intérieurs.
Nietzsche a dit d'Épictète qu'il fallait boîter pour penser ainsi. Une nature plus forte et plus saine peut terrasser tout un chacun et imposer sa morale, sa vision du bien et du mal.
Entre vous et moi, Nietzsche est un emmerdeur. Il se croyait de noblesse polonaise. Et qu'est-ce qu'on s'en torche de sa noblesse et de sa philosophie à coups de marteau. Il portait un maillot de bain ridicule quand il allait sur la plage avec son ami Machin et sa muse Lou-Andréas Salomé. Sa moustache était affreuse. Et ses sourcils étaient plus énormes que sa grosse moustache merdeuse. Il jouait au dur par écrit et n'était dans la vraie vie qu'un petit papillon bleu syphilitique facilement écrasable par le premier sous-manutentionnaire venu.
N'empêche que Dostoïevski et Soljenitsyne trouvaient une plus grande consolation à lire le Manuel et les Entretiens d'Épictète du temps de leur emprisonnement. Nietzsche ce n'est pas une lecture de prison.
Comme quoi les conseils d'un boîteux sont préférables aux délires d'un syphilitique.
La morale de l'histoire? Aucune. Comme d'habitude.
Épictète, par ailleurs, cela veut dire en grec «homme acheté» ou «serviteur». Son maître l'appelait «Serviteur boîteux»...
«Serviteur» a finalement été lui-même affranchi de son maître cruel dans des circonstances nébuleuses. Et «Boîteux» a poursuivi son chemin en fondant une école où il enseignait sa philosophie, le stoïcisme.
Qu'est-ce que le stoïcisme? Je n'ai pas envie de répondre à cette question. Aussi je vais faire les coins ronds.
Le stoïcisme c'est un art de vivre bien plus qu'une foutue théorie à la noix dont raffolent les demis-philosophes qui se chargent d'en saigner dans nos universités.
L'art de vivre est étranger aux théoriciens et ne les rattrape qu'au détour d'une longue maladie ou bien d'un suicide.
Épictète était esclave et il boîtait. Il servait un maître tyrannique et vivait en un temps où l'empereur émettait des décrets pour chasser de Rome les philosophes. La rondelle ne roulait pas pour lui. Il vivait en une sale époque dans le mauvais rôle.
Épictète ne pouvait pas changer sa condition d'esclave ni fuir bien loin en boîtant.
Alors il s'est mis à réfléchir et disons qu'il a plutôt aimé ça, à défaut de pouvoir vivre autre chose. Il s'est affranchi de ce qui ne dépendait pas de lui. Il n'a pas accusé les autres. Il ne s'est même pas accusé lui-même. Il a pris le parti d'en rire, un peu comme Bouddha. Il a vaincu la peur, la souffrance et le désir. On peut le frapper, il ne se sentira pas atteint puisqu'il a terrassé ses démons intérieurs.
Nietzsche a dit d'Épictète qu'il fallait boîter pour penser ainsi. Une nature plus forte et plus saine peut terrasser tout un chacun et imposer sa morale, sa vision du bien et du mal.
Entre vous et moi, Nietzsche est un emmerdeur. Il se croyait de noblesse polonaise. Et qu'est-ce qu'on s'en torche de sa noblesse et de sa philosophie à coups de marteau. Il portait un maillot de bain ridicule quand il allait sur la plage avec son ami Machin et sa muse Lou-Andréas Salomé. Sa moustache était affreuse. Et ses sourcils étaient plus énormes que sa grosse moustache merdeuse. Il jouait au dur par écrit et n'était dans la vraie vie qu'un petit papillon bleu syphilitique facilement écrasable par le premier sous-manutentionnaire venu.
N'empêche que Dostoïevski et Soljenitsyne trouvaient une plus grande consolation à lire le Manuel et les Entretiens d'Épictète du temps de leur emprisonnement. Nietzsche ce n'est pas une lecture de prison.
Comme quoi les conseils d'un boîteux sont préférables aux délires d'un syphilitique.
La morale de l'histoire? Aucune. Comme d'habitude.