vendredi 24 avril 2009
IL VOULAIT DEVENIR ARTISTE-PEINTRE
Je vais vous raconter l'histoire d'un peintre en bâtiment qui souhaitait devenir un artiste-peintre, tiens.
Il s'appelle Jacques mais tout le monde le surnomme Jack. Et comme il est débonnaire on dit aussi de lui que c'est un hostie de bon Jack.
Le bon Jack s'appelle tout au long Jacques Marcouiller. Son numéro d'assurance sociale est le 265 289 987. Il est né le 8 mai 1969. Le nom de jeune fille de sa mère est Éva Cooke. Maintenant, il ne vous reste plus qu'à vider son compte en banque.
Marcouiller, alias Jack, peint presque tous les jours, en-dessous de la table comme il dit, pour toutes sortes de professionnels du travail au noir. Et il fait ça depuis, ho, un sacré bon bout de temps. Depuis toujours. Bien qu'il ait été palefrenier à l'hippodrome quand il avait seize ans et trois quart. Et concierge à dix-sept ans. Décapeur de planchers à dix-huit. Terrassier à dix-neuf. Et peintre en bâtiment depuis toujours.
Ce n'est pas qu'il ait ça dans le sang, Jack, c'est juste qu'il a dit présent quand on lui a demandé si ça lui tentait de peindre un appartement à dix piastres de l'heure en-dessous de la table. Son prix n'a jamais changé depuis lors et il a toujours eu plein de contrats parce que, voyez-vous, c'est vraiment un bon Jack.
Donc, il plâtre, tire les joints, sable, fait le découpage et peint des tas de murs tous les jours depuis un christ de bon bout de temps.
Un jour, mercredi dernier en fait, Marcouiller a pété une coche et s'est dit qu'il était maintenant un artiste-peintre à temps plein et que sa peinture vaudrait maintenant de l'or.
Tout le monde lui disait depuis toujours qu'il faisait de la belle ouvrage, toé chose, des tas de murs bien découpés et peints sans coulisses. Des murs au niveau comme ça s'était jamais vu. Et pas une seule tache une fois la job terminée. Du travail de professionnel, sinon d'artiste.
-Ouin! Vous dites que j'fais d'la belle job? M''a vous en faire d'la belle job moé toé chose!
Et le voilà qui pète sa coche, évidemment. C'était mercredi dernier. À quatorze heures trente-deux et dix-huit secondes.
Il s'est mis à dessiner sur les murs, imaginez! De gros traits en bleu foncé sur un mur barbouillé de coups de rouleau imbibé de blanc coquille d'oeuf. Marcouiller avait pété sa coche et il s'était mis à dessiner des filles avec des gros totons et des soleils souriants sur tous les murs du putain d'immeuble, propriété de la compagnie Les gestions immobilières Durand & beaux-frères qui l'employait au noir, au sempiternel tarif de dix piastres de l'heure.
C'était le résultat d'une de ses récentes fripes de fripon frappé par la frénésie de la quarantaine. Certains l'ont facile. D'autres non.
Jacques Marcouiller, alias le bon Jack, ne l'avait pas facile.
Qu'est-cé qu'i y'a pris sacrement de toutte bullshiter sa job pis de dessiner des filles avec des gros totons sur les murs du loyer qu'i' d'vait repeindre, cet hostie-là? (Sans oublier ses soleils souriants.)
J'le sais pas pantoute ce qu'i' y'a pris. Y'a pété une coche. Y'a voulu devenir artiste-peintre.
Dans la soirée de mercredi dernier, y'est revenu sur terre. Marcouiller a redonné deux couches de flatte sur ces murs recouverts de filles avec des gros totons. Et il a donné deux couches de blanc coquille d'oeuf par-dessus tout ça et deux couches de bleu foncé sur le mur du fond. Il a fini sa job vers les petites heures du matin.
Jeudi matin, le lendemain, il n'est pas rentré au boulot, prétextant une grosse grippe.
Et il s'est juré qu'on ne l'y reprendrait plus à péter une coche.
Et à se paqueter la fraise trop de bonne heure.
Ses promesses d'alcoolique, quoi.
Marcouiller est un bon Jack, mais il n'est pas du genre à siroter un bon Jack Daniels, si vous voyez ce que je veux dire.
I' tank comme un tabarnak.
Pis quand y'est saoul i' pète une coche.
***
«CONSEIL PRATIQUE» DE LA SEMAINE
Tous les vendredis matins, à heure fixe, question de finir la semaine en beauté.
Placez une bouteille d'eau tiède au frigo pendant vingt-quatre heures et vous aurez le lendemain une bouteille d'eau froide. Ou bien d'eau tiède si le frigo est débranché. Ou bien une bouteille vide si la bouteille est percée. Une bouteille vide froide si la bouteille est percée et que le frigo est branché.
merci pour le conseil.
RépondreEffacerténèque.